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05/10/2022 | FRANCE | N°21/00638

France | France, Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 05 octobre 2022, 21/00638


N° RG 21/00638 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IV3U







COUR D'APPEL DE ROUEN



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 05 OCTOBRE 2022









DÉCISION DÉFÉRÉE :



18/03560

Tribunal judiciaire d'Evreux du 02 février 2021





APPELANTS :



Madame [I] [X]

née le 25 septembre 1975 à [Localité 7]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



représentée et assistée par Me Marion QUEFFRINEC de la Scp PICARD LEBEL QUEFFRINEC BEAUHAIRE MOREL, avocat au ba

rreau de l'Eure plaidant par Me MOREL



(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021/002419 du 15/03/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Rouen)



Monsieur [B] [C]

né le 27 juillet 1...

N° RG 21/00638 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IV3U

COUR D'APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 05 OCTOBRE 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

18/03560

Tribunal judiciaire d'Evreux du 02 février 2021

APPELANTS :

Madame [I] [X]

née le 25 septembre 1975 à [Localité 7]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée et assistée par Me Marion QUEFFRINEC de la Scp PICARD LEBEL QUEFFRINEC BEAUHAIRE MOREL, avocat au barreau de l'Eure plaidant par Me MOREL

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021/002419 du 15/03/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Rouen)

Monsieur [B] [C]

né le 27 juillet 1973 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté et assisté par Me Marion QUEFFRINEC de la Scp PICARD LEBEL QUEFFRINEC BEAUHAIRE MOREL, avocat au barreau de l'Eure plaidant par Me MOREL

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021/002420 du 15/03/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Rouen)

INTIME :

Monsieur [B] [O]

né le 04 juin 1990 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté et assisté par Me Valérie LEMAITRE-NICOLAS de la Scp LEMAITRE-NICOLAS, avocat au barreau de l'Eure

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 15 juin 2022 sans opposition des avocats devant Mme Magali DEGUETTE, conseillère, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre,

M. Jean-François MELLET, conseiller,

Mme Magali DEGUETTE, conseillère,

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme [U] [Z],

DEBATS :

A l'audience publique du 15 juin 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 5 octobre 2022.

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Rendu publiquement le 5 octobre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier.

*

* *

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par promesse du 13 octobre 2017 dressée par Me [N] [W], notaire à Vernon, M. [B] [C] et Mme [I] [X] se sont engagés à vendre à M. [B] [O] leurs lots n°101 (cave), 127, 215 (places de stationnement) et 160 (appartement) au sein d'un ensemble immobilier situé [Adresse 3], et soumis au statut de la copropriété, moyennant le prix net vendeur de 165 000 euros.

Cette promesse unilatérale de vente a été consentie jusqu'au 30 décembre 2017 à 16 heures. Y a également été prévu le versement par M. [B] [O] d'une indemnité d'immobilisation de 16 500 euros laquelle a été placée sur un compte séquestre.

Le 29 décembre 2017, M. [B] [O] a fait état de son intention de ne pas signer l'acte de vente en l'état, ayant été destinataire de l'état daté rempli le 24 novembre 2017 par la Sas Cabinet Carpentier, syndic de copropriété, et joint au projet d'acte de vente transmis le 26 décembre 2017. Cette dernière y indiquait au paragraphe J, à la page 11, que le vendeur avait exécuté divers travaux sans autorisation du syndicat des copropriétaires (pose d'un bloc-parking sur emplacement, creusement de la dalle de sol de l'appartement pour l'aménagement d'une salle de bains) qui étaient susceptibles d'entraîner une remise en état.

Le 10 avril 2018, Me [N] [W] a constaté l'absence de M. [B] [O] pour signer l'acte de vente et a dressé un procès-verbal de carence.

Par acte d'huissier de justice du 25 septembre 2018, M. [B] [C] et Mme [I] [X] ont fait assigner M. [B] [O] devant le tribunal de grande instance d'Evreux en résolution du compromis de vente et en paiement de l'indemnité d'immobilisation majorée des intérêts.

Suivant jugement du 2 février 2021, le tribunal judiciaire d'Evreux a :

- débouté M. [B] [C] et Mme [I] [X] de l'ensemble de leurs demandes,

- dit que l'indemnité forfaitaire d'immobilisation de 16 500 euros est acquise à M. [B] [O],

- ordonné au séquestre désigné dans la promesse (Mme [F] [H], comptable, domiciliée à l'étude de Me [W]), de procéder à la restitution de la somme de 16 500 euros et sera par ce versement, déchargé de plein droit de sa mission,

- condamné M. [B] [C] et Mme [I] [X] à payer la somme de

8 000 euros à M. [B] [O] à titre de dommages et intérêts,

- condamné M. [B] [C] et Mme [I] [X] à payer à M. [B] [O] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [B] [C] et Mme [I] [X] aux entiers dépens de la présente procédure,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Par déclaration reçue au greffe le 15 février 2021, M. [B] [C] et Mme [I] [X] ont formé appel du jugement en toutes ses dispositions.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 14 juin 2022, Mme [I] [X] et M. [B] [C] demandent de voir en application des articles 1100 et suivants du code civil :

- réformer le jugement du tribunal judiciaire d'Evreux du 2 février 2021 en ce qu'il a :

. débouté M. [B] [C] et Mme [I] [X] de l'ensemble de leurs demandes,

. dit que l'indemnité forfaitaire d'immobilisation de 16 500 euros est acquise à M. [B] [O],

. ordonné au séquestre désigné dans la promesse de procéder à la restitution de la somme de 16 500 euros, le déchargeant de plein droit de sa mission,

. condamné M. [B] [C] et Mme [I] [X] à payer la somme de

8 000 euros à M. [B] [O] à titre de dommages et intérêts,

. condamné M. [B] [C] et Mme [I] [X] à payer à M. [B] [O] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

. condamné M. [B] [C] et Mme [I] [X] aux entiers dépens,

. débouté les parties du surplus de leurs demandes,

statuant à nouveau,

- condamner M. [O] à leur payer les sommes suivantes :

. 16 500 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation,

. 7 000 euros à titre de dommages et intérêts,

. 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en plus des entiers dépens,

- y ajoutant en cause d'appel, condamner M. [O] à leur payer la somme de

4 000 euros au titre de l'article 700 du code précité.

Ils exposent que M. [B] [O] ne démontre pas que les réserves contenues dans l'état daté du syndic de copropriété du 24 novembre 2017 étaient légitimes ; que, même après en avoir eu connaissance, il souhaitait toujours acquérir le bien jusqu'à ses dernières conclusions de première instance du 4 décembre 2020 ; que lesdites réserves étaient erronées car, d'une part, les travaux dans la salle d'eau n'étaient que des travaux de rafraîchissement, et non pas de creusement de la dalle, partie commune, ne nécessitaient pas l'autorisation préalable de la copropriété et n'avaient jamais gêné le syndic jusqu'à la vente de l'appartement ; que d'autre part, elles ne reposaient sur aucune preuve tangible.

Ils ajoutent que le syndic de copropriété n'avait pas à mentionner ce type de réserve dans l'état daté ; qu'en tout état de cause, cette réserve a été levée au vu des constats d'huissier de justice établis, de l'intervention de la société ITS et du jugement du 11 mai 2020 du tribunal judiciaire d'Evreux ayant statué sur le litige opposant M. [B] [C] et le syndic de copropriété ; que l'intervention de l'Apave n'aurait rien apporté de plus ; que M. [B] [O] se retranche derrière une clause suspensive qui n'existe pas ; que, selon Me [N] [W], la vente pouvait être conclue avec ou sans levée de la réserve, dès lors que les parties en étaient d'accord et qu'était séquestrée une somme pendant le délai d'opposition du syndic de copropriété en vue d'apurer tous les comptes avec le vendeur ; que malgré l'ensemble des faits et les preuves qu'ils ont apportées pour rassurer M. [B] [O] et montrer leur bonne foi, ce dernier a refusé de réitérer la vente.

Ils avancent qu'en raison de la situation imposée par M. [B] [O] et de son entêtement à ne plus vouloir signer l'acte définitif de vente, ils ont été contraints de quitter leur appartement en avril 2018, de se reloger chez les parents de Mme [I] [X], de placer leurs meubles en garde-meubles, de continuer à payer les charges liées à leur appartement, d'engager des frais de procédure et de renoncer à leur projet d'acquisition immobilière en juin 2018.

S'agissant de la demande indemnitaire de M. [B] [O], ils font valoir que celui-ci devait payer le loyer de janvier 2018 de son bail résilié en application du délai de préavis et n'a donc pas subi un préjudice de ce fait ; qu'il ne justifie pas de frais de déménagement ou d'installation supérieurs à ceux qu'il aurait eus s'il avait acheté leur immeuble car il s'est relogé dans une résidence voisine ; qu'il disposait d'une cave dans le nouvel appartement qu'il louait pour entreposer les nouveaux meubles qu'il avait commandés ; qu'il n'a en réalité jamais eu l'intention de finaliser la vente et sollicite un préjudice artificiel.

Par dernières conclusions notifiées le 7 juin 2022, M. [B] [O] sollicite de voir :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Evreux le 2 février 2021 en ce qu'il a :

. débouté M. [B] [C] et Mme [I] [X] de l'ensemble de leurs demandes,

. dit que l'indemnité forfaitaire d'immobilisation de 16 500 euros est acquise à M. [B] [O],

. ordonné au séquestre désigné dans la promesse de procéder à la restitution de la somme de 16 500 euros, le déchargeant de plein droit de sa mission,

. condamné M. [B] [C] et Mme [I] [X] à payer la somme de

8 000 euros à M. [B] [O] à titre de dommages et intérêts,

. condamné M. [B] [C] et Mme [I] [X] à payer à M. [B] [O] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

. condamné M. [B] [C] et Mme [I] [X] aux entiers dépens,

. débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- ajoutant à ce jugement, condamner les appelants aux entiers dépens d'appel et au paiement à son profit de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- débouter les appelants de leurs demandes plus amples ou contraires.

Il fait valoir qu'il ne pouvait pas légitimement régulariser la vente en raison de la charge grevant le bien telle que renseignée par le syndic de copropriété le 24 novembre 2017 ; qu'elle lui était inconnue au jour de la signature de la promesse de vente et faisait peser sur lui un risque important en cas de revente et en cas d'exigence de travaux de remise en état par la copropriété. Il ajoute qu'il appartenait aux appelants de tout mettre en oeuvre pour que le syndic de copropriété lève sa réserve, mais qu'ils sont restés inertes ; que, dans son jugement du 11 mai 2020, le tribunal judiciaire d'Evreux n'a pas tranché la question de la réserve ; que l'état daté du syndic de copropriété du 29 mars 2021 produit par les appelants, qui est tardif et irrégulier, n'est pas de nature à modifier le litige ; que, dès lors, les appelants ne sont pas fondés à réclamer l'attribution de l'indemnité d'immobilisation laquelle doit lui être restituée.

Concernant les demandes indemnitaires des appelants, il expose que ces derniers ne peuvent pas se prévaloir de leur propre turpitude, qu'ils ont continué à occuper leur appartement où ils s'étaient domiciliés en première instance et dans leur déclaration d'appel ; qu'il n'a commis aucune faute, qu'il n'existe pas de lien de causalité entre sa position et la situation des appelants.

Il précise enfin que le comportement fautif des vendeurs et leur défaillance dans l'exécution de la promesse lui ont causé un préjudice incontestable ; qu'il a été contraint de déménager du logement qu'il occupait, qu'il a dû en partir le 27 janvier 2018 pour se reloger dans un nouvel appartement pour un loyer plus élevé et des frais afférents de déménagement ; qu'il a dû vendre du mobilier qu'il possédait pour entreposer les nouveaux meubles qu'il avait achetés et proroger son offre de prêt en s'acquittant de frais ; que l'achat de sa maison en décembre 2021, soit dix mois après le jugement du 2 février 2021 et neuf mois après la vente de l'immeuble en cause par les appelants à un tiers en mars 2021, résulte d'un changement de ses projets familiaux et n'a aucun lien avec une intention de ne pas réitérer la vente ; qu'au contraire, ce sont les appelants qui n'ont pas voulu lever la réserve du 24 novembre 2017 et vendre.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 15 juin 2022.

MOTIFS

Sur l'indemnité d'immobilisation

La promesse de vente a prévu le sort du versement de l'indemnité d'immobilisation aux pages 7 et 8 en ces termes :

' Elle sera versée au PROMETTANT ou au BENEFICIAIRE selon les hypothèses suivantes:

[...] b) en cas de non réalisation de la vente promise selon les modalités et délais prévus au présent acte, la somme ci-dessus versée restera acquise au PROMETTANT à titre d'indemnité forfaitaire pour l'immobilisation entre ses mains de l'immeuble formant l'objet de la présente promesse de vente pendant la durée de celle-ci ;

Observation étant ici faite que l'intégralité de cette somme restera acquise au PROMETTANT même si le BENEFICIAIRE faisait connaître sa décision de ne pas acquérir avant la date d'expiration du délai d'option. [...]

c) toutefois, dans cette même hypothèse de non réalisation de la vente promise, la somme ci-dessus versée sera intégralement restituée au BENEFICIAIRE s'il se prévalait de l'un des cas suivants :

' [...] si la non réalisation de la vente promise était imputable au seul PROMETTANT.'.

M. [O] a été destinataire le 26 décembre 2017 de l'état daté du syndic de copropriété du 24 novembre 2017, annexé au projet d'acte de vente transmis par l'étude de Me [W], et mentionnant la réalisation par les promettants de travaux non autorisés par la copropriété, tels que spécifiés ci-dessus dans l'exposé des faits, et susceptibles de faire l'objet d'une remise en état.

Il ressort du courriel de Me [W] adressé le 29 décembre 2017 à M. [C] et, en copie à M. [O], que ce dernier a émis le souhait à ladite date de ne pas signer l'acte de vente en l'état et l'a conditionné à la confirmation par un expert (professionnel du bâtiment ou huissier) de l'absence de dommage occasionné par la pose du receveur de douche à la structure du bâtiment et à la confirmation par le syndic de copropriété de l'absence de tout recours sur les travaux indiqués comme non autorisés par la copropriété.

Comme justement retenu par le premier juge, l'option d'acquérir n'a pas été levée par M. [O], de sorte que la promesse de vente est devenue caduque le 30 décembre 2017 à 16 heures. Mais, ultérieurement et pendant plusieurs mois, les promettants ont maintenu leur engagement de vendre et M. [O], son intention d'acquérir l'immeuble tout en refusant légitimement de signer l'acte afférent. En effet, les renseignements donnés par le syndic de copropriété, s'ils étaient avérés, étaient de nature à constituer une charge pouvant grever l'immeuble qu'il s'apprêtait à acquérir et à en diminuer sensiblement la valeur. Le risque encouru par M. [O] était à la fois d'ordre technique, financier et procédural en cas d'exigence de travaux de remise en état par la copropriété et/ou en cas de revente.

M. [C] et Mme [X] ont fait établir un procès-verbal par Me [V], huissier de justice, le 10 avril 2018, aux termes duquel il a constaté que les emplacements de stationnement à l'extérieur (lot n°215) et au niveau -1 de l'immeuble (lot [Cadastre 6]) étaient vides. Me [V] a également constaté dans son procès-verbal du 9 janvier 2018 que, dans la salle d'eau de l'appartement, la dalle sur laquelle le receveur de douche reposait était en parfait état, qu'elle ne comportait aucune fissure, ni déformation, ni trace d'épanchement d'eau, et qu'elle était parfaitement sèche et intacte. Dans son procès-verbal du 26 novembre 2019, il a ajouté que la cabine de douche ne constituait pas une douche à l'italienne, qu'aucune excavation n'avait été réalisée dans le sol et que le receveur, qui dépassait du sol, était posé sur un support habillé par des plinthes en faïence.

Ces seules constatations ne permettent pas de s'assurer que la dalle de sol, partie commune située au-dessous de la dalle du receveur de douche, n'avait pas été creusée. De même, les conditions de fixation des pieds du receveur de douche sur la dalle de sol restent ignorées.

L'intervention de l'Apave pour examiner l'installation et 'lever le doute', dont le principe avait été avalisé par l'avocate de M. [C] et de Mme [X] aux termes d'un courriel adressé le 24 janvier 2018 à l'étude notariale, n'a pas eu lieu. Les appelants n'y ont pas fait procéder. Ils le justifient par le caractère authentique des procès-verbaux établis par Me [V] qui étaient suffisants, par le fait que les avis de l'Apave ne peuvent pas être considérés comme une expertise et ne sont donnés qu'après un examen visuel ne comprenant ni démontage, ni sondage destructif, et par le fait qu'ils avaient eu en tout état de cause recours à la société ITS qui avait donné un avis technique.

Cependant, le simple constat visuel effectué par Me [V] n'était pas suffisant pour lever le doute sur une atteinte ou non de la dalle de sol, partie commune.

Il en est de même pour la facture d'intervention de la société ITS du 15 janvier 2018 que M. [C] et Mme [X] ont transmise tardivement à Me [W] par courriel du 4 avril 2018. Dans celle-ci, la société ITS indiquait qu'elle n'avait constaté aucun dégât au niveau de la dalle sous le bac à douche. Bien plus, les constatations de Me [V] d'une absence d'excavation dans le sol contredisent l'indication de la société ITS selon laquelle le receveur qu'elle a déposé le 15 janvier 2018 était encastré.

En outre, même si son examen ne porte que sur les parties visibles des travaux sans réalisation d'un démontage et/ou d'un sondage destructif, l'Apave est un professionnel de l'inspection technique en matière de bâtiment, ce que n'est pas un huissier de justice.

Les appelants produisent un courriel du 4 février 2020 de M. [R] de l'Apave par lequel il leur a indiqué qu'une mission de vérification visuelle de l'état d'une dalle ne pourrait se faire que si la sous-face et la surface étaient effectivement accessibles.

Mais, il ressort de la proposition de contrat établie par M. [A] de l'Apave le 24 janvier 2018 et produite par M. [O], que ce professionnel n'a pas opposé de refus à la faisabilité du diagnostic de la dalle béton support du receveur de douche, consistant à faire vérifier par un ingénieur généraliste si cette dalle avait fait l'objet de travaux visant sa solidité par un examen visuel limité à l'emprise du receveur de douche. Contrairement à ce qu'affirment les appelants, ils n'ont pas sollicité la production de ce document auprès de M.[O] ou de son conseil, mais uniquement auprès de leur propre avocate dans leur courriel du 24 janvier 2018 constituant leur pièce 44.

A défaut de certitude technique sur une absence d'atteinte aux parties communes que ne lui ont pas apportée M. [C] et Mme [X] et alors qu'il avait proposé de mandater l'Apave pour le compte du conseil syndical dans un courriel du 24 mars 2018 adressé à l'étude notariale, le syndic de copropriété n'a pas modifié ses réserves mentionnées dans son état daté du 24 novembre 2017 sur les travaux réalisés par M. [C] et Mme [X].

Bien plus, dans son courrier adressé à Me [W] le 20 janvier 2018, il a précisé que les renseignements fournis concernant le creusement de la dalle de sol de l'appartement pour l'aménagement d'une salle de bains lui avaient été fournis au cours du conseil syndical du 21 novembre 2017. Dans son état daté ultérieur du 9 juin 2018, il a confirmé ce renseignement ('Je vous confirme que j'ai été informé par l'un des copropriétaires de l'existence de travaux qui auraient porté sur les parties communes de l'appartement (marteau-piqueur dans la dalle de béton de la salle de bains chez Mr [C] et Mme [X]). Cette information a été évoquée au Conseil Syndical du 21/11/2017.'). Il y a joint en annexe le document qui lui avait été transmis par un copropriétaire et par la gardienne de l'immeuble. Enfin, dans son état daté du 2 juin 2020, il a maintenu les mêmes réserves que celles contenues dans son état daté du 24 novembre 2017, en précisant, s'agissant de la pose d'un bloc-parking sur emplacement, que celui-ci avait été retiré, mais que des vis dangereuses étaient restées sur place, avaient été déposées depuis à son initiative et à celle du conseil syndical et que cette intervention avait été facturée et débitée au compte de M. [C] pour le montant de 15 euros.

Si l'état daté du syndic de copropriété du 29 mars 2021, versé aux débats par les appelants, ne contient plus lesdites réserves, il ne comporte que le seul cachet '[K] [J]' sur la première page et aucune signature, ni cachet, sur toutes les autres pages, ce qui permet de douter de sa régularité, alors que, dans sa décision du 11 mai 2020, le tribunal judiciaire d'Evreux avait ordonné, dans le cadre du litige opposant M. [C] et le syndic de copropriété, que l'état daté comporte un cachet et une signature sur chaque page. En tout état de cause, cet état daté, qui intervient plus de trois ans après le terme de la promesse de vente, n'indique pas expressément que les réserves en cause ont été effectivement levées.

En conséquence, aucun état daté rectifié, de nature à assurer à M. [O] qu'il pouvait acquérir sans risque les lots de copropriété de M. [C] et de Mme [X], n'a été établi par le syndic de copropriété à la diligence de ces derniers.

Le fait que Foncia, syndic de copropriété en 2015, ait eu connaissance de la réalisation de travaux de rafraîchissement dans l'appartement aux termes de courriels échangés avec les appelants les 28 et 30 avril 2015, travaux qui correspondraient selon eux à ceux dans la salle d'eau visés dans l'état daté, est insuffisant à démontrer que la réserve ainsi émise par le syndic de copropriété Sas Cabinet Carpentier, même deux ans plus tard, était erronée.

D'une part, les appelants ne prouvent pas que ces travaux de rafraîchissement effectués en 2015 correspondent effectivement aux travaux réalisés dans la salle d'eau. En effet, à la page 9 de leurs conclusions, ils indiquent avoir effectué des travaux de rafraîchissement de novembre 2014 à février 2015 dans l'ensemble de leur appartement. Il n'est pas certain que le syndic de copropriété Foncia a eu connaissance de leur nature.

D'autre part, à aucun moment, M. [C] et Mme [X] n'ont fait état des courriels des 28 et 30 avril 2015 auprès du syndic Sas Cabinet Carpentier aux fins de levée des réserves émises le 24 novembre 2017.

Par ailleurs, si le syndic de copropriété n'a pas l'obligation de mentionner de réserves dans l'état daté en application de l'ancien article L.721-1 et de l'article L.721-2 du code de la construction et de l'habitation, rien ne le lui interdisait. Comme l'a souligné justement le premier juge, il a usé de cette faculté car il s'agissait en l'espèce d'informations apparaissant essentielles pour assurer la pleine et entière information de l'acquéreur sur l'immeuble qu'il s'apprêtait à acquérir et lui permettre ainsi de consentir de manière éclairée à la vente.

En outre, comme l'a également retenu le tribunal, c'est vainement que M. [C] et Mme [X] soutiennent que le jugement du 11 mai 2020 du tribunal judiciaire d'Evreux permet d'établir que les réserves litigieuses sont erronées dès lors qu'il a décidé dans son dispositif n'y avoir lieu de constater la véracité ou non de ce fait. Les développements contenus dans les motifs de ce jugement quant à l'appréciation d'un fait n'ont pas autorité de la chose jugée, a fortiori dans une instance distincte opposant d'autres parties et au cours de laquelle les pièces soumises à l'examen du juge sont différentes et/ou complétées par d'autres pièces.

Enfin, selon l'article L.721-3 du code de la construction et de l'habitation, lorsque les documents et les informations mentionnés aux 1° et 2° du II de l'article L.721-2 exigibles en application des dispositions prévues au même article ne sont pas remis à l'acquéreur au plus tard à la date de la signature de la promesse de vente, le délai de rétractation de 10 jours ne court qu'à compter du lendemain de la communication de ces documents et informations à l'acquéreur.

Le fait que M. [O], destinataire le 26 décembre 2017 de l'état daté, soit quatre jours avant le terme de la promesse de vente, n'a pas usé de sa faculté de se rétracter avant le 6 janvier 2018, ne le rendait pas irrecevable à invoquer le point c) des dispositions de la promesse de vente relatives à l'indemnité d'immobilisation.

De même, eu égard au risque encouru et à la nécessité d'éclaircir la régularité des travaux effectués dans la salle d'eau au regard du statut de la copropriété, M. [O] n'était pas tenu d'accepter la proposition de Me [W] de dresser l'acte de vente, avec ou sans levée de la réserve, et avec l'accord des parties et le séquestre d'une somme par les promettants. Le fait qu'un autre appartement dans la même copropriété, appartenant à Mme [S], a été vendu selon ces modalités, ne donne pas davantage de poids au moyen des appelants, dès lors qu'il correspond à un cas distinct et qu'à cette époque, fin 2016, la copropriété était gérée par un administrateur judiciaire, et non pas par un syndic de copropriété.

En définitive, la non-réalisation de la vente promise est imputable à M. [C] et à Mme [X]. Leurs demandes seront rejetées et l'indemnité d'immobilisation que M. [O] a versée lui sera intégralement restituée. Le jugement du tribunal ayant statué en ce sens sera confirmé.

Sur les demandes indemnitaires

Selon l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

- Sur la demande de M. [C] et de Mme [X]

La non réalisation de la vente promise est imputable à M. [C] et à Mme [X] pour les raisons spécifiées ci-dessus.

De plus, ceux-ci ne démontrent pas une faute afférente de M. [O]. Sa volonté d'acquérir était certaine au vu de ses nombreuses dépenses et démarches justifiées engagées entre la conclusion de la promesse de vente et son terme, notamment l'achat de nouveaux meubles et la résiliation de son bail en cours, de ses diligences auprès de sa banque pour l'obtention et la prorogation de son prêt et des multiples courriers de son avocate réitérant son intention adressés à Me [W], au syndic de copropriété, et à l'avocate de M. [C] et de Mme [X].

La durée de 10 mois qui s'est écoulée entre le jugement du 2 février 2021 ayant accueilli les demandes de M. [O] et l'achat d'une maison par celui-ci le 16 décembre 2021, alors que la vente de l'appartement des appelants au profit d'un tiers était intervenue entre-temps en mars 2021, écarte toute intention de sa part de ne pas acquérir ledit appartement et de se créer un préjudice.

Cette réclamation sera donc rejetée. La disposition en ce sens du jugement sera confirmée.

- Sur la demande de M. [O]

Celui-ci sollicite la confirmation de l'indemnisation de 8 000 euros qui lui a été allouée par le tribunal en réparation de son préjudice.

De leur côté, aux termes du dispositif de leurs conclusions, M. [C] et Mme [X] demandent la réformation du jugement ayant statué en ce sens, mais ne formulent aucune prétention tendant au rejet et/ou à la réduction subsidiaire de l'indemnité réclamée.

En application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour d'appel n'est donc pas saisie d'une prétention reconventionnelle des appelants et ne peut que confirmer le jugement en sa disposition sur la condamnation de M. [C] et de Mme [X] à indemniser M. [O] à hauteur de 8 000 euros.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions de première instance sur les dépens et les frais irrépétibles seront confirmées.

Parties perdantes, M. [C] et Mme [X] seront condamnés aux dépens d'appel.

Il n'est pas inéquitable de les condamner également à payer à M. [O] la somme de 3 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés pour cette procédure.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu publiquement par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. [B] [C] et Mme [I] [X] à payer à M. [B] [O] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

Rejette le surplus des demandes,

Condamne M. [B] [C] et Mme [I] [X] aux dépens d'appel.

Le greffier,La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : 1ère ch. civile
Numéro d'arrêt : 21/00638
Date de la décision : 05/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-05;21.00638 ?
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