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17/11/2022 | FRANCE | N°20/01648

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 17 novembre 2022, 20/01648


N° RG 20/01648 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IPBO





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE



ARRET DU 17 NOVEMBRE 2022











DÉCISION DÉFÉRÉE :





Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'EVREUX du 12 Mars 2020





APPELANTE :





Madame [E] [S]

[Adresse 1]

[Localité 2]



représentée par Me Estelle HELEINE, avocat au barreau de l'EURE substitué par Me Angélique MERLIN, avocat a

u barreau de ROUEN









INTIMEE :





S.A.S.U. TREHARD exerçant sous les enseignes AMBULANCES LYROISES-RISLOISES TAXI TREHARD

[Adresse 4]

[Localité 3]



représentée par Me Delphine HUAN-PINCON, avocat au barreau d...

N° RG 20/01648 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IPBO

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 17 NOVEMBRE 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'EVREUX du 12 Mars 2020

APPELANTE :

Madame [E] [S]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Estelle HELEINE, avocat au barreau de l'EURE substitué par Me Angélique MERLIN, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEE :

S.A.S.U. TREHARD exerçant sous les enseignes AMBULANCES LYROISES-RISLOISES TAXI TREHARD

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Delphine HUAN-PINCON, avocat au barreau de l'EURE substitué par Me Eléonore LAB SIMON, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 04 Octobre 2022 sans opposition des parties devant Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère

Madame BERGERE, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme WERNER, Greffière

DEBATS :

A l'audience publique du 04 Octobre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 17 Novembre 2022

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 17 Novembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [E] [S] a été engagée par la société SASU [M] en qualité de taxi ambulancière en contrat à durée déterminée à temps partiel de trois mois le 6 avril 2009, puis en contrat à durée indéterminée.

Par avenant à effet au 13 juin 2011, Mme [E] [S] a été classée auxiliaire ambulancière- taxi ambulancière 1er degré rémunéré sur la base de 152 heures mensuelles.

Les relations contractuelles des parties étaient soumises à la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires du transport.

Le 16 mars 2017, Mme [S] a adressé sa démission à l'employeur et le contrat de travail a été rompu le 24 mars 2017.

Par requête du 22 octobre 2018, Mme [S] a saisi le conseil de prud'hommes d'Evreux pour obtenir paiement de diverses sommes au titre de rappel de salaires, d'indemnités non payées et de dommages et intérêts.

Suite aux audiences de conciliation des 29 novembre et 13 décembre 2018, la société a versé à Mme [S] la somme totale de 132,74 euros au titre de l'amplitude horaire.

Par jugement du 12 mars 2020, le conseil de prud'hommes a donné acte aux parties du paiement de 132,74 euros au titre de l'amplitude horaire, les a déboutées de leurs demandes respectives, et dit que les dépens seront partagés entre elles.

Mme [S] a interjeté un appel limité le 29 mai 2020.

Par conclusions remises le 21 août 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, Mme [S] demande à la cour de :

- juger recevable et bien fondé son appel ;

- réformer partiellement le jugement du conseil de prud'hommes ;

- condamner la société [M] à lui verser les sommes suivantes :

1 796,40 euros au titre des heures bonifiées et heures supplémentaires ;

179,64 euros au titre des congés payés afférents ;

504,66 euros au titre des indemnités de repas ;

513,43 euros au titre de salaire pour les jours fériés travaillés ;

51,34 euros au titre des congés payés afférents ;

34,60 euros au titre de la garde préfectorale ;

5 000 euros au titre des dommages et intérêts ;

- écarter la prescription biennale pour le préjudice moral ;

- confirmer le jugement pour le surplus ;

- condamner la société [M] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions remises le 23 novembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la société [M] demande à la cour de :

- dire l'action engagée par Mme [S] mal fondée en toutes ses fins, demandes et conclusions ;

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes ;

- débouter Mme [S] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner Mme [S] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 15 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la société SASU [M] soulève la prescription triennale des demandes à caractère pour celles antérieures au 24 mars 2014 compte tenu de la rupture du contrat de travail au 24 mars 2017, moyen auquel ne s'oppose pas la salariée dont les demandes sont postérieures à cette date.

La cour n'est pas saisie de la disposition relative à l'amplitude horaire pour laquelle les parties se sont accordées.

Sur les demandes au titre de l'exécution du contrat de travail

I - Heures bonifiées et heures supplémentaires

Mme [E] [S] soutient que l'accord de modulation ne lui est pas opposable dès lors qu'au mépris de l'article 6 de l'accord cadre du 4 mai 2000, l'employeur n'a pas justifié de la mise en oeuvre du programme indicatif pour chaque période, comme il ne lui a pas remis le document prévu notamment par l'article 7 de l'accord cadre et devant être annexé au bulletin de paie, ne la mettant ainsi pas en mesure de vérifier l'adéquation entre les heures et indemnités de repas payées et les heures réellement effectuées au cours du cycle, et ce particulièrement avant l'utilisation du logiciel de gestion Quartz.

La société SASU [M] indique faire application des dispositions spécifiques de la convention collective des Transports routiers portant aménagement du temps de travail dans les entreprises de transport sanitaire et notamment de l'accord-cadre du 4 mai 2000, modifié par l'avenant n° 3 du 16 janvier 2008 et le décret n°2009-32 du 9 janvier 2009 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport sanitaire, que, dans ce cadre, elle fait remplir une feuille de route journalière et une feuille de route hebdomadaire conformes aux dispositions conventionnelles, que début 2016 elle s'est dotée du logiciel Quartz pour permettre un contrôle plus rigoureux, que le temps de travail est organisé par cycle de 4 semaines depuis juin 2011 par application directe des dispositions conventionnelles, qu'elle a régulièrement établi un programme indicatif d'activité pour chaque période lequel était affiché dans l'entreprise, ainsi que l'a constaté l'ARS lors d'un contrôle, et selon les règles de la profession les salariés sont prévenus la veille pour le lendemain de leur heure de prise de service effective.

Il n'est pas discuté que l'entreprise applique les dispositions de la convention collective des transports routiers portant aménagement et réduction du temps de travail et particulièrement l'Accord cadre du 4 mai 2000, modifié par l'avenant n° 3 du 16 janvier 2008 et le décret n°2009-32 du 9 janvier 2009 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport sanitaire.

L'article 6.0 de l'Accord-cadre, dans sa version applicable au litige, prévoit qu'afin de permettre une meilleure organisation du temps de travail compatible avec la période de décompte du temps de travail et l'appréciation des durées maximales moyennes de temps de travail, la durée du travail peut être calculée conformément aux dispositions du code du travail relatives au cycle de travail par accès direct dans les entreprises.

Dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux, la durée du cycle ne pourra excéder 12 semaines.....

L'employeur doit établir pour chaque période un programme indicatif d'activité. Tout changement collectif de programme doit faire l'objet d'une information préalable des représentants du personnel.

L'article 6.1 : Les dispositions du présent article peuvent être mises en oeuvre dans les entreprises dans les conditions suivantes : ... dans les entreprises ou établissements dépourvus de délégués syndicaux, la mise en oeuvre de ces dispositions s'effectue directement dans les conditions qu'il fixe après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et, en l'absence de représentants du personnel, après information des salariés concernés. ...

Selon l'article 6.4, à compter de l'entrée en vigueur de l'avenant n° 3 du 16 janvier 2008 à l'accord-cadre du 4 mai 2000, la mise en place d'un régime de modulation du temps travail doit obligatoirement faire l'objet d'un accord d'entreprise. Les accords conclus antérieurement à l'entrée en vigueur de cet avenant continuent à produire leurs effets.

En l'espèce, l'article 4 relatif à la durée du travail et horaire de travail de l'avenant au contrat de travail de la salariée à effet du 13 juin 2011 est rédigé comme suit :

' L'entreprise relève de par son activité de la convention collective nationale du transport routier et des dispositions spécifiques de l'Accord cadre du 4 mai 2000 et relatif à la durée du travail dans la profession étendu par arrêté du 30 juillet 2001, les avenants à cet accord, ainsi que le décret n°2009-32 du 9 janvier 2009.

La convention collective nationale applicable et l'Accord cadre du 4 mai 2000 modifié sont consultables au bureau de [Localité 3].

L'avenant ajoute que Mme [E] [S] déclare :

- avoir pris connaissance des modalités et de la durée du travail applicable dans l'entreprise sur la base du cycle de 4 semaines mise en place par l'entreprise à compter du lundi 13 juin 2011 et dont elle a eu connaissance au cours de la réunion collective du 8 juin 2011 et par note remise en mains propres contre décharge le même jour. Le temps de travail effectif est déterminé conformément à la réglementation et au dispositif conventionnel applicable tant et pour autant que ce dernier demeure applicable hormis pour les jours fériés et les congés payés.

- accepter, par référence aux dispositions conventionnelles, l'éventuelle modification des règles de prise des repos hebdomadaires de 48 heures consécutives, habituellement prévus au minimum deux fois par mois les samedi/dimanche, notamment lors de périodes de haute activité.

A titre informatif, par application de cet accord étendu :

- l'entreprise organise son temps de travail dans le cadre d'une répartition et d'une organisation du temps de travail basée sur un cycle de travail de 4 semaines au sens de l'avenant n° 3 du 16 janvier 2008 et dont les modalités ont été communiquées à Mme [E] [S] lors de la réunion du personnel du vendredi 10 juin 2011 et par remise d'une note explicative remise à l'issue de cette réunion.

- la durée hebdomadaire de travail est référencée collectivement sur une base de 35 heures de travail effectif en moyenne, conformément aux dispositions de l'Accord-cadre et modifié par l'avenant n° 3 du 16 janvier 2008, prévoyant l'application d'un coefficient pondérateur sur l'amplitude du temps de travail effectuée par le salarié sur la période de référence retenue par l'entreprise. A compter du 13 juin 2011, les coefficients appliqués sont les suivants :

- un coefficient de décompte des services de permanences au sens des textes conventionnels égal à 75% de leur durée

- un coefficient de décompte des services hors permanences au sens des textes conventionnels égal à 86 % de leur durée

- le décompte des amplitudes hebdomadaires d'activité servant de base à l'application des coefficients pour le décompte et la rémunération du temps de travail effectif s'effectue sur le cumul de ces temps sur la période de référence du cycle de 4 semaines.

Chaque salarié a été destinataire de la note d'information portant sur l'application des dispositions de l'avenant n° 3 du 16 janvier 2008, remise en mains propres dans laquelle il est expressément indiqué que l'entreprise retient comme définition du Temps de Travail Effectif la définition posée par la loi et les textes conventionnels servant de référence au calcul des heures supplémentaires, hormis en ce qui concerne les jours fériés et les congés payés, qui restent assimilés à du temps de travail effectif pour le décompte du temps de travail effectif.

Si la société [M] soutient que cette disposition n'a jamais été mise en oeuvre faute d'adhésion des salariés aux modalités proposées, de sorte qu'elle a fait une application stricte de l'Accord cadre, cette allégation ne résiste pas à l'analyse des éléments qui précèdent puisque l'avenant à effet du 13 juin 2011 signé du salarié renvoyait expressément à la note remise en mains propres et reprécisait que 'Le temps de travail effectif est déterminé conformément à la réglementation et au dispositif conventionnel applicable tant et pour autant que ce dernier demeure applicable hormis pour les jours fériés et les congés payés.'

Ainsi, l'entreprise a mis en oeuvre le cycle de travail comme mécanisme d'aménagement du temps de travail, mais par dérogation aux dispositions conventionnelles, la société [M] a expressément intégré au temps de travail effectif les jours fériés et les congés payés qui doivent dès lors être pris en compte tant pour l'appréciation des heures supplémentaires que pour l'amplitude de travail.

Quelque soit la qualification donnée à cet aménagement, l'article 6 impose à l'employeur d'établir pour chaque période un programme indicatif d'activité, laquelle est une condition de fond posée par ce texte qui, lorsqu'elle n'est pas respectée, invalide l'aménagement mis en place.

Si la société [M] indique se conformer aux prescriptions conventionnelles en établissant un programme indicatif d'activité pour chaque période, lequel est affiché avant le début de chaque période, et verse à l'appui de son affirmation le compte-rendu d'un contrôle inopiné effectué par l'Agence régionale de santé du 27 janvier 2015 à l'occasion duquel il a été constaté l'affichage des plannings de prise en charge de deux journées (vendredi 23 janvier et lundi 26 janvier), ainsi que l'attestation de Mme [F] régulatrice qui déclare communiquer à chaque chauffeur son planning tous les soirs vers 19h00, il ne s'agit pas du planning indicatif tel qu'exigé par les dispositions conventionnelles, de sorte que l'aménagement sous forme de cycle est inopposable à la salariée qui est alors fondée à solliciter l'application des règles de droit commun relatives aux heures supplémentaires.

Mme [E] [S] sollicite le paiement des heures supplémentaires qu'elle a accomplies et qui doivent s'apprécier à la semaine civile et de la majoration due au titre des heures supplémentaires pour celles apparaissant sur les bulletins de paie comme étant bonifiées et payées au taux horaire normal, s'ajoutant à la durée de travail mensuel de 151,67 heures.

L'employeur s'y oppose aux motifs que les heures bonifiées sont des heures normales, comme correspondant au cours des semaines du cycle de quatre semaines à du temps d'absence non assimilé à du temps de travail effectif, tel absence pour maladie, congés ou jours fériés, que la salariée a été rémunérée des heures supplémentaires qu'elle a accomplies, que ses calculs sont erronés dès lors qu'elle se trompe dans les semaines du cycle.

Aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte des articles L. 3171-2 à L. 3171-4 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Pour les motifs sus développés, alors que l'entreprise a opté pour la prise en compte des jours fériés et des congés payés au titre du temps de travail effectif, les heures dites bonifiées, en ce qu'elles sont au-delà de la durée de 151h67, donnent lieu aux majorations dues pour les heures supplémentaires.

La salariée produit les feuilles de route hebdomadaires sur la période litigieuse, lesquelles mentionnent pour chaque jour travaillé l'heure de prise de service et l'heure de fin de service et sont signées du salarié et aussi, pour nombre d'entre elles, de l'employeur, ce qui constituent des éléments suffisamment précis mettant l'employeur en mesure d'y répondre.

L'argument de l'employeur relatif à l'erreur sur les semaines de cycle est inopérant dès lors que la situation doit être appréciée à la semaine civile et non plus par cycle compte tenu de l'inopposabilité à la salariée de la modulation mise en place.

Pour critiquer le décompte de la salariée, la société SASU [M] fait valoir que rien ne justifie que Mme [E] [S] ait été présente au bureau de 8h30 à 20h00 les quatre premières semaines qui ont suivi l'accident vasculaire cérébral dont a été victime Mme [M], la dirigeante le 1er octobre 2014, les tâches de régulation et d'organisation des plannings des chauffeurs qu'elle a assurées l'ayant été pendant son temps de travail et non en plus de ses tâches de conduite, que les dits plannings sont transmis au plus tard à 17h00, que la régulation et la réception des appels téléphoniques sont limitées aux créneaux horaires d'ouverture des bureaux, sauf cas exceptionnels, que les bureaux sont ouverts de 9 heures à 17 heures et pour les gardes préfectorales de nuit, le SAMU appelle directement les chauffeurs de garde.

L'examen des feuilles de route hebdomadaires permet de relever que lorsque la salariée était au bureau, de manière linéaire, elle mentionnait prendre son service à 8h30 pour finir à 20h00. Les feuilles correspondantes pour les semaines 40, 41, 42 43 de 2014 ne sont pas signées par l'employeur.

Si la société SASU [M] indique que l'ouverture des bureaux étaient de 9h00 à 17h00 et produit une photographie non datée pour en justifier, néanmoins, cette assertion est contredite par les constats effectués par des agents de l'ARS lors d'un contrôle inopiné du 27 janvier 2015 lesquels, au titre des anomalies, ont relevé l'absence d'affichage avec les jours et heures d'ouverture à l'entrée, mais aussi par l'attestation de Mme [X] [F], employée comme régulatrice depuis le 17 août 2015, versée par l'employeur qui indique qu'en cette qualité les plannings sont transmis tous les soirs vers 19h00.

Ainsi, la contestation de l'employeur est contredite par ses propres éléments.

Aussi, au vu des éléments produits de part et d'autre par les parties, dès lors que les heures supplémentaires se décomptent par semaine, que les heures bonifiées sont en réalité des heures supplémentaires, que l'employeur est défaillant à justifier de la réalité des heures de travail de la salariée, la cour a la conviction de Mme [E] [S] a accompli des heures supplémentaires non rémunérées pour un montant de 1 796,40 euros et par arrêt infirmatif, la société SASU [M] est condamnée au paiement de cette somme et aux congés payés afférents.

II - indemnité pour jours fériés travaillés

Mme [E] [S] sollicite un rappel au titre des jours fériés travaillés pour lesquels le paiement doit être doublé.

L'article 12-6 de l'Accord-cadre du 4 mai 2000 relatif aux dimanches et jours fériés travaillés dispose que les indemnités de dimanche et jours fériés travaillés sont versés forfaitairement quelle que soit la durée du travail constatée.

Leur montant figure sous les barèmes de taux horaires conventionnels des personnels ouvriers ambulanciers et est revalorisé dans les mêmes conditions que les taux horaires conventionnels.

L'employeur admet avoir omis de revaloriser le montant de l'indemnité pour dimanche travaillé en maintenant une indemnité à hauteur de 18,85 euros alors qu'elle était de 19,61 euros à compter du 12 janvier 2012 et avoir régularisé de ce fait 7,60 euros bruts en décembre 2018.

En revanche, il considère avoir respecté les dispositions conventionnelles relativement à l'indemnisation des heures de travail réalisées les jours fériés.

Depuis l'avenant n° 3, pour les salariés recrutés depuis le 13 août 2005, ce taux est fixé à 19,61 euros depuis le 12 janvier 2012.

Les jours fériés travaillés donnent lieu à une indemnité supplémentaire :

- le 1er mai, les heures travaillées sont majorées à 100 %

- pour les autres jours fériés, la majoration est fonction de l'ancienneté et pour les salariés ayant plus d'un an d'ancienneté elle est de 100 % des heures travaillées.

Devant la cour, aucune demande n'est présentée au titre de l'indemnité pour les dimanches travaillés.

Alors que le doublement des jours fériés se distingue des heures supplémentaires payées pour les mois correspondant et que les bulletins de paie sont taisant quant au paiement de ces jours fériés, l'examen comparé des feuilles de route hebdomadaires et des bulletins de paie permet de retenir que Mme [E] [S] n'a pas bénéficié du doublement pour les jours fériés suivants :

2014

jeudi 8 mai travaillé de 11h30 à 19h00

lundi 9 juin travaillé de 12h45 à 19h00

lundi 14 juillet travaillé de 12h30 à 18h30

samedi 1er novembre travaillé de 9h00 à 19h00

mardi 11 novembre travaillé de 9h00 à 18h00

2015

vendredi 8 mai travaillé de 6h30 à 18h30

jeudi 14 mai travaillé de 12h45 à 14h15 et de 17h15 à 18h45

Aussi, à ce titre, par arrêt infirmatif, l'employeur est condamné à payer à Mme [E] [S] la somme de 513,43 euros et les congés payés afférents.

III - garde préfectorale

Mme [E] [S] sollicite paiement de la somme de 34,60 euros au titre de la garde préfectorale non rémunérée pour le 21 février 2016.

Il résulte de la feuille de route hebdomadaire que Mme [E] [S] a été de garde préfectorale le dimanche 21 février 2016 de 20h00 à 00h00.

L'employeur admet dans ses écritures avoir mis en place, de manière volontaire au bénéfice de ses salariés une indemnité forfaitaire de garde préfectorale de nuit et d'ailleurs, l'examen des bulletins de paie permet de corroborer le paiement de telles gardes à la salariée, sauf en février 2016, de sorte que la demande est fondée et, par arrêt infirmatif, l'employeur est condamné au paiement de la somme de 34,60 euros.

IV - Indemnités de repas

Mme [E] [S] sollicite le versement de l'indemnité de repas d'un montant de 12,94 euros en 2014 au lieu de l'indemnité de repas unique d'un montant de 7,99 euros dans la mesure où elle n'a pas été avertie au plus tard la veille à midi d'un déplacement effectué en dehors des conditions habituelles de travail et qu'elle n'a pas pu déjeuner alors qu'elle aurait dû pouvoir le faire comme étant à l'extérieur.

La société [M] s'y oppose en faisant valoir qu'elle a respecté les dispositions conventionnelles, qu'elle a versé les indemnités dues au regard des mentions portées sur les feuilles de route hebdomadaires, à l'issue des cycles de 4 semaines utilisé pour le calcul du temps de travail, que la salariée ne s'explique pas sur les circonstances en dehors de ses conditions habituelles de travail, lui permettant d'être éligible à l'indemnité sollicitée.

Conformément à l'article 8 de l'annexe I : Ouvriers Annexe Frais de déplacement Protocole du 30 avril 1974, le personnel qui se trouve, en raison d'un déplacement impliqué par le service, obligé de prendre un repas hors de son lieu de travail perçoit une indemnité de repas unique, dont le taux est fixé par le tableau joint au présent protocole, sauf taux plus élevé résultant des usages.

Toutefois, lorsque le personnel n'a pas été averti au moins la veille et au plus tard à midi d'un déplacement effectué en dehors de ses conditions habituelles de travail, l'indemnité de repas unique qui lui est allouée est égale au montant de l'indemnité de repas, dont le taux est également fixé par le tableau joint au présent protocole.

Enfin, dans le cas où, par suite d'un dépassement de l'horaire régulier, la fin de service se situe après 21h30, le personnel intéressé reçoit pour son repas du soir une indemnité de repas.

Ne peut prétendre à l'indemnité de repas unique :

- le personnel dont l'amplitude de la journée de travail ne couvre pas entièrement la période comprise soit entre 11 heures et 14h30, soit entre 18h30 et 22 heures ;

- le personnel qui dispose sur son lieu de travail d'une coupure ou d'une fraction de coupure d'une durée ininterrompue d'au moins 1 heure, soit entre 11 heures et 14h30, soit entre 18h30 et 22 heures.

Dès lors qu'il résulte de l'attestation de Mme [F] qu'elle avertissait les salariés la veille pour le lendemain de leur heure de prise de service, sans que la salariée n'apporte d'éléments le contredisant, il n'est pas justifié qu'elle réunissait les conditions lui permettant de solliciter l'indemnité de repas au lieu de l'indemnité de repas unique, de sorte que la cour confirme le jugement entrepris ayant rejeté cette demande.

V - préjudice moral pour non-respect de la législation sur le temps de travail

Mme [E] [S], qui s'oppose au moyen tiré de la prescription, sollicite des dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant du non-respect des dispositions sur le temps de travail, du non paiement de certaines heures et indemnités.

La société [M] soulève la prescription d'un certain nombre d'éléments au soutien de la demande de la salariée et conteste avoir commis des manquements.

Aucune prescription n'est acquise puisque la salariée a initié son action visant à engager la responsabilité de l'employeur dans le délai de deux ans fixé par l'article L.1471-1 du code du travail, lequel courait à compter de la rupture du contrat de travail et qu'au soutien de sa demande elle peut invoquer des faits datant de plus de deux ans dès lors qu'ils se sont poursuivis.

S'il est établi par les développements qui précèdent que l'employeur a manqué à ses obligations en terme de paiement de certaines indemnités et de salaire concernant les heures supplémentaires, néanmoins, il n'est pas caractérisé un préjudice distinct demeuré non indemnisé dès lors que la salariée a été rétablie dans ses droits, lesquels ouvrent des droits aux intérêts moratoires.

A l'examen des feuilles de route hebdomadaires, il est effectivement établi que Mme [E] [S] a régulièrement travaillé plus de 48 heures par semaine en durée équivalente, et particulièrement en 2014, qu'elle ne bénéficiait pas systématiquement de deux jours de repos par semaine, pouvant même travailler 7 jours consécutifs, ce qui, compte tenu des incidences sur la santé de la salariée, dès lors que le droit au repos est essentiel pour la préserver, lui cause un préjudice que la cour répare par l'octroi de la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts, faute pour la salariée de justifier notamment d'arrêts de travail en lien avec son rythme anormal de travail.

Ainsi, la cour infirme le jugement entrepris ayant rejeté cette demande.

Sur les dépens et frais irrépétibles

En qualité de partie principalement succombante, la société SASU [M] est condamnée aux entiers dépens y compris de première instance, déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer à Mme [E] [S] la somme de 2 000 euros pour les frais générés par l'instance et non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant dans les limites de sa saisine,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société SASU [M] de ses demandes et a rejeté la demande au titre de l'indemnité de repas ;

L'infirme en ses autres dispositions ;

Statuant à nouveau,

Condamne la société SASU [M] à payer à Mme [E] [S] les sommes suivantes :

rappel au titre des heures supplémentaires

et heures bonifiées : 1 796,40 euros

congés payés afférents : 179,64 euros

garde préfectorale : 34,60 euros

doublement des jours fériés : 513,43 euros

congés payés afférents : 51,34 euros

dommages et intérêts pour non-respect de la

législation sur le temps de travail : 1 000,00 euros

Condamne la société SASU [M] à payer à Mme [E] [S] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la société SASU [M] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société SASU [M] aux entiers dépens de première d'instance et d'appel.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/01648
Date de la décision : 17/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-17;20.01648 ?
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