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05/10/2022 | FRANCE | N°21/00903

France | France, Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 05 octobre 2022, 21/00903


N° RG 21/00903 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IWM7







COUR D'APPEL DE ROUEN



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 05 OCTOBRE 2022









DÉCISION DÉFÉRÉE :



18/01154

Tribunal judiciaire de Dieppe du 21 décembre 2020





APPELANTS :



Madame [Z] [K] épouse [J]

née le 29 décembre 1955 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 3]



comparante, représentée et assistée par Me Céline LEBOURG, avocat au barreau de Dieppe

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Monsieur [L] [J]

né le 10 septembre 1959 à [Localité 5] (Maroc)

[Adresse 1]

[Localité 3]



comparant, représenté et assisté par Me Céline LEBOURG, avocat au barreau de Dieppe







INTIME :



Monsieur [M] [S]

né le 2...

N° RG 21/00903 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IWM7

COUR D'APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 05 OCTOBRE 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

18/01154

Tribunal judiciaire de Dieppe du 21 décembre 2020

APPELANTS :

Madame [Z] [K] épouse [J]

née le 29 décembre 1955 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 3]

comparante, représentée et assistée par Me Céline LEBOURG, avocat au barreau de Dieppe

Monsieur [L] [J]

né le 10 septembre 1959 à [Localité 5] (Maroc)

[Adresse 1]

[Localité 3]

comparant, représenté et assisté par Me Céline LEBOURG, avocat au barreau de Dieppe

INTIME :

Monsieur [M] [S]

né le 22 avril 1940 à [Localité 7]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représenté et assisté par Me Corinne MORIVAL de la Scp MORIVAL AMISSE MABIRE, avocat au barreau de Dieppe

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 15 juin 2022 sans opposition des avocats devant Mme Magali DEGUETTE, conseillère, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre,

M. Jean-François MELLET, conseiller,

Mme Magali DEGUETTE, conseillère,

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Catherine CHEVALIER,

DEBATS :

A l'audience publique du 15 juin 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 5 octobre 2022.

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Rendu publiquement le 5 octobre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier.

*

* *

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par acte authentique du 30 septembre 2015, M. [M] [S] a vendu à M. [L] [J] et à Mme [Z] [K], son épouse sa maison d'habitation située [Adresse 1], pour le prix de 160 000 euros.

Suivant acte d'huissier de justice du 4 août 2016, M. [L] [J] et Mme [Z] [K], son épouse, ayant découvert la présence d'humidité et de moisissures dans leur maison, ont fait assigner leur vendeur en référé expertise.

Par ordonnance du 6 octobre 2016, le juge des référés du tribunal de grande instance de Dieppe a fait droit à leur demande et a désigné M. [E] [C] pour réaliser l'expertise. Celui-ci a établi son rapport d'expertise le 15 mai 2018.

Suivant exploit d'huissier de justice du 21 septembre 2018, M. [L] [J] et Mme [Z] [K], son épouse ont fait assigner leur vendeur devant le tribunal de grande instance de Dieppe en garantie des vices cachés.

Par jugement du 21 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Dieppe a :

- débouté M. [L] [J] et Mme [Z] [J] née [K] de leur action en garantie des vices cachés,

- débouté M. [L] [J] et Mme [Z] [J] née [K] de leur action en défaut de conformité,

- débouté M. [L] [J] et Mme [Z] [J] née [K] de leurs demandes indemnitaires,

- constaté l'engagement volontaire de M. [M] [S] à indemniser M. [L] [J] et Mme [Z] [J] née [K] de leur préjudice résultant des désordres affectant l'escalier de l'immeuble sis [Adresse 1] par le paiement à leur profit d'une somme de 865,70 euros selon devis retenu par l'expert judiciaire,

- condamné M. [L] [J] et Mme [Z] [J] née [K] solidairement à payer à M.[M] [S] une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [L] [J] et Mme [Z] [J] née [K] de leur demande formulée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, - condamné M. [L] [J] et Mme [Z] [J] née [K] solidairement aux dépens comprenant les frais d'expertises judiciaires en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration du 28 février 2021, M. [L] [J] et Mme [Z] [K], son épouse ont formé un appel contre ce jugement.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 17 mai 2022, M. [L] [J] et Mme [Z] [K], son épouse demandent de voir en vertu des articles 1604 et suivants, 1641 et suivants, du code civil :

- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle les a :

. débouté de leur action en garantie des vices cachés, de leur action en défaut de conformité et de leurs demandes indemnitaires,

. condamné solidairement à payer à M.[M] [S] une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

. débouté de leur demande formulée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

. condamné solidairement aux dépens comprenant les frais d'expertises judiciaires en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

statuant de nouveau,

- condamner M. [M] [S] à leur payer les sommes suivantes :

. 37 797,57 euros au titre de la réparation des désordres constatés constituant des vices cachés,

. 300 euros par mois depuis le 30 septembre 2015 jusqu'au règlement par M. [M] [S] de l'indemnisation totale de leur préjudice, soit au 30 septembre 2018 une somme de 10 800 euros, somme à laquelle il conviendra d'ajouter la somme de

300 euros par mois jusqu'au règlement de l'indemnisation des désordres, en réparation de leur préjudice de jouissance,

. 2 000 euros au titre des frais de relogement qu'ils auront à exposer pendant le temps de réalisation des travaux de réfection,

. 20 000 euros en réparation de leur préjudice moral,

. 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais de première instance, outre la somme de 3 000 euros au titre des frais d'appel, et des entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les honoraires de l'expert judiciaire,

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a constaté l'engagement volontaire de M. [M] [S] à indemniser M. [L] [J] et Mme [Z] [J] née [K] de leur préjudice résultant des désordres affectant l'escalier de l'immeuble sis [Adresse 1] par le paiement à leur profit d'une somme de 865,70 euros selon devis retenu par l'expert judiciaire.

Ils font valoir à titre principal que l'état d'humidité général de la maison est constitutif d'un vice caché au jour de la vente, qu'à ladite date, M. [M] [S] ne pouvait pas l'ignorer dès lors qu'il avait connaissance de la dégradation de l'escalier et du mur caché par le placard sous celui-ci, du plancher de l'étage, des plinthes et de certaines huisseries au rez-de-chaussée, et qu'il avait effectué des réparations qu'il ne leur a pas révélées, qu'avant la vente il a changé une partie des tapisseries et a repeint le placard sous l'escalier pour cacher l'humidité, qu'il est inimaginable que ce problème d'humidité ne soit apparu qu'après la vente, que leur vendeur ne peut donc pas bénéficier de la clause d'exclusion de la garantie des vices cachés eu égard à sa mauvaise foi.

Ils ajoutent que les désordres affectant la terrasse n'étaient pas apparents pour eux dès lors que la vente est intervenue en période de sécheresse, qu'en revanche, M. [M] [S] qui possédait la maison depuis de nombreuses années ne pouvait pas l'ignorer et aurait dû les en informer, que sa mauvaise foi est établie.

Ils indiquent ensuite qu'ils ignoraient que l'évacuation des eaux pluviales était raccordée à l'assainissement et que l'évacuation de la douche se faisait dans la rue, qu'il s'agit de vices cachés, que M. [M] [S] ne les en a pas informés, ni le rapport de la société O2Bray qui vise uniquement la non-conformité de l'installation des Wc.

Ils exposent à titre subsidiaire que M. [M] [S] a manqué à son obligation de délivrance conforme de l'immeuble vendu dont l'habitabilité dans des conditions décentes a été rendue impropre par les nombreux vices qui l'affectent, que le raccordement des eaux pluviales et l'évacuation des eaux usées de la douche dans le domaine public sont non-conformes aux documents contractuels.

Par dernières conclusions notifiées le 20 mai 2022, M. [M] [S] sollicite de voir sur la base des articles 1641 et suivants du code civil :

- débouter M. [L] [J] et Mme [Z] [K], son épouse de l'ensemble de leurs demandes,

- confirmer le jugement rendu en première instance en toutes ses dispositions sauf au titre de l'article 700 du code de procédure civile limité à 1 000 euros à son profit,

- statuant à nouveau, condamner solidairement M. [L] [J] et Mme [Z] [K], son épouse à lui régler la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code précité et celle de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

Il expose que le vice tenant à l'humidité du rez-de-chaussée était apparent, mais que les désordres en résultant sont apparus après la vente s'agissant d'un vice évolutif, que la non-conformité de l'installation d'assainissement et de raccordement des eaux sans distinction de leur provenance était connue des acheteurs au jour de la vente, que les désordres concernant la terrasse étaient apparents, que les autres vices dénoncés sont cachés.

Il ajoute qu'il n'a pas changé les peintures et les papiers peints dans les pièces de la maison avant la vente, qu'il n'a pas eu conscience que les travaux d'amélioration et de confort réalisés en 2005 et 2006 avaient gravement contribué au développement de l'humidité, que le changement d'appui de deux marches de l'escalier ne caractérise pas son intention de dissimuler un vice et ne préjuge pas du caractère évolutif du désordre global d'humidité, que sa mauvaise foi n'est pas prouvée, que la clause de non-garantie des vices cachés doit donc lui profiter.

Il précise ensuite que l'action en garantie des vices cachés exclut le fondement subsidiaire des appelants basé sur le manquement à l'obligation de délivrance pour non-conformité de la chose vendue, qu'aucune spécification particulière sur l'immeuble n'a été prévue par les parties lors de la vente.

Il indique enfin que l'indemnisation sollicitée est excessive, que, subsidiairement, elle devrait être réduite aux seuls préjudices consécutifs aux vices cachés et non pas apparents.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 25 mai 2022.

MOTIFS

Sur la garantie des vices cachés

- Sur l'existence des vices cachés

L'article 1641 du code civil prévoit que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Selon l'article 1642 du même code, le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.

Il incombe à l'acheteur de rapporter la preuve du vice caché et de ses différents caractères.

1) Sur l'humidité générale de la maison et les désordres affectant la terrasse

Lors de la première réunion d'expertise réalisée le 31 mars 2017, l'expert judiciaire a constaté au rez-de-chaussée de la maison :

- dans la salle à manger, l'existence de traces de moisissures sur le mur à l'angle gauche, en bas du mur à droite, au niveau du sol, la pourriture des plinthes et leur décollement du mur. Les mesures d'humidité réalisées au niveau des murs oscillaient entre 14 et 22 % et au niveau du sol étaient égales à 30 %,

- dans le salon, l'existence de traces d'humidité à l'angle de deux murs et sur le sol en ciment. Un taux de 25 % d'humidité a été mesuré sur ces traces et un taux de 20 % sur le sol,

- au pied de la porte située au centre de la maison et donnant dans la salle à manger, la pourriture et le délitement du pied de l'huisserie en bois, l'effritement et la désagrégation des plinthes. Le taux d'humidité a été mesuré à 25 %,

- dans la cuisine, l'existence de traces d'humidité dues à la condensation sur le mur donnant vers le fossé pluvial de la route. L'humidité a été mesurée autour du radiateur entre 60 et 70 % et près de l'escalier entre 30 et 40 %,

- sur le mur sous la fenêtre du pied de l'escalier menant à l'étage, l'existence de traces d'humidité. Un taux de 30 à 40 % d'humidité a été mesuré,

- sur le mur non isolé des toilettes côté route, l'existence de traces d'humidité et de moisissures.

L'expert judiciaire n'a pas lui-même constaté l'existence du désordre ayant affecté la crémaillère de l'escalier, M. et Mme [J] ayant effectué des travaux de réfection de la crémaillère, des marches et des contremarches du pied de l'escalier, avant les opérations d'expertise judiciaire. Il a expliqué que M. et Mme [J] avaient découvert, lors du démontage du placard situé sous l'escalier, un défaut de fixation de l'escalier en partie basse. A partir des photographies datées du 29 février 2016 versées aux débats, l'expert judiciaire a indiqué que M. et Mme [J] avaient trouvé sous l'escalier deux parpaings en ciment maintenant un bastaing en bois sur lequel une vis liaisonnait la crémaillère du mur et que celle-ci était pourrie par l'humidité environnante.

M. [S] reconnaît avoir, dix ans avant la vente, vissé un bastaing sur la crémaillère qui n'était pas pourrie et mis en place deux parpaings en renfort sous les deux premières marches qu'il avait aussi refaites.

A l'extérieur, les mesures de niveau effectuées par l'expert judiciaire sur le carrelage de la terrasse ont montré que celui-ci était de niveau par endroits avec une légère pente vers le caniveau ou la maison à d'autres endroits. Ont été constatés au pied du mur de la mousse et un décollement de peinture. L'expert judiciaire en a déduit que de l'eau stagnait sur la terrasse et s'infiltrait au pied du mur de la maison amenant de l'humidité par remontées capillaires. L'humidité a été mesurée au pied du mur à 50 %.

A l'étage, l'expert judiciaire a constaté :

- sur le haut du mur de la cage d'escalier et sur le palier, l'existence de traces sèches d'humidité,

- dans la chambre tapissée avec des motifs de fleur bleue (chambre des appelants), l'existence de traces d'humidité sur l'un des murs et la porte et autour de la fenêtre. Le taux d'humidité a été mesuré à 16 % sur le mur et à 12 % autour de la fenêtre,

- dans la chambre tapissée avec des motifs de fleur rose (chambre d'ami), l'existence au sol d'un parquet flottant posé sur un isolant ultra mince en aluminium recouvrant l'ancien parquet dégradé. L'expert judiciaire a relevé une détérioration du parquet flottant par l'humidité et le fait qu'il bouge au passage d'une personne. Il a mesuré l'humidité à 20 % sur le bout de l'ancien parquet. Il a précisé que l'isolant et le parquet flottant ne permettaient pas à l'humidité de s'évacuer et d'assécher l'ensemble. M. [J] a expliqué à l'expert judiciaire qu'un an avant, il avait déposé le placoplâtre et l'isolation mise en place sur le mur pignon entre les rails métalliques lors d'une intervention d'un électricien et que le mur ruisselait d'eau, que depuis le mur s'était asséché. L'humidité a été mesurée à cet endroit à 10 et 6 %, au-dessus du parquet flottant entre 20 à 25 %, et au niveau des autres murs à 50 et 40 %.

Lors de la seconde réunion d'expertise tenue le 6 octobre 2017 aux fins de constatations du plancher et du solivage de l'étage dans la chambre d'ami, l'expert judiciaire a noté au rez-de-chaussée de la maison :

- au niveau du plafond de la salle-salon, l'apparition de têtes de vis rouillées sous l'enduit en plâtre indiquant la présence d'humidité,

- dans la cage d'escalier, l'existence de traces d'humidité sur le mur là où les époux [J] ont enlevé le papier peint,

- au pied de la porte située au centre de la maison, l'humidité a été mesurée entre 17 à 20 %, de sorte qu'elle tendait à diminuer.

A l'étage, l'expert judiciaire a relevé une augmentation des traces d'humidité sur le palier. Les époux [J] démontrent également, après l'expertise judiciaire, l'aggravation de l'humidité dans leur chambre au moyen de photographies datées du 28 août 2021.

Pour permettre l'examen du plancher et du solivage dans la chambre d'ami par l'expert judiciaire, M. [J] a effectué une ouverture sur le parquet flottant et sur l'ancien plancher au niveau de l'entrée gauche et une au fond au pied de la fenêtre. L'expert judiciaire a constaté la présence de moisissure et de champignons sur l'ancien plancher, ainsi qu'une réparation de celui-ci au droit de la fenêtre.

M. [S] a confirmé avoir réalisé cette réparation par l'encastrement d'un panneau en aggloméré au moyen d'un bastaing sur les solives à la même hauteur que le reste du plancher, car l'ancienne fenêtre en bois laissait de l'eau s'infiltrer, ce qui avait dégradé au fur et à mesure du temps les pièces de bois formant le plancher et le solivage. Dans ses conclusions, il explique avoir attendu une année de séchage du parquet pour le réparer sur 1 m² et poser le parquet flottant. L'achat de celui-ci date du 11 novembre 2005 selon la facture de l'entreprise Gp Décors.

L'expert judiciaire a noté l'état dégradé de la poutre centrale encastrée dans le mur et des solives fixées dessus, ainsi que de la solive fixée le long du mur du pignon qui s'effritait au toucher. Il a ajouté que les suspentes qui permettaient de maintenir les fourrures métalliques fixant les plaques du plafond du rez-de-chaussée n'étaient plus tenues du fait de l'état de décomposition avancé de la solive. Un taux d'humidité de 20 % a été mesuré sur la poutre centrale. Les analyses effectuées sur un morceau de solive située à l'aplomb de la fenêtre et sur le plancher avec un champignon ont objectivé l'existence de champignons de pourriture fibreuse ou cubique, mais pas de champignon mérule.

L'expert judiciaire a imputé l'humidité généralisée constatée aux causes suivantes :

- l'absence de fondations profondes de la maison construite en briques, qui ne permet pas une rupture de pont thermique et qui facilite la pénétration de l'humidité du sol extérieur au travers des briques et provoque des remontées capillaires,

- l'existence d'un fossé pluvial de la voierie longeant un côté de la maison,

- l'existence d'entrées d'eau provenant des eaux de toiture qui s'écoulent sur la terrasse dont la pente est quasiment nulle et qui présente une fissure longitudinale au pied du mur de la maison,

- le défaut d'étanchéité du réseau des eaux pluviales et l'écoulement au sol qui permettent leur percolation au niveau du pied de la maison,

- l'absence de gouttière côté rue qui entraîne une infiltration de l'eau au pied du mur et propage de l'humidité par remontées capillaires sur les murs intérieurs dans la salle de bains, les WC et la buanderie au rez-de-chaussée,

- l'absence de renouvellement d'air à l'intérieur de la maison, non équipée de VMC, ni d'une ventilation naturelle par des grilles, qui est à l'origine d'une humidité relative qui provoque de la condensation.

L'expert judiciaire a conclu à l'impropriété à destination de cette humidité. Il a précisé que :

- les désordres de l'étage étaient le résultat d'une dégradation graduelle durant plusieurs années lors desquelles les infiltrations d'eau provenant de l'ancienne fenêtre en bois avaient contribué à endommager cet ensemble à l'étage,

- les désordres relevés à l'étage n'étaient pas décelables au jour de la vente,

- la détérioration des plinthes et de l'huisserie en bois au rez-de-chaussée était visible, leur état ne pouvant pas résulter de la présence d'humidité seulement depuis l'achat jusqu'à la réunion d'expertise, soit durant deux ans,

- les défauts d'écoulement de la terrasse n'étaient pas cachés, mais visibles avec un niveau ou lors de pluie,

- le désordre affectant la crémaillère sous l'escalier avait compromis la solidité de l'ouvrage, l'avait rendu impropre à sa destination et n'était pas visible au jour de la vente, car la sous-face de l'escalier était fermée.

Si le désordre affectant le pied de l'huisserie de la porte donnant dans la salle à manger et les plinthes était aisément décelable, aucun autre signe d'humidité n'était perceptible dans la maison le jour de la vente et ne pouvait donc laisser penser à une humidité généralisée affectant celle-ci. L'agent immobilier chargé de la vente a attesté que, lors des trois visites effectuées par M. et Mme [J] les 20 juin, 4 juillet et 29 septembre 2015, l'état du bien meublé et non meublé était exempt d'humidité de manière apparente, il était particulièrement propre et il n'y avait aucune odeur. Le bon état des pièces de l'habitation est corroboré par les clichés photographiques produits par les appelants. L'ampleur du vice n'était pas déterminable par les acquéreurs au jour de la vente.

De même, lors de ces trois visites, aucun élément, notamment la présence d'eau et sa mauvaise répartition sur la surface de la terrasse, ne pouvait alerter M. et Mme [J] sur le sens de leur écoulement vers la façade de la maison. L'existence de mousse et d'un décollement de peinture au pied du mur de la façade n'est pas avérée au jour de la vente.

L'humidité évolutive et généralisée de l'immeuble vendu et les désordres affectant la terrasse qui y ont contribué constituent un vice caché.

2) Sur le raccordement du réseau pluvial sur l'assainissement et l'évacuation des eaux provenant de la douche

L'expert judiciaire a constaté que :

- la descente de gouttière située près du réparateur à graisses était raccordée sur celui-ci, ce qui n'était pas conforme car les réseaux d'eaux pluviales et d'eaux usées doivent être distincts, que la canalisation de liaison entre le séparateur et le regard en aval de la fosse septique avait dû être changée car elle était obstruée et cassée, que ce bouchage par temps de pluie avait occasionné un débordement d'eau et une saturation du sol environnant, créant ainsi de l'humidité au pied de la maison,

- les sorties d'eaux usées étaient ramenées sous la terrasse, à l'exception des eaux de la douche raccordées directement au fossé public côté route sans être traitées.

Si le défaut de raccordement de la gouttière sur l'assainissement était caché par le tampon de fermeture du bac dégraisseur, il ressort de l'acte de vente, à la page 19, que le vendeur a déclaré que l'immeuble n'était pas équipé d'une installation de récupération des eaux de pluie telle que prévue par l'arrêté du 21 août 2008.

Ce vice n'était donc pas caché au jour de la vente.

S'agissant du déversement des eaux usées de la douche, M. et Mme [J] indiquent que celui-ci était dissimulé par de la terre et de la végétation, ce qui est contesté par M. [S].

Cependant, ils n'apportent pas la preuve de cette dissimulation. De plus, l'acte de vente, auquel est annexé le bilan du contrôle effectué par la société O2 Bray le 3 juillet 2014, mentionne, à la page 15, que l'installation d'assainissement non collectif nécessite des travaux de mise en conformité, que 'l'acquéreur reçonnaît avoir reçu toutes les informations nécessaires sur la localisation de cette installation et être parfaitement informé de la situation de l'immeuble au regard de la réglementation sur l'assainissement et les eaux usées. Il déclare :

- vouloir faire son affaire personnelle des conséquences éventuelles de cette situation,

- décharger le vendeur de toute responsabilité à ce sujet,

- vouloir prendre à sa charge exclusive toute mise aux normes qui pourrait lui être imposée, le prix de vente tenant compte de cette non-conformité.'.

En conséquence, ce vice n'était pas caché au jour de la vente.

- Sur la garantie du vendeur

Selon l'article 1643 du code civil, le vendeur est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie. 

Il incombe à l'acquéreur, pour écarter cette clause, d'établir la mauvaise foi de son vendeur non professionnel par la connaissance que ce dernier avait du vice au jour de la vente et, plus précisément s'agissant d'un désordre évolutif, qu'il savait à ladite date que l'immeuble vendu était atteint d'un vice d'une gravité telle qu'il portait atteinte à la solidité de celui-ci ou le rendait impropre à sa destination.

En l'espèce, une clause de non-garantie du vendeur est portée à l'acte à la page 22 de l'acte de vente.

M. [S], tout comme M. et Mme [J], ne sont pas des professionnels de l'immobilier. Il ne connaît donc pas plus qu'eux le processus d'humidité généralisée graduelle décrit ci-dessus par l'expert judiciaire.

S'il n'est pas contestable qu'il a connu de l'humidité dans la maison, qui s'est traduite par une dégradation du bois au pied de la porte et des plinthes au rez-de-chaussée, du plancher au pied de la fenêtre dans la chambre d'ami et de la crémaillère sous l'escalier, et qu'il a réparés s'agissant de ces deux derniers désordres, il n'est pas démontré que cette humidité s'est ensuite manifestée de manière récurrente et importante en affectant l'ensemble de l'immeuble avant sa vente en 2015. Il n'est pas davantage établi que M. [S] a eu conscience d'un vice de la maison la rendant inhabitable comme dépassant l'humidité normale d'une maison. Contrairement à ce que soutiennent M. et Mme [J], aucune trace de reprise de peinture, ni de tapisserie, en vue de la vente de l'immeuble, n'existe dans les pièces du rez-de-chaussée et à l'étage. Le rapprochement des clichés photographiques produits par les parties qui sont antérieurs et postérieurs à la vente montre que le papier peint dans la salle à manger, le salon, la cuisine et la chambre d'ami, et la peinture du placard sous l'escalier, étaient les mêmes.

De plus, les travaux effectués par M. [S] remontent aux années 2003, 2005 et 2006 selon les pièces qu'il verse au débat (travaux d'isolation dans la salle à manger et le salon consistant dans la mise en place sur les murs de rails métalliques entre lesquels de la laine de roche a été mise en oeuvre et recouverte de plaques de placoplâtre BA13 selon facture du 16 décembre 2005 de l'entreprise J.C. Thiboult ; remplacement des fenêtres en bois par des fenêtres en PVC double vitrage sur l'ensemble de la maison en décembre 2003 et en août 2005 (factures de la Sa Huis Clos des 24 décembre 2003 et 11 août 2005) ; travaux de peinture des plafonds, des portes et des plinthes, et de tapisserie des murs, dans la salle à manger et le salon (facture de l'entreprise J.C. Thiboult du 28 décembre 2005) ; travaux de peinture et de tapisserie dans les chambres à l'étage (tickets d'achats de matériaux des 8, 24 juillet et 28 août 2006) ; travaux de peinture sur la façade (facture du 8 novembre 2006 de l'entreprise Dumouchel Cyril)).

Comme l'indique justement M. [S], il n'existait pas d'humidité lors de la réalisation des travaux d'isolation, de peinture et de tapisserie au rez-de-chaussée. Ainsi, les plaques du plafond suspendu du rez-de-chaussée ont nécessairement été fixées au moyen de suspentes dans la solive du plancher qui n'était pas endommagée. Les documents édités par les entreprises ne comportent aucune réserve ou alerte quant à l'état des lieux.

Lors de la vente, M. [S] n'a pas fait état de ces travaux de rénovation et d'entretien, ce qui n'est pas en contradiction avec les mentions de la clause d'exclusion de garantie eu égard à leur nature et à leur date de réalisation. Aux termes de celles-ci, 'Le vendeur déclare en outre ne pas avoir réalisé, sur l'immeuble vendu, de travaux nécessitant la souscription d'une assurance dommages-ouvrage, dans les dix dernières années.'.

Selon l'expert judiciaire, M. [S] a dû effectuer ces travaux sans avoir connaissance de leur conséquence ne créant pas d'extraction d'air des pièces concernées. Les anciennes menuiseries en bois étaient moins étanches à l'air et permettaient d'avoir une circulation d'air dans les pièces en contribuant à son renouvellement. Leur remplacement par des menuiseries en PVC a contribué à rendre plus étanches les pièces de la maison et à créer de la moisissure par condensation d'air. De même, les travaux à l'étage de recouvrement du plancher par un isolant et un parquet flottant ont rendu l'ensemble hermétique, sans aération, ni ventilation. Il a estimé qu'il était difficile d'indiquer avec certitude que M. [S], en changeant les lames du plancher, avait souhaité dissimuler volontairement ces désordres.

Concernant les travaux sur l'escalier, l'expert judiciaire estime que M. [S] en avait connaissance et l'a volontairement caché. Ce dernier admet ne pas en avoir informé les acquéreurs au jour de la vente parce qu'il avait oublié ces travaux du fait de leur efficacité depuis leur réalisation. Il reconnaît sa responsabilité pour ne pas avoir réparé ces marches dans les règles de l'art et propose de supporter le coût de la réparation de 865,70 euros TTC.

Toutefois, il n'est pas démontré qu'au jour de la vente M. [S] savait que son immeuble d'habitation qu'il continuait à occuper depuis la réparation de l'escalier intervenue dix ans plus tôt était atteint d'une humidité telle qu'elle portait atteinte à la solidité de celui-ci et le rendait impropre à sa destination.

N'est pas davantage démontrée la connaissance par M. [S] des désordres précités affectant la terrasse.

Dès lors, M. et Mme [J] ne démontrant pas la mauvaise foi de leur vendeur, la clause de non-garantie des vices cachés trouve à s'appliquer. Leurs demandes seront rejetées. La décision du tribunal ayant statué en ce sens sera confirmée.

Sur l'obligation de délivrance conforme de la chose vendue

M. et Mme [J] dénoncent le défaut de conformité de leur maison à sa destination normale d'habitation, et non pas à des spécifications convenues avec leur vendeur.

Dès lors, la garantie des vices cachés est l'unique fondement possible de leur action qu'ils ont d'ailleurs présentée à titre principal. Leur action subsidiaire basée sur l'obligation de délivrance conforme régie par les articles 1604 et suivants du code civil ne peut qu'être rejetée.

Concernant les non-conformités du raccordement du réseau pluvial sur l'assainissement et du réseau d'assainissement, elles ont été portées à la connaissance des acquéreurs dans l'acte de vente aux pages 19 et 15 précitées. Si cet acte n'a pas spécifié les conditions d'évacuation des eaux de la douche, l'engagement des acquéreurs à décharger le vendeur a été générale et totale et a porté sur 'toute mise aux normes qui pourrait [leur] être imposée'.

Les manquements du vendeur à son obligation de délivrance conforme ne sont pas caractérisés. Les demandes de M. et Mme [J] seront rejetées. La décision du tribunal ayant statué en ce sens sera confirmée.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions de première instance sur les dépens et les frais irrépétibles seront confirmées.

Partie perdante, M. et Mme [J] seront condamnés solidairement aux dépens d'appel.

Il n'est pas inéquitable de les condamner également solidairement à payer à M. [S] la somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés pour cette procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu publiquement par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris,

Y ajoutant,

Condamne solidairement M. [L] [J] et Mme [Z] [K], son épouse à payer à M.[M] [S] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne solidairement M. [L] [J] et Mme [Z] [K], son épouse aux dépens d'appel.

Le greffier,La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : 1ère ch. civile
Numéro d'arrêt : 21/00903
Date de la décision : 05/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-05;21.00903 ?
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