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09/11/2022 | FRANCE | N°18/04773

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 09 novembre 2022, 18/04773


N° RG 18/04773 - N° Portalis DBV2-V-B7C-IAOT





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE





ARRET DU 09 NOVEMBRE 2022











DÉCISION DÉFÉRÉE :



Jugement du TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE ROUEN du 15 Octobre 2018







APPELANTE :



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE [Localité 3] - [Localité 6] - [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 3]



représentée par Me

Vincent BOURDON, avocat au barreau de ROUEN







INTIMEE :



SSIAD

[Adresse 2]

[Localité 4]



représentée par Me Muriel GILLETTE, avocat au barreau de ROUEN





























COMPOSITION DE LA COUR  :


...

N° RG 18/04773 - N° Portalis DBV2-V-B7C-IAOT

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 09 NOVEMBRE 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE ROUEN du 15 Octobre 2018

APPELANTE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE [Localité 3] - [Localité 6] - [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Vincent BOURDON, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEE :

SSIAD

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Muriel GILLETTE, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 28 Septembre 2022 sans opposition des parties devant Madame ROGER-MINNE, Conseillère, magistrat chargé d'instruire l'affaire

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BIDEAULT, Présidente

Madame ROGER-MINNE, Conseillère

Madame POUGET, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

M. CABRELLI, Greffier

DEBATS :

A l'audience publique du 28 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 09 Novembre 2022

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 09 Novembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par M. CABRELLI, Greffier.

* * *

EXPOSE DU LITIGE

Le centre communal et d'action sociale de la ville de [Localité 4] (le CCAS) est gestionnaire d'un service polyvalent d'aide et de soins à domicile qui reçoit de l'assurance maladie une dotation globale. Il a passé des conventions avec des professionnels de santé libéraux chargés d'assurer les soins infirmiers à domicile (SSIAD).

La caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 3] [Localité 6] [Localité 5] (la caisse) a procédé au contrôle des actes infirmiers sur la période du 1er janvier 2015 au 31 mars 2016 et, ayant relevé des anomalies de facturations, a notifié au SSIAD, le 16 septembre 2016, un indu de 38 254,45 euros.

Le SSIAD a contesté cet indu devant la commission de recours amiable de la caisse qui a rejeté son recours le 23 mars 2017.

Le CCAS a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Rouen qui, par jugement du 15 octobre 2018, a annulé l'indu.

La caisse a relevé appel de cette décision et par conclusions remises le 21 septembre 2022, soutenues oralement, demande à la cour de :

- rejeter le recours du SSIAD,

- constater l'annulation de l'indu à hauteur de 4 932,23 euros et le confirmer pour 33 322,22 euros,

- condamner le SSIAD au remboursement de cette somme et l'inviter à se rapprocher d'elle afin d'établir un échéancier.

Elle expose que le tribunal a annulé l'indu au motif qu'elle n'avait pas produit le tableau récapitulatif des anomalies de facturation mais qu'elle y a remédié en cause d'appel, son comptable attestant de l'exactitude des informations y figurant. Elle considère que ce tableau permettait au débiteur de connaître la nature et le montant de l'indu ainsi que la date des paiements.

Elle explique que les forfaits annuels versés au SSIAD, dénommés dotation globale, sont destinés à couvrir l'ensemble des charges supportées par le service pour assurer ses missions et indique que le contrôle a permis de constater que des soins infirmiers lui avaient été facturés, en sus de la dotation globale, de sorte que ces actes ont fait l'objet d'une double prise en charge.

Elle fait valoir que, si devant la commission de recours amiable, le SSIAD a soutenu avoir rémunéré certains actes infirmiers, l'invitant ainsi à se retourner contre les professionnels concernés, il n'en a pas rapporté la preuve.

Elle précise qu'au vu des justificatifs produits dans le cadre du procès, une partie de l'indu a été annulée mais qu'elle ne peut prendre en considération les justificatifs qui ne concernent pas, pour le même acte, le même infirmier. Elle soutient que le service ne peut se retrancher derrière une méconnaissance de l'intervention de professionnels libéraux non conventionnés au sein de son établissement, alors que les interventions se font sous la responsabilité de l'infirmier coordonnateur du service.

Par conclusions remises le 28 septembre 2022, soutenues oralement, le SSIAD demande à la cour de :

- confirmer le jugement,

- à titre subsidiaire, réduire le montant de l'indu à 1 457,40 euros,

- lui octroyer un moratoire de deux ans pour le remboursement de la somme à laquelle il serait condamné,

- condamner la caisse à lui payer une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il expose qu'en l'absence de logiciels communs recensant les séjours hospitaliers des patients, les prescriptions et les interventions des différents acteurs, le contrôle de la pertinence de la prise en charge et des actes infirmiers est particulièrement complexe, d'autant que certains cabinets transmettent les actes à bref délai tandis que d'autres peuvent attendre jusqu'à 12 mois. Il fait valoir que des instructions précises sont données aux intervenants libéraux sur la nécessité de l'informer de l'ensemble des actes accomplis, de les transmettre, datés et cotés, dans les meilleurs délais, ce qui lui a permis de mettre à jour certaines anomalies.

Il considère qu'il appartiendra à la cour de dire si le tableau produit par la caisse permet d'établir efficacement qu'elle a remboursé aux assurés sociaux ou aux professionnels de santé les prestations réalisées au profit des bénéficiaires qu'il prend en charge, en plus de la dotation globale annuelle versée en contrepartie de cette prise en charge. Il indique que les éléments qu'il produit, à savoir la liste des professionnels libéraux intervenus sans convention ni accord auprès de ses patients ou n'ayant pas tenu compte de l'information donnée sur sa prise en charge de l'usager ainsi que la preuve de la réalité du paiement des actes à ces professionnels, ne sont pas contestables. Il soutient qu'aucune faute ne peut lui être imputée au regard du système et des contrôles mis en place, seul le non-respect des règles par des tiers étant en cause et indique qu'il n'est pas informé lorsqu'un infirmier ou un pédicure-podologue libéral facture directement ses actes à l'assurance maladie en dehors de tout conventionnement. Il ajoute que l'indu a été causé par des malversations qu'il a signalées et qui ont fait l'objet d'une plainte pénale.

MOTIVATION

Sur la demande d'annulation de l'indu

Il résulte des articles R. 314-137 et R. 314-138 du code de l'action sociale et des familles, dans leur version applicable à l'espèce, que les dépenses afférentes aux soins dispensés par les services de soins infirmiers à domicile font l'objet d'une dotation globale. Celle-ci comprend notamment les charges relatives à la rémunération des infirmiers libéraux. L'existence d'une dotation globale de soins finançant un établissement ou un service de soins fait obstacle à la prise en charge distincte de soins, actes et prestations qui sont compris dans la dotation.

En application de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale en cas d'inobservation des règles de tarification ou de facturation qu'il énonce, l'organisme de prise en charge recouvre l'indu correspondant auprès du professionnel ou de l'établissement à l'origine du non-respect de ces règles et ce, que le paiement ait été effectué à l'assuré, à un autre professionnel de santé ou à un établissement.

La notification d'indu indique que figurent en pièce jointe les tableaux récapitulant les anomalies de facturation à l'assurance maladie. La caisse verse aux débats ces tableaux, qui reprennent, notamment, l'identification des bénéficiaires des soins, les dates de début et de fin de la prise en charge par le SSIAD, la nature de l'acte, les dates des soins, les dates de mandatement de la prestation, les numéros et noms des professionnels intervenants, les montants payés, le taux de remboursement, le montant de chaque indu et la nature de l'anomalie, à savoir 'prestations incluses dans les forfaits de la structure'. La caisse produit en outre l'attestation de son directeur comptable et financier qui certifie l'exactitude des informations figurant dans le tableau qui retrace, en conformité avec les écritures comptables de la caisse, les paiements effectués par elle aux infirmiers qui y sont listés.

Il est ainsi établi que les soins litigieux ont été réalisés au bénéfice de patients pris en charge par le SSIAD, ont été effectués par des infirmiers ou pédicures-podologues libéraux, étaient inclus dans la dotation globale et ont fait pourtant l'objet d'un remboursement distinct par la caisse.

Or, les soins techniques effectués par les professionnels libéraux au bénéfice des patients pris en charge par le SSIAD et remboursés par la caisse constituent un indu, dont elle est fondée à demander la répétition, peu important l'absence de faute du SSIAD.

Le jugement, qui a annulé l'indu faute de pouvoir apprécier le montant de celui-ci et son bien fondé, doit dès lors être infirmé.

Sur le montant de l'indu

Le SSIAD a communiqué à la caisse un tableau répertoriant les prestations qu'il avait payées à plusieurs infirmiers, en double par rapport aux montants réglés directement par la caisse. Il est mentionné un total payé par l'intimé de 5 462,92 euros.

La caisse produit, de son côté, un tableau indiquant pour chaque acte l'observation faite le cas échéant par le SSIAD et si elle l'a retenue ou a au contraire maintenu l'indu.

S'agissant des indus maintenus, la caisse justifie que si l'acte litigieux a été payé par le SSIAD au professionnel, c'est un autre qui s'est fait rembourser par la caisse. Ainsi le soin accompli au profit de Mme [T], le 4 novembre 2015, a été réglé par le SSIAD à l'infirmière Mme [H] alors que la caisse a reçu une facturation au même titre pour l'infirmière Mme [U]. En conséquence, il ne peut être considéré que cette dernière a reçu un double paiement qui aurait justifié que la caisse lui demande remboursement de l'indu en question.

Dès lors, à défaut pour le SSIAD de justifier d'autres paiements effectués par lui aux professionnels libéraux, il doit être condamné à rembourser à la caisse la somme révisée de 33 322,22 euros.

Sur la demande de délais de paiement

Le SSIAD sollicite des délais de paiement au motif qu'un remboursement générerait pour lui des difficultés financières préoccupantes. Cependant, il ne produit aucun élément sur sa situation financière, de sorte qu'il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande, la caisse l'ayant par ailleurs invité à se rapprocher d'elle en vue d'établir un échéancier.

Sur les frais du procès

L'intimé qui perd le procès sera condamné aux dépens et débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Rouen du 15 octobre 2018 ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Condamne le SSIAD du CCAS de [Localité 4] à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 3] [Localité 6] [Localité 5] la somme de 33 322,22 euros en remboursement de l'indu de la période du 1er janvier 2015 au 31 mars 2016 ;

Le déboute de ses demandes ;

Le condamne aux dépens.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18/04773
Date de la décision : 09/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-09;18.04773 ?
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