N° RG 20/01738 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IPGV
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 17 NOVEMBRE 2022
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE DIEPPE du 06 Mai 2020
APPELANTE :
Association FOYER DUQUESNE
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Céline BART de la SELARL EMMANUELLE BOURDON-CÉLINE BART AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Catherine LEMONNIER-ALLEGRET-BOURDON, avocat au barreau de DIEPPE
INTIMEE :
Madame [U] [O]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me François GARRAUD de la SCP GARRAUD OGEL LARIBI HAUSSETETE, avocat au barreau de DIEPPE substituée par Me Anne-Sophie LEBLOND, avocat au barreau de DIEPPE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 05 Octobre 2022 sans opposition des parties devant Madame ALVARADE, Présidente, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente
Madame ALVARADE, Présidente
Madame BACHELET, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme DUBUC, Greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 05 Octobre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 17 Novembre 2022
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 17 Novembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame ALVARADE, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [U] [O] a été embauchée par l'association Foyer Duquesne en qualité de secrétaire suivant contrat à durée déterminée du 3 janvier 1996. La relation s'est poursuivie sous la forme d'un contrat à durée indéterminée.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des établissements et services pour personnes inaptes et handicapées du 15 mars 1966.
L'association Foyer Duquesne employait habituellement au moins onze salariés au moment du licenciement.
Par courrier remis en main propre le 2 juillet 2015, Mme [O] a été convoquée un entretien préalable à une sanction disciplinaire fixée au 13 juillet 2015 et par courrier recommandé posté le 8 août 2015, il lui a été infligé un avertissement, qu'elle a contesté par courrier du 1er septembre 2015, puis devant la juridiction prud'homale suivant requête du 2 novembre 2015.
Après avoir été convoquée à un entretien préalable fixé le 22 août 2016, Mme [O], par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 30 août 2016, a été licenciée pour faute grave.
Après radiation en date du 30 novembre 2017, l'affaire a été réinscrite au rôle suivant demande de la salariée du 17 avril 2018.
Mme [O] a actualisé ses prétentions sollicitant diverses sommes tant en exécution qu'au titre de la rupture du contrat de travail, contestant le bien-fondé de son licenciement et soutenant ne pas avoir été remplie de ses droits.
Par jugement du 6 mai 2020, le conseil de prud'hommes de Dieppe a :
- annulé la sanction disciplinaire du 8 août 2015,
- condamné l'association Foyer Dusquesne à verser à Mme [O] les sommes suivantes :
dommages et intérêts pour sanction injustifiée : 100 euros,
rappel de salaire : 1 176,48 euros,
indemnité de licenciement : 9 288,14 euros,
indemnité de préavis : 5 429,99 euros,
congés payés sur préavis : 542,99 euros,
licenciement abusif : 30 000 euros,
- débouté Mme [O] de ses autres demandes,
- condamné l'association Foyer Duquesne au paiement de la somme de 1 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
L'association Foyer Duquesne a interjeté appel de cette décision le 5 juin 2020 dans des formes et délais qui ne sont pas critiqués.
Par conclusions remises le 14 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, l'association Foyer Duquesne demande à la cour de voir :
- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes,
- débouter Mme [U] [O] de l'ensemble de ses demandes et, statuant à nouveau,
Avant dire droit,
- voir ordonner la production ou le visionnage des vidéos dans un format qui lui convienne avec, à l'appui des photographies de Mme [O] démontrant que la personne filmée est bien l'intimée,
à titre principal,
- rejeter, au titre du principe du contradictoire, la pièce adverse n° 19 dans la mesure où celle-ci est parfaitement illisible et n'a pas été adressée à l'association afin que celle-ci puisse l'étudier et y répondre,
- rejeter, au titre du principe du contradictoire, la pièce adverse n° 25, dans la mesure où celle-ci n'a pas été visée dans les conclusions adverses de première instance empêchant alors l'association d'organiser sa défense ;
- constater que le principe du contradictoire n'a nullement été respectée par Mme [U] [O] dans la mesure où l'Association n'a pas été pleinement informée de l'argumentation juridique qui lui a été opposée à l'audience,
- constater que les faits justifiant l'avertissement prononcé le 8 août 2015 sont avérés et que la sanction est proportionnée à la gravite de ces faits,
en conséquence,
- débouter la salariée de sa demande en annulation de cette sanction et de sa demande de dommages et intérêts y afférents, alors qu'elle ne justifie ni d'un préjudice, ni de son quantum ;
- constater que les faits justifiant le licenciement prononcé pour faute grave le 30 août 2016 sont avérés et que la sanction est proportionnée à la gravité de ces faits,
en conséquence,
- dire et juger que le licenciement est motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse rendant impossible la poursuite de la relation de travail y compris pendant la période de préavis,
- débouter Mme [U] [O] de sa demande tendant à dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de ses demandes indemnitaires afférentes,
- débouter également Mme [O] de sa demande en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis,
à titre subsidiaire,
- débouter Mme [O] de sa demande de licenciement sans cause réelle et sérieuse et de ses demandes indemnitaires afférentes,
- débouter Mme [O] de sa demande en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis,
A titre infiniment subsidiaire,
- limiter le montant des dommages et intérêts pour licenciement abusif à trois mois de salaire, soit 8 144,45 euros,
en tout état de cause,
- condamner Mme [U] [O] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code civil et aux entiers dépens.
Par conclusions remises le 19 novembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, Mme [U] [O] demande à la cour de :
- lui donner acte qu'elle s'en rapporte à la justice sur la communication de la pièce n° 19,
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a condamné l'association Foyer Duquesne à lui régler :
dommages et intérêts pour sanction injustifiée : 100 euros,
rappel de salaire : 1 176,48 euros,
indemnité de licenciement : 9 288,14 euros,
indemnité de préavis : 5 429,90 euros,
dommages et intérêts pour licenciement abusif : 30 000 euros,
article 700 du code de procédure civile : 1 300 euros,
y ajoutant,
- débouter l'association de l'ensemble de ses demandes
- condamner l'association Foyer Duquesne à lui régler une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 15 septembre 2022.
MOTIFS
1 - Sur la demande de rejet des pièces 19 et 25 communiquées par Mme [O]
L'association Foyer Duquesne sollicite le rejet de la pièce n° 19 faisant valoir qu'elle est illisible et qu'elle n'a donc pas été mise en mesure d'y répondre utilement.
La pièce en cause consiste en des photographies de son calendrier prises par la salariée à l'aide de son téléphone portable, mentionnant au titre de l'année « 2016 » puis « 2011 », les congés qu'elle aurait posés, pièce communiquée à l'appui de sa demande au titre de congés supplémentaires.
La cour n'étant pas saisie à hauteur d'appel de cette prétention, rejetée en première instance, la demande tendant à écarter ladite pièce est dès lors sans objet.
S'agissant de la pièce n° 25, intitulée « offre d'emploi », l'association Foyer Duquesne fait valoir que la salariée se contente de communiquer la pièce en cause sans autre indication, ni précision sur les demandes y afférentes, que cette pièce devra être rejetée pour non-respect du principe du contradictoire.
La simple lecture de la pièce en cause qui concerne une offre d'emploi de secrétaire comptable au sein de l'association avec un descriptif du profil de poste, actualisée au 26 juillet 2018 et celle des conclusions de la salariée, y faisant référence en page 12, permet de constater qu'elle est versée à l'appui de la contestation de son licenciement, ces éléments mettant suffisamment l'association Foyer Duquesne en mesure d'y répliquer, de sorte qu'il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande.
2 - Sur la demande d'infirmation du jugement pour non-respect du principe du contradictoire
L'association Foyer Duquesne sollicite l'infirmation du jugement entrepris pour défaut de respect du principe du contradictoire, faisant valoir que le seul envoi de pièces, sans autre développement sans être visé dans les conclusions ne sauraient permettre de considérer qu'elle était pleinement informée de l'argumentation juridique opposée par la partie adverse,
que l'oralité de la procédure prud'homale ne doit pas faire obstacle au principe du contradictoire, repris aux articles 14 et suivants du code de procédure civile et par l'article 6-1 du de la Convention européenne des droits de l'homme.
L'examen des dispositions du jugement permet de constater que l'association Foyer Duquesne a été en mesure de discuter utilement les arguments et prétentions présentés par Mme [O], de sorte que sa demande d'infirmation du jugement sera rejetée.
3 - Sur la demande d'annulation de l'avertissement du 8 août 2015
Selon l'article L.1331-1 du code du travail, "constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération".
En vertu de l'article L.1333-1 du code du travail, en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.
L'employeur fournit à la juridiction les éléments retenus pour prendre la sanction.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Sur ce fondement, aucune des parties ne supporte directement la charge de la preuve, mais il appartient à l'employeur de fournir au juge les éléments retenus pour prononcer la sanction contestée.
Sur le fondement de l'article L.1333-2, le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme, injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.
A l'exception du licenciement, le juge peut donc annuler une sanction prononcée (L 1333-3).
Mme [O] a fait l'objet d'un avertissement par lettre du 8 août 2015, libellée en ces termes :
« Le 18 juin 2015 à 9h20, vous vous êtes absentée de votre poste de travail Durant 30 à 40 minutes sans demander l'accord à votre direction alors même que votre directeur était présent dans l'établissement. Ce jour-là votre horaire de travail correspondait à votre horaire habituel à savoir 8h30 à 12 heures et 13h30 à 17 heures. Vos horaires de travail correspondent à des temps d'accueil téléphonique et physique du public. Ainsi aucune pause n'est prévue en dehors du temps de repas entre 12 heures et 13h30. Votre attitude a désorganisé l'accueil téléphonique et l'accueil physique du public. En effet ce jour-là durant votre absence, vous n'avez pas pu répondre à plusieurs appels téléphoniques. Vous n'avez pas pu non plus Accueillir une personne qui s'est présentée à l'accueil durant votre absence. (...) ».
L'association Foyer Duquesne fait valoir que les faits sont avérés et incontestables,
que la question n'est pas tant celle de la demande d'autorisation préalable pour se rendre aux toilettes, mais de celle de la gestion préventive par la salariée de son absence à son poste de travail, la lettre d'avertissement lui reprochant également de s'être absentée sans prévenir, alors qu'aucune suppléance n'a pu être organisée.
Au soutien du grief allégué, l'association Foyer Duquesne produit les attestations rédigées par :
M. [G], administrateur de l'association qui indique : «j'ai été amené le 18 juin 2015 vers 10 h du matin à me rendre dans les locaux de l'association, j'ai sonné et à ma grande surprise c'est [H] [W], le Directeur de l'Association qui est descendu pour m'accueillir. Car il n'y avait personne à l'accueil'',
Mme [T], auxiliaire de puériculture, qui déclare que la secrétaire est entrée dans le bureau où elle travaillait avec une collègue, a posé une tasse dans la cuisine, puis est monté à l'étage en parlant fort et s'est réfugiée dans les toilettes, que sa collègue est montée à l'étage pour la retrouver et est redescendue au bout de 15 à 20 minutes, Mme [O] ayant ensuite regagné son bureau,
Mme [J], la collègue présente dans le bureau, qui confirme ses déclarations,
M. [A], éducateur spécialisé, indiquant qu'il était en rendez-vous avec le directeur, lorsqu'il a entendu des hurlements, des cris et des pleurs de Mme [O], que le directeur est sorti pour aller voir ce qu'il se passait et est revenu en disant qu'il y avait deux autres collègues qui étaient en train de la calmer à l'étage.
Mme [O] fait valoir pour sa part qu'elle a été sanctionnée pour n'avoir pas obtenu l'autorisation préalable de la direction pour se rendre aux toilettes et non pour n'avoir pas mis en 'uvre la procédure de transfert des appels téléphoniques,
que le grief n'est en tout état de cause pas fondé, alors qu'elle doit régulièrement s'absenter de son poste de travail pour exécuter diverses missions et que sans avoir reçu aucune instruction écrite, elle enclenche le système de renvoi permettant aux salariés présents de répondre au téléphone, et s'agissant de l'accueil, il existe deux sonnettes qui leur permettent d'être informés de l'arrivée d'un visiteur.
Il n'est pas discuté que Mme [O] s'est absentée de son poste de travail, ce point n'est pas contesté par la salariée qui explique avoir dû se rendre aux toilettes, après avoir enclenché la procédure de renvoi d'appels.
Si l'employeur précise dans ses conclusions que la question n'est pas tant celle de la demande d'autorisation préalable pour se rendre aux toilettes, que de celle de la gestion préventive par la salariée de son absence à son poste, alors qu'il lui est bien reproché une absence sans autorisation, il reconnaît implicitement qu'il n'existe aucune note de service ou instruction réglementant les déplacements de la salariée en poste à l'accueil et quand bien même la lettre d'avertissement précise qu'elle s'est absentée sans prévenir et qu'aucune suppléance n'a pu être organisée, la salariée démontre, par la production de fiches consignant les messages reçus et les visites des usagers ainsi que d'attestations établies par deux anciennes salariées expliquant que l'accueil physique et téléphonique au siège de l'association était assuré par le personnel présent : comptable chef de service, éducateurs, directeur (Mme [F], salarié de novembre 2006 août 2012, Mme [K] comptable de l'association de février 2007 à juillet 2014), qu'elle avait coutume d'opérer des renvois d'appel ayant l'occasion de s'absenter régulièrement, et qu'un système de sonnettes permettait d'alerter les salariés présents, du passage d'un visiteur, ces éléments n'étant pas utilement combattus par les attestations fournies par l'employeur, qui n'établit pas que ladite procédure n'a pas été suivie.
La salariée soutient encore sans être contredite qu'étaient présents le jour en cause le directeur de l'établissement, un éducateur spécialisé et deux autres salariés, ce dont il résulte que l'association Foyer Duquesne ne peut se prévaloir d'une désorganisation du service, qu'elle ne démontre pas, et qui ne saurait être établie par le fait que le directeur ait été amené à se déplacer pour ouvrir la porte à un visiteur.
Le grief n'est pas fondé. Le jugement, qui a annulé l'avertissement, sera en conséquence confirmé.
Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a alloué la somme de 100 euros, non discutée dans son quantum à hauteur d'appel.
4 - Sur le licenciement pour faute grave
La lettre de licenciement du 30 août 2016 est ainsi motivée :
« (')
Comme suite à différents incidents ayant porté préjudice à l'association (sabotage d'un photocopieur avec risque d'incendie, disparitions de documents et de chèques enfermés dans des armoires fermées à clef (non fracturées), disparitions de contrats de travail orignaux et d'espèces enfermés dans un caisson trois tiroirs fermé à clef (non fracture) situé dans le bureau de la Direction), il a été décidé, pour aider à l'identification des éventuels coupables de telles détériorations ou vols, d'installer un dispositif d'enregistrement vidéo des fenêtres du bureau du Directeur en son absence.
Afin d'éviter tout enregistrement de l'image ou de propos de salariés, la Direction a dicté une note de service interdisant à tous l'accès à son bureau en son absence, que vous avez-vous-même établie, et qui a été signée par l'ensemble du personnel, dont vous-même.
La consultation de ces enregistrements à son retour de congés par Monsieur [W], directeur, lui a permis de constater que vous aviez, par deux fois, contrevenu à cette interdiction sans que votre comportement ne permette de rattacher cette infraction à la réalisation d'une tâche professionnelle quelconque.
En effet, le 6 juillet 2016 à 16 heures 48, soit immédiatement après le départ de Madame [R] [Y], Chef de service et en l'absence de Madame [L] [N], comptable alors en formation, vous pénétrez dans le bureau, trousseau de clefs en main : vous déverrouillez et ouvrez les tiroirs du caisson 3 tiroirs, fouillez, lisez et manipulez différents documents qui s'y trouvent (lieu de rangement des dossiers personnels des salariés, dont le vôtre contenant notamment le dossier de gestion du contentieux prud'homal qui nous oppose).
L'enregistrement permet d'entendre clairement une manipulation de clefs (tintement caractéristique) et l'ouverture de différents tiroirs de ce meuble.
Vous poursuivrez ensuite votre fouille en ouvrant les tiroirs du bureau de Madame [R] également systématiquement fermés à clefs par cette dernière, puis enfin celui du bureau du Directeur, sans omettre de manipuler et consulter les différents documents qui y sont posés. Cette fouille aura duré 8 minutes. Vous ressortez sans emporter de document ou objet.
Le 13 juillet 2016 16 heures 46 une nouvelle fois après le départ de Madame [R] [Y], et toujours en l'absence de Madame [L] [N], comptable en récupération, vous pénétrez dans le bureau, les mains vides. Vous lisez, consultez et manipulez différents documents et inspectez les différents bureaux de Monsieur [W] et Madame [R], puis repartez, toujours les mains vides. Durée approximative de cette «inspection '' : 2 minutes L'analyse de ces enregistrements démontre :
1. Votre non-respect des consignes claires de la Direction interdisant de pénétrer dans ce local
2. Le caractère déloyal de votre comportement consistant à fouiller dans les affaires personnelles du Directeur et de la Chef de service de l'Association et dans les dossiers de l'association auxquels votre fonction ne vous permet pas d'accéder ainsi qu'à ne pas signaler à la Direction votre possession des clefs du meuble 3 tiroirs et des tiroirs du bureau de Madame [R], clefs qu'une fois encore votre fonction ne vous autorise pas à détenir ou qui ne justifie pas que vous les déteniez.
Lors de l'entretien du lundi 22 août dernier, interrogée sur les motifs de vos allées et venues, fouilles des mobiliers et consultations des différents documents ou dossiers s'y trouvant, vous vous êtes contentée d'affirmer ne pas reconnaître la personne filmée, et ne pas pouvoir répondre à nos questions. De même, concernant la détention des clefs d'accès au bureau de Madame [R] et au meuble à tiroirs, vous avez ironisé en répondant qu'il était naturel que les clefs apparaissent ou disparaissent.
Cette absence de réponses rationnelles permettant de justifier votre comportement ne nous a donc pas permis de modifier l'appréciation initialement portée sur les conséquences attachées à ces comportements gravement fautifs, lesquels ne permettent pas d'envisager la poursuite de votre collaboration au sein de notre association.
En conséquence de cette qualification, privative de tout droit à indemnité de licenciement et à préavis, la date d'envoi de ce courrier marque la date de la rupture de votre contrat de travail.
(...)».
Il est ainsi reproché à la salariée le non-respect des consignes de la direction interdisant de pénétrer dans le bureau du directeur et le caractère déloyal de son comportement, procédant à la fouille des affaires personnelles du directeur, de la cheffe de service ainsi que des dossiers de l'association auxquels ses fonctions ne lui permettaient pas l'accès et d'avoir été en possession de clés qu'elle n'était pas autorisée à détenir, ces faits ayant été commis le 6 juillet 2016 à 16h48 et le 13 juillet 2016 à 16h46.
L'association Foyer Duquesne explique qu'à la suite de divers incidents et notamment de vols perpétrés à son préjudice, il a été décidé, pour aider à l'identification des éventuels coupables d'installer un dispositif d'enregistrement de vidéosurveillance des fenêtres du bureau du directeur en son absence, qu'aux fins d'éviter tout enregistrement de l'image ou de propos des salariés, la direction a rédigé une note de service interdisant à l'ensemble du personnel l'accès au bureau du directeur en son absence,
que cette prescription revêtait donc une nature temporaire et relevait de son pouvoir disciplinaire, sans qu'elle ne soit tenue de respecter la procédure prévue pour le règlement intérieur, alors qu'elle n'est pas soumise à l'obligation d'établir un tel règlement pour occuper moins de vingt salariés,
que le comportement d'un salarié qui s'autorise, en contrariété d'une interdiction formelle à pénétrer dans un bureau qui n'est pas le sien est constitutif de faute grave,
que comme toute convention, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi, conformément à l'article 1134 du code civil, cette obligation générale s'imposant tant à l'employeur, qu'au salarié,
que les éléments liés à la vidéosurveillance sont recevables, alors qu'elle avait pour but de protéger et surveiller des lieux non affectés au travail, les caméras ayant été orientés en direction des fenêtres.
Elle produit la note de service du 29 juin 2016, libellée en ces termes : « La direction rappelle à l'ensemble du personnel, par la présente note, qu'il est formellement interdit de se rendre dans le bureau de la direction, sans l'accord du directeur ou de la chef de service.
La direction informe qu'en cas de manquements constatés aux consignes sus-rappelées, elle pourra envisager de prendre des sanctions disciplinaires. », outre la note valant remise aux salariés, le même jour s'agissant de Mme [O], avec en regard leur signature,
- le compte-rendu d'administration ordinaire du 23 août 2016, établi après le visionnage des vidéos montrant Mme [O] s'introduisant dans le bureau de la direction et fouillant dans les affaires du directeur et de la cheffe de service en leur absence, l'ensemble des administrateurs présents déclarant reconnaître formellement que la personne sur la vidéo est bien Mme [O],
- le procès-verbal de constat établi le 7 mars 2017 par l'huissier de justice, contenant en annexe des captures d'écrans de l'enregistrement, retraçant les allées et venues de la personne qui lui a été désignée comme étant Mme [O], pénétrant dans le bureau du directeur ou de la cheffe de service déplaçant des documents s'y trouvant, les regardant, regardant dans les tiroirs, consultant des dossiers...
Au soutien de la contestation de la légitimité de son licenciement, Mme [O] oppose l'irrecevabilité des enregistrements de vidéosurveillance versés à titre de preuve, considérant qu'ils ont été obtenus de façon illégale, alors que l'employeur ne peut procéder à la surveillance des locaux dans lesquels les salariés exercent leur activité qu'après avoir consulté le comité d'entreprise et informé ces mêmes salariés, ces deux conditions étant cumulatives, et qu'il ne saurait prétendre que le bureau du directeur constituait un local dans lequel les salariés n'avaient plus vocation à exercer une quelconque activité, alors qu'en raison de ses fonctions, elle était amenée à s'y rendre de façon régulière.
Elle oppose par ailleurs l'inopposabilité de la note de service, dont rien n'indiquait qu'elle revêtait un caractère temporaire, dès lors que les notes de service sont soumises aux mêmes dispositions que celles régissant le règlement intérieur et qu'aucune des formalités exigées en la matière, telles que la consultation des représentants du personnel, la soumission de la note au contrôle de l'inspection du travail, l'accomplissement de formalités de publicité..., n'a été accomplie, de sorte qu'il ne saurait lui être reproché d'avoir enfreint une quelconque interdiction.
Elle conteste en outre la matérialité des faits considérant que le procès-verbal de constat d'huissier a été établi uniquement d'après les dires du directeur qui l'a désignée comme la personne apparaissant sur les captures d'écran, alors qu'elles ne permettent pas de l'identifier ni quelque autre personne que ce soit.
Aux termes de l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.
La faute grave, dont la preuve incombe à l'employeur, se définit comme un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.
Pour qualifier la faute grave, il incombe donc au juge de relever le ou les faits constituant pour le salarié licencié une violation des obligations découlant de son contrat de travail ou des relations de travail susceptible d'être retenue, puis d'apprécier si le fait allégué était de nature à exiger le départ immédiat du salarié.
L'article L.2323-32 du code du travail énonce que le comité d'entreprise est informé et consulté, préalablement à la décision de mise en 'uvre dans l'entreprise, sur les moyens ou les techniques permettant un contrôle de l'activité des salariés.
L'article L.1222-4 du code du travail prévoit qu'aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été porté préalablement à sa connaissance. Cette prescription vise notamment les systèmes de vidéosurveillance.
Il résulte des textes précités que si l'employeur a le droit de contrôler et de surveiller l'activité de ses salariés pendant le temps de travail, il ne peut être autorisé à utiliser comme mode de preuve les enregistrements d'un système de vidéo-surveillance permettant le contrôle de leur activité dont les intéressés n'ont pas été préalablement informés de l'existence.
Au cas d'espèce, le système de vidéosurveillance a été installé dans le but de protéger et surveiller des lieux non affectés au travail des salariés, dans lesquels ils étaient amenés à pénétrer occasionnellement, les caméras étant du reste orientées en direction des fenêtres, et non pour contrôler spécifiquement les intéressés dans l'exercice de leurs fonctions, ce dont il résulte que non seulement l'information préalable de la salariée n'était pas requise, mais aussi, que les preuves obtenues par ce moyen sont recevables, dès lors qu'elles sont proportionnées au but poursuivi.
A l'appui des griefs allégués, l'employeur produit le compte-rendu d'administration ordinaire du 23 août 2016, dressé après le visionnage de la vidéosurveillance, aux termes duquel les administrateurs ont indiqué reconnaître formellement Mme [O], cet élément étant suffisant à établir tant leur matérialité, que leur imputabilité à la salariée, peu important donc la mauvaise qualité des photographies intégrées au constat d'huissier qui ne permettent pas de douter de l'identité de la personne évoluant en deux occasions dans le bureau du directeur.
L'employeur était par ailleurs fondé à sanctionner ce comportement déloyal, consistant s'introduire dans le bureau du directeur peu après le départ de la cheffe de service et de la comptable, à fouiller dans les tiroirs fermés à clé, à manipuler et consulter divers dossiers et documents, comportement dont le caractère de gravité justifiait l'éviction immédiate de la salariée de l'entreprise qui exerçait les fonctions de secrétaire au sein de l'association, ce, à supposer même que la note de service interdisant l'accès, au bureau, lui ait été inopposable.
En conséquence, il y a lieu de juger le licenciement de Mme [O] fondé sur une faute grave par infirmation du jugement déféré.
Le licenciement étant motivé par une faute grave, la salariée ne peut prétendre à l'indemnité compensatrice de préavis, ni à une indemnité de licenciement, et sera déboutée du surplus de ses prétentions d'indemnisation mal fondées compte tenu de l'issue de l'appel.
Sur les frais du procès
Mme [O] qui succombe pour l'essentiel de ses prétentions, doit supporter les dépens y compris de première instance et il y a lieu de la condamner à payer à l'association Foyer Duquesne une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 800 euros.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme le jugement en ce qu'il a annulé l'avertissement du 8 août 2015 et alloué à Mme [O] des dommages et intérêts pour sanction injustifiée,
L'infirme sur le surplus des dispositions soumises à la cour,
Statuant à nouveau,
Dit que le licenciement pour faute grave est justifié,
Déboute Mme [O] de ses demandes d'indemnité et de dommages et intérêts,
Y ajoutant,
Condamne Mme [O] à payer à l'association Foyer Duquesne une somme de 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toute autre demande,
Condamne Mme [O] aux dépens de première instance et d'appel.
La greffière La présidente