N° RG 20/00977 - N° Portalis DBV2-V-B7E-INWQ
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 19 OCTOBRE 2022
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DU HAVRE du 27 Janvier 2020
APPELANTE :
Madame [H] [X]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Christophe ROGER, avocat au barreau du HAVRE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/7839 du 12/10/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Rouen)
INTIMEE :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU [Localité 3]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Vincent BOURDON, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 13 Septembre 2022 sans opposition des parties devant Madame BIDEAULT, Présidente, magistrat chargé d'instruire l'affaire.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame BIDEAULT, Présidente
Madame ROGER-MINNE, Conseillère
Madame POUGET, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
M. CABRELLI, Greffier
DEBATS :
A l'audience publique du 13 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 19 Octobre 2022
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 19 Octobre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par M. CABRELLI, Greffier.
* * *
EXPOSE DU LITIGE
Mme [H] [X], salariée de la société [5] en qualité de chauffeur-livreur, a adressé à la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 3] ( la caisse) une déclaration de maladie professionnelle établie le 27 juillet 2018. Le certificat médical initial établi le 25 septembre 2018 fait état d'une 'discopathie lombaire, tendinopathie du supra épineux gauche.'
Le 15 mars 2019, après enquête, la caisse a notifié un refus de prise en charge de la pathologie au titre de la législation sur les risques professionnels au motif que les conditions réglementaires prévues par le tableau n°98 n'étaient pas remplies en ce qu'il n'existait pas d'atteinte radiculaire de topographie concordante.
Cette décision a été confirmée par la commission de recours amiable le 20 juin 2019.
Mme [X] a contesté cette décision devant le pôle social du tribunal judiciaire du Havre qui, par jugement du 27 janvier 2020, a rejeté son recours.
Mme [X] a interjeté appel par lettre recommandée du 18 juin 2020 de ce jugement qui lui avait été notifié le 17 février précédent.
Par dernières conclusions remises le 13 septembre 2022, soutenues oralement à l'audience, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens et prétentions, Mme [X] demande à la cour d'infirmer le jugement rendu le 27 janvier 2020, de désigner le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) de Normandie aux fins de donner un avis sur le caractère professionnel de sa maladie.
Mme [X] soutient que sa demande de saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles n'est pas une demande nouvelle en ce qu'elle tend à la même fin que sa demande initiale soit la reconnaissance de maladie professionnelle.
Après avoir rappelé que la déclaration de maladie professionnelle ne faisait pas mention d'une maladie inscrite au tableau, elle considère qu'en application de l'article L 461-1 du code de la sécurité sociale, il appartenait à la caisse d'évaluer son taux d'incapacité et de transmettre le dossier au comité régional des maladies professionnelles.
Par dernières conclusions remises le 8 septembre 2022, soutenues oralement à l'audience, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens et prétentions, la caisse demande à la cour de :
- juger comme irrecevables les nouvelles prétentions de l'appelante,
- rejeter l'appel formé par Mme [X] contre le jugement rendu le 27 janvier 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire du Havre.
La caisse soutient que l'appelante n'a jamais sollicité du tribunal qu'il saisisse un CRRMP, que cette demande doit être qualifiée de prétention nouvelle et déclarée irrecevable.
A titre subsidiaire, la caisse indique que Mme [X] a sollicité la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la maladie dont elle est atteinte au titre du tableau n°98 des maladies professionnelles. Elle considère que c'est à juste titre que le dossier de Mme [X] a été instruit au titre du tableau n°98 des maladies professionnelles, que le médecin conseil a retenu que la sciatique par hernie discale L4-L5 ou L5-S1 était la pathologie visée au tableau n°98, que le médecin conseil a pu constater l'absence d'atteinte radiculaire de topographie concordante, que dès lors si la salariée était bien atteinte de la pathologie relevant du tableau n°98 des maladies professionnelles, en l'absence d'une des conditions posées par ce tableau, un refus de prise en charge ne pouvait que lui être notifié.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de la demande de saisine du CRRMP
L'article 564 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
L'article 565 du même code dispose que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
En l'espèce, la demande de saisine du CRRMP formée par Mme [X] à hauteur d'appel tend à voir reconnaître sa pathologie comme professionnelle. Cette demande tendant à la même fin que celle soumise aux premiers juges, il n'y a pas lieu de la déclarer irrecevable.
Sur la demande de saisine du CRRMP
Mme [X] reproche à la caisse d'avoir instruit sa demande au titre du tableau n°98 des maladies professionnelles alors qu'aucune référence à ce tableau n'était mentionnée au sein de sa déclaration de maladie professionnelle, de ne pas avoir recueilli l'avis du CRRMP.
Aux termes de l'article L 461-1 alinéa 2 du code de la sécurité sociale, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions désignées à ce tableau.
Chaque tableau précise la nature des travaux susceptibles de provoquer la maladie, énumère les affections provoquées et le délai dans lequel la maladie doit être constatée après la cessation de l'exposition du salarié au risque identifié pour être prise en charge.
En application de l'article L 461-1 du code de la sécurité sociale, il est possible de faire reconnaître le caractère professionnel d'une maladie, notamment si la maladie figure dans un des tableaux de maladies professionnelles mais que toutes les conditions fixées par ce tableau ne sont pas remplies.
La procédure de reconnaissance des maladies professionnelles en dehors du système des tableaux nécessite une expertise approfondie et, dans un tel cas, la caisse d'assurance maladie ne peut reconnaître l'origine professionnelle de la maladie qu'après avoir recueilli l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.
La procédure de reconnaissance des maladies professionnelles en dehors du système des tableaux s'impose également aux juges qui ne peuvent se prononcer sur la demande d'un assuré tendant à la reconnaissance du caractère
professionnel de sa maladie sans que la caisse d'assurance maladie ait recueilli l'avis du CRRMP.
En l'espèce, la déclaration de maladie professionnelle fait état d'une 'discopathie lombaire, tendinopathie du supra épineux gauche' sans référence à un tableau de maladies professionnelles. Le certificat médical initial ne fait pas davantage référence à un tableau. Ainsi, contrairement à ce que soutient la caisse, Mme [X] n'a pas sollicité une reconnaissance d'une pathologie au titre du tableau 98.
Il est constant qu'il appartient au médecin conseil de la caisse de déterminer quelle est la pathologie dont est atteint l'assuré. Si, en l'espèce, celui-ci a constaté que Mme [X] ne présentait pas d'atteinte radiculaire de topographie concordante, ce qui excluait une reconnaissance de la maladie au titre du tableau n°98, il aurait dû, après avoir exclu la pathologie de ce tableau, évaluer l'IPP prévisible et alors, dans l'hypothèse d'un taux au moins égal à 25%, la caisse aurait dû saisir un CRRMP.
En conséquence, il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris.
Sur les dépens
Succombante, la caisse est condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort ;
Rejette le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande nouvelle ;
Infirme en toutes ses dispositions le jugement du pôle social du tribunal judiciaire du Havre du 27 janvier 2020 ;
Enjoint à la caisse primaire d'assurance maladie du Havre de faire évaluer par son médecin conseil le taux d'IPP prévisible de Mme [H] [X] et de saisir, le cas échéant, le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 3] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE