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03/11/2022 | FRANCE | N°20/01402

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 03 novembre 2022, 20/01402


N° RG 20/01402 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IOR7





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE



ARRET DU 03 NOVEMBRE 2022











DÉCISION DÉFÉRÉE :





Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'EVREUX du 26 Février 2020





APPELANT :





Monsieur [E] [P]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représenté par Me Jean-Michel EUDE de la SCP DOUCERAIN-EUDE-SEBIRE, avocat au barreau de l'EURE









INTIMEE :





Société TEAM RESEAUX

[Adresse 1]

[Adresse 1]



représentée par Me Valérie-Rose LEMAITRE de la SCP LEMAITRE, avocat au barreau de l'EURE



































COMPOSITION DE LA COUR  :





...

N° RG 20/01402 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IOR7

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 03 NOVEMBRE 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'EVREUX du 26 Février 2020

APPELANT :

Monsieur [E] [P]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Jean-Michel EUDE de la SCP DOUCERAIN-EUDE-SEBIRE, avocat au barreau de l'EURE

INTIMEE :

Société TEAM RESEAUX

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Valérie-Rose LEMAITRE de la SCP LEMAITRE, avocat au barreau de l'EURE

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 21 Septembre 2022 sans opposition des parties devant Madame BIDEAULT, Présidente, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BIDEAULT, Présidente

Madame ALVARADE, Présidente

Madame POUGET, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DUBUC, Greffière

DEBATS :

A l'audience publique du 21 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 03 Novembre 2022

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 03 Novembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme DUBUC, Greffière.

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu le jugement en date du 26 février 2020 par lequel le conseil de prud'hommes d'Evreux, statuant dans le litige opposant M. [E] [P] à son ancien employeur, la société Team Réseaux, a dit le licenciement du salarié justifié par une cause réelle et sérieuse et débouté celui-ci de l'intégralité de ses demandes, a débouté l'employeur de ses demandes et a laissé la charge des dépens à chacune des parties ;

Vu l'appel interjeté par voie électronique le 25 mars 2020 par M. [P] à l'encontre de cette décision qui lui a été notifiée le 29 février précédent ;

Vu la constitution d'avocat de la société Team Réseaux, intimée, effectuée par voie électronique le 21 mai 2020 ;

Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 juin 2020 par lesquelles le salarié appelant, soutenant le licenciement prononcé dépourvu de cause réelle et sérieuse comme motivé par un fait de la vie privée, fondé sur un motif inexact, affirmant que la remise tardive des documents de fin de contrat lui a causé un préjudice, soulevant l'inapplicabilité du barème fixé à l'article L.1235-3 du code du travail, sollicite l'infirmation du jugement entrepris, demande à la cour de dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, de condamner son ancien employeur à lui payer les sommes reprises au dispositif de ses écritures devant lui être allouées à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (10 010,22 euros), de dommages et intérêts (2 000 euros), d'indemnité de procédure (3 000 euros) et de condamner l'intimée aux entiers dépens ;

Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 septembre 2020 aux termes desquelles la société intimée, réfutant les moyens et l'argumentation de la partie appelante, aux motifs notamment que les faits reprochés au salarié sont matériellement établis, sont en lien direct avec ses fonctions de sorte que le licenciement prononcé est légitime, sollicite pour sa part, à titre principal, la confirmation de la décision déférée en toutes ses dispositions et la condamnation de l'appelant au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile (3 000 euros), requiert, à titre subsidiaire, qu'il soit jugé que le salarié n'établit aucun préjudice, qu'il soit débouté de l'intégralité de ses demandes et condamné au paiement d'une indemnité de procédure (3000 euros) ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 1er septembre 2022 renvoyant l'affaire pour être plaidée à l'audience du 21 septembre 2022 ;

Vu les conclusions transmises le 23 juin 2020 par l'appelant et le 22 septembre 2020 par l'intimée auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel;

SUR CE, LA COUR

La société Team Réseaux est spécialisée dans le secteur d'activité de la construction de réseaux électriques et de télécommunications. Elle emploie plus de 11 salariés et applique la convention collective nationale des ouvriers du bâtiment.

M. [P] a été embauché en qualité de conducteurs d'engins puis de terrassier suiveur aux termes de contrats de travail à durée déterminée pour les périodes comprises entre le 3 et le 28 juillet 2017 puis entre le 22 août 2017 et le 31 mai 2018.

A compter du 1er juin 2018, M. [P] a été embauché dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet pour occuper les fonctions de chauffeur poids lourds, catégorie ouvrier, niveau II, coefficient 185, moyennant un salaire brut mensuel de 1 668,37 euros.

L'article 9 du contrat de travail stipulait notamment : ' M. [P] s'engage notamment (...) à prévenir sans délai de toutes modifications relatives à son permis de conduire, prendre toute mesure nécessaire pour être toujours titulaire d'un permis de conduire en cours de validité s'agissant d'un élément indispensable à l'exécution de la relation contractuelle, ainsi qu'à être en possession des documents réglementaires afférents aux véhicules utilisés. (...)'.

M. [P] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 27 juillet 2018 par lettre du 20 juillet précédent, puis licencié pour cause réelle et sérieuse par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 21 août 2018 motivée comme suit :

' Nous faisons suite à notre entretien préalable du 27 juillet 2018 et sommes au regret de vous notifier votre licenciement pour le motif suivant :

Vous n'êtes plus en possession de votre permis de conduire, dès lors, vous ne pouvez plus assurer à notre égard vos obligations contractuelles.

En effet, votre absence prolongée dans l'exercice de vos fonctions présente un trouve (sic) important dans la poursuite de l'activité de l'entreprise.

Il n'existe ni reclassement professionnel ou aménagement possible à un autre poste comme exposé dans notre courrier du 20 août 2018.

Compte tenu de l'impossibilité d'effectuer votre préavis, la rupture prendra effet au jour de la première présentation de ce courrier à votre domicile.

Vous percevrez une indemnité de licenciement ainsi qu'une indemnité compensatrice de congés payés pour les jours de congés acquis et non pris à la date de la rupture de votre contrat de travail. (...)'

Contestant la légitimité de son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits au titre de la rupture de son contrat de travail, M. [P] a saisi le conseil de prud'hommes d'Evreux, qui, statuant par jugement du 26 février 2020, dont appel, s'est prononcé comme indiqué précédemment.

Sur la rupture du contrat de travail

Au soutien de la contestation de la légitimité de son licenciement, M. [P] indique d'une part que le motif de son licenciement est contraire aux dispositions de l'article 9 du code civil en ce qu'il relève de sa vie privée, d'autre part qu'il était titulaire d'un permis de conduire provisoire jusqu'au 15 juillet 2018 et qu'il a été convoqué tardivement par la préfecture de sorte que son permis a été suspendu, que cependant il a prévenu son formateur dès le 11 juillet, qu'il est à nouveau en possession de son permis de conduire, la durée de suspension étant relativement brève et qu'en tout état de cause la suspension de son permis de conduire ne rendait pas impossible le maintien des relations contractuelles l'employeur ne justifiant pas du trouble objectif causé au bon fonctionnement de l'entreprise.

L'employeur soutient la légitimité du licenciement prononcé. Il expose qu'au jour de son embauche en qualité de chauffeur poids lourds, M. [P] n'était pas titulaire du permis poids lourds, qu'il a été convenu que le salarié suivrait une formation de 10 semaines pour obtenir ce permis, formation dont le coût s'élevait à la somme de 6 959,16 euros et qui supposait qu'il soit titulaire du permis de conduire B. Il précise que M. [P] est parti en formation dès le 22 mai 2018, qu'il a été exclu de celle-ci le 11 juillet 2018, le centre de formation indiquant que le salarié n'était pas en possession d'un permis de conduire valide.

L'employeur rappelle que le contrat de travail de M. [P] précisait que ce dernier s'engageait d'une part à informer son employeur de toutes modifications relatives à son permis de conduire et d'autre part à justifier de la validité de son permis de conduire.

La société soutient qu'au mépris des prescriptions de son contrat de travail l'appelant n'a pas pris les mesures nécessaires pour assurer la validité de son permis et ne l'a pas informée de l'expiration de son permis provisoire, ce qui justifie le licenciement prononcé.

Sur ce ;

Pour satisfaire à l'exigence de motivation posée par l'article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement doit comporter l'énoncé de faits précis et contrôlables.

La lettre de licenciement fixe définitivement les termes du litige et lie les parties et le juge, en sorte que ce dernier ne saurait retenir à l'appui de décision des motifs non exprimés dans la lettre de notification de la rupture.

Il résulte de l'article L.1235-1 du code du travail que la charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse de licenciement n'incombe spécialement à aucune des parties. Toutefois, le doute devant bénéficier au salarié avec pour conséquence de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse, l'employeur supporte, sinon la charge, du moins le risque de la preuve.

Les faits invoqués comme constitutifs d'une cause réelle et sérieuse de licenciement doivent non seulement être objectivement établis mais encore imputables au salarié, à titre personnel et à raison des fonctions qui lui sont confiées par son contrat individuel de travail.

En l'espèce, il résulte de la lettre de licenciement reproduite ci-dessus que la société Team Réseaux fonde le licenciement de M. [P] sur l'absence de validité de son permis de conduire rendant impossible l'exécution de son contrat de travail et le trouble généré au bon fonctionnement de la société dès lors que la fonction de chauffeur de celui-ci requiert d'être en possession du permis de conduire.

Il y a lieu de constater que l'employeur ne reproche pas au sein de la lettre de rupture au salarié le défaut d'information relatif à l'absence de validité de son permis de conduire.

Si un fait tiré de la vie personnelle du salarié ne constitue pas par principe un motif réel et sérieux de licenciement, il en va autrement lorsqu'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail et que son comportement peut se rattacher à la vie professionnelle de l'entreprise ce qui est le cas en l'espèce, dés lors que M. [P], engagé en qualité de chauffeur, s'est trouvé privé de permis de conduire B valide en juillet 2018 et n'a pu poursuivre sa formation aux fins d'obtenir son permis poids lourds.

M. [P] reconnaît que son permis de conduire a été suspendu.

Le contrat de travail du salarié stipule que le fait d'être titulaire du permis de conduire constitue une condition substantielle de l'engagement contractuel et de son maintien.

L'employeur établit que l'organisme de formation professionnelle a exclu M. [P] du cycle de formation en ce qu'il produit le courrier du centre de formation en date du 14 juillet 2018 indiquant qu'après une vérification du permis de M. [P] auprès des services de la préfecture, il a été constaté que son permis n'était pas à jour suite à une suspension. En outre, il résulte de ce courrier que l'organisme de formation affirme avoir incité à plusieurs reprises M. [P] à effectuer les démarches nécessaires afin de mettre à jour son permis de conduire.

Si le salarié soutient avoir réalisé ces démarches, avoir reçu tardivement une convocation de la part des services de la préfecture, il n'en justifie pas. Il ne produit pas la convocation prétendument reçue tardivement.

S'il verse aux débats un formulaire de demande de permis de conduire renseigné à son nom, il y a lieu de constater que l'imprimé n'est pas daté.

Si M. [P] soutient la brièveté de la suspension de son permis de conduire, il ne produit pas d'éléments en ce sens, la cour n'étant pas en mesure d'établir la date exacte à laquelle il a de nouveau été titulaire de son permis de conduire.

En l'absence de permis de conduire valable, M. [P] a été empêché d'exercer la mission pour laquelle il avait été engagé. Il n'a pu achever sa formation qui lui aurait permis d'occuper le poste de travail prévu par son contrat de travail, ce qui a causé un trouble au bon fonctionnement de l'entreprise en ce que cette dernière ne pouvait pas employer M. [P] en qualité de chauffeur poids lourds à l'issue de sa formation.

Si le salarié soutient que le motif de licenciement invoqué par l'employeur n'est qu'une 'supercherie' en ce que l'embauche d'un nouveau chauffeur poids lourds était envisagée, il ne verse aux débats aucun élément en ce sens, la société justifiant par la production de son registre du personnel qu'un nouveau chauffeur n'a été embauché que postérieurement au licenciement de M. [P], le 28 août 2018.

Au vu des éléments versés aux débats en cause d'appel, il apparaît que les premiers juges, à la faveur d'une exacte appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve produits, non utilement critiquée en cause d'appel, ont à bon droit retenu dans les circonstances particulières de l'espèce l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Le jugement entrepris est confirmé de ce chef.

Le salarié doit par conséquent être débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement illégitime.

Sur la demande au titre de la remise tardive des documents de fin de contrat

M. [P] soutient que l'employeur a tardé à lui remettre ses documents de fin de contrat, qu'il s'est présenté à plusieurs reprises au siège de la société sans succès, qu'il n'a pu s'inscrire à Pôle Emploi qu'à compter du 30 septembre 2018 soit plus d'un mois après la rupture.

L'employeur conclut au débouté de la demande. Il soutient que les documents de fin de contrat, quérables et non portables, étaient à la disposition de M. [P] dès le 22 août 2018, que le salarié ne s'est pas manifesté. En outre, la société considère que le salarié n'établit aucun préjudice du fait de la remise tardive des documents invoquée.

Sur ce ;

Les documents de fin de contrat sont datés du 22 août 2018.

Les documents de fin de contrat de travail remis au salarié et le solde de tout compte prévus aux articles L.1234-19 et L.1234-20 du code du travail sont des documents quérables et il sera constaté que le salarié n'établit pas que leur absence de remise est la conséquence d'un comportement fautif de l'employeur en ce que M. [P] ne produit aucune pièce corroborant ses allégations.

En outre, le salarié qui entend obtenir des dommages-intérêts pour délivrance tardive des documents de fin de contrat doit établir la réalité du préjudice que ce retard lui a causé.

En l'espèce, M. [P] n'apporte aucun élément pour justifier du préjudice allégué.

Par confirmation du jugement entrepris, il y a lieu de débouter M. [P] de sa demande de dommages et intérêts.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

M. [P], partie succombante, sera condamné aux entiers dépens d'appel.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Team Réseaux les frais non compris dans les dépens qu'elle a pu exposer. Il convient en l'espèce de condamner le salarié, appelant succombant dans la présente instance, à lui verser la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de M. [P] les frais irrépétibles exposés par lui.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes d'Evreux du 26 février 2020 ;

Y ajoutant :

Condamne M. [E] [P] à verser à la société Team Réseaux la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne M. [E] [P] aux entiers dépens d'appel.

La greffièreLa présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/01402
Date de la décision : 03/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-03;20.01402 ?
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