N° RG 21/04948 - N° Portalis DBV2-V-B7F-I67Q
COUR D'APPEL DE ROUEN
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 26 OCTOBRE 2022
DÉCISION DÉFÉRÉE :
21/03445
Tribunal judiciaire de Rouen du 25 novembre 2021
APPELANT :
Monsieur [U] [K]
né le [Date naissance 5] 1957 à [Localité 9]
[Adresse 6]
[Localité 12]
représenté et assisté par Me Thierry CLERC, avocat au barreau de Rouen
INTIMES :
Monsieur [N] [H]
né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 12]
[Adresse 7]
[Localité 12]
représenté et assisté par Me Emmanuelle ENGRAND, avocat au barreau de Rouen
Monsieur [T] [H]
né le [Date naissance 4] 1934 à [Localité 10]
[Adresse 2]
[Localité 12]
représenté et assisté par Me Emmanuelle ENGRAND, avocat au barreau de Rouen
Madame [O] [D] épouse [H]
née le [Date naissance 3] 1940 à [Localité 11]
[Adresse 2]
[Localité 12]
représentée et assistée par Me Emmanuelle ENGRAND, avocat au barreau de Rouen
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 8 juin 2022 sans opposition des avocats devant Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée :
Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre,
M. Jean-François MELLET, conseiller,
Mme Magali DEGUETTE, conseillère,
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Catherine CHEVALIER,
DEBATS :
A l'audience publique du 8 juin 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 28 septembre 2022, date à laquelle le délibéré a été prorogé au 26 octobre 2022.
ARRET :
CONTRADICTOIRE
prononcé publiquement le 26 octobre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors du prononcé.
*
* *
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Le 2 novembre 2011, M. [U] [K] a fait l'acquisition d'un immeuble à usage d'habitation sis [Adresse 8]) lequel est mitoyen avec celui de M. [T] [H] et de Mme [O] [D], son épouse dont ces derniers ont fait l'acquisition par acte authentique du 23 mars 1995, et qu'ils mettent à la disposition de leur fils, M. [N] [H], depuis cette date.
Souhaitant rénover son immeuble dont l'état était vétuste, M. [K] a déposé à cette fin, un permis de construire avec autorisation de démolir auprès de la mairie d'[Localité 12], qui lui a été accordé en mai 2017. Les travaux ont été confiés à la Sarl Mcen, dont M. [K] est le gérant.
Constatant des nuisances sonores, des déperditions thermiques et des désordres affectant l'édifice, les consorts [H] en ont avisé M. [K]. À la suite d'une réunion d'expertise amiable, organisée le 29 mars 2018 par l'expert mandaté par l'assurance des consorts [H], un protocole d'accord a été régularisé par les parties aux termes duquel M. [K] s'est engagé à remédier à certains désordres avant le 20 avril 2018, notamment en matière d'isolation.
Sur demande des consorts [H], le bureau d'études techniques ATEBA a, le 26 août 2019, constaté que les panneaux OSB et les calfeutrements partiels en mousse expansive posés par M. [U] [K] pour couvrir le pignon litigieux ne pouvaient être considérés comme étanches.
Après la reprise des travaux de démolition, inquiets d'un possible effondrement et d'une altération de la solidité de la structure de l'immeuble, les consorts [H], suivant requête du 17 septembre 2019 et après avoir été autorisé par ordonnance du 19 septembre 2019, ont assigné M. [U] [K] en référé d'heure à heure, par acte d'huissier du 23 septembre 2019.
Par ordonnance du 30 septembre 2019, le président du tribunal de grande instance de Rouen a désigné M. [G] en qualité d'expert judiciaire. Le 28 décembre 2020, ce dernier a déposé son rapport. Il préconisait la sollicitation par M. [K] d'un maître d''uvre spécialisé en structure pour procéder à la mise en 'uvre de mesures conservatoires provisoires et définitives, aux fins de refaire le mur et protéger la maison mitoyenne.
En juillet 2020, M. [K] a obtenu un nouveau permis de construire.
Par requête du 17 septembre 2021, les consorts [H] ont sollicité l'autorisation d'assigner à jour fixe, au fond, M. [K] qui leur a été accordée suivant ordonnance du 21 septembre 2021 en vue de l'audience du 21 octobre 2021.
Par jugement contradictoire du 25 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Rouen a :
- condamné M. [U] [K] à réaliser, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du jugement, les mesures conservatoires provisoires et définitives préconisées par l'expert, à savoir :
s'agissant des mesures conservatoires provisoires : mise en place d'un bâchage complet et efficace du pignon litigieux, de façon à garantir en toutes circonstances l'étanchéité des ouvrages de l'habitation des consorts [H],
s'agissant des mesures conservatoires définitives :
. la reprise du chaînage à chaque extrémité du bâtiment en béton armé avec mise en 'uvre d'aciers de couture avec la maçonnerie en briques existante conformément aux préconisations de l'expert (page 32),
. la création d'une ossature rampante sous toiture : déconstruction de l'ossature de la lucarne et la création d'une ossature rampante sous la toiture conformément aux préconisations de l'expert (page 33),
. les travaux d'étanchéité du pignon existant : réaliser des contre-murs compte tenu du fait que le pignon existant possède une géométrie complexe avec des décrochés conformément aux préconisations de l'expert (page 33 et suivants),
- rappelé que l'ensemble de ces travaux nécessité l'intervention d'un maître d''uvre spécialiste,
- condamné M. [U] [K] à régler à M. [N] [H] les sommes de 590,26 euros au titre du préjudice de surconsommation énergétique, 3 000 euros au titre du préjudice de jouissance, 3 000 euros au titre du préjudice moral,
- condamné M. [U] [K] à régler aux consorts [H] une somme totale de 5 000 euros, soit 2 500 euros pour M. [N] [H] et 2 500 euros pour
M. [T] [H] et Mme [O] [H], sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [U] [K] aux entiers dépens de la procédure lesquels incluront notamment les frais d'huissier, les frais d'expertise judiciaire, avec distraction au profit de Me Emmanuelle Engrand,
- rejeté toutes demandes plus amples et contraires des parties.
Le jugement a été signifié à M. [K] le 2 décembre 2021. Par déclaration reçue au greffe le 30 décembre 2021, M. [U] [K] a formé appel du jugement.
A la demande de l'appelant sur la mise en 'uvre de ces dispositions, et sur décision du président de chambre, le 17 janvier 2022, le calendrier de procédure à bref délai prévu par les articles 905, 905-1 et 905-2 du code de procédure civile a été notifié à l'appelant.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 17 mai 2022, M. [U] [K] demande à la cour, au visa des articles 544, 545, 653, 654, 655 et 656 du code civil et 378 et 564 du code de procédure civile, de réformer la décision entreprise et statuant à nouveau, de :
- débouter les consorts [H] de leur demande de travaux conservatoires, ceux effectués par M. [K] présentant des garanties suffisantes d'étanchéité pour le mur mitoyen,
- débouter les consorts [H] de leur demande de travaux qualifiés de mesures conservatoires définitives par le tribunal, ceux-ci ne pouvant être mis à la charge de M. [K] s'agissant d'un mur mitoyen dont M. [K] abandonne la mitoyenneté,
- débouter les consorts [H] de leur demande d'irrecevabilité pour demande nouvelle de prétention de mitoyenneté,
- subsidiairement, surseoir à statuer jusqu'à ce que le tribunal judiciaire compétent ait jugé de la mitoyenneté du mur litigieux,
- débouter en conséquence les consorts [H] de leur demande à cet effet,
- voir débouter en conséquence les consorts [H] de toutes demandes de préjudice concernant un trouble de jouissance et un préjudice moral dont la justification n'est pas rapportée,
- voir débouter les consorts [H] de leur demande d'article 700 ainsi que leur demande de condamnation aux dépens.
S'agissant des mesures conservatoires provisoires de bâchage avec garantie d'étanchéité des ouvrages de l'habitation des consorts [H], il indique que ces travaux avaient été réalisés avant l'expertise ; que l'expert en a ordonné l'enlèvement et n'a pas autorisé la reprise des travaux ; qu'il a néanmoins procéder à leur exécution.
Concernant les mesures conservatoires définitives ordonnées, il soutient qu'en application de l'article 544 du code civil, il pouvait démolir sa propriété et qu'aucune faute n'a été retenue par le jugement à son encontre.
Il affirme, sur le fondement des articles 653 et suivants du même code, que le mur litigieux est un mur mitoyen ; qu'il était en mauvais état et que celui-ci devrait être réparé à frais partagés ; qu'il n'a accepté de réaliser les travaux sous trois mois qu'à la suite d'une erreur de droit et de fait. Toutefois, il accepte d'abandonner la mitoyenneté et estime qu'il convient de réformer le jugement entrepris et de dire que les travaux envisagés par l'expert sont à la charge des consorts [H] puisqu'aucune preuve n'étant rapportée que les travaux de démolition ont endommagé le mur mitoyen.
Arguant des dispositions des articles 238 et 564 du code de procédure civile, ainsi que d'une chronologie des titres de propriété des lieux, il allègue que la question de la mitoyenneté ne constitue pas une demande nouvelle irrecevable en tant que telle dès lors qu'il s'agit d'un fait nouveau non analysé par l'expert judiciaire et par le tribunal et rendant impossible l'exécution de la décision rendue par le tribunal ; il avance de surcroît que l'expert s'est contenté de considérer qu'il y avait eu démolition et de constater un état des lieux en précisant qu'il s'agissait de désordres dus à la démolition.
Il sollicite donc le sursis à statuer de la cour sur la question de la mitoyenneté du mur litigieux, dans l'attente d'une décision du tribunal judiciaire de Rouen, à la suite d'une procédure engagée devant ce dernier.
Subsidiairement, se prévalant des articles 544 et 545 du code civil, il souligne que le fait de l'obliger à construire un contre-mur sur son terrain pour protéger le mur mitoyen constitue une atteinte inacceptable à son droit de propriété ; qu'en conséquence, la mesure proposée par l'expert judiciaire se heurte à une impossibilité juridique.
Il ajoute qu'il doit obtenir un permis de construire pour la réalisation des travaux décrits par l'expert. Enfin, il expose que l'expert judiciaire nommé ultérieurement n'a révélé aucun préjudice particulier sur le mur litigieux mitoyen.Par dernières conclusions notifiées le 24 mai 2022, M. [N] [H], M. [T] [H] et Mme [O] [H], demandent à la cour, au visa des articles 544, 1240 et 1242 du code civil, L. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution, 108 à 110, 378, 515, 564, 699 et 700 du code de procédure civile, de :
- confirmer le jugement rendu le 25 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Rouen en l'ensemble de ses dispositions,
- juger irrecevable comme nouvelle en cause d'appel, la demande de M. [K] tendant à ce que les travaux conservatoires préconisés par l'expert judiciaire ne soient pas mis à sa charge et au besoin, relever cette irrecevabilité d'office,
- débouter M. [K] en sa demande subsidiaire de sursis à statuer et l'en dire mal fondé,
- en toute hypothèse, débouter M. [K] en l'ensemble de ses demandes,
- en conséquence, condamner M. [K] à réaliser sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du jugement de première instance les mesures conservatoires provisoires et définitives ainsi que les travaux d'étanchéité du pignon préconisés par l'expert, avec l'assistance d'un maître d''uvre spécialiste, dans les conditions décrites par l'expert judiciaire dans son rapport, dont ils reprennent l'intégralité des termes en pages 37 et 38 de leurs conclusions, l'ensemble des travaux devant être réalisés dans un délai de trois mois à compter de leur date de commencement,
- condamner M. [K] à régler à M. [N] [H] la somme de
6 590,26 euros à titre de dommages et intérêts, calculés comme suit : 590,26 euros au titre du préjudice de surconsommation énergétique, 3 000 euros au titre du préjudice de jouissance, 3 000 euros au titre du préjudice moral,
- confirmer le caractère exécutoire de plein droit de la décision de première instance,
- condamner M. [K] à régler aux consorts [H] une somme totale de
5 000 euros, soit 2 500 euros pour M. [N] [H] et 2 500 euros pour
M. [T] [H] et Mme [O] [H], au titre des frais irrépétibles afférents à la procédure de référé d'heure à heure et à la procédure au fond de première instance,
- condamner M. [K] aux entiers dépens de la procédure de référé d'heure à heure et de la procédure au fond de première instance, lesquels incluent notamment les frais d'huissier et les frais d'expertise judiciaire, dont distraction au profit de Me Emmanuelle Engrand, avocate,
- condamner M. [K] à régler aux consorts [H] une somme totale de
3 511,20 euros, soit 1 755,60 euros pour M. [N] [H] et 1 755,60 euros pour M. [T] [H] et Mme [O] [H], au titre des frais irrépétibles afférents à la présente procédure d'appel,
- condamner M. [K] aux entiers dépens de la présente procédure d'appel, lesquels incluront notamment les frais d'huissier, les frais de timbre fiscal et de droit de plaidoirie, dont distraction au profit de Me Emmanuelle Engrand, avocate.
Les consorts [H] précisent que le fondement de leur demande est la responsabilité extracontractuelle de leur voisin en visant les articles 1240 et 1242 du code civil et considèrent que la faute commise est l'atteinte au droit de propriété ou plus largement à l'intégrité de la propriété ; que la réparation en nature est privilégiée par les juges du fond lorsqu'elle permet de remédier à l'origine des désordres. Ils sollicitent en conséquence la réalisation des travaux préconisés par l'expert.
Ils demandent, eu égard à l'article 564 du code de procédure civile, que la prétention de M. [K] tendant à ce que les travaux préconisés par l'expert judiciaire ne soient pas mis à sa charge soit déclarée irrecevable, en ce qu'elle est nouvelle en cause d'appel.
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour venait à juger cette demande recevable, ils prétendent, qu'en acceptant d'indemniser M. [N] [H] de son préjudice de surconsommation énergétique et d'effectuer, à ses frais, la totalité des travaux préconisés par l'expert judiciaire dans son rapport sans même contester l'astreinte, tant en son principe qu'en son montant, M. [K] a admis qu'il était responsable des désordres survenus sur le mur pignon litigieux et qu'il lui appartenait de les réparer.
Contrairement à ce qu'énonce M. [K], ils indiquent que l'édification d'un contre-mur sur sa propriété, préconisée par l'expert judiciaire, ne saurait constituer une atteinte inacceptable à son droit de propriété ; n'ayant aucune certitude quant à la nature des travaux réellement envisagés par M. [K] contre ce mur, et en l'absence de précisions techniques sur le mode de réalisation des ouvrages, en raison de l'inertie de ce dernier, l'expert judiciaire ne pouvait émettre des préconisations de travaux s'adaptant aux ouvrages envisagés par l'appelant.S'appuyant sur le rapport du bureau d'études techniques ATEBA, ils précisent que M. [K] ne démontre aucunement que les travaux préconisés par l'expert nécessiteraient l'obtention d'un permis de construire et qu'une simple autorisation de travaux serait insuffisante, ni qu'il n'aurait pas été en mesure d'obtenir un tel permis à ce jour. Cet obstacle n'étant pas insurmontable, ils se considèrent bien fondés à solliciter la confirmation du jugement entrepris.
Sur le fondement des articles 108, 110 et 378 du code de procédure civile, ils allèguent que la propriété du mur pignon est sans incidence sur la solution du présent litige, alors qu'il est incontestable que ce sont les travaux de démolition réalisés par M. [K] qui ont endommagé ce mur et engendré la totalité des préjudices subis ; qu'en conséquence, il appartient à M. [K] de les réparer et de prendre en charge les travaux de nature à empêcher qu'ils ne se produisent à nouveau.
Au surplus, ils rapportent que cette demande de sursis à statuer est particulièrement dilatoire, alors que la question de la mitoyenneté du mur pignon aurait pu être tranchée par le juge de première instance si M. [K] avait soulevé cette question dès qu'il en avait eu l'occasion.
Enfin, pour prétendre à une réparation intégrale telle que fixée par le premier juge, ils soutiennent qu'il résulte des articles 544, 1240 et 1242 du code civil que des travaux de construction provoquant des désordres dans l'immeuble voisin constituent un trouble anormal et excessif de voisinage, même en l'absence de faute, lequel ouvre droit à l'octroi de dommages et intérêts en réparation du préjudice ainsi subi.
MOTIFS
Bien qu'évoquant les troubles anormaux de voisinage dans le chapitre dédié à la réparation des différents dommages, les consorts [H] invoquent, au titre du fondement juridique de leur action, au soutien de leurs prétentions, la responsabilité extracontractuelle de M. [K].
Sur la responsabilité extracontractuelle de M. [K]
Les articles 1240 et 1241 du code civil disposent que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer et que chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
Le préjudice subi par la victime imputable à l'auteur engageant sa responsabilité est réparable, en nature, par la réalisation de travaux propres à remédier aux désordres existants et à éviter qu'ils ne se reproduisent à l'avenir, soit par équivalence, par l'octroi de dommages et intérêts.
La faute reprochée à M. [K] par les intimés consiste, en l'espèce, en l'exécution de travaux de démolition au préjudice de l'immeuble voisin appartenant et occupé par les consorts [H].
Dès septembre 2017, M. et Mme [H] ont avisé M. [K] de préjudices subis à la suite des travaux engagés sur la propriété voisine : une surconsommation énergétique affectant les lieux dont ils sont propriétaires, une déperdition de chaleur.
Dans le cadre de l'expertise amiable mise en 'uvre par l'assureur de M. et Mme [H], un protocole d'accord a été signé par les parties le 29 mars 2018 en ces termes sans équivoque et liant les parties :
« Article 1 : ' Les travaux réalisés par M. [K] sur sa propriété ont exposé le mur pignon de la maison de M & Mme [H] au froid. Une isolation a été réalisée mais incomplète.
Article 2 : M. [K] s'engage à faire remédier aux malfaçons, désordres, litiges à l'article 1, par les travaux décrits ci-après suivant les règles de l'art ou à respecter les engagements suivants :
- Pose d'un isolant de 100 mm contre la partie non isolée du pignon.
- Les éléments mobiles de la maison de M. [K] feront l'objet d'un blocage pour éliminer les nuisances sonores.
Article 3 : M. [K] s'engage à faire effectuer les travaux... pour la date suivante : 20 avril 2018. »
Les articles 4 et 5 du protocole précisent que l'exécution des conditions définies mettra un terme au litige et qu'il a autorité de la chose jugée. Suivant procès-verbal établi par huissier de justice le 27 décembre 2018, il est démontré que l'immeuble de M. [K] est en grande partie démoli sans que des travaux conservatoires n'aient protégé l'immeuble et donc la propriété voisine au visa du protocole ci-dessus. Dans le rapport contradictoire déposé le 28 décembre 2020, l'expert judiciaire a relevé que : « les travaux de démolition entrepris par M. [K] ont conduit :
. à fragiliser le mur de construction de l'habitation des consorts [H],
· à exposer les ouvrages existants de ce mur aux intempéries,
· à conduire à l'engagement de dépenses énergétiques supplémentaires de chauffage, pour le locataire des époux [H], compte tenu du fait de la disparition du volume de la construction de l'habitation de M. [K]'
Les désordres dont se plaignent les consorts [H], sont consécutifs à l'engagement de travaux de reprise par M. [K] totalement insuffisants, suite à la démolition de son habitation ; il est préjudiciable que M. [K] n'ait pas fait appel à des professionnels compétents de la construction, une fois la démolition de son habitation réalisée, afin de déterminer les travaux de renforcement structurels du pignon qui s'avéraient indispensables.
En outre, le bureau d'études techniques ATEBA a conclu le 4 juillet 2021, sur :
- l'aggravation de la dégradation de la protection du pignon,
- l'absence de mesures d'urgence préconisées, notamment un bâchage provisoire du pignon,
- l'absence de protection des pieds de maçonnerie et des fondations,
- les graves risques d'infiltrations, tant en partie courante qu'au niveau des points singuliers, qui en cas de fortes intempéries sont susceptibles de remettre en cause l'intégrité de l'immeuble des consorts [H],
- la réalisation dans les plus brefs délais de la stabilisation du pignon émergeant, ou pour plus de sécurité sa démolition, au risque que la chute de ce pignon entraînerait de gros dégâts qui pourraient ne pas être seulement matériel.
La faute commise par M. [K] est parfaitement caractérisée en ce qu'il a pris l'initiative de travaux de démolition ayant directement des conséquences sur la fragilité de la bâtisse voisine et les conditions d'occupation de ces lieux, s'est abstenu d'exécuter les engagements pris dès 2018 et ce faisant, a directement contribué par son inertie à l'aggravation des préjudices subis par les consorts [H] tant en qualité de propriétaires pour les époux qu'en qualité d'occupant pour leur fils. Pour échapper à cette responsabilité, M. [K] soutient que le mur litigieux est mitoyen de sorte que les frais devraient être partagés entre les propriétaires, voire que l'instance devrait faire l'objet d'un sursis dans l'attente de la décision au fond de ce chef. Il offre d'abandonner la mitoyenneté du mur afin que la charge des travaux revienne aux consorts [H].
Ces derniers s'y opposent en faisant valoir l'irrecevabilité du moyen soulevé en application de l'article 564 du code de procédure civile et en toutes hypothèses, son manque de pertinence.
L'article 564 du code de procédure civile énonce qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Les développements de M. [K] relatifs à la mitoyenneté du mur constituent un moyen nouveau pour obtenir le débouté des demandes des consorts [H], tel que formulé en première instance mais ne sont pas des prétentions nouvelles au sens de l'article susvisé. L'irrecevabilité invoquée ne peut être retenue.
Cependant, ce moyen est inopérant puisque le litige ne porte pas sur la qualification juridique du mur, les droits et obligations des parties sur ce mur qui pourrait être mitoyen mais sur les actions destructives, fautives et imputables à M. [K] au préjudice de ses voisins en portant atteinte à leur bien et aux conditions de vie des occupants. La demande de sursis à statuer n'est pas fondée.
Les fautes commises par M. [K] et les préjudices subis par les consorts [H] justifient pleinement la condamnation exclusive de l'appelant à réparer les dommages.
Sur la réparation des dommages
Les consorts [H] demandent la confirmation du jugement entrepris tant en ce qui concerne les obligations de faire que les dommages et intérêts, en reprenant de façon littérale la description des travaux énoncée par l'expert et l'obligation de solliciter une maîtrise d''uvre.
S'agissant de l'exécution des travaux sous maîtrise d''uvre, pour soutenir le débouté des prétentions des intimés, M. [K] invoque l'obligation d'obtenir un permis de construire au titre des freins expliquant l'inexécution actuelle. Quant au trouble de jouissance et au préjudice moral, il rappelle que les travaux fixés par protocole d'accord ont donné satisfaction et que l'expert n'a relevé aucun préjudice.
Par jugement exécutoire par provision de droit, le premier juge a fixé l'obligation d'entreprendre des travaux conservatoires provisoires et définitifs, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du jugement avec intervention d'un maître d''uvre.
En premier lieu, M. [K] a obtenu un permis de construire le 29 mai 2017 ; il n'établit pas que les travaux fixés par décision judiciaire requièrent une nouvelle autorisation administrative. En toutes hypothèses, et alors que le jugement était exécutoire, il n'a effectué aucune démarche pour répondre aux obligations fixées.
En second lieu, même si les parties ne discutent pas les modalités d'exécution des obligations, il appartient au juge, particulièrement pour la fixation de l'astreinte, d'apprécier discrétionnairement, les conditions de son application.
En l'absence de titre préalable, le jugement, pour faire courir les délais d'exécution des obligations de faire imposées à M. [K], suppose sa signification qui est intervenue en l'espèce le 2 décembre 2021. L'astreinte sanctionne la violation des obligations fixées dans des conditions de faisabilité appréciées par le juge. En l'occurrence, le recours à un maître d''uvre suppose des discussions précontractuelles, la signature d'une convention de maîtrise d''uvre et la disponibilité du professionnel. Ces conditions ne peuvent être réunies dans un délai inférieur à cinq mois incluant la sollicitation d'une entreprise de construction compétente pour la réalisation des travaux, les intempéries hivernales. En conséquence, l'astreinte à hauteur de 500 euros prendra effet à compter du 3 mai 2022.
Les dommages et intérêts octroyés par le premier juge à l'occupant des lieux,
M. [N] [H], bien qu'étant l'objet de développements et de pièces les justifiant ne sont pas précisément critiqués par M. [K] qui se borne à en solliciter le débouté sans autres explications.
Les consorts [H] versent ainsi aux débats, des photographies datant du 20 février 2020, de septembre 2020 et du 30 octobre 2020, où apparaissent des trous dans la chambre de l'étage. Ils précisent que depuis l'hiver 2016-2017, le fils aîné de
M. [N] [H] est contraint de dormir chaque hiver dans la chambre de sa petite s'ur, eu égard aux déperditions de chaleur et à l'humidité constatées dans la chambre. Même si l'expert judiciaire indique dans son rapport que « Cette pièce principale pouvait être occupée et qu'elle présentait des dégradations tout à fait mineures et ponctuelles liées à l'action de l'humidité. », il a également indiqué que « Les dégradations dont les consorts [H] se plaignent pour la chambre de l'étage sont de faible importance actuellement, mais celles-ci vont continuer à s'aggraver si M. [K] n'intervient pas rapidement sur les lieux du litige ». L'état des lieux a fragilisé les conditions d'occupation de l'immeuble expliquant l'allocation l'dune somme de 3 000 euros.
Sur le préjudice de surconsommation énergétique, l'expert a exposé des difficultés liées au calcul de cette dépense supplémentaire mais l'a confirmée en son principe qui fait l'objet d'une allocation adaptée de la somme de 590,26 euros au regard des factures de gaz produites : « L'expert, afin de déterminer le préjudice subi par les consorts [H], a appliqué ce ratio spécifique aux périodes de chauffe qui ont suivi cette période initiale de référence, cela jusqu'à la date de mise en service du poêle à granulés le 7 février 2019. L'éventuel préjudice complémentaire de chauffage des consorts [H], pour la période postérieure au 7 février 2019, ne pourra être établi qu'à partir des justificatifs des quantités de combustibles achetés et utilisés pour les granulés de bois, cela jusqu'à la date d'achèvement des travaux préconisés par l'expert dans son rapport et par référence à la situation de départ qu'il a établi (ratio de 4,526 kWh / Degré jour unifiés base 18°C) ». Les inquiétudes inhérentes aux instances en référé, et au fond, aux opérations d'expertise, au risque d'aggravation des désordres et aux travaux de reprise, alors que M. [N] [H] pouvait légitimement espérer en initiant la présente procédure que les mesures conservatoires provisoires et définitives, préconisées par l'expert judiciaire et ordonnées sous astreinte par le premier juge, résoudraient les désordres constatés sur le mur litigieux, constituent un dommage moral certain indemnisable. L'indemnité a été fixée à la somme de 3 000 euros de façon adaptée.
Le jugement sera dès lors confirmé en toutes ses dispositions à l'exception des modalités de l'astreinte.
Sur les dépens et frais irrépétibles
La décision entreprise n'appelle pas de critiques en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles. M. [K] succombe en appel et supportera les dépens de la procédure dont distraction au profit de Me Engrand, avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile. L'équité commande sa condamnation à payer à M. et Mme [H] la somme de 1 755,60 euros, à
M. [N] [H] la somme 1 755,60 euros, au titre des frais irrépétibles d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et en dernier ressort,
Rejette le moyen tiré de l'irrecevabilité des demandes fondées sur la mitoyenneté du mur soulevée par les consorts [H] et la demande de sursis à statuer formée par
M. [U] [K],
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l'exception du point de départ de l'astreinte fixé par le jugement à compter de son prononcé, Statuant de ce chef infirmé et y ajoutant, Fixe au 3 mai 2022 la date à laquelle l'astreinte pour non-respect des obligations de faire déterminée par le jugement a commencé à courir,
Condamne M. [U] [K] à payer à M. [T] [H] et son épouse Mme [O] [D] d'une part, et M. [N] [H] d'autre part, la somme de 1 755,60 euros, chacun, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [U] [K] aux dépens d'appel, avec bénéfice de distraction au profit de Me Emmanuelle Engrand en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier,La présidente de chambre,