N° RG 21/03433 - N° Portalis DBV2-V-B7F-I3YE
COUR D'APPEL DE ROUEN
1ERE CHAMBRE CIVILE
ORDONNANCE DU 11 OCTOBRE 2022
DÉCISION DÉFÉRÉE :
18/00439
Tribunal judiciaire de Rouen du 12 juillet 2021
DEMANDEUR A L'INCIDENT :
SA SMA
RCS de Paris B 332 789 296
[Adresse 14]
[Localité 11]
représentée et assistée par Me Valérie GRAY de la Selarl GRAY SCOLAN, avocat au barreau de Rouen substituée par Me Caroline SCOLAN
DEFENDEURS A L'INCIDENT :
SARL CBR BATIMENT
RCS de Rouen 499 009 280
[Adresse 8]
[Localité 13]
représentée et assistée par Me Franck LANGLOIS de la Scp BONIFACE DAKIN & Associés, avocat au barreau de Rouen substituée par Me MECHANTEL
Monsieur [C] [T]
né le 1er mars 1959 à [Localité 16]
[Adresse 2]
[Localité 12]
représenté par Me Yannick ENAULT de la Selarl ENAULT HENRY avocat au barreau de Rouen et assisté de Me CARPENTIER, avocat au barreau de Paris
Madame [J] épouse [C] [M]
née le 13 novembre 1959 à [Localité 15]
[Adresse 2]
[Localité 12]
représentée par Me Yannick ENAULT de la Selarl ENAULT HENRY avocat au barreau de Rouen et assisté de Me CARPENTIER, avocat au barreau de Paris
Maître [S] [K]
ès qualités d'administrateur de la Sarl CBR Bâtiment
[Adresse 9]
[Localité 12]
représentée et assistée par Me Franck LANGLOIS de la Scp BONIFACE DAKIN & Associés, avocat au barreau de Rouen substituée par Me MECHANTEL
Maître [E] [H]
ès qualités de mandataire judiciaire de la Sarl CBR Bâtiment
[Adresse 1]
[Localité 12]
représentée et assistée par Me Franck LANGLOIS de la Scp BONIFACE DAKIN & Associés, avocat au barreau de Rouen substituée par Me MECHANTEL
SA MMA IARD
[Adresse 3]
[Localité 10]
représentée et assistée par Me Marc ABSIRE de la Selarl DAMC, avocat au barreau de Rouen plaidant par Me ETCHEVERRY
SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
[Adresse 3]
[Localité 10]
représentée et assistée par Me Marc ABSIRE de la Selarl DAMC, avocat au barreau de Rouen plaidant par Me ETCHEVERRY
SARL ATELIER MARIE BERGER ARCHITECTE
RCS de Bordeaux 753 591 072
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentée et assistée par Me Patrice LEMIEGRE de la Selarl LEMIEGRE FOURDRIN GUNEY ASSOCIES, avocat au barreau de Rouen substitué par Me GUNEY
SARL BET ELITE INGENIERIE
RCS de Bordeaux 380 152 843
[Adresse 7]
[Localité 6]
non constituée bien que régulièrement assignée par acte du 21 décembre 2021 à l'étude
Mme Edwige WITTRANT, présidente de la mise en état, à la 1ère chambre civile, assistée de Mme Catherine CHEVALIER, greffier,
Après avoir entendu les parties en leurs observations lors de l'audience publique du 13 septembre 2022, l'affaire a été mise en délibéré, pour décision être rendue ce jour.
* * * * *
* * *
LA PROCEDURE
Par jugement contradictoire du 12 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Rouen a :
- dit que le chantier de M. et Mme [C] a été abandonné par la société CBR Bâtiment ;
- condamne la société CBR Bâtiment à payer à M. et Mme [C] solidairement :
. 41 197 euros (hors taxes) au titre des frais de remise en état et dit que la taxe à la valeur ajoutée sera celle en vigueur au jour de l'exécution des travaux ;
. 11 225,26 euros de dommages et intérêts au titre des frais de garde meubles ;
. 4 870,22 euros de dommages et intérêts au titre d'intérêts intercalaires ;
. 2 081,66 euros de dommages et intérêts au titre de l'actualisation des prix ;
. 359,04 euros(hors taxes) au titre des frais d'huissier et dit que la taxe à la valeur ajoutée sera celle en vigueur au jour de la délivrance de chacun des actes ;
. 29 250 euros au titre des pénalités de retard ;
. 44 850 euros de dommages et intérêts au titre de la perte de jouissance ;
. 30 000 euros de dommages et intérêts au titre de leur préjudice moral ;
- dit que les intérêts au taux légal sur les sommes ci-dessus seront dus à compter du 20 octobre 2015 ;
- ordonné la capitalisation des intérêts dus pour une année entière ;
- enjoint à la société CBR Bâtiment de communiquer son attestation ou son contrat d'assurance responsabilité civile et responsabilité décennale à M. et Mme [C] couvrant la période relative à l'ouverture du chantier de M. et Mme [C] et ce sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard à compter du 16ème jour suivant la signification du présent jugement ;
- dit que l'astreinte sera due pendant soixante jours à l'issue desquels il sera référé au juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Rouen ;
- condamné la société CBR Bâtiment à payer à M. et Mme [C] solidairement la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société CBR Bâtiment à payer à la Sarl Atelier Marie Berger Architecte la somme de 3 441,92 euros de dommages et intérêts et celle de
5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société CBR Bâtiment à payer à la Sarl Bet Elite ingénierie la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société CBR Bâtiment aux dépens y compris les frais d'expertise judiciaire.
Par déclaration reçue le 25 août 2021, la Sarl CBR Bâtiment a formé appel et a conclu dès le 24 novembre 2021.
A la suite d'une procédure ouverte en sauvegarde par le tribunal de commerce le 31 août 2021, Me [S] [K], ès qualités d'administrateur judiciaire et Me [E] [H] en qualité de mandataire judiciaire sont intervenus à la procédure.
M. et Mme [C] ont conclu dès le 9 décembre 2021, la Sa MMA Iard assurances mutuelles dès le 1er février 2022 et la Sarl Atelier Marie Berger architecte (Amba) le 21 février 2022.
Par acte d'huisser du 18 février 2022, la société Amba a appelé en intervention forcée devant la cour la Sa Sma venant aux droits de la Sagena, en sa qualité d'assureur de la société Elite insurance ingenierie en raison de la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif par jugement du 17 septembre 2020 aux fins de garantie.
La Sa Sma a conclu au fond le 18 mai 2022.
L'INCIDENT
Par conclusions sur incident notifiées le 12 juillet 2022 puis le 12 septembre 2022 la Sa Sma demande en application des articles 555 et suivants, 122 et 907 du code de procédure civile, si le conseiller de la mise en état se déclare compétent, de :
- déclarer irrecevable la société Amba en son assignation en intervention forcée aux fins de garantie à l'égard de cette société à son égard,
- rejeter toute demande de condamnation formée à son encontre,
- statuer ce que de droit sur les dépens.
Elle soutient que l'article 555 du code de procédure civile précise les conditions de recevabilité de l'intervention forcée et particulièrement la condition d'évolution du litige qui n'est caractérisée que par la révélation d'une circonstance de fait ou de droit, née du jugement ou postérieurement à celui-ci et modifiant les données juridiques du litige. La révélation d'une procédure collective ne constitue pas une évolution du litige de sorte que l'assignation en intervention forcée est irrecevable. Elle souligne que cette procédure collective ne change pas les données juridiques du litige quant à l'assureur. En l'espèce, la décision entreprise a été rendue le 12 juillet 2021 alors que la procédure collective affectant la société Elite insurance a été ouverte le 17 septembre 2020. Elle rappelle le principe du double degré de juridiction.
Elle considère que la cour est compétente mais si le conseiller de la mise en état se considérait compétent, il déclarera irrecevable la demande en intervention forcée.
Par conclusions notifiées le 2 août 2022 puis le 5 septembre 2022, la Sarl Amba demande au conseiller de la mise en état de se déclarer incompétent pour statuer sur l'irrecevabilité soulevée, de rejeter la demande de la Sa Sma, toute demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, condamner la Sa Sma aux dépens.
Elle indique que la société CBR Bâtiment a assigné la société Bet Elite ingenierie en juillet 2018 sans tenir compte de la procédure collective et en outre, cette dernière a constitué avocat et a conclu en première instance ; la défaillance de la société ne pouvait être anticipée. Elle soutient qu'il existe une évolution du litige puisque la présence de l'assureur est indispensable pour défendre les intérêts de son assuré défaillant. En l'absence de mise en oeuvre de la garantie décennale, les codéfendeurs ne peuvent être condamnés solidairement mais compte tenu de l'enjeu du litige, il ne peut pas lui être reproché toutefois de rechercher une garantie dans l'hypothèse d'une condamnation.
Par conclusions notifiées le 13 septembre 2022, la Sarl CBR Bâtiment, Me [K] en qualité d'administrateur judiciaire et Me [H] en qualité de mandataire judiciaire soutiennent la position de la Sarl Amba et demande le rejet de la demande de la Sa Sma.
Par conclusions notifiées le 9 août 2022, M. et Mme [C] s'en rapportent à justice et demande la condamnation de la partie perdante à leur verser la somme de
1 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
MOTIFS
Par renvoi de l'article 907 du code de procédure civile relatif à l'instruction de l'affaire devant la cour d'appel, le conseiller de la mise en état a compétence pour statuer, en vertu de l'article 789 du même code sur les fins de non-recevoir.
Ce texte précise que lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Toutefois, dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou qui ne lui sont pas attribuées, une partie peut s'y opposer. Dans ce cas, et par exception aux dispositions du premier alinéa, le juge de la mise en état renvoie l'affaire devant la formation de jugement, le cas échéant sans clore l'instruction, pour qu'elle statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Il peut également ordonner ce renvoi s'il l'estime nécessaire. La décision de renvoi est une mesure d'administration judiciaire.
L'article 554 du code de procédure civile précise que peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.
L'article 555 suivant dispose que ces mêmes personnes peuvent être appelées devant la cour, même aux fins de condamnation, quand l'évolution du litige implique leur mise en cause.
Le défaut d'évolution du litige constitue une fin de non-recevoir à l'appel d'un tiers en intervention forcée au sens de l'article 122 du code de procédure civile.
Toutefois, l'analyse de l'action engagée par la voie de l'intervention forcée à l'encontre de la Sa Sma suppose un examen au fond : outre la mise en oeuvre d'une procédure collective à l'encontre de la société Bet Elite ingenierie invoquée par la Sarl Amba qui ne suffirait pas en tant que telle à caractériser l'évolution du litige, cette dernière invoque un débat sur les responsabilités et garanties éventuelles des différents défendeurs à l'action introduite par M. et Mme [C]. Elle conteste ainsi la compétence du conseiller de la mise en état au regard des questions de fond qu'elle entend voir traiter par la cour.
En application de l'article 789 du code de procédure civile alinéa 2 ci-dessus rappelé, il convient de se déclarer incompétent pour statuer sur la fin de non-recevoir soulevée, l'affaire étant renvoyée à la juridiction du fond.
Les dépens de l'incident suivront le sort des dépens d'appel.
Compte tenu de la décision prise, l'équité ne commande pas l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
statuant par ordonnance contradictoire mise à disposition au greffe,
Se déclare incompétent pour statuer sur la fin de non-recevoir prévue à l'article 555 du code de procédure civile et invoquée par la Sa Sma,
Renvoie l'incident devant la cour à l'audience de plaidoiries du 9 janvier 2023 à 14 heures,
Déboute les parties de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
Ordonne que les dépens de l'incident suivent le sort des dépens d'appel.
Le greffier,La présidente de chambre,