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05/10/2022 | FRANCE | N°21/00517

France | France, Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 05 octobre 2022, 21/00517


N° RG 21/00517 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IVTB





COUR D'APPEL DE ROUEN



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 05 OCTOBRE 2022







DÉCISION DÉFÉRÉE :



17/01770

Tribunal judiciaire du Havre du 31 décembre 2020





APPELANTS :



Monsieur [V] [G]

né le [Date naissance 3] 1960 à [Localité 9]

[Adresse 5]

[Adresse 5]



représenté par Me Céline BART de la Selarl EMMANUELLE BOURDON CELINE BART Avocats Associés, avocat au barreau de Rouen

et assisté par Me Gaëtan TREGUIER, avocat au barreau de Rouen





Monsieur [T] [X]

né le [Date naissance 4] 1947 à [Localité 7]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



représenté par Me Céline BART de la Selarl EMM...

N° RG 21/00517 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IVTB

COUR D'APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 05 OCTOBRE 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

17/01770

Tribunal judiciaire du Havre du 31 décembre 2020

APPELANTS :

Monsieur [V] [G]

né le [Date naissance 3] 1960 à [Localité 9]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

représenté par Me Céline BART de la Selarl EMMANUELLE BOURDON CELINE BART Avocats Associés, avocat au barreau de Rouen et assisté par Me Gaëtan TREGUIER, avocat au barreau de Rouen

Monsieur [T] [X]

né le [Date naissance 4] 1947 à [Localité 7]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Céline BART de la Selarl EMMANUELLE BOURDON CELINE BART Avocats Associés, avocat au barreau de Rouen et assisté par Me Gaëtan TREGUIER, avocat au barreau de Rouen

Sci STECRI

SIREN 488 668 179

[Adresse 8]

[Adresse 8]

représentée par Me Céline BART de la Selarl EMMANUELLE BOURDON CELINE BART Avocats Associés, avocat au barreau de Rouen et assistée par Me Gaëtan TREGUIER, avocat au barreau de Rouen

INTIMEES :

Mme [Z] [W], notaire

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

représentée par Me Yannick ENAULT de la Selarl YANNICK ENAULT-CHRISTIAN HENRY, avocat au barreau de Rouen et assistée par Me Nicolas CHATAIGNIER, avocat au barreau du Havre

Sa MMA IARD

RCS du Mans 537 052 368

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Yannick ENAULT de la Selarl YANNICK ENAULT-CHRISTIAN HENRY, avocat au barreau de Rouen et assistée par Me Nicolas CHATAIGNIER, avocat au barreau du Havre

Samcf MMA IARD ASSURANCE MUTUELLE

RCS du Mans 775 652 126

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Yannick ENAULT de la Selarl YANNICK ENAULT-CHRISTIAN HENRY, avocat au barreau de Rouen et assistée par Me Nicolas CHATAIGNIER, avocat au barreau du Havre

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 20 juin 2022 sans opposition des avocats devant M. Jean-François MELLET, conseiller, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre,

M. Jean-François MELLET, conseiller,

Mme Magali DEGUETTE, conseillère,

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme [U] [R],

DEBATS :

A l'audience publique du 20 juin 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 5 octobre 2022.

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Rendu publiquement le 5 octobre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par acte notarié du 23 décembre 2013 dressé par Me [Z] [W], la Sci Stecri, dont M. [T] [X] et M. [V] [G] sont associés, a vendu un local commercial à la Sci Lofan au prix de 510 000 euros.

En mai 2015, le service des impôts des entreprises du Havre a adressé à la Sci Stecri une proposition de redressement fiscal pour un montant de 104 766 euros correspondant à un rappel de TVA.

Considérant que ce redressement était la conséquence d'une erreur du notaire dans la rédaction de l'acte, la Sci Stecri, M. [X] et M. [G] ont fait assigner Me [Z] [W] et ses assureurs, les MMA, devant le tribunal de grande instance du Havre par actes d'huissiers des 9 et 10 août 2017.

Par jugement réputé contradictoire du 31 décembre 2020, le tribunal judiciaire du Havre a débouté la Sci Stecri, M. [V] [G] et M. [T] [X] de l'ensemble de leurs demandes, les a condamnés à payer à Me [Z] [W], la Sa MMA IARD et MMA IARD assurance mutuelle ensemble une indemnité de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 5 février 2021, la Sci Stecri, M.[V] [G] et M. [T] [X] ont interjeté appel de la décision.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 12 avril 2021, les appelants demandent à la cour d'appel, au visa des articles 1231-1 du code civil, 1112-1 du code civil, et subsidairement 1240 du code civil d'infirmer le jugement et de condamner conjointement et solidairement Me [Z] [W] et la Sa MMA IARD, ès qualités d'assureur de responsabilité de Me [W], au paiement des sommes suivantes :

- 104 766 euros au titre du redressement fiscal subi par la Sci Stecri du fait de l'erreur commise dans la rédaction de l'acte sur les conséquences fiscales de la cession de l'immeuble ;

- 4 610 euros au titre des intérêts dus sur la dette arrêtés au 31 juillet 2017, somme à parfaire jusqu'à la date du parfait paiement, outre majoration et pénalités de retard ;

- 15 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts au bénéfice de M. [V] [G] ainsi que de M. [X] [T],

en toute hypothèse,

- condamner conjointement et solidairement Me [Z] [W], et la Sa MMA IARD au paiement de la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dont distraction au profit de Me [S] Gaëtan au bénéfice de la Stecri ainsi que la même somme au bénéfice de M. [X] et de

M. [G],

- condamner conjointement et solidairement Me [Z] [W] et la Sa MMA IARD aux entiers dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et des articles suivants du même code dont distraction au profit de Me [S] et dire que les droit de recouvrement et droit proportionnel de l'article 10 prévus par le décret du 12 décembre 1996 portant tarif des huissiers de justice seront à la charge exclusive des débiteurs, en conséquence de condamner conjointement et solidairement Me [Z] [W], notaire, et la Sa MMA IARD, ès qualités d'assureur de responsabilité de Me [W], aux entiers dépens qui comprendront également et par avance sur le décompte à établir par l'huissier instrumentaire le coût du commandement et de tous les actes interpellatifs et tentatives de recouvrement forcé soumis à tarification ou au droit de rédaction libre de l'huissier.

Ils soutiennent en substance ce qui suit :

- le rehaussement est lié à l'erreur du notaire rédacteur qui ne s'est pas assuré des conséquences fiscales et comptables de son acte ;

- les biens immobiliers, objets de l'acte notarié, étant de nature commerciale, la question de l'assujettissement de la cession à la TVA se posait nécessairement ;

- l'omission par Me [Z] [W] de toute référence à la situation de la société Stecri au regard de la TVA tant à titre de conseil que dans l'acte lui-même a entraîné un redressement fiscal de 104 766 euros ;

- il lui appartenait de vérifier les énonciations de sa cliente, d'autant plus que Me [W] a réalisé l'ensemble des formalités pour le compte de la Sci Stecri ;

- les conséquences des mutations et cessions d'immeubles devaient être vérifiées par le notaire rédacteur, qui plus est unique conseil des vendeurs dans ce dossier.

Par dernières conclusions notifiées le 8 juillet 2021, Me [W] et la Sa MMA IARD et la Samcf MMA IARD assurance mutuelle demandent à la cour d'appel, de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- débouter la Sci Stecri, M. [G] et M. [X] de l'ensemble de leurs demandes ;

- condamner in solidum la Sci Stecri, M. [G] et M. [X] à payer à Me [W], la Sa MMA IARD et la Samcf MMA IARD assurance mutuelle la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

- condamner in solidum la Sci Stecri, M. [G] et M. [X] au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel.

Elles soutiennent en substance ce qui suit :

- la Sci Stecri, qui était représentée par M. [X], gérant, et M. [G], associé, qui étaient tous deux présents lors de la signature de l'acte, a déclaré sans équivoque ne pas être assujettie à la TVA ;

- le notaire, qui s'est enquis de savoir si le vendeur était assujetti et qui n'avait aucune raison de douter de la déclaration du vendeur, ne saurait se voir reprocher de n'avoir pas vérifié cette déclaration ;

- la mission du notaire est limitée à l'établissement de l'acte selon les données qui lui sont communiquées par les parties et ne comporte aucune investigation extérieure à ce qu'impose l'efficacité de l'acte ;

- un préjudice ne peut découler du paiement d'un impôt auquel le contribuable est légalement tenu, dès lors qu'il n'est pas établi que dûment conseillé, l'intéressé aurait pu bénéficier d'un régime fiscal plus avantageux ;

- à la supposer établi, le préjudice résulterait d'une perte de chance de reporter la charge de la régularisation de la TVA sur l'acquéreur ;

- il n'est fourni aucune indication sur un éventuel recours à l'encontre du redressement fiscal, si bien que son caractère définitif n'est pas établi.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er juin 2022.

MOTIFS

A titre liminaire, la cour relève que le défaut d'intérêt à agir de MM. [X] et [G] discuté en première instance n'est plus soulevé.

Sur la responsabilité du notaire

Les notaires sont tenus d'un devoir de conseil, en vertu duquel ils doivent éclairer les parties sur la portée des actes dressés par eux de manière complète et circonstanciée. Un notaire ne peut décliner le principe de sa responsabilité, en alléguant qu'il n'a fait que donner la forme authentique aux opérations voulues par les parties et n'est pas déchargé de son devoir de conseil à raison des compétences personnelles de son client. Il n'est toutefois pas tenu d'une obligation de conseil et de mise en garde concernant l'opportunité économique d'une opération. Les notaires doivent en outre, avant de dresser les actes, procéder à la vérification des faits et conditions nécessaires pour en assurer l'utilité et l'efficacité.

En application de l'article 261 5° du CGI, dans sa version applicable, les cessions d'immeubles bâtis depuis plus de 5 ans sont normalement exhonérées de TVA. En application de l'article 260 du même code, le propriétaire peut toutefois, sur sa demande, acquitter la TVA en qualité de bailleur de locaux nus pour l'activité d'un preneur assujetti à la TVA ou pour les livraisons de terrain à bâtir achevés depuis plus de 5 ans. Dans cette dernière hypothèse, il peut déduire la TVA afférente à l'acquisition du terrain et à l'aménagement de locaux commerciaux, mais cette TVA déduite doit faire l'objet d'un reversement au moment de la cession, ainsi que le relève l'administration fiscale dans sa réponse aux observations du contribuable en date du 1er juin 2016.

En l'espèce, il est constant que la Sci Stecri était assujettie à la TVA depuis le 16 mars 2006 en application de l'article 260 ci-dessus : cet élément résulte de la page 2 de la proposition de redressement fiscal adressée le 9 mars 2016.

Ainsi que l'a relevé le tribunal, il ressort des termes même de l'acte que le notaire s'est enquis auprès de la Sci Stecri de sa situation fiscale, puisqu'il y est expressément précisé qu'elle déclare ne pas être assujettie à la TVA. La clause en ce sens est claire et précise. Les conséquences fiscales de cette déclaration sont également précisées, à savoir l'absence d'assujetissement de la cession à la TVA en application de l'article 261-5-1 du CGI.

Les appelants ne contestent pas que cette clause a bien été lue, ni ne prétendent qu'ils n'auraient pu en mesurer la portée, mais ils reprochent au notaire de ne pas avoir vérifié la réalité de cette déclaration. Ils ne contestent pas davantage que la Sci Stecri avait opté pour son assujettissement à la TVA depuis 2006 et qu'elle avait déduit la TVA relative à la construction de ce local professionnel.

Il n'est démontré par aucune pièce que Me [W] aurait dû suspecter la vraissemblance de cette déclaration ou qu'elle aurait été averti de l'option choisie en 2006 par la Sci Stecri. Le non-assujettissement était d'ailleurs le principe, sauf option contraire. Il ne saurait lui être reproché, au titre d'un défaut à son devoir de conseil, d'avoir rédigé cette clause, dès lors qu'elle correspondait aux déclarations du vendeur sur une question qui n'engage ni l'efficacité juridique de l'acte, ni son opportunité économique, et que les conséquences fiscales étaient clairement précisées. Le fait de déclarer faussement qu'il n'était pas assujetti à la TVA est une erreur du vendeur lui-même. Par ailleurs, le rappel de TVA n'est pas en lien avec une 'perte de droit à la déduction', et n'a même aucun lien avec la clause en elle-même, mais procède de la simple application de la loi à la réalité de la situation fiscale de ce dernier.

Il en découle que la décison doit être confirmée, les appelants condamnés aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Me [S] Gaëtan.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, ils seront condamnés en outre à payer une somme de 3 000 euros pour les frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris,

Condamne in solidum la Sci Stecri, M. [T] [X] et M. [V] [G] à payer à Me [Z] [W], la Sa MMA IARD et la Samcf MMA IARD assurance mutuelle pris ensemble une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Condamne la Sci Stecri, M. [T] [X] et M. [V] [G] aux dépens d'appel dont distraction au profit de Me [S] Gaëtan.

Le greffier,La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : 1ère ch. civile
Numéro d'arrêt : 21/00517
Date de la décision : 05/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-05;21.00517 ?
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