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03/11/2022 | FRANCE | N°20/01416

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 03 novembre 2022, 20/01416


N° RG 20/01416 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IOSY





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE



ARRET DU 03 NOVEMBRE 2022











DÉCISION DÉFÉRÉE :





Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE LOUVIERS du 02 Mars 2020





APPELANT :





Monsieur [L] [S]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représenté par Me Géraldine BOITIEUX, avocat au barreau de ROUEN









INTIMEE :





S.A.S. HESTIA SEJOURS ET VACANCES

[Adresse 1]

[Adresse 1]



représentée par Me Nathalie JAUFFRET, avocat au barreau de PARIS









































COMPOSITION DE LA COUR  :





En application des disp...

N° RG 20/01416 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IOSY

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 03 NOVEMBRE 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE LOUVIERS du 02 Mars 2020

APPELANT :

Monsieur [L] [S]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Géraldine BOITIEUX, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEE :

S.A.S. HESTIA SEJOURS ET VACANCES

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Nathalie JAUFFRET, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 21 Septembre 2022 sans opposition des parties devant Madame BIDEAULT, Présidente, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BIDEAULT, Présidente

Madame ALVARADE, Présidente

Madame POUGET, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DUBUC, Greffière

DEBATS :

A l'audience publique du 21 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 03 Novembre 2022

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 03 Novembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme DUBUC, Greffière.

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu le jugement en date du 2 mars 2020 par lequel le conseil de prud'hommes de Louviers, statuant dans le litige opposant M. [L] [S] à son employeur, la société Domaine Hestia et la société Hestia Séjours et Vacances, a ordonné la mise hors de cause de la société Domaine Hestia, a pris acte de la remise d'un chèque de 371 euros à l'ordre de M. [S] au titre de la taxe d'habitation 2018, a débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, a débouté l'employeur de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, a dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens ;

Vu l'appel limité interjeté par voie électronique le 30 mars 2020 par M. [S] à l'encontre de cette décision qui lui a été notifiée le 7 mars précédent ;

Vu la constitution d'avocat de la société Hestia Séjours et Vacances, intimée, effectuée par voie électronique le 8 mai 2020 et la nouvelle constitution en lieu et place en date du 21 juin 2021 ;

Vu la nouvelle constitution d'avocat en lieu et place de M. [S] en date du 18 novembre 2021 ;

Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 mai 2022 par lesquelles le salarié appelant, soutenant la convention de forfait jours privée d'effet, affirmant avoir effectué de nombreuses heures supplémentaires non rémunérées, ne pas avoir été intégralement rempli de ses droits au titre de l'exécution de son contrat de travail, considérant que l'employeur n'a pas respecté la législation relative aux temps de pause, aux amplitudes et à la durée du travail, aux temps de repos hebdomadaires, qu'il a manqué à son obligation de sécurité et qu'il s'est rendu coupable de travail dissimulé, soutenant que la gravité de ces manquements justifie le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts exclusifs, sollicite l'infirmation du jugement entrepris, demande à la cour de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail et de condamner son ancien employeur à lui payer les sommes reprises au dispositif de ses écritures devant lui être allouées à titre de :

rappel de salaire au titre des heures supplémentaires (92 419,04 euros) et congés payés afférents (9 241 euros),

à titre subsidiaire, rappel de salaire fondé sur un forfait (10 168,34 euros) et congés payés afférents (1 016,83 euros),

contreparties en repos non prises ( 50 621,05 euros) et congés payés afférents (5 062,10 euros),

dommages et intérêts pour travail dissimulé (39 757,20 euros),

dommages et intérêts pour non respect des temps de pause (500 euros),

dommages et intérêts pour non-respect des amplitudes et de la durée du travail (5 000 euros),

dommages et intérêts pour non-respect des repos hebdomadaires (5 000 euros),

dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité (5 000 euros),

dommages et intérêts pour non respect des visites médicales (2 000 euros),

indemnité de licenciement (9 939,30 euros),

indemnité de préavis (19 878,60 euros) et congés payés afférents (1 987,86 euros),

dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (46 383,40 euros),

indemnité de procédure ( 3000 euros au titre de la première instance et 3000 euros au titre de la procédure d'appel),

requiert qu'il soit ordonné à l'employeur de lui remettre ses bulletins de salaire et documents de fin de contrat modifiés sous astreinte de 50 euros par document et par jour de retard à compter de l'expiration du délai de pourvoi, demande que l'employeur soit condamné aux entiers dépens ;

Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 juin 2022 aux termes desquelles la société intimée, réfutant les moyens et l'argumentation de la partie appelante, aux motifs notamment que le forfait jours contractuellement prévu est applicable, que le salarié n'a jamais effectué d'heures supplémentaires en ce qu'il était libre de vaquer à ses occupations au cours d'une partie de ses journées, considérant que l'appelant ne justifie pas du préjudice subi par l'absence d'organisation de visites médicales, indiquant ne pas pouvoir matériellement rectifier l'ensemble des bulletins de paie mais avoir communiqué une attestation rectificative à l'appelant, sollicite pour sa part la confirmation de la décision déférée, le débouté de l'ensemble des demandes formées par le salarié et sa condamnation au paiement d'une indemnité de procédure ( 2 500 euros) ainsi qu'aux dépens ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 1er septembre 2022 renvoyant l'affaire pour être plaidée à l'audience du 21 septembre 2022 ;

Vu les conclusions transmises le 12 mai 2022 par l'appelant et le 27 juin 2022 par l'intimée auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel ;

Vu le moyen soulevé d'office par la cour relatif à la recevabilité des demandes nouvelles, les notes communiquées en délibéré par le salarié le 23 septembre 2022 et l'employeur le 26 septembre 2022 ;

SUR CE, LA COUR

La société Hestia Séjours et Vacances est spécialisée dans le secteur d'activité de l'hébergement social pour enfants en difficultés et l'organisation de séjours de dégagement pour des enfants confiés à la protection de l'enfance.

M. [S] a été embauché par la société Hestia Séjours et Vacances en qualité de responsable permanent aux termes d'un contrat de travail à durée déterminée pour la période comprise entre le 16 mai 2016 et le 15 mai 2017.

A compter du 16 mai 2017, M. [S] a été embauché dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet en qualité de responsable permanent moyennant une rémunération mensuelle brut de 2 272 euros.

M. [S] bénéficiait d'un logement de fonctions.

Le 13 août 2017, le salarié a été victime d'un accident de travail. Il a bénéficié d'un arrêt de travail jusqu'au 29 octobre 2017.

Le 10 février 2018, M. [S] a été victime d'un accident. Il a été placé en arrêt de travail sans discontinuer jusqu'à ce jour.

Estimant ne pas avoir été rempli de ses droits au titre de l'exécution de son contrat de travail, M. [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Louviers le 27 mars 2019, qui, statuant par jugement du 2 mars 2020, dont appel, s'est prononcé comme indiqué précédemment.

Sur la recevabilité des demandes nouvelles

M. [S] a saisi le conseil de prud'hommes le 27 mars 2019 d'une demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires effectuées, d'une demande de dommages et intérêts pour absence de suivi médical, d'une demande de remboursement de la taxe d'habitation, d'une demande de remise de documents sous astreinte et d'une demande d'indemnité de procédure.

A hauteur de cour, le salarié outre, ces demandes initiales, forme les demandes nouvelles suivantes :

-une demande au titre de la contrepartie obligatoire en repos outre les congés payés afférents,

-une demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

-une demande de dommages et intérêts pour non-respect des temps de pause,

-une demande de dommages et intérêts pour non-respect des amplitudes et de la durée du travail,

-une demande de dommages et intérêts pour non-respect des temps de repos hebdomadaires,

-une demande de dommages et intérêts pour non manquement à l'obligation de sécurité,

-le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et la condamnation de ce dernier au paiement de l'indemnité de licenciement, l'indemnité compensatrice de préavis, congés payés sur rappel de salaire, dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La cour a invité les parties à conclure sur la recevabilité des demandes nouvelles.

M. [S] considère ses demandes recevables puisque se rattachant par un lien suffisant aux prétentions originaires. Il indique que l'ensemble de ces demandes découle du non respect du temps de travail et du non paiement des heures supplémentaires. Il soutient en outre qu'il ne serait pas d'une bonne administration de la justice qu'il engorge la juridiction prud'homale de demandes qui ont un lien étroit avec les demandes initiales. Enfin, il observe que l'employeur n'a pas soulevé l'irrecevabilité de ces demandes au dispositif de ses écritures, ce qui signifie tacitement mais nécessairement qu'il en reconnaît le bien fondé.

L'employeur demande à la cour de déclarer irrecevables l'ensemble des demandes nouvelles formées par le salarié à hauteur de cour.

Sur ce ;

Le décret 2016-660 du 20 mai 2016, réformant la procédure devant le conseil de prud'hommes, a abrogé les articles R 1452-6, relatif à l'unicité d'instance, et R 1452-7 du code du travail, permettant des demandes nouvelles en appel.

Dans les instances introduites depuis le 1er août 2016, le régime des demandes nouvelles dans la procédure prud'homale obéit aux règles du droit commun, telles qu'elles résultent des articles 562 et suivants du code de procédure civile.

Le salarié ayant saisi le conseil de prud'hommes de Louviers le 27 mars 2019, les nouvelles dispositions prévues par le décret du 20 mai 2016 sont applicables à l'espèce.

L'article 564 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

En application de l'article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

L'article 566 du même code dispose que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En l'espèce, il ressort des éléments du dossier que le salarié a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande au titre des heures supplémentaires qu'il n'a formé aucune demande devant les premiers juges au titre du non respect des temps de pause, des amplitudes et de la durée du travail, des temps de repos hebdomadaires, du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ou au titre de la rupture de son contrat de travail.

Ces demandes, qui ne sont ni l'accessoire, ni la conséquence, ni le complément nécessaire des demandes initiales sont en conséquence des demandes nouvelles qui doivent être déclarées irrecevables.

En revanche, les demandes au titre du travail dissimulé et des contreparties obligatoires en repos étant liées à la demande initiale de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires en ce qu'elles sont potentiellement la conséquence de cette demande, doivent être déclarées recevables.

Sur l'exécution du contrat de travail

M. [S], qui ne revendique pas spécifiquement à hauteur de cour l'application d'une convention collective particulière, soutient que la convention de forfait jours mentionnée au sein de son contrat de travail est privée d'effet en ce que le décret d'application relatif à la mise en oeuvre de l'article L 433-1 du code de l'action sociale et des familles n'a pas été publié.

Il considère qu'en l'absence d'application de l'article L 433-1 sus visé, il y a lieu de se référer au droit commun, que son droit aux heures supplémentaires est acquis.

A titre principal, le salarié forme une demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires effectuées pour la période comprise entre mai 2016 et février 2018.

A titre subsidiaire, il forme une demande de rappel de salaire au titre des jours supplémentaires effectués.

L'employeur, qui précise qu'aucune convention collective n'est applicable en l'espèce, le contrat de travail étant soumis aux dispositions du droit commun, soutient la validité de la convention de forfait jours mentionnée au sein du contrat de travail de l'appelant.

En tout état de cause, il considère que le salarié, qui a augmenté le quantum de sa demande à hauteur de cour, qui bénéficiait d'un logement de fonction au sein du domaine, ne présente pas d'éléments suffisants pour étayer sa demande.

Il considère en outre qu'il n'était pas à disposition constante de son employeur, qu'il pouvait vaquer librement à ses occupation la journée.

Sur la validité de la convention de forfait jour

Les contrats de travail de M. [S] stipulent en leurs articles 8 intitulés 'durée de travail' : La durée de travail du salarié ainsi que ses modalités d'aménagement sont celles applicables dans l'établissement pour le personnel relevant de la même catégorie professionnelle, soit 248 jours par an. Ces précisions n'ont qu'une valeur indicative. Les horaires de travail du salarié et leur aménagement peuvent être réaménagés et/ou augmentés en fonction des impératifs de production.'

Il y a lieu de constater que les parties s'accordent sur le fait que le droit commun trouve à s'appliquer en l'espèce.

L'article L 433-1 du code de l'action sociale et des familles dispose notamment que les lieux de vie et d'accueil, autorisés en application de l'article L. 313-1, sont gérés par des personnes physiques ou morales.

Dans le cadre de leur mission, les permanents responsables de la prise en charge exercent, sur le site du lieu de vie, un accompagnement continu et quotidien des personnes accueillies.

Les assistants permanents, qui peuvent être employés par la personne physique ou morale gestionnaire du lieu de vie, suppléent ou remplacent les permanents responsables.

Les permanents responsables et les assistants permanents ne sont pas soumis aux dispositions relatives à la durée du travail, à la répartition et à l'aménagement des horaires des titres Ier et II du livre Ier de la troisième partie du code du travail ni aux dispositions relatives aux repos et jours fériés des chapitres Ier et II ainsi que de la section 3 du chapitre III du titre III de ce même livre.

Leur durée de travail est de deux cent cinquante-huit jours par an.

Les modalités de suivi de l'organisation du travail des salariés concernés sont définies par décret.

L'entrée en vigueur de dispositions dont l'exécution nécessite des mesures d'application et reportée à la date d'entrée en vigueur de ces mesures.

En l'espèce, le décret d'application relatif aux mesures d'application de l'article L 433-1 du code de l'action sociale et des familles en date du 8 juillet 2021 a été publié au journal officiel le 9 juillet 2021 et est entré en vigueur le 10 juillet 2021.

Il y a lieu de rappeler que le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles.

A la date d'exécution de la prestation de travail de M. [S], au cours de la période revendiquée par ce dernier ( mai 2016 à février 2018), le décret susvisé n'était pas intervenu, ce dont il se déduit que la convention en forfait jour mentionnée au contrat de travail est privée d'effet.

M. [S] est fondé à revendiquer le décompte de ses heures de travail dans le cadre des dispositions relatives à la durée légale du travail déterminée par l'article L3121-10 du code du travail, à savoir trente-cinq heures par semaine.

Sur les heures supplémentaires

La durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à trente-cinq heures par semaine.

Selon l'article L. 3121-28 du code du travail, toute heure accomplie au delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.


Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

M. [S] soutient avoir effectué1601 heures supplémentaires en 2016, 1932 en 2017 et 274 heures en 2018.

Il verse aux débats :

- les plannings de travail communiqués par l'employeur,

- des décomptes mensuels et hebdomadaires des heures de travail effectués mentionnant les heures de début et de fin de prise de poste,

- des attestations établies par des salariés, stagiaires de la société desquelles il ressort que ses amplitudes de travail étaient importantes, qu'il était d'astreinte la nuit, qu'il effectuait des tâches sur le site du lieu de vie lorsque les jeunes étaient scolarisés, qu'il ne disposait que très rarement de temps libre à consacrer à ses occupations personnelles.

Le salarié présente ainsi des éléments préalables suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre en apportant ses propres éléments.

Ce dernier conteste la valeur probante des témoignages produits par l'appelant et constate que, sans explication, l'appelant a augmenté sa demande initiale de 3807 heures supplémentaires à 4221 heures.

L'employeur rappelle que du 16 mai 2016 au 15 juin 2017 M. [S] a travaillé sur le site de la Petite Maison à [Localité 3] puis, à compter du 17 juin 2017, à sa demande, sur le site de la Ferme situé à [Localité 4].

L'employeur indique que M. [S] bénéficiait d'un logement de fonction.

Il précise que les enfants hébergés sur le site étaient scolarisés, qu'ils s'absentaient en conséquence la journée de 7h30 à 17h, que le salarié pouvait en conséquence, durant leur absence, vaquer à ses occupations, qu'il ne demeurait pas à la disposition de son employeur. L'intimée indique en outre que les enfants retournaient au domicile de leurs parents le week-end.

A compter de sa mutation au sein de la ferme pédagogique, l'employeur indique que le salarié s'occupait de deux jeunes de 17 ans et 18 ans, déficients intellectuels mais autonomes.

L'employeur conteste la réalisation d'heures supplémentaires par le salarié, observe qu'il n'a jamais durant la relation contractuelle adressé de demande particulière l'alertant sur une éventuelle surcharge de travail nécessitant la réalisation d'heures supplémentaires.

L'employeur verse aux débats des attestations de salariés et plus spécifiquement les témoignages de Mme [X] et de M.[K], responsables permanents au sein de la société, desquels il ressort que durant la scolarité des enfants, le responsable est libre de 9h à 16h/17h.

M. [N], ancien responsable permanent, indique que pendant les week-end, aucun enfant ne séjournait sur le site La Maison.

Mme [D], secrétaire, atteste de ce que durant sa période d'emploi elle a été régulièrement sollicitée par M. [S] dans la journée à la suite de ses nombreux rendez-vous personnels afin de lui demander diverses attestations.

L'employeur verse également aux débats des calendriers d'hébergement, rapports éducatifs concernant certains enfants, des témoignages de salariés indiquant que la direction est conciliante sur les horaires de travail, notamment au regard des problèmes personnels rencontrés par le personnel.

En premier lieu, il sera rappelé que salarié qui, pendant la durée de son contrat de travail, ne formule pas de demande spécifique à l'employeur en paiement d'heures supplémentaires, ne renonce pas pour autant à son droit de les réclamer, dans la limite de la prescription de l'article L.3245-1 du code du travail.

Il ne ressort pas des éléments du dossier que le salarié ait été soumis à des horaires de travail fixes.

Il s'évince de la lecture des plannings de travail élaborés par l'employeur que contrairement aux allégations de ce dernier, des amplitudes de travail étaient imposées à M. [S] chaque jour. Ainsi, il travaillait principalement de 9h à 23 heures selon les plannings versés aux débats et, ce, durant plusieurs jours consécutifs.

Les périodes de congés apparaissent sur ces plannings.

Les attestations produites par l'employeur ne permettent pas d'établir qu'au cours de ses journées de travail le salarié n'était pas à disposition permanente de son employeur, les plannings prévoyant son temps de travail.

En outre, il résulte des documents produits par le salarié qu'en l'absence physique des enfants sur le site de vie, M. [S] effectuait d'autre tâches comme, notamment, la rénovation d'une longère destinée à l'hébergement de jeunes, des travaux d'entretien.

Il ressort également des éléments produits que certains jeunes ne bénéficiaient pas de droit de visite et d'hébergement chaque fin de semaine.

Ainsi, les pièces éducatives produites par l'employeur relatives à la situation de [T] [Z] établissent que ce dernier pouvait séjourner au sein du lieu de vie le samedi ou le dimanche, qu'un droit de visite et d'hébergement progressif et encadré a été mis en oeuvre.

Enfin, il ressort de certains témoignages et plus spécifiquement de celui de M. [J] qu'après le départ de la structure des enfants scolarisés, M. [S] se rendait sur le site de la 'maison mère' afin d'encadrer d'autres jeunes en cours d'inscription scolaire ou déscolarisés.

Ainsi, au vu des éléments produits de part et d'autre, et sans qu'il soit besoin d'une mesure d'instruction, la cour a la conviction au sens du texte précité que M. [S] a bien effectué des heures supplémentaires non rémunérées.

Au regard des pièces produites, il apparaît qu'au sein de ses décomptes, le salarié ne tient pas compte des temps de pause, des temps de repas.

En outre, l'employeur établit certaines incohérences dans les décomptes produits par le salarié. Ainsi, en novembre 2016, M. [S] a prolongé ses vacances au Maroc, a adressé à la société un mail en ce sens indiquant qu'il ne rentrerait pas avant le 1er décembre 2016.

Les décomptes produits par le salarié ne tiennent compte ni de la période de congés initiale ni de la prolongation de cette absence.

Au vu des éléments produits de part et d'autre, de l'amplitude de travail réelle du salarié, il y a lieu de faire droit à la demande formée par M. [S] à hauteur de 2 538 heures pour un rappel de salaire de 54 624,47 euros outre 5 462,44 euros au titre des congés payés afférents.

Sur la demande au titre de la contrepartie obligatoire en repos

L'article L 3121-30 du code du travail dispose que des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel. Les heures effectuées au delà de ce contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos. Les heures prises en compte pour le calcul du contingent annuel d'heures supplémentaires sont celles accomplies au delà de la durée légale. Les heures supplémentaires ouvrant droit au repos compensateur équivalent mentionné à l'article L. 3121-28 et celles accomplies dans les cas de travaux urgents énumérés à l'article L. 3132-4 ne s'imputent pas sur le contingent annuel d'heures supplémentaires.

L'article L 3121-39 du même code précise qu'à défaut d'accord, un décret détermine le contingent annuel défini à l'article L. 3121-30 ainsi que les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire sous forme de repos pour toute heure supplémentaire effectuée au-delà de ce contingent.

En application de l'article D 3121-14 du code du travail, le salarié dont le contrat de travail prend fin avant qu'il ait pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos à laquelle il a droit, reçoit une indemnité dont le montant correspond à ses droits acquis et qui a le caractère de salaire.

En l'espèce, il n'est pas contesté par les parties qu'en l'absence d'accord, le contingent annuel d'heures supplémentaires est fixé à 220 heures.

Au regard des précédents développements, du nombre d'heures supplémentaires retenu par la cour, il y a lieu de constater que le salarié a dépassé le contingent annuel d'heures supplémentaires.

En conséquence, il sera fait droit à sa demande à hauteur de 15 039,92 euros outre les congés payés afférents.

Sur la demande au titre du travail dissimulé

Par application de l'article L.8221-5, 2° du code du travail, la mention sur le bulletin de paie d'un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli constitue le travail dissimulé dans la mesure où elle est intentionnelle.

L'attribution par une juridiction au salarié d'heures supplémentaires non payées ne constitue pas à elle seule la preuve d'une dissimulation intentionnelle.

Il ne résulte pas en l'espèce des pièces versées aux débats et compte tenu du désaccord entre les parties quant à la validité de la convention de forfait jours, que c'est sciemment que l'employeur a omis de payer des heures supplémentaires au salarié.

En conséquence, M. [S] doit être débouté de sa demande au titre du travail dissimulé.

Sur la demande de dommages et intérêts pour non respect des visites médicales

Le manquement de l'employeur à son obligation de soumettre le salarié à une visite médicale d'embauche ainsi qu'aux examens médicaux prévus par l'article

R 4624-16 du code du travail du code du travail ne cause pas nécessairement un préjudice au salarié.

Le salarié qui entend obtenir des dommages-intérêts pour défaut de visite médicale doit établir la réalité du préjudice que cette absence lui a causé, ce point relevant de l'appréciation souveraine des juges du fond.

En l'espèce, M. [S] ne produit pas de pièce justificative et n'établit pas l'existence d'un préjudice.

En conséquence l'appelant doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

Le jugement entrepris est confirmé de ce chef.

Sur la remise des documents

M. [S] sollicite la rectification et la remise de l'ensemble de ses bulletins de paie après avoir constaté que ceux-ci mentionnent une date d'entrée au sein de la société au 1er janvier 2017 au lieu du 16 mai 2016, date de son embauche.

En outre, il sollicite la remise de ses bulletins de paie à compter d'août 2018, ceux-ci ne lui ayant jamais été délivrés.

Le salarié demande que ces remises soient assorties d'une astreinte de 50 euros par document et par jour de retard à compter de l'expiration du délai de pourvoi, la cour se réservant la liquidation de l'astreinte.

L'employeur, qui ne conteste pas l'existence d'une erreur matérielle affectant les bulletins de salaire, indique d'une part, ne pas pouvoir rectifier la date d'embauche sur l'ensemble des bulletins de paie pour des raisons de logiciel comptable, et, d'autre part, avoir remis une attestation au salarié certifiant son ancienneté et la date exacte de son embauche, attestation versée aux débats.

Au vu de ces éléments, le salarié ne précisant pas les raisons pour lesquelles l'attestation remise serait insuffisante, les impératifs comptables de l'employeur ne permettant pas la rectification de l'ensemble des bulletins de salaire, il y a lieu de le débouter de sa demande.

En revanche, il n'est pas établi que les bulletins de salaire à compter d'août 2018 aient été remis au salarié.

En conséquence, il y a lieu d'ordonner la remise par l'employeur au salarié des bulletins de paie depuis août 2018 ainsi que d'un bulletin de paie récapitulatif conforme au présent arrêt, sans que le prononcé d'une astreinte soit nécessaire à ce stade de la procédure.

Sur les dépens et frais irrépétibles

La société Hestia Séjours, partie succombante est condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [S] les frais non compris dans les dépens qu'il a pu exposer. Il convient en l'espèce de condamner l'employeur à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de l'employeur les frais irrépétibles exposés par lui.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant contradictoirement et en dernier ressort, dans les limites de l'appel ;

Déclare irrecevables les demandes formées par M. [L] [S] au titre du non respect des temps de pause, des amplitudes et de la durée du travail, des temps de repos hebdomadaires, du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et au titre de la rupture de son contrat de travail ;

Déclare recevables les demandes formées par M. [L] [S] au titre des contreparties obligatoires en repos et du travail dissimulé ;

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Louviers du 2 mars 2020 sauf en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de rectification de l'intégralité de ses bulletins de paie et de sa demande pour non respect des visites médicales ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Condamne la société Hestia Séjours et Vacances à verser à M. [L] [S] les sommes suivantes :

54 624,47 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires outre 5 462,44 euros au titre des congés payés afférents,

15 039,92 euros au titre des contreparties obligatoires en repos outre 1 503,99 euros au titre des congés payés afférents ;

Déboute M. [L] [S] de sa demande au titre du travail dissimulé ;

Ordonne à la société Hestia Séjours et Vacances de remettre à M. [L] [S] ses bulletins de paie depuis août 2018 ainsi qu'un bulletin de salaire récapitulatif conforme au présent arrêt ;

Dit n'y avoir lieu à assortir d'une astreinte la remise de ces documents au salarié ;

Condamne la société Hestia Séjours et Vacances à verser à M. [L] [S] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne la société Hestia Séjours et Vacances aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La greffièreLa présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/01416
Date de la décision : 03/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-03;20.01416 ?
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