N° RG 21/04906 - N° Portalis DBV2-V-B7F-I64H
COUR D'APPEL DE ROUEN
1ERE CHAMBRE CIVILE
ORDONNANCE DU 11 OCTOBRE 2022
DÉCISION DÉFÉRÉE :
20/02376
Tribunal judiciaire d'Evreux du 16 novembre 2021
DEMANDEUR A L'INCIDENT :
Sarl RESTAURANT LE CLOS RACINE
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Richard DUVAL de la Scp RSD AVOCATS, avocat au barreau de l'Eure
DEFENDEUR A L'INCIDENT :
Monsieur [J] [H]
représenté par son tuteur M. [Z] [H]
[Adresse 1]
[Localité 2]
présent, représenté par Me Victoric BELLET, avocat au barreau de Dieppe et assisté de Me CARPENTIER, avocat au barreau de Paris
Nous, Mme Edwige WITTRANT, présidente de la mise en état, à la 1ère chambre civile, assistée de Mme Catherine CHEVALIER, greffier,
Après avoir entendu les parties en leurs observations lors de l'audience publique du 13 septembre 2022, l'affaire a été mise en délibéré, pour décision être rendue ce jour.
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Par acte authentique du 11 avril 2009, M. [J] [H], majeur sous tutelle représenté par M. [Z] [H], administrateur légal sous contrôle judiciaire, a donné en location à la Sarl Restaurant Le clos Racine un immeuble situé à [Localité 4].
En raison d'infiltrations et de désordres, une expertise judiciaire a été ordonné par décision du juge des référés le 12 juillet 2017. Le rapport de l'expert a été déposé le 8 avril 2019. Par acte du 27 août 2020, la Sarl Restaurant le clos Racine a fait assigner le bailleur des lieux.
Par jugement contradictoire du 16 novembre 2021, le tribunal judiciaire d'Evreux a essentiellement :
- dit n'y avoir lieu à écarter tout ou partie des conclusions de l'expert,
- condamné M. [H] à réaliser la totalité des travaux nécessaires à la reprise intégrale de la couverture du bâtiment loué, à réaliser la réparation des infiltrations du mur côté cuisine, à réaliser l'étanchéité du garage et de la cheminée, et ce, dans un délai de 6 mois à compter de la signification de la présente décision, sous astreinte provisoire de 800 euros par jour de retard passé ce délai pendant une durée de 90 jours,
- condamné M. [H] à réaliser la totalité des travaux de remise en état du toit de la véranda, et ce, dans un délai de 6 mois à compter de la signification de la présente décision, sous astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard passé ce délai pendant une durée de 90 jours,
- condamné M. [H] à réaliser la totalité des travaux d'installation des garde-corps, et ce, dans un délai de 6 mois à compter de la signification de la présente décision, sous astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard passé ce délai pendant une durée de 90 jours,
- condamné M. [H] à payer la somme de 3 926,44 euros TTC à la Sarl Le clos Racine au titre des travaux de mise en conformité de l'immeuble pour l'accessibilité aux personnes à mobilité réduite,
- débouté la Sarl Le clos Racine de ses prétentions au titre de son préjudice commercial,
- débouté M. [H] de l'intégralité de ses demandes indemnitaires à l'égard de la Sarl Le clos Racine,
- débouté M. [H] de ses demandes de résiliation de bail et d'expulsion de la la Sarl Le clos Racine,
- condamné M. [H] à payer à la Sarl Le clos Racine la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [H] aux dépens de l'instance,
- rappelé que le jugement était assorti de l'exécution provisoire ,
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes.
Par déclaration reçue le 27 décembre 2021, M. [J] [H], représenté par M. [Z] [H] a formé appel de la décision et a conclu au fond le 18 février 2022. L'intimée s'est constituée et a conclu au fond le 13 mai 2022.
Par conclusions sur incident du 12 mai 2022, la Sarl Restaurant Le clos Racine demande la radiation de l'affaire en application de l'article 524 du code de procédure civile pour défaut d'exécution du jugement entrepris et le paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions d'incident n° 5 du 12 septembre 2022, M. [J] [H], représenté par M. [Z] [H] conclut au débouté des demandes de l'intimée, la condamnation de celle-ci à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Il fait valoir l'impossibilité d'exécuter spontanément la décision relative aux travaux en l'absence de fonds, la nécessité de saisir le juge des tutelles pour être autorisé à souscrire un emprunt en application de l'article 505 du code civil, la régularisation de ce prêt le 13 septembre 2022, la sollicitation démontrée d'un couvreur qui évoque les difficultés d'approvisionnement en tuiles.
Il soutient par ailleurs que les condamnations financières s'exécutent par compensation sur le fondement de l'article 1347 du code civil à la suite du jugement du 21 octobre 2021 par laquelle le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire d'Evreux à rehausser le loyer à la somme de 29 231 euros avec effet au 11 avril 2018 à l'origne d'une créance de 7 839,46 euros arrêtée en mars 2022 à son profit.
MOTIFS
L'article 524 du code de procédure civile dispose que lorsque l'exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu'il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d'appel, décider, à la demande de l'intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l'affaire lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l'article 521, à moins qu'il lui apparaisse que l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l'appelant est dans l'impossibilité d'exécuter la décision.
Le jugement entrepris a été signifié à l'appelant, en la personne de son tuteur, le 15 décembre 2021.
M. [H] ne communique aucun élément sur ses revenus et charges au cours des années 2021 et 2022 et ne permet pas à la juridiction saisie d'apprécier pleinement l'impossibilité d'exécuter la décision entreprise dans les conditions posées par le texte susvisé.
Il ne fonde ses explications que sur les difficultés liées à l'obtention d'un prêt.
Ainsi, après demande d'entretien dès le 13 décembre 2021, et afin de faire réaliser les travaux visés dans le jugement entrepris, le tuteur de l'appelant a obtenu, par ordonnance du juge des tutelles du tribunal de proximité de Louviers, l'autorisation de souscrire un prêt bancaire de 49 131,24 euros auprès de la Sa Crédit Lyonnais à un taux de 1,30 % et moyennant un remboursement de 84 mois.
Nonobstant la production d'un accord de principe de la banque du 13 mai 2022, d'un courriel du 3 juin 2022 visant à nouveau un accord de principe, M. [H] ne verse aux débats qu'un message électronique de l'agence bancaire du 5 septembre 2022 évoquant un rendez-vous le 13 septembre 'pour l'étude de dossier de prêt travaux...suite à la nouvelle ordonnance du juge des tutelles'. Il résulte en effet d'une requête adressée au juge des tutelles le 4 août 2022 et de l'ordonnance lui donnant suite le 22 août 2022 que l'ouverture d'un compte au Crédit Lyonnais était le préalable nécessaire à l'octroi et la mise en oeuvre du prêt.
Si M. [H] est incontestablement tenu de solliciter les autorisations du juge des tutelles dans les conditions susvisées, il n'en reste pas moins que plus de neuf mois après la signification du jugement, l'emprunt n'est pas contracté de sorte qu'il y a lieu de craindre des délais supplémentaires pour le financement des travaux.
Quant à l'éventuel titulaire d'un contrat relatif à l'exécution des travaux, il ne produit qu'un devis du 5 septembre 2018 de la société Toit service communiqué dans le cadre de l'expertise judiciaire et une correspondance de cette société du 3 juin 2022 précisant qu'il y aura un minimum de 6 mois d'attente compte tenu du plan de charges de l'entreprise. Il verse une lettre du fournisseur de cette société du 6 septembre 2022 évoquant une pénurie sur les produits de couverture.
En l'absence de signature d'un contrat portant sur la réfection de la toiture, l'entreprise sollicitée ne peut qu'être prudente dans la prise en charge du chantier.
Si les éléments versés justifient de difficultés certaines dans la mise en oeuvre des travaux ordonnés par le jugement, ils démontrent des aléas majeurs encore tant sur le plan financier que matériel, pour partie imputables à l'appelant et ne constituent pas la preuve d'une impossibilité de les faire exécuter.
Quant à la compensation financière évoquée, il convient seulement d'observer que les comptes entre les parties ne sont pas arrêtés, ce d'autant plus au regard des astreintes, certes provisoires mais lourdes qui courrent en raison des carences de
M. [H], notamment s'agissant de la toiture de l'immeuble : 800 euros x 90 jours soit une somme de 72 000 euros.
En conséquence, le défaut d'exécution de la décision doit entraîner la radiation de l'affaire du rôle de la cour.
Partie perdante, l'appelant supportera les dépens de l'incident.
L'équité ne commande pas l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
statuant par ordonnance contradictoire mise à disposition au greffe,
Ordonne la radiation de l'affaire n° RG 21/04906 du rôle de la cour,
Précise que l'affaire sera de nouveau enrôlée sur production des pièces justifiant l'exécution des travaux et un compte arrêté des sommes dues par M. [J] [H], représenté par son tuteur M. [Z] [H] en sa faveur,
Déboute la Sarl Restaurant Le clos Racine de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [J] [H], représenté par son tuteur M. [Z] [H] aux dépens.
Le greffier,La présidente de chambre,