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12/10/2022 | FRANCE | N°21/01091

France | France, Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 12 octobre 2022, 21/01091


N° RG 21/01091 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IWZG







COUR D'APPEL DE ROUEN



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 12 OCTOBRE 2022









DÉCISION DÉFÉRÉE :



17/01108

Tribunal judiciaire de Dieppe du 18 février 2021





APPELANTE :



Sasu NORMANDIE SEINE IMMOBILIER

exerçant sous l'enseigne SQUARE HABITAT

RCS de Rouen n° 501 571 012

[Adresse 3]

[Localité 4]



représentée par Me Florence DELAPORTE JANNA, avocat au bar

reau de Rouen







INTIMEE :



Madame [Y] [D]

née le 21 septembre 1943 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 5]



représentée et assisée par Me Corinne MORIVAL de la Scp MORIVAL AMISSE MABIRE, avocat au barreau de D...

N° RG 21/01091 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IWZG

COUR D'APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 12 OCTOBRE 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

17/01108

Tribunal judiciaire de Dieppe du 18 février 2021

APPELANTE :

Sasu NORMANDIE SEINE IMMOBILIER

exerçant sous l'enseigne SQUARE HABITAT

RCS de Rouen n° 501 571 012

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Florence DELAPORTE JANNA, avocat au barreau de Rouen

INTIMEE :

Madame [Y] [D]

née le 21 septembre 1943 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée et assisée par Me Corinne MORIVAL de la Scp MORIVAL AMISSE MABIRE, avocat au barreau de Dieppe

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 27 juin 2022 sans opposition des avocats devant M. Jean-François MELLET conseiller, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre,

M. Jean-François MELLET, conseiller,

Mme Magali DEGUETTE, conseillère,

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme [W] [C],

DEBATS :

A l'audience publique du 27 juin 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 12 octobre 2022.

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Rendu publiquement le 12 octobre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Mme [Y] [D] est propriétaire d'un appartement situé [Adresse 2] au sein de la copropriété 'Les [Adresse 7]' dont le syndic est la Sasu Normandie Seine immobilier.

Par ordonnance du 2 octobre 2013, le président du tribunal administratif de Rouen a ordonné la réalisation d'un constat portant sur l'état de l'immeuble et suite au rapport rendu le 8 octobre 2013 par M. [Z], la mairie de [Localité 6] a pris un arrêté de péril imminent le 15 octobre 2013.

Par ordonnance du 6 octobre 2016, le président du tribunal de grande instance de Dieppe, saisi par Mme [D] a désigné un expert judiciaire aux fins notamment de décrire l'état de l'immeuble, vérifier l'existence des désordres allégués et en rechercher l'origine. L'expert a déposé son rapport le 26 juillet 2017.

Par acte d'huissier du 16 novembre 2017, Mme [Y] [D] a fait assigner la Sasu Normandie Seine immobilier devant le tribunal de grande instance de Dieppe afin que le syndic soit condamné au titre de sa responsabilité délictuelle.

Par jugement contradictoire du 18 février 2021, le tribunal judiciaire de Dieppe a :

- condamné la société Normandie Seine immobilier à payer à Mme [Y] [D] la somme de 33 813,82 euros en indemnisation de son préjudice financier,

- condamné la société Normandie Seine immobilier à payer à Mme [Y] [D] la somme de 36 480 euros en indemnisation de son préjudice de jouissance,

- débouté la société Normandie Seine immobilier de sa demande reconventionnelle en indemnisation pour procédure abusive,

- condamné la société Normandie Seine immobilier à payer à Mme [Y] [D] la somme 2 000 euros au titre de frais irrépétibles,

- débouté la société Normandie Seine immobilier de sa demande au titre des frais irrépétibles,

- condamné la société Normandie Seine immobilier aux dépens y compris les frais d'expertise et les dépens de référé qui pourront être recouvrés selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration reçue au greffe le 12 mars 2021, la Sasu Normandie Seine immobilier a interjeté appel de la décision.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 2 juin 2022, la Sasu Normandie Seine immobilier demande à la cour d'appel, au visa des articles 1240, 1382 et 1383 du code civil et 18 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 de réformer le jugement en ce que le tribunal l'a condamnée et a rejeté ses demandes et statuant à nouveau de :

- débouter Mme [Y] [D] de toutes ses demandes,

- condamner Mme [Y] [D] à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices, du fait de son comportement procédural,

- condamner Mme [Y] [D] à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, sollicitée en première instance,

y ajoutant,

- condamner Mme [Y] [D] à régler à la société Normandie Seine immobilier la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [Y] [D] à régler à la société Normandie Seine immobilier le coût des dépens comprenant les dépens de la procedure de référé-expertise, les frais d'expertise de M. [L] [M], les dépens de première instance et les dépens d'appel, dont distraction est requise conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle soutient en substance ce qui suit :

- un copropriétaire n'a pas qualité pour obtenir paiement des frais de remise en état des parties communes, même s'il est le seul propriétaire concerné ;

- la dégradation de l'immeuble est liée à l'inertie des copropriétaires, caractérisé par leur refus de voter ou de financer les travaux nécessaires ;

- des travaux de remise en état de la façade ont été votés le 2 septembre 2011 mais n'ont pas été réalisés faute de financement ;

- Mme [D] a elle-même donné quitus pour la gestion de l'immeuble, renonçant à toute critique sur l'exécution du contrat de syndic ;

- certains copropriétaires n'ont toujours pas procédé au versement des provisions pour travaux.

Par dernières conclusions notifiées le 29 juillet 2021, Mme [D] demande à la cour de :

- débouter la société Normandie Seine immobilier de l'ensemble de ses demandes, - l'en déclarer mal fondée,

- confirmer le jugement rendu en date du 18 février 2021 en l'ensemble de ses dispositions sauf celles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure,

statuant à nouveau,

- condamner la société Normandie Seine immobilier à lui verser la somme de

3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile relatif à la procédure de première instance,

- condamner la société Normandie Seine immobilier à lui verser la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel,

- la condamner aux entiers dépens d'appel.

Elle soutient en substance ce qui suit :

- entre l'année 2011 et l'année 2013, le syndic n'a convoqué aucune assemblée générale des copropriétaires, alors qu'en juillet 2010, la dégradation de la façade avait été dénoncée par l'un d'entre eux ;

- il est responsable, de par sa négligence, de l'aggravation des dommages affectant les parties communes depuis l'année 1999 ;

- le syndic avait connaissance de désordres importants affectant la façade et la structure bois ;

- en proposant une simple reprise de l'enduit de façade, le syndic n'a pas mis en 'uvre les travaux nécessaires à la conservation de l'immeuble ;

- l'enduit choisi au cours des années 1970 était inadapté ;

- le retard du syndic dans l'exécution des travaux est avéré et il ne peut arguer d'une inertie des copropriétaires ;

- contrairement à ce qu'indique le syndic, il n'a pas informé les copropriétaires de

l'importance des désordres.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 juin 2022.

MOTIFS

Sur la responsabilité du syndic

Le tribunal judiciaire de Dieppe a rappelé, à juste titre, qu'un copropriétaire pouvait agir à titre personnel contre le syndic afin d'obtenir, sur le fondement de la responsabilité civile, l'indemnisation des préjudices personnels causés par sa faute. Il a également rappelé que le syndic était tenu d'une obligation de moyen dans l'exécution des obligations définies à l'article 18 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 : il doit notamment veiller à la conservation, la garde et l'entretien de l'immeuble et, en cas d'urgence, faire procéder de sa propre initiative à tous les travaux nécessaires à sa sauvegarde.

La preuve d'une faute en lien causal avec les préjudices repose sur Mme [D]. Cette dernière se prévaut non pas d'un préjudice collectif, mais d'un préjudice financier et de jouissance individuel lié à la pose, sur la façade de son appartement, d'un étayage rendu nécessaire par l'état de péril, le temps de la réalisation des travaux. Elle soutient que le pourrissement des éléments de structure serait lié à la faute du syndic, qui aurait manqué à son obligation de faire réaliser les reprises utiles depuis l'année 1999.

S'agissant de reprocher au syndic un manquement à une obligation de faire, il revient à Mme [D] de démontrer que le syndic a été, sinon mis en demeure, au moins averti des dégradations litigieuses. Il doit être relevé que la mention générale d'un quitus dans les procès-verbaux d'assemblée générale n'est de nature à délier le syndic de ses obligations légales d'ordre public et des conséquences responsabilitaires subséquentes. Le quitus est sans effet sur la responsabilité délictuelle du syndic vis-à-vis des copropriétaires.

Mme [D] se prévaut en premier lieu d'un courrier adressé par un autre copropriétaire le 12 avril 1999 signalant un pourrissement dans l'appui d'une fenêtre de son appartement. Ce dernier atteste en pièce n° 21 avoir dû réaliser lui-même l'étanchéification nécessaire en 'bricolant' et indique avoir 'effectué une demande de devis en 2009' sans plus de précision sur son objet ou son destinataire. Ce courrier porte toutefois sur un désordre ponctuel, limité à un appui de fenêtre censément réparé par l'attestant lui-même, et dont le lien avec la dégradation constatée 14 ans plus tard n'est pas établi.

Si les procès-verbaux des assemblées générales des 10 septembre 1988, 4 octobre 1997 et 3 avril 1999 font état de problèmes ponctuels, le fait que certains copropriétaires soient interrogés sur la priorité des travaux de reprise d'une fuite sur les travaux de couverture ne démontre pas que le syndic aurait dû soupçonner une atteinte à la structure à cette époque. De même, s'agissant des travaux de ravalement mis au vote et réalisés au cours de l'année 2001 pour un montant de 42 727 euros, rien n'indique que l'entreprise aurait fait part de doutes particuliers à propos des supports.

Il ne peut donc être reproché au syndic, qui n'est ni un professionnel de la construction tenu d'une obligation de résultat, ni un maître d'oeuvre, de ne pas avoir proposé une reprise de structure, quand bien même elle aurait été nécessaire à l'époque. Pour la même raison, il ne peut être tenu pour responsable d'un défaut du choix de l'enduit pour des travaux intervenus en 1970, défaut qui n'est d'ailleurs pas démontré.

En revanche, le 6 juillet 2010, le syndic a été averti par un copropriétaire, M. [F], d'un état 'd'urgence', nécessitant de 'tout revoir' avant les pluies, à raison d'infiltrations causées par le défaut de jointoiement des briques ainsi que du gondolement d'une poutre en façade.

Compte tenu de l'alerte qui avait été donnée par un copropriétaire et de la présence d'importantes dégradations en façade, le syndic aurait dû veiller à la réalisation rapide de travaux appropriés. Il aurait dû, dès cette époque, solliciter l'avis d'un architecte ou d'un technicien de structure afin de faire expertiser la nature des fissures et l'état de la structure.

Or, postérieurement au courrier de M. [F], l'appelante n'a pas fait réaliser de devis en urgence. L'assemblée générale du 22 octobre 2010 mentionne simplement que 'des devis ont été demandés' quant aux travaux à effectuer sur le bandeau en brique entre le rez de chaussée et le 1er étage sur la façade principale. Deux devis ont ensuite été soumis à l'assemblée générale qui a retenu un devis Pinel avec intervention au mois de septembre 2012.

Le syndic soutient que ces travaux n'ont pas pu être réalisés 'faute de financement'. Toutefois, comme le relève Mme [D], il ne justifie pas de cette affirmation : aucune pièce comptable ne permet d'établir que les copropriétaires auraient fait défaut dans le paiement de leurs provisions de charge.

La Sasu Normandie Seine immoblier a donc fait voter, deux ans après l'alerte, des travaux dont l'expertise a ensuite démontré le caractère insuffisant, et qu'il n'a pas fait exécuter, sans justifier de ce retard.

Le 1er octobre 2013, il a finalement saisi Mme [K], architecte, qui a constaté des affaissements structurels et diverses déformations, notamment du plancher du 1er étage. Le BET IDA, saisi par Mme [K], a alors préconisé la pose d'un étaiement sur l'ensemble des niveaux afin de stabiliser l'immeuble. Cet avis a été confirmé par M. [Z] le 3 octobre 2013 et l'étayage a été posé.

Malgré l'urgence persistante de la situation, aucun devis n'a été proposé et mis aux voix à l'assemblée générale du 8 novembre 2014. Ce n'est que le 5 octobre 2016 que les travaux ont été soumis au vote, sur la base d'un devis Prieur d'un montant de 107 422,60 euros.

Les travaux ont ensuite démarré le 1er octobre 2018, soit près de deux ans après le vote. Il n'est pas davantage démontré que le délai couru entre le vote par l'assemblée générale et le début des travaux soit imputable aux copropriétaires : le syndic verse, en pièce 55 et 56, des documents comptables arrêtés au 20 janvier 2017 faisant état de créances dues par les copropriétaires, mais cette situation est normale trois mois après le vote des travaux d'un tel montant. L'appelante ne démontre pas s'être heurtée à des impayés au moment d'appeler les provisions sur charges. Elle ne verse d'ailleurs pas de pièces comptables pertinentes postérieures au 20 janvier 2017.

Il résulte de ce qui précède que la faute du syndic est établie.

La négligence démontrée du syndic, à compter de l'année 2010, est à l'origine causale du retard à faire réaliser les travaux, et de la pose d'un étaiement entre la période de 1824 jours comprise entre le 3 octobre 2013 et le 1er octobre 2018.

Le montant du préjudice financier lié a cette durée d'étaiement, soit 33 813,82 euros correspondant aux provisions réglées par Mme [D] pour le financer, n'est pas contesté, et la décision sera confirmée en ce que le syndic a été condamné à payer cette somme.

Il ressort des photographies jointes au rapport que plusieurs étais ont été posés à l'intérieur de l'appartement de Mme [D] dans la chambre et le séjour, tandis que des étais extérieurs obstruent les fenêtres et entravent leur ouverture.

Il n'est pas contesté que la valeur locative journalière de l'appartement est de

20 euros. Il ne résulte pas des débats que l'appartement serait inhabitable, mais sa jouissance est grandement altérée, si bien que le préjudice associé sera évalué à

10 euros par jour.

Le montant de l'indemnisation sera fixé à 18 240 euros après infirmation et le syndic condamné à payer cette somme.

Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive

Il résulte de ce qui précède que l'introduction de l'instance et de l'appel ne sont pas fautives. La décision sera confirmée en ce que le tribunal a rejeté la demande indemnitaire formée par le syndic du fait d'un abus de procédure.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et frais irrépétibles n'appellent pas de critique.

La Sasu Normandie Seine immobilier succombe et sera condamnée aux dépens d'appel, dont distraction au bénéfice de Me Delaporte Janna, outre une somme pour frais irrépétibles qu'il est équitable de fixer à 3 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

Infirme le jugement en ce que le tribunal a condamné la Sasu Normandie Seine immobilier à payer à Mme [Y] [D] la somme de 36 480 euros en indemnisation de son préjudice de jouissance ;

Le confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau

Condamne la Sasu Normandie Seine immobilier à payer à Mme [Y] [D] la somme de 18 240 euros en indemnisation de son préjudice de jouissance ;

Y ajoutant,

Condamne la Sasu Normandie Seine immobilier à payer à Mme [Y] [D] la somme 3 000 euros au titre de frais irrépétibles ;

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Condamne la Sasu Normandie Seine immobilier aux dépens d'appel, dont distraction au bénéfice de Me Delaporte Janna.

Le greffier,La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : 1ère ch. civile
Numéro d'arrêt : 21/01091
Date de la décision : 12/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-12;21.01091 ?
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