N° RG 20/01262 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IOI4
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 19 OCTOBRE 2022
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du POLE SOCIAL DU TJ D'EVREUX du 13 Février 2020
APPELANTE :
S.A.S. [3]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Frédéric SUREL, avocat au barreau de l'EURE substitué par Me Céline BART, avocat au barreau de ROUEN
INTIMEE :
URSSAF [Localité 4]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Mme [D] [O], munie d'un pouvoir
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 07 Septembre 2022 sans opposition des parties devant Madame ROGER-MINNE, Conseillère, magistrat chargé d'instruire l'affaire
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame BIDEAULT, Présidente
Madame ROGER-MINNE, Conseillère
Madame POUGET, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
M. CABRELLI, Greffier
DEBATS :
A l'audience publique du 07 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 19 Octobre 2022
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 19 Octobre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par M. CABRELLI, Greffier.
* * *
EXPOSE DU LITIGE
Le 10 janvier 2017, un inspecteur du travail de la DIRECCTE a procédé à un contrôle inopiné de la société [3] (la société) et a dressé un procès-verbal relevant une infraction de travail dissimulé.
A la suite de la transmission de ce procès-verbal à l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de [Localité 4] (l'Urssaf), celle-ci a adressé à la société, le 8 septembre 2017, une lettre mentionnant les redressements envisagés. L'inspecteur de l'Urssaf a maintenu les redressements en dépit des observations de la société et l'a mise en demeure, le 10 novembre 2017, de payer la somme de 14 018 euros (11 810 euros de cotisations, 1 193 euros de majorations de redressement et 1 015 euros de majorations de retard).
La société a saisi la commission de recours amiable de l'organisme social le 7 décembre 2017. En l'absence de réponse, elle a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Eure d'un recours contre la décision implicite de rejet.
Par décision du 14 mars 2018, la commission de recours amiable a rejeté explicitement le recours.
Par jugement du 13 février 2020, le tribunal judiciaire, devenu compétent pour statuer, a :
- confirmé le redressement,
- condamné la société à payer à la caisse la somme de 13 736 euros, dont 1 193 euros de majorations de redressement et 1 015 euros de majorations de retard,
- débouté la société de toutes ses demandes,
- condamné celle-ci aux dépens nés après le 1er janvier 2019.
Par conclusions remises le 7 septembre 2022, soutenues oralement, la société, qui a relevé appel, demande à la cour de :
- réformer le jugement,
- à titre principal, prononcer la nullité de l'ensemble de la procédure de contrôle et de redressement,
- à titre subsidiaire, prononcer l'annulation des redressements envisagés dans la lettre d'observations de l'Urssaf du 8 septembre 2017, confirmés par le courrier du 12 octobre 2017 et l'annulation des pénalités, majorations et intérêts subséquents,
- à titre infiniment subsidiaire, si les redressements étaient maintenus, condamner l'Urssaf à lui rembourser la somme de 375,30 euros au titre des cotisations sociales versées pour le compte du salaire de M. [J] de janvier 2017,
- condamner l'Urssaf à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux frais et dépens de l'instance dont distraction au profit de Mme [S] [G].
Par conclusions remises le 13 décembre 2021, soutenues oralement, l'Urssaf demande à la cour de confirmer le jugement.
Il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la validité de la procédure de contrôle
La société reproche à l'inspecteur du travail de ne pas lui avoir rappelé, verbalement ou par écrit, le délai dans lequel elle pouvait faire des observations ni la possibilité de se faire assister, lors des opérations de contrôle, par un conseil de son choix, contrevenant ainsi à l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale.
Cependant, cet article s'applique aux contrôles opérés par les agents de recouvrement de l'Urssaf et non aux contrôles diligentés par les inspecteurs du travail comme c'est le cas en l'espèce.
La société ne peut donc tirer aucune conséquence des mentions figurant ou non dans les lettres des 17 janvier et 24 avril 2017 émanant de l'inspecteur du travail.
En outre, la lettre de l'Urssaf du 8 septembre 2017 comporte les mentions requises par l'article R. 133-8 du code de la sécurité sociale, applicable à cette date aux procédures de recouvrement des sommes dues à la suite d'un constat de travail dissimulé effectué par un autre service de contrôle que l'Urssaf.
Il n'y a donc pas lieu de prononcer la nullité des opérations de contrôle et de redressement pour violation des droits de la défense.
Sur le redressement
La société qui ne conteste pas que la déclaration préalable à l'embauche de M. [V] [J] n'avait pas été effectuée lors du contrôle du 10 janvier 2017, fait valoir qu'habituellement son comptable établit les contrats de travail et les déclarations préalables à l'embauche mais que, dans le cas présent, elle avait chargé son avocat d'établir le contrat à durée déterminée de M. [J], en omettant de solliciter son comptable pour la déclaration préalable.
Elle se prévaut de sa bonne foi et considère que l'élément intentionnel du délit de travail dissimulé n'est pas constitué.
Cependant, le tribunal rappelle à juste titre que s'il procède du constat d'infraction de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, le redressement a pour objet exclusif le recouvrement des cotisations afférentes à cet emploi, sans qu'il soit nécessaire d'établir l'intention frauduleuse de l'employeur.
Le tribunal rappelle également à juste titre que pour faire obstacle à l'application de l'évaluation forfaitaire de la rémunération servant de base au calcul du redressement, en application de l'article L. 242-1-2 du code de la sécurité sociale, l'employeur doit apporter la preuve non seulement de la durée réelle d'emploi du travailleur dissimulé, mais encore du montant exact de la rémunération versée à ce dernier pendant cette période, et ce, pendant les opérations de contrôle.
En l'espèce, il ressort de la lettre de l'inspecteur du travail du 13 janvier 2017, concernant le contrôle effectué le 10 janvier précédent, que celui-ci n'ayant pu consulter lors de son contrôle les documents utiles, a demandé à la société de lui faire parvenir notamment le registre unique du personnel, les éléments nécessaires à l'appréciation du temps de travail des salariés ainsi que le contrat de travail et les bulletins de salaire de M. [V] [J].
La société lui a fait parvenir son registre unique du personnel, le contrat à durée déterminée de M. [J], pour lequel la déclaration préalable à l'embauche n'est intervenue que le 6 février 2017 à 15h46 pour une embauche au 2 janvier 2007, et les bulletins de paie des salariés pour l'année 2016.
Ce n'est que dans le cadre de sa contestation du redressement qu'elle a produit d'autres éléments, tels que ses documents sociaux, le courriel adressé à son avocat en vue de l'établissement du contrat à durée déterminée de M. [J], l'attestation de ce dernier sur sa date d'embauche, les attestations Pôle emploi et les relevés bancaires de celui-ci.
Or, au regard des seuls éléments produits lors du contrôle, c'est à juste titre que l'Urssaf a considéré qu'ils étaient insuffisants pour justifier de la date réelle de l'embauche, de la durée du travail et de la rémunération de M. [J].
Le jugement doit dès lors être confirmé en ce qu'il a confirmé le redressement dans son intégralité, sans qu'il y ait lieu à remboursement ou déduction de la somme versée par la société au titre des cotisations sociales dues sur le salaire de janvier 2017 de M. [J].
Sur les frais du procès
Succombant à la présente instance, la société est déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et condamnée aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement du tribunal judiciaire d'Evreux du 13 février 2020 ;
Y ajoutant :
Déboute la société [3] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
La condamne aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE