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05/10/2022 | FRANCE | N°22/00041

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre premier président, 05 octobre 2022, 22/00041


N° RG 22/00041 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JEAJ





COUR D'APPEL DE ROUEN



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ



DU 05 OCTOBRE 2022











DÉCISION CONCERNÉE :



Décision rendue par le tribunal de commerce de Rouen en date du 13 juin 2022







DEMANDERESSE :



Sas BOLLORE LOGISTICS

[Adresse 1]

[Localité 3]



représentée par Me Pascal HUCHET de la Scp HUCHET DOIN, avocat au barreau du Havre<

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DÉFENDERESSE :



Société TECRIM

[Adresse 4]

[Localité 2] (MAURITANIE)



représentée par Me N'gary BA, avocat au barreau de Paris









DÉBATS  :



En salle des référés, à l'audience publique du 07 septembre...

N° RG 22/00041 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JEAJ

COUR D'APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

DU 05 OCTOBRE 2022

DÉCISION CONCERNÉE :

Décision rendue par le tribunal de commerce de Rouen en date du 13 juin 2022

DEMANDERESSE :

Sas BOLLORE LOGISTICS

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Pascal HUCHET de la Scp HUCHET DOIN, avocat au barreau du Havre

DÉFENDERESSE :

Société TECRIM

[Adresse 4]

[Localité 2] (MAURITANIE)

représentée par Me N'gary BA, avocat au barreau de Paris

DÉBATS  :

En salle des référés, à l'audience publique du 07 septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 05 octobre 2022, devant Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont attribuées,

Assistée de Mme Catherine CHEVALIER, greffier,

DÉCISION :

Contradictoire

Prononcée publiquement le 05 octobre 2022, par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signée par Mme WITTRANT, présidente de chambre et par Mme CHEVALIER, greffier présent.

*****

La société de droit étranger Tecrim (Mauritanie) a commandé auprès de la société Stenuick international située à [Localité 5] des matériaux pour des clients mauritaniens une palette de 578 kg d'une valeur de 13 998,40 euros. La Sas Saga France dépendant de la Sas Bolloré Logistics en a accusé réception auprès du transporteur mais la palette n'est jamais parvenue à destination.

Par actes d'huissier du 8 mars 2022, la société Tecrim a fait assigner les Sas Saga France et Bolloré Logistics en indemnisation de ses préjudices.

Par jugement du 13 juin 2022, le tribunal de commerce de Rouen a condamné solidairement les Sas Saga France et Bolloré Logistics à payer à la société Tecrim (Mauritanie) les sommes de 13 998,40 euros au titre de la perte d'une palette, de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, prononcé une astreinte de 500 euros par jour de retard, condamné solidairement les défenderesses à payer une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 23 juin 2022, la Sas Bolloré Logistics a formé appel du jugement.

Par assignation en référé délivrée le 5 juillet 2022 puis dernières conclusions notifiées le 27 juillet 2022, la Sas Bolloré Logistics sollicite à l'encontre de la société de droit mauritanien Tecrim, au visa des articles 514-3, 514-5 et 521 du code de procédure civile :

- à titre principal, l'arrêt de l'exécution provisoire de droit assortissant le jugement,

- à titre subsidiaire, l'exécution provisoire du jugement contre la constitution par la société Tecrim d'une garantie suffisante pour répondre de toute restitution ou réparation sur la production ainsi qu'un engagement de caution ou d'une lettre de garantie émise par un établissement bancaire français de premier rang,

- à titre infiniment subsidiaire, l'autorisation de consigner sur le compte séquestre de M. le Bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau du Havre le montant total des condamnations en principal, intérêts frais et dépens prononcées par le jugement du tribunal de commerce de Rouen le 13 juin 2022 en en justifiant dans le délai de 15 jours à compter du prononcé de l'ordonnance, en emportant la suspension de la poursuite de l'exécution provisoire.

Elle précise qu'elle agit tant en son nom propre que comme venant aux droits de la Sas Saga France à la suite d'une fusion-absorption du 31 décembre 2015 et a formé appel du jugement du tribunal de commerce le 23 juin 2022 ; que contrairement à ce que les premiers juges ont retenu, son défaut de comparution n'a pas pour origine « un certain mépris » un malentendu dans la gestion du dossier.

Elle entend se prévaloir de moyens sérieux de réformation en ce que la prescription de l'action de la société Tecrim au visa de l'article L. 133-6 du code de commerce et de l'article 2241 du code civil mérite d'être examinée, les premiers juges ayant considéré de façon impropre qu'un échange de correspondances était interruptif, en ce qu'il existe un plafond indemnitaire de 2 890 euros au regard de l'article D. 1432-3 du code des transports et du contrat type de commission de transport, en ce que la condamnation pour résistance abusive avec astreinte est arbitraire et irrégulière.

Elle invoque les conséquences manifestement excessives de l'exécution provisoire qu'emporterait le paiement des condamnations sans aucune garantie quant au sort des fonds versés et aux possibilités de recouvrer la créance générée par une infirmation de la décision. Elle forme des demandes subsidiaires ayant vocation à préserver les sommes dues.

Pour répondre aux écritures de la partie adverse, elle rétorque que la société Tecrim ne peut utilement invoquer l'irrecevabilité d'une précédente procédure de référé pour voir écartée la demande de l'arrêt de l'exécution provisoire et ne peut demander l'examen au fond du jugement entrepris dans la présente procédure.

Par conclusions notifiées le 20 juillet 2022, la été de droit Mauritanien demande à la juridiction saisie, au visa de l'article 122 du code civil, des articles 1103, 1240 et suivants du code civil, L. 133-6 du code de commerce, de :

à titre principal,

- déclarer irrecevables les demandes de la Sas Bolloré Logistics,

- prononcer une fin de non-recevoir à l'assignation de cette société,

à titre subsidiaire,

- condamner les Sas Saga France et Bolloré Logistics solidairement à réparer le préjudice subi,

- les condamner à payer les sommes de 13 998,40 euros au titre de la créance principale, et de 10 000 euros au titre des dommages et intérêts pour résistance abusive,

- prononcer une astreinte de 500 euros par jour de retard,

- condamner la Sas Bolloré Logistics aux dépens notamment les frais de postulation et autres frais.

Elle invoque, in limine litis, le principe selon lequel l'affaire a déjà été jugée par le tribunal de commerce le 13 juin 2022 et ne peut plus être appelée.

Elle verse les conclusions notifiées en sa qualité d'intimée par lesquelles elle demande essentiellement la confirmation du jugement entrepris, fait valoir que son action n'est pas prescrite, souligne le défaut de comparution de la débitrice au cours des précédentes instances en référé et au fond et la faute commise par son cocontractant qui a perdu la marchandise sans explications.

Elle conteste les moyens allégués et affirme que les fonds seront versés sur le compte Carpa de l'avocat, sans quitter la France.

MOTIFS

L'article 514-3 du code de procédure civile dispose qu'en d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

L'alinéa 2 de cet article précise que la demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

Sur la recevabilité de l'action

Le défaut de comparution de la Sas Bolloré Logistics, en première instance et au fond, ne permet pas d'envisager l'application de cet alinéa 2 de l'article 514-3 du code de procédure civile de sorte que l'action entreprise est recevable et ce, sans qu'il y ait lieu par ailleurs à examen des qualités d'autres procédures.

Le moyen tiré des effets du prononcé d'une décision au fond en première instance ne concerne pas la présente procédure et est inopérant alors qu'il s'agit de ne statuer que sur les conséquences de son exécution provisoire.

La juridiction n'est pas davantage saisie de l'appel de la décision au fond formé devant la chambre commerciale de notre cour.

Sur les moyens sérieux d'infirmation du jugement

L'article L. 133-6 du code de commerce dispose que les actions pour avaries, pertes ou retards, auxquelles peut donner lieu contre le voiturier le contrat de transport, sont prescrites dans le délai d'un an, sans préjudice des cas de fraude ou d'infidélité.

S'agissant de la demande principale, sans viser le point de départ du délai de prescription et les dispositions de l'article 2241 du code civil, les premiers juges ont retenu que des correspondances avaient interrompu le délai de prescription. Cette motivation suscite des interrogations au regard du droit commun applicable.

La condamnation a porté sur le montant de la marchandise perdue sans référence aux dispositions contractuelles prises entre les parties.

Par ailleurs, pour motiver la condamnation des défenderesses à des dommages et intérêts pour résistance abusive, les premiers juges ont statué comme suit, après avoir rappelé l'article 1231-1 du code civil : « Les sociétés SAGA France et BOLLORE LOGISTIQUE ne justifient pas avoir été empêchées par un cas de force majeure. Au contraire, elles se retranchent avec mauvaise foi derrière une prescription non avérée. Leur absence aux débats, alors que l'assignation a été reçue eà personne, montrent, pour un groupe aussi important et structuré, un certain mépris tant envers le demandeur, leur client, qu'envers le tribunal. ».

Outre le débat affectant l'obligation de motiver objectivement la faute, le tribunal n'a pas décrit les éléments de l'espèce justifiant, au titre du préjudice et du lien de causalité entre la faute et le préjudice, l'allocation d'une somme de 10 000 euros.

Il existe ainsi, sur différents termes de la décision entreprise, des risques sérieux d'infirmation de la décision au regard des moyens invoqués par la société Bolloré Logistics.

Sur les conséquences manifestement excessives de l'exécution provisoire

Le montant total des condamnations prononcées s'élève en capital à la somme de 25 998,40 euros hors intérêts et dépens.

Le paiement de la dette et le défaut de recouvrement de la créance en cas d'infirmation de la décision ne sont pas de nature à déstabiliser une société dont le capital social est de 44 051 200 euros, à la lecture de l'extrait K Bis que la Sas Bolloré Logistics produit elle-même. Aussi, l'arrêt de l'exécution provisoire ne peut être fondé sur un risque de péril affectant le créancier ; la demande doit être rejetée.

Toutefois, l'article 515-5 du code de procédure civile indique que le rejet de la demande tendant à voir écarter ou arrêter l'exécution provisoire de droit et le rétablissement de l'exécution provisoire de droit peuvent être subordonnés, à la demande d'une partie ou d'office, à la constitution d'une garantie, réelle ou personnelle, suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations.

Compte tenu des risques d'infirmation de la décision, totalement ou partiellement, la société Tecrim se présente devant la juridiction sans garantie : aucune garantie légale à défaut de produire des pièces sur sa situation juridique en Mauritanie, aucune garantie financière concernant à la fois ses comptes et ses références bancaires. A défaut de production d'éléments, nonobstant les demandes explicites de la Sas Bolloré Logistics, il est opportun d'ordonner la séquestration des fonds versés par le débiteur entre les mains du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau du Havre.

La décision n'étant rendue que dans l'intérêt de la Sas Bolloré Logistics et dans l'attente d'une décision au fond, cette dernière en supportera les dépens dans le cadre des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

statuant publiquement, par ordonnance contradictoire mise à disposition au greffe,

Déclare recevable l'action entreprise par la Sas Bolloré Logistics,

Déboute la Sas Bolloré Logistics de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire de plein droit attaché au jugement du tribunal de commerce de Rouen du 13 juin 2022,

Ordonne la consignation de l'intégralité des sommes dues par la Sas Bolloré Logistics en exécution de ce jugement entre les mains de M. le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau du Havre, en qualité de séquestre, et ce dans le délai de 15 jours à compter de la présente ordonnance,

Déboute les parties pour le surplus des demandes,

Condamne la Sas Bolloré Logistics aux dépens.

Le greffier,La presidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre premier président
Numéro d'arrêt : 22/00041
Date de la décision : 05/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-05;22.00041 ?
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