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12/10/2022 | FRANCE | N°21/00563

France | France, Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 12 octobre 2022, 21/00563


N° RG 21/00563 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IVWP







COUR D'APPEL DE ROUEN



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 12 OCTOBRE 2022









DÉCISION DÉFÉRÉE :



18/04535

Tribunal judiciaire de Rouen du 18 janvier 2021





APPELANTS :



Monsieur [J] [O]

né le 26 février 1965

[Adresse 2]

[Localité 3]



représenté et assisté par Me Jean-Sébastien VAYSSE, avocat au barreau de Rouen





Madame [Z] [O]

©e le 13 septembre 1968

[Adresse 2]

[Localité 3]



représentée et assistée par Me Jean-Sébastien VAYSSE, avocat au barreau de Rouen







INTIMEE :



Sarl ATEM +

RCS de Rouen 789 620 523

[Adresse 1]

[Localité 4]



représentée et as...

N° RG 21/00563 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IVWP

COUR D'APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 12 OCTOBRE 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

18/04535

Tribunal judiciaire de Rouen du 18 janvier 2021

APPELANTS :

Monsieur [J] [O]

né le 26 février 1965

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté et assisté par Me Jean-Sébastien VAYSSE, avocat au barreau de Rouen

Madame [Z] [O]

née le 13 septembre 1968

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée et assistée par Me Jean-Sébastien VAYSSE, avocat au barreau de Rouen

INTIMEE :

Sarl ATEM +

RCS de Rouen 789 620 523

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée et assisté par Me Franck LANGLOIS de la Scp BONIFACE DAKIN & ASSOCIES, avocat au barreau de Rouen substitué par Me Karine MAUREY

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 22 juin 2022 sans opposition des avocats devant Mme Magali DEGUETTE, conseillère, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre

M. Jean-François MELLET, conseiller

Mme Magali DEGUETTE, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Catherine CHEVALIER,

DEBATS :

A l'audience publique du 22 juin 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 12 otobre 2022

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 12 octobre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cur, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente de chambre et par Mme CHEVALIER, greffier.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 29 juin 2017, M. [J] [O] et Mme [Z] [O], son épouse, ont commandé à la Sarl Atem + la fourniture et la pose d'une véranda pour la somme de 25 500 euros TTC. Un acompte de 17 800 euros a été réglé.

Par procès-verbal du 3 novembre 2017, les travaux ont été réceptionnés avec la réserve suivante: 'cf mail et photos : l'étanchéité toiture, vitrage rayé, étanchéité lumisol'.

Le même jour, M. et Mme [O] ont établi un courrier, non signé de la Sarl Atem+, listant les défauts constatés suivants : multiples rayures, nécessité d'une manchette en aluminium dans le chéneau, absence de la triple barrière d'étanchéité indiquée dans le devis et le contrat, nettoyage général moyen et présence de limail à de multiples endroits.

Par courrier daté du 15 novembre 2017, la Sarl Atem + a contesté en partie ces réserves, a proposé un rendez-vous pour lister les travaux à reprendre, et a conditionné ceux-ci au règlement de la somme de 5 000 euros sur les 7 700 euros restant dus.

A l'issue d'une réunion avec les maîtres de l'ouvrage le 24 novembre 2017, la Sarl Atem + a listé plusieurs points à reprendre dans un courrier daté du 27 novembre 2017.

Le 14 décembre 2018, une expertise amiable a été réalisée par le cabinet Eurexo, mandaté par l'assureur protection juridique de M. et Mme [O], en présence de la gérante de la Sarl Atem + et de son avocat.

Par acte d'huissier de justice du 2 novembre 2018, M. et Mme [O], déplorant l'inachèvement des travaux de reprise, ont fait assigner la Sarl Atem + devant le tribunal de grande instance de Rouen sur le fondement de l'article 1792-6 du code civil, aux fins de reprise sous astreinte des réserves et d'indemnisation de leurs préjudices.

Suivant jugement du 18 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Rouen a :

- rejeté toutes les demandes formées par M. et Mme [O] contre la Selarl Atem +,

- condamné M. et Mme [O] à payer à la Selarl Atem + la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné solidairement M. et Mme [O] aux dépens.

Par déclaration du 9 février 2021, M. et Mme [O] ont formé un appel contre ce jugement en toutes ses dispositions.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 29 avril 2021, M. et Mme [O] sollicitent de voir en vertu de l'article 1792-6 du code civil :

- dire et juger qu'ils sont recevables et bien fondés dans leur appel,

- en conséquence, réformer le jugement dont appel et statuant à nouveau,

- condamner la Sarl Atem + à leur régler les sommes suivantes :

. 10 000 euros pour la reprise des travaux,

. 10 000 euros pour trouble de jouissance,

. 2 500 euros pour résistance abusive,

. 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

Ils ne développent aucun moyen pour s'opposer à l'exception d'irrecevabilité présentée par la Sarl Atem +.

Sur le fond, ils font valoir que les désordres affectant leur véranda, qui ont été réservés, persistent ; que la Sarl Atem + a manqué à ses obligations contractuelles de réaliser un ouvrage exempt de malfaçons comme l'a relevé l'expert amiable Eurexo dans son rapport d'expertise du 14 janvier 2019 ; que ce rapport est opposable à la Sarl Atem + même si elle a refusé de signer la feuille de présence lors de la réunion d'expertise. Ils ajoutent qu'ils subissent un trouble de jouissance dans la mesure où, plus de trois ans après, ils ne peuvent pas poursuivre leur rénovation intérieure et extérieure.

Par dernières conclusions notifiées le 16 juillet 2021, la Sarl Atem + demande de voir en vertu des articles 564 du code de procédure civile et 1792-6 du code civil :

- dire et juger irrecevables en cause d'appel et mal fondées les demandes des appelants,

- rejeter toutes les demandes formées par ces derniers,

- condamner M. et Mme [O] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

- y ajoutant, condamner ces derniers à lui payer une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article précité au titre des frais engagés devant la cour, outre les entiers dépens d'appel.

Elle soutient que les prétentions des appelants sont nouvelles en cause d'appel ; qu'ils ont sollicité la réalisation de travaux sous astreinte en première instance pour soumettre désormais en cause d'appel une demande de dommages et intérêts ; que ces deux demandes sont différentes dans leur énoncé et dans leur fondement ; qu'ils ne peuvent pas justifier leur demande nouvelle par la survenance ou la révélation d'un fait nouveau dès lors que le rapport d'expertise amiable avait déjà été versé aux débats de première instance.

Elle expose à titre subsidiaire que les désordres listés par les appelants le 3 novembre 2017 sont différents des réserves faites le même jour lors de la réception ; qu'ils ne constituent pas des réserves au sens de l'article 1792-6 du code civil ; qu'au surplus, les désordres visibles à la réception qui n'ont pas été réservés dans le procès-verbal de réception sont censés avoir été purgés ; que le rapport d'expertise amiable ne lui est pas opposable et, qu'en tout état de cause, elle en conteste les conclusions ; qu'elle a effectué une reprise de toutes les réserves lors de son intervention des 6 et 7 septembre 2018.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 1er juin 2022.

MOTIFS

Sur les demandes indemnitaires

Sur leur recevabilité

Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

L'article 565 du même code précise que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

En l'espèce, devant le premier juge, M. et Mme [O] ont sollicité la reprise des défauts et malfaçons listés dans leur courrier du 3 novembre 2017 sous astreinte de 250 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir.

En cause d'appel, ils ne maintiennent pas cette demande et sollicitent l'allocation de la somme de 10 000 euros, estimée par le cabinet Eurexo dans son rapport d'expertise du 14 janvier 2019, pour déposer la véranda et remplacer les éléments sous-dimensionnés.

Même si son fondement juridique est différent, cette prétention n'est pas nouvelle dès lors qu'elle tend aux mêmes fins que celle soumise au premier juge, à savoir la réparation du préjudice né des travaux réalisés par la Sarl Atem +. Elle est recevable.

S'agissant des autres demandes indemnitaires qui tendent à la réparation d'un préjudice de jouissance à hauteur de 10 000 euros et d'un préjudice pour résistance abusive à hauteur de 2 500 euros, elles avaient déjà été formulées devant le premier juge. Elles sont donc recevables en appel.

Sur leur bien-fondé

- Sur le coût de reprise des travaux

L'article 1792-6 du code civil précise que la garantie de parfait achèvement, à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an, à compter de la réception, s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception.

Les délais nécessaires à l'exécution des travaux de réparation sont fixés d'un commun accord par le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur concerné.

En l'absence d'un tel accord ou en cas d'inexécution dans le délai fixé, les travaux peuvent, après mise en demeure restée infructueuse, être exécutés aux frais et risques de l'entrepreneur défaillant.

L'exécution des travaux exigés au titre de la garantie de parfait achèvement est constatée d'un commun accord, ou, à défaut, judiciairement.

C'est à l'entrepreneur et non au maître de l'ouvrage de prouver que les travaux de reprise intéressant des réserves exprimées lors de la réception ont été correctement réalisés.

En l'espèce, seules les réserves mentionnées dans le procès-verbal de réception dressé contradictoirement entre les parties le 3 novembre 2017 sont couvertes par la garantie de parfait achèvement. Elles portent sur l'étanchéité de la toiture, le vitrage rayé et l'étanchéité lumisol.

Les réserves listées par les époux [O] dans leur courrier postérieur du même jour mais établi hors la présence de la Sarl Atem + ne relèvent pas de ladite garantie. Elles ne portent pas sur des désordres révélés postérieurement à la réception laquelle a eu lieu le même jour.

Lors de sa visite sur place le 14 décembre 2018, l'expert amiable a constaté les malfaçons suivantes en lien avec les trois réserves relevées à la réception :

- le décollement des bandes de caoutchouc assurant la jonction des panneaux de couverture de la véranda avec le mur de la maison,

- le décollement d'un chevron du mur de la maison et dont la vis n'est pas protégée,

- l'absence de protection ou l'insuffisance de protection des abouts de chevrons à la jonction au chéneau,

- le fait que les parcloses chevrons étaient coupées trop court. Il a fallu lever la véranda pour assurer l'étanchéité entre les chevrons et le mur de la maison. Ces parcloses doivent être remplacées et fixées correctement,

- l'existence d'une rétention d'eau sur les panneaux de couverture au niveau du joint d'étanchéité provoquée par l'épaisseur des cornières. L'ensemble du chéneau est en appui sur les panneaux. Aucune infiltration d'eau n'est pour l'instant à déplorer.

Il a conclu à la responsabilité de la Sarl Atem +.

En revanche, il n'a pas constaté de rayures sur le vitrage. Il a ajouté qu'il ne pouvait pas se prononcer sur la responsabilité des rayures en toiture.

Il a préconisé la dépose de la véranda et le remplacement des éléments sous dimensionnés pour un coût estimé à 10 000 euros pour l'ensemble.

La Sarl Atem + estime que ce rapport d'expertise ne lui est pas opposable ; que l'expert amiable a fait preuve d'approximation technique, de partialité et d'absence totale de toute objectivité.

Toutefois, les constatations de l'expert amiable ont été effectuées en présence de Mme [D], gérante de la Sarl Atem +, et de son avocat. Leur refus de signature de la feuille de présence lors de l'expertise n'est pas de nature à écarter leur caractère contradictoire, dès lors que l'avis de chaque partie a été consigné et a pu faire l'objet d'un débat soumis à la discussion des parties.

Tant au terme de ses conclusions que de son avis donné lors de l'expertise amiable, la Sarl Atem + reproche à M. [O] de n'avoir cessé de réclamer des suppléments (cornières de protection sur le muret et sur le nez de dalle). En revanche, elle ne conteste pas la matérialité des constatations effectuées par l'expert amiable de l'existence de décollements et d'une rétention d'eau qui caractérisent un défaut d'étanchéité.

La persistance de ce désordre le 14 décembre 2018 manifeste l'absence de levée de la réserve afférente mentionnée dans le procès-verbal de réception du 3 novembre 2017. D'ailleurs, aucun nouveau procès-verbal de réception et de levée des réserves n'a été dressé à l'issue de la reprise prétendument effectuée par la Sarl Atem + les 6 et 7 septembre 2018.

La Sarl Atem + conteste l'estimation des travaux de reprise proposée par l'expert amiable en raison de l'absence d'étude approfondie et de devis.

Cependant, le préjudice matériel de M. et Mme [O] existe du fait de l'absence de levée de la réserve tenant au défaut d'étanchéité de la couverture de la véranda. Il doit être indemnisé. L'évaluation donnée par l'expert amiable recouvre l'ensemble des travaux de reprise. Elle est forfaitaire et ne comporte aucun paramètre susceptible de l'expliquer et de l'analyser.

N'est retenue que la seule réfection de la couverture. Une indemnisation correspondant à 30 % du prix total de la prestation de la Sarl Atem + de 25 500 euros TTC. Celle-ci sera condamnée à payer à M. et Mme [O] une indemnité de

7 650 euros.

- Sur le préjudice de jouissance et la résistance abusive

M. et Mme [O] ne justifient pas du préjudice de jouissance qu'ils allèguent subir du fait de l'absence de reprise de ses travaux par la Sarl Atem +.

Ils ne démontrent pas davantage que l'exercice par la Sarl Atem + de son droit de se défendre a constitué une résistance abusive fautive à leur égard.

En définitive, les appelants seront déboutés de ces deux demandes indemnitaires. La décision du premier juge ayant statué en ce sens sera confirmée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dispositions de première instance sur les dépens et les frais irrépétibles seront infirmées.

Partie perdante, la Sarl Atem + sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Il n'est pas inéquitable de la condamner également à payer aux époux [O] la somme de 4 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu'ils ont engagés pour cette procédure.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu publiquement par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort,

Déclare recevables les demandes de M. [J] [O] et de Mme [Z] [O], son épouse,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté les demandes formées par

M. et Mme [O] en réparation d'un préjudice de jouissance et pour résistance abusive,

Confirme le jugement de ce chef,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la Sarl Atem + à payer à M. [J] [O] et à Mme [Z] [O] pris ensemble la somme de 7 650 euros au titre de la reprise des travaux,

Condamne la Sarl Atem + à payer à M. [J] [O] et à Mme [Z] [O] pris ensemble la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Sarl Atem + aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier,La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : 1ère ch. civile
Numéro d'arrêt : 21/00563
Date de la décision : 12/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-12;21.00563 ?
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