N° RG 20/01411 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IOSN
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 17 NOVEMBRE 2022
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE ROUEN du 27 Février 2020
APPELANT :
Monsieur [X] [K]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me Jessy LEVY de la SELARL JESSY LEVY AVOCAT, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Xavier ONRAED, avocat au barreau de CAEN
INTIMEE :
Madame [D] [F]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Anne-France PETIT, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 04 Octobre 2022 sans opposition des parties devant Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente
Madame BACHELET, Conseillère
Madame BERGERE, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme WERNER, Greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 04 Octobre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 17 Novembre 2022
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 17 Novembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme [D] [F] a été engagée par M. [X] [K] en qualité d'architecte en formation HMONP par contrat de travail à durée déterminée du 3 octobre 2016 au 15 avril 2016.
Le contrat a été renouvelé du 16 avril 2017 au 15 avril 2018 en qualité de dessinatrice projeteuse.
Les relations contractuelles des parties étaient soumises à la convention collective nationale des entreprises d'architecture.
Mme [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Rouen par requête du 13 novembre 2018 afin d'obtenir le versement de diverses sommes au titre de rappel de salaires et de la requalification de son contrat de travail.
Par jugement du 27 février 2020, le conseil de prud'hommes a requalifié les contrats de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, dit que la rupture du contrat de travail devait s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné M. [K] au paiement des sommes suivantes :
2 922,20 euros au titre de l'indemnité de requalification ;
168,06 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;
2 922,20 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;
292,22 euros bruts à titre d'indemnité de congés payés afférents ;
2 922,20 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
21 597,08 euros à titre de rappel de salaires ;
2 159,71 euros au titre d'indemnité de congés payés afférents ;
1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En outre, le conseil de prud'hommes a condamné M. [K] à délivrer à Mme [F] les bulletins de paye rectifiés correspondant au montant des rappels de salaire ainsi que l'attestation Pôle emploi portant la mention 'licenciement sans cause réelle et sérieuse' sous astreinte de 10 euros par jour de retard passé un délai d'un mois suivant la signification du jugement et dit que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de sa saisine.
M. [K] a interjeté appel limité de ce jugement.
Par conclusions remises le 3 septembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, M. [K] demande à la cour de :
- réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes ;
- dire que Mme [F] était éligible, dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail, au coefficient 220, faire droit sur le principe à la demande de rappel de salaire et fixer la créance de salaire à hauteur de 5 287,64 euros, outre les congés payés afférents pour 528,76 euros ;
- réformer le jugement entrepris sur le quantum des sommes allouées ;
- accorder à Mme [F] les sommes suivantes :
indemnité de requalification : 1 691,12 euros
indemnité de préavis : 1 691,12 euros
indemnité de licenciement : 634,17 euros
- limiter à la somme de 846 euros les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- débouter Mme [F] du surplus de ses demandes ;
- statuer ce que de droit quant aux dépens.
Par conclusions remises le 12 novembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, Mme [F] demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et le confirmant et complétant sur ces deux points :
- condamner M. [K] à lui verser la somme totale de 3 000 euros TTC au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble des procédures (première instance et appel) ;
- condamner M. [K] aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont les éventuels frais d'exécution forcée.
L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 15 septembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la classification de l'emploi
Mme [D] [F], qui a été rémunérée au SMIC, soutient qu'elle devait bénéficier de la rémunération conventionnelle, laquelle est déterminée par un coefficient, dès l'origine de la relation contractuelle, considérant qu'elle relevait du coefficient 280 avant qu'elle obtienne son habilitation, puis du coefficient 380.
M. [X] [K] soutient que pour la période de mise en situation professionnelle en vue de l'obtention de l'HMONP, la salariée ne peut revendiquer le coefficient 280 comme n'ayant eu qu'une expérience de trois mois au sein d'une agence d'architecte en qualité de stagiaire, que pour celle ayant suivi avec recrutement en qualité de dessinateur-projeteur, elle ne peut revendiquer le coefficient 380, compte tenu des tâches qui lui étaient confiées, justifiant qu'elle soit rémunérée sur la base du coefficient 220 tout au long de la relation contractuelle, admettant ainsi lui devoir un rappel de salaire d'un montant de 5 077,39 euros et les congés payés afférents.
La qualification professionnelle dépend des fonctions réellement exercées et il incombe à la partie qui invoque une qualification autre que celle appliquée d'apporter la preuve qu'il exerce les fonctions relevant de la classification revendiquée.
L'avenant relatif à la classification du 17 septembre 2015 dispose que le salarié est classé en fonction de trois critères et dans la catégorie et le niveau définis par la fiche de poste. La moyenne arithmétique arrondie de trois coefficients donnera le coefficient effectif du salarié.
Ces critères sont les suivants :
- 1 : autonomie/initiative
Le salarié sera évalué au coefficient minimum de ce niveau ou à un coefficient supérieur si le salarié justifie de compétences particulières adaptées au poste.
- 2 : technicité
Le salarié sera évalué au coefficient minimum de ce niveau ou à un coefficient supérieur s'il justifie de compétences particulières adaptées au poste.
- 3 : formation/expérience
S'il possède un diplôme équivalent ou supérieur au diplôme exigé pour le poste, et en fonction de son expérience éventuelle, on évaluera le salarié à un des trois coefficients hiérarchiques de la catégorie et du niveau définis par la fiche de poste.
Pour les emplois de conception en architecture, la position 200 est une position d'accueil pour les salariés n'ayant ni formation, ni spécialisation en usage dans la profession.
En l'espèce, Mme [D] [F] a été engagée :
- du 3 octobre 2016 au 15 avril 2017 en contrat à durée déterminée de 6 mois en qualité d'architecte en formation HMONP moyennant une rémunération brute de 1 466,65 euros par mois,
- par avenant du 30 mars 2017, le contrat a été renouvelé jusqu'au 1er avril 2018 pour un emploi de dessinatrice projeteuse, sans modification de sa rémunération.
Il résulte des pièces communiquées que Mme [D] [F] avait accompli un stage auprès de M. [X] [K] du 22 avril au 30 juin 2015 au cours duquel lui avaient été confiées des réalisations de dossiers d'appels d'offres, conception de mobilier spécifique, 3D pour des opérations en cours et que le maître de stage avait alors relevé qu'elle avait mené ses tâches avec le plus grand sérieux et parfaitement à terme, s'était intégrée avec sérieux, autonomie complète, notant son esprit de synthèse et la vivacité d'exécution.
Elle a obtenu son diplôme d'Etat d'architecte en 2016, lequel constitue un diplôme de niveau 1, qui, en regard des emplois repère pour l'établissement des fiches de postes, permet d'accéder aux emplois de catégorie 3, pour lesquels le premier coefficient est le 380 pour un poste de chargé de projet 1.
Au cours de la période ' formation HMONP, dans l'organigramme de l'agence, la salariée était mentionnée comme architecte DE, chargée d'études, conception/dessin, production graphique.
Il résulte du carnet de suivi de la formation et de mise en situation professionnelle que lui ont été confiées des missions de candidatures sur des marchés publics, en charge de marché de maîtrise d'oeuvre type accord cadre de l'agence technique départementale, marchés qualifiés par l'employeur de très complets et complexes au niveau réglementaire permettant d'aborder des projets très divers, et de manière générale ses qualités de sérieux, concentration, abnégation, responsabilité dans les tâches qui lui ont été confiées ont été mises en avant.
A la suite de la nouvelle grille de classification entrée en vigueur le 1er juin 2016, l'ordre des architectes, s'agissant du statut particulier des ADE en HMONP, a recommandé de conclure un contrat de travail à durée déterminée avec pour intitulé de poste 'Diplômé d'Etat en architecture en mise en situation professionnelle' avec coefficient 280 de la nouvelle grille, ce qui correspond à un poste de dessinateur 2, assistant de projet 1, lequel est le collaborateur direct du responsable de projet et a pour principale mission de traduire graphiquement le projet de l'architecte depuis sa conception jusqu'à la remise des dessins au client, de préparer les différents dossiers, les demandes de permis de construire, de participer à la sélection des entreprises, d'assister le responsable de projet dans le suivi de chantier et la coordination des différents corps de métiers, autant de missions dont il n'est pas sérieusement discuté qu'elles incombaient à la salariée, présentée par l'agence comme ' architecte DE- chargée d'études, sous le contrôle certes régulier de son employeur et mais non constant dès lors que son autonomie était mise en avant par l'employeur dans le carnet de suivi et de la mise en situation professionnelle, dans lequel il était aussi précisé que 'les travaux étaient réalisés et organisés sous contrôle de bonne fin, avec initiatives réelles adaptées aux missions confiées', sans que l'attestation de Mme [Z] [O], versée par l'employeur, évoquant un contrôle permanent de M. [X] [K], ne soit suffisante pour le contredire, la supervision inhérente au statut d'employeur et responsable de l'agence mandatée par les donneurs d'ordre, impliquant en soi a minima un tel contrôle.
Aussi, il en résulte que du 3 octobre 2017 au 15 avril 2018, la salariée relevait du coefficient 280.
Pour la période postérieure, alors qu'elle a obtenu son habilitation et qu'elle bénéficie d'une première expérience dans le cadre de la première période d'emploi, si l'avenant mentionne un emploi de dessinatrice- projeteuse, elle est présentée par l'agence comme 'architecte de HMNOP chef de projet'.
Selon la classification conventionnelle, le chef de projet participe à la conception du projet architectural, peut intervenir à tous les niveaux du projet, de la conception à la réception des travaux, en passant par la réponse aux appels d'offres et le suivi de chantier.
Au niveau 1, le chef de projet réalise des travaux de la spécialité à partir de directives générales ; son activité s'exerce sous contrôle de bonne fin et il en est responsable dans cette limite. Ses initiatives sont limitées.
Ses missions nécessitent une bonne maîtrise technique du travail acquis par la formation et/ou l'expérience. Sa formation peut consister notamment en un diplôme de niveau III ou II de l'éducation nationale.
Selon la convention collective , le chef de projet 1 niveau 1, titulaire d'un niveau de diplôme I et II, se voit attribuer au moins élevé le coefficient 380.
Dans la lettre de recommandation rédigée par M. [X] [K] le 1er avril 2018, il écrivait que Mme [D] [F] s'était pleinement investie dans les différentes missions confiées, faisant preuve d'initiatives, de détermination et d'un professionnalisme prometteur pour atteindre les objectifs demandés.
Il décrivait les travaux à elle confiés comme étant :
- constitution de dossier d'appels d'offre
- travaux administratifs internes et suivis administratifs et comptables des affaires
- conceptions graphiques études
- suivi de chantier
- gestion de phase AOR.
Il s'en déduit que Mme [D] [F] a accompli l'ensemble des missions inhérentes à la qualification de chef de projet en participant à la conception du projet architectural, puis en intervenant à tous les niveaux du chantier, depuis la constitution des dossiers jusqu'au suivi de chantier, de sorte que c'est à juste titre qu'elle revendique le coefficient 380, peu important qu'elle ait pu ne pas accomplir l'ensemble de ses missions dans des conditions suffisamment satisfaisantes, ce qui est d'ailleurs contesté, dès lors que c'est la nature des missions qui permet de définir la classification de l'emploi.
Par conséquent, la cour confirme le jugement entrepris ayant accordé un rappel de salaire sur la base du coefficient 280 jusqu'au 15 avril 2018, puis du coefficient 380, avec toutes les conséquences qui en découlent en terme de rappel de salaire et pour la fixation des indemnités résultant de la requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée.
Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
M. [X] [K] sollicite la réduction de l'indemnité allouée à la salariée qui ne justifie pas de son préjudice dès lors qu'elle a retrouvé rapidement un emploi et a perçu des indemnités chômage.
Dans sa version applicable depuis le 1er avril 2018, lorsque l'entreprise compte moins de onze salariés, l'indemnité minimale pour un salarié ayant un an d'ancienneté est d'un demi-mois de salaire.
En l'espèce, le contrat de travail a pris fin le 15 avril 2018 et Mme [D] [F] a occupé un emploi de projeteur en contrat de travail à durée déterminée jusqu'au 19 décembre 2018 coefficient 320, avant de percevoir l'allocation de retour à l'emploi du 25 février 2019 au 8 avril 2019, puisque dès le 18 mars 2019, elle était engagée comme dessinatrice projecteur à compter du 1er avril 2019 au coefficient 360.
Compte tenu de la très courte période sans emploi, en lui accordant un mois de salaire à titre de dommages et intérêts, les premiers juges ont fait une juste appréciation de la réparation du préjudice, laquelle n'est pas remise en cause par la salariée.
Sur les dépens et frais irrépétibles
En qualité de partie principalement succombante, M. [X] [K] est condamné aux entiers dépens et condamné à payer à Mme [D] [F] la somme de 2 000 euros en cause d'appel, en sus de la somme allouée en première instance pour les frais générés par l'instance et non compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant dans les limites de sa saisine,
Confirme le jugement entrepris ;
Y ajoutant,
Condamne M. [X] [K] à payer à Mme [D] [F] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel ;
Condamne M. [X] [K] aux entiers dépens de première d'instance et d'appel.
La greffière La présidente