N° RG 20/04061 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IUAJ
COUR D'APPEL DE ROUEN
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 28 SEPTEMBRE 2022
DÉCISION DÉFÉRÉE :
17/03083
Tribunal judiciaire de Rouen du 06 novembre 2020
APPELANT :
Monsieur [L] [N]
né le [Date naissance 1] 1982 à [Localité 23]
[Adresse 22]
[Localité 15]
représenté et assisté par Me Dominique GAUTIER, avocat au barreau de Rouen
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2020/012724 du 11/01/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Rouen)
INTIMES :
Sa AXA FRANCE IARD
RCS de Nanterre 722 057 460
[Adresse 8]
[Localité 18]
représentée et assistée par Me Marc ABSIRE de la Selarl DAMC, avocat au barreau de Rouen
Samcv MUTUELLE DES MOTARDS
[Adresse 7]
[Localité 9]
représentée et assistée par Me Isabelle JORON, avocat au barreau de Rouen
Monsieur [E] [F]
né le [Date naissance 2] 1970 à [Localité 13]
[Adresse 5]
[Localité 17]
représenté et assisté par Me Renaud DE BEZENAC de la Selarl DE BEZENAC & ASSOCIES, avocat au barreau de Rouen
Sa MATMUT
RCS de Rouen B 493 147 011
[Adresse 12]
[Localité 14]
représentée et assistée par Me Renaud DE BEZENAC de la Selarl DE BEZENAC & ASSOCIES, avocat au barreau de Rouen
FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES (FGAO)
[Adresse 11]
[Localité 19]
représenté et assisté par Me Arnaud VALLOIS de la Selarl ARNAUD VALLOIS-CLAIRE MOINARD Avocats Associés, avocat au barreau de Rouen
EOVI MCD MUTUELLE venant aux droits de MCD MUTUELLE
[Adresse 3]
[Localité 13]
non constitué bien que régulièrement assigné par acte d'huissier de justice remis à personne habilitée le 24 février 2021
CPAM DE [Localité 14] DIEPPE ELBEUF
[Adresse 10]
[Localité 14]
non constituée bien que régulièrement assignée par acte d'huissier de justice remis à personne habilitée le 12 février 2021
Monsieur [O] [Y]
né le [Date naissance 4] 1987 à [Localité 20]
[Adresse 6]
[Localité 16]
non constitué bien que régulièrement assigné par acte d'huissier de justice remise le17 février 2021 à l'étude puis à personne le 2 avril 2021
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 13 juin 2022 sans opposition des avocats devant M. Jean-François MELLET, conseiller, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée :
Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre,
M. Jean-François MELLET, conseiller,
Mme Magali DEGUETTE, conseillère,
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Catherine CHEVALIER,
DEBATS :
A l'audience publique du 13 juin 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 28 septembre 2022.
ARRET :
REPUTE CONTRADICTOIRE
Rendu publiquement le 28 septembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier.
*
* *
EXPOSÉ DES FAITS ET LA PROCÉDURE
Le 8 août 2012, M. [L] [N], au guidon d'une motocyclette Suzuki, assurée auprès de la Mutuelle des motards, entreprenait le dépassement du véhicule Audi conduit par M. [E] [F], assuré auprès de la Matmut, lequel avait décéléré légèrement pour permettre à un véhicule de sortir d'un stationnement.
Alors qu'il se rabattait, le motard heurtait le véhicule Toyota conduit par M. [O] [Y], assuré auprès d'Axa, sortant du parking d'un garage pour s'engager sur la voie de circulation devant la motocyclette, qu'il n'avait pu voir arriver, puisqu'elle était cachée par le véhicule conduit par M. [F] au moment du dépassement.
Après que la Mutuelle des motards ait dénié sa garantie à son assuré, M. [L] [N] a obtenu une expertise judiciaire prononcée par ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance de Rouen du 21 juillet 2015. Le Dr [G] a déposé son rapport le 8 mars 2016.
Il a rappelé que M. [N] a subi à la suite de l'accident les taumatismes suivants :
- des fractures comminutives ouvertes des deux poignets,
- une section du nerf ulnaire droit et de l'artère ulnaire droite,
- une luxation dorsale IPD du 4ème orteil gauche,
- une fracture du 5ème métartasien et de PI du 5ème doigt de pied gauche non déplacée,
- une contusion pulmoniare.
Il conclut comme suit :
- une consolidation fixée au 1er novembre 2014,
- trois hospitalisations en août 2012, décembre 2012 et janvier 2013,
- un déficit fonctionnel temporaire total et déficit fonctionnel temporaire partiel au cours de six périodes suivant des taux déterminés,
- un arrêt de travail imputable à l'accident du 8 août 2012 au 1er novembre 2014.
- le besoin d'une tierce personne temporaire, suivant des temps et périodes précisément déterminés jusqu'au 4 décembre 2014,
- les souffrances temporaires endurées au taux de 4,5/7,
- le préjudice esthétique temporaire non évalué, constitué essentiellement du port de contantion,
- le déficit fonctionnel permanent au taux de 30 % avec incapacité de reprendre son activité professionnelle antérieure,
un préjudice esthétique permanent évalué au taux de 2,5/7
- un préjudice d'agrément existant après consolidation,
- une possible aggravation en raison de l'arthrose concernant le poignet gauche.
Par jugement réputé contradictoire du 6 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Rouen a :
- dit que les trois véhicules conduits respectivement par [L] [N], [E] [F], [O] [Y] sont impliqués dans l'accident survenu le 8 août 2012 au préjudice de [L] [N],
- débouté Axa France IARD de sa demande de mise hors de cause, la non-garantie invoquée n'étant pas opposable au fonds de garantie automobile, ni à la victime,
- mis hors de cause le fonds de garantie en présence des deux assureurs des tiers responsables ou impliqués,
- débouté [L] [N] et la CPAM de Normandie, de l'ensemble de leurs demandes,
- débouté toutes les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire de la présente décision, laquelle sera déclarée commune à EOVI MCD Mutuelle,
- condamné M. [L] [N] aux entiers dépens de l'instance, qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.
Par déclaration reçue au greffe le 11 décembre 2020, M. [N] a interjeté appel de la décision.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 3 juin 2022 et signifiées aux parties non constituées les 8 et 10 juin 2022, M. [L] [N] demande à la cour d'appel, au visa des articles R. 421-5, R. 421-7 et R. 421-9 du code des assurances, de la loi 85-677 du 5 juillet 1985, des articles R. 414-4 à R-414-17 et R415-9 du code de la route, L. 113-5 et L. 113-3 du code des assurances, 1134 et suivants du code civil dans leur version antérieure à l'ordonnance du 16 février 2016 (soit les articles 1103 et suivants du code civil), de réformer le jugement entrepris et de :
à titre principal,
- condamner in solidum M. [Y] et son assureur la SA Axa France IARD, M. [F] et son assureur la Matmut, ou les uns à défaut des autres, à indemniser le dommage de M. [N], lui appliquant au besoin la limitation que la cour aura arbitré, et déduction faite de la provision d'ores et déjà versée, comme suit :
* les préjudices patrimoniaux temporaires
. les dépenses de santé actuelles : 63 600,21 euros
(dont 233,50 euros restées à la charge de M. [N] et 63 366,71 euros par subrogation à revenir à la CPAM) ;
. les frais divers : 23 983,70 euros
. les pertes de gains professionnels actuelles : 31 619,70 euros
(dont 10 339,83 euros restées à la charge de M. [N] et 21 279,87 euros par subrogation à revenir à la CPAM)
* les préjudices patrimoniaux permanents
. les dépenses de santé futures : 10 000 euros à titre de provision
. la tierce personne permanente : 72 678,85 euros
. les frais de véhicule adapté : 27 836,52 euros
. les pertes de gains professionnels futures : 249 918,19 euros
(dont 9 830,17 euros restés à la charge de M. [N] et 240 088,02 euros par subrogation à revenir à la CPAM)
. l'incidence professionnelle : 150 000 euros
* les préjudices extrapatrimoniaux temporaires :
. le déficit fonctionnel temporaire : 10 718 euros
. les souffrances endurées : 16 000 euros
. le préjudice esthétique temporaire : 2 000 euros
* les préjudices extrapatrimoniaux permanents
. le déficit fonctionnel permanent : 92 700 euros
. le préjudice esthétique permanent : 4 000 euros
. le préjudice d'agrément : 5 000 euros
- condamner in solidum la Sa Axa France IARD et la Matmut, ou l'un à défaut de l'autre au paiement des intérêts au double du taux légal à partir du 8 avril 2013 jusqu'au jour de l'arrêt à intervenir ;
subsidiairement,
- ordonner l'opposabilité au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) de l'arrêt à intervenir et des condamnations prononcées contre M. [Y] au profit de M. [N] ;
en tout état,
- condamner la Mutuelle des motards à verser à M. [N], le montant garanti par le contrat d'assurance « corporelle du conducteur » conclu au 16 juin 2006 tel qu'il sera déterminé par le jugement à intervenir, au jour où il sera rendu et qui ne saurait être inférieur à la somme de 24 000 euros au titre de l'indemnisation de l'IPP et 233,50 euros au titre du poste dépenses de santé actuelles ;
- condamner la Mutuelle des motards au paiement des intérêts au double du taux légal à partir du 8 avril 2013 jusqu'au jour de l'arrêt au regard de l'indemnité contractuelle revenant à M. [N] ;
- déclarer l'arrêt commun et opposable à la CPAM de [Localité 14]-Elbeuf-Dieppe-Seine-Maritime, à la mutuelle « EOVI-MCD MUTUELLE» venant aux droits de « MCD mutuelle » ainsi qu'au FGAO ;
- condamner in solidum la ou les parties succombantes au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et
3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;
- condamner in solidum la ou les parties succombant au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise s'élevant à la somme de 1 440 euros.
Il soutient en substance ce qui suit :
- l'implication d'un véhicule, au sens de la loi du 5 juillet 1985, s'entend d'une intervention de quelque manière que ce soit dans l'accident, indépendamment du rôle causal dans la survenance du dommage,
- en l'espèce, le véhicule conduit par M. [F] est impliqué, l'accident s'étant produit alors que M. [N], motard, entreprenait le dépassement du véhicule Audi, qui l'a empêché de voir arriver le véhicule conduit par M. [Y],
- il n'est pas établi que la suspension et la résiliation du contrat d'assurance souscrit par M. [Y] auprès d'Axa ont été précédées d'une mise en demeure, en application de l'article L.113-3 du code des assurances,
- en toute hypothèse, l'assureur qui entend opposer à la victime une exception de garantie doit lui notifier celle-ci par lettre recommandée avec accusé de réception en y joignant des pièces justificatives,
- en l'espèce, les courriers envoyés par Axa à M. [N], le 24 août 2015, ne font pas état des pièces justifiant l'exception de garantie,
- M. [Y] s'est engagé de manière imprudente sur la voie de circulation devant la motocyclette, le véhicule conduit par M. [F] lui cachant la visibilité et l'arrivée de la motocyclette, ce qui a joué un rôle déterminant dans la survenance de l'accident,
- il n'est pas démontré qu'il circulait à une vitesse excessive dans l'agglomération,
- en toute hypothèse, si la faute de M. [N] dans la survenance de l'accident devait être caractérisée, elle ne pourrait que limiter son indemnisation à hauteur d'un tiers,
- l'évaluation des préjudices est justifiée,
- à défaut d'offre présentée dans les délais impartis, comme en l'espèce, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge produit des intérêts de plein droit, au double du taux d'intérêt légal, en application de l'article L. 211-13 du code des assurances,
- il était en droit d'obtenir une avance de son assureur au titre de la garantie corporelle du conducteur souscrite auprès de la Mutuelle des motards, le taux d'AIPP étant supérieur à 20 % et M. [N] ayant ignoré les prestations dont il pouvait bénéficier,
- la Mutuelle des motards a été informée du sinistre par courriers des 5 novembre 2012 et 31 octobre 2014 mais n'a pas mis en oeuvre la garantie contractuelle.
Par dernières conclusions notifiées le 10 juin 2021 et signifiées aux parties non constituées les 24, 25 juin et 8 juillet 2021, la Samcv Matmut et M. [E] [F] demandent à la cour d'appel, au visa des articles 4 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et R. 411-25, R. 414-4, R. 414-11, R. 414-14 du code de la route de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- débouté Axa France Iard de sa demande de mise hors de cause, la non-garantie invoquée n'étant pas opposable au fonds de garantie automobile, ni à la victime,
- mis hors de cause le fonds de garantie, en présence des deux assureurs des tiers responsables ou impliqués,
- débouté M. [N] et la CPAM de Normandie, de leurs demandes,
et de
- débouter M. [N], le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages et Axa France IARD de leurs demandes ;
à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où l'implication du véhicule de M. [F] devait être retenue,
- constater que M. [N] a commis des fautes de nature à exclure tout droit à indemnisation ;
- condamner Axa France IARD à indemniser le préjudice de M. [N] ;
- débouter la compagnie Axa France IARD de ses demandes dirigées contre la Matmut ;
en toute hypothèse,
- condamner M. [N] et à défaut, toute partie succombante, au paiement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure ainsi qu'aux entiers dépens.
Ils soutiennent notamment que la seule présence du véhicule conduit par M. [F] sur les lieux de l'accident ne suffit pas à caractériser son implication ; que le dépassement entrepris par M. [N], à une vitesse excessive en agglomération, et alors qu'il n'était pas autorisé à le faire, caractérise une faute du motard de nature à exclure son droit à indemnisation.
Par dernières conclusions notifiées les 27 mai 2021 et signifiées aux parties non constituées le 28 mai 2021, la Samcv Mutuelles des motards demande à la cour d'appel de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions en conséquence de :
- débouter M. [N] de toutes ses demandes à l'encontre de la Mutuelle des motards ;
- condamner M. [N] à lui régler une somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. [N] aux entiers dépens.
Elle fait valoir pour l'essentiel que la garantie corporelle du conducteur ne peut se cumuler avec avec les indemnités versées par les assureurs des véhicules impliqués dans l'accident et réparant les mêmes postes de préjudice. Elle ajoute que la demande de doublement des intérêts n'a aucun fondement contractuel.
Par dernières conclusions notifiées le 26 avril 2021 et signifiées à parties non constituées les 19 et 20 avril 2021, la Sa Axa France IARD demande à la cour d'appel, de confirmer en toutes ses dispositions, le jugement entrepris au titre de l'accident de la circulation survenu le 8 août 2012 au regard des fautes de conduite de M. [N] ;
à titre subsidiaire,
- exclure le droit à indemnisation de M. [N] ;
à titre infiniment subsidiaire,
- liquider ainsi le préjudice de M. [N] :
. les dépenses de santé actuelles : réservé,
. la perte de gains professionnels actuels : réservé ou 4 965,11 euros,
. les frais divers : 13 000 euros,
. le préjudice vestimentaire : débouté,
. les dépenses de santé futures : débouté,
. la perte de gains professionnels futurs : réservé ou solde de 7 312,16 euros,
. l'incidence professionnelle : 15 000 euros,
. le déficit fonctionnel temporaire : 10 718 euros,
. les souffrances endurées : 16 000 euros,
. le préjudice esthétique temporaire : débouté,
. le déficit fonctionnel permanent : 75 000 euros,
. le préjudice esthétique permanent : 4 000 euros,
. le préjudice d'agrément : débouté,
. le préjudice matériel : débouté ;
- dire que la créance de la CPAM concernant la rente accident du travail versée à M. [N] (240 088,02 euros) s'imputera en priorité sur les postes de préjudice : pertes de gains professionnels futurs, incidence professionnelle et déficit fonctionnel permanent ;
- condamner la Matmut, assureur du véhicule de M. [E] [F], à garantir la Sa Axa France IARD des condamnations qui seraient mises à sa charge au regard de l'implication de ce véhicule et ce par application des dispositions des articles 1382 et 1251 du code civil (ancien) ;
en tout état de cause,
- condamner toute partie succombant et notamment M. [N] à lui régler la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient en substance que M. [N] a commis une faute de nature à exclure son droit à indemnisation en dépassant le véhicule conduit par M. [F] à une vitesse excessive et malgré l'interdiction de dépassement signalée dans l'agglomération ; que l'évaluation des préjudices est excessive.
Par dernières conclusions notifiées le 12 avril 2021 et signifiées aux parties non constituées les 13, 15 et 22 avril 2021, le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages demande à la cour d'appel, au visa de la loi du 5 juillet 1985 et des articles L. 113-3, L. 421-1 et suivants, R. 421-1 et suivants du code des assurances de confirmer purement et simplement le jugement en toutes ses dispositions et en conséquence, de :
- débouter intégralement M. [N] de ses demandes ;
- débouter les autres parties au litige de toute demande, de quelle que nature qu'elle soit, qui serait formulée à l'encontre du FGAO ;
- mettre le FGAO hors de cause ;
- condamner M. [N] à régler une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. [N] aux entiers dépens.
Il fait notamment valoir qu'il doit être mis hors de cause en présence d'un ou plusieurs véhicules impliqués et assurés compte tenu de la subsidiarité de sa prise en charge ; que la présence du véhicule Audi ayant empêché M. [N] de percevoir la manoeuvre de M. [Y], ce véhicule est impliqué dans l'accident ; que la suspension et la résiliation du contrat d'assurance de M. [Y] ne peut être opposée par Axa, le fonds n'en ayant pas été informé ; qu'en toute hypothèse, les fautes commises par M. [N] excluent son droit à indemnisation.
Malgré la signification de la déclaration d'appel et de conclusions à personne habilitée, la mutuelle EOVI MCD et la CPAM de [Localité 14] Dieppe Elbeuf n'ont pas constitué avocat.
Après signification de la déclaration d'appel en l'étude de l'huissier instrumentaire et signification des conclusions de l'appelant à sa personne le 2 avril 2021, outre les différents actes ultérieurs, M. [O] [Y] ne s'est pas constitué intimé.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 juin 2022.
MOTIFS
Sur les demandes indemnitaires formées par M. [N] contre M. [F],
M. [Y] et leurs assureurs respectifs
M. [N] conteste avoir commis une faute et considère que l'accident n'a eu lieu que parce que M. [Y] s'est engagé imprudemment sur la voie de circulation alors que le véhicule Audi conduit par M. [F] lui cachait la visibilité et l'arrivée de la motocyclette.
M. [F] et son assureur soutiennent au contraire que M. [N] circulait à vive allure et a entrepris une manoeuvre de dépassement malgré l'interdiction prévue dans l'ensemble de l'agglomération.
Le premier juge a considéré, au regard des procès-verbaux de gendarmerie, que
M. [N] avait entrepris de doubler le véhicule Audi en accélérant encore son allure, alors qu'il n'était pas autorisé à le faire, la vitesse en agglomération étant limitée à 50 km/h et qu'il n'avait pas une bonne visibilité des obstacles possibles, cachés par le véhicule Audi qu'il doublait, qui avait justement décéléré pour laisser passer
M. [Y], lui permettant de s'engager sans danger sur la voie de circulation devant l'Audi.
La loi du 5 juillet 1985 s'applique à tout accident dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur. Le seul contact matériel suffit à établir l'implication du véhicule dans l'accident, qu'il ait été à l'arrêt ou en mouvement, et à quelque titre qu'il soit intervenu dans la survenance de l'accident.
En l'espèce, alors qu'un choc n'est pas contesté entre le véhicule de M. [Y] et la motocyclette de M. [N], l'implication du véhicule dans l'accident ne fait pas difficulté.
S'agissant du véhicule de M. [F], bien qu'aucun choc n'ait eu lieu avec la motocyclette de M. [N], ce dernier n'a pu voir arriver le véhicule Toyota, puisqu'il était caché par le véhicule conduit par M. [F] au moment du dépassement, ce qui est suffisant pour caractériser l'implication du véhicule dans l'accident.
L'article 4 de la loi précitée dispose que la faute commise par le conducteur victime a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages qu'il a subis, ce qui relève de l'appréciation du juge du fond, au vu des seules circonstances qui ont concouru à la production du dommage de la victime, sans tenir compte du comportement du conducteur de l'autre véhicule impliqué dans l'accident.
Peu importe que la faute de la victime soit la cause exclusive ou non du dommage, le seul critère d'appréciation étant celui du degré de gravité de celle-ci permettant de déterminer s'il convient plutôt de limiter, ou plutôt d'exclure son droit à indemnisation.
En l'espèce, il est clairement établi par les pièces pénales que l'accident est survenu le 8 août 2012 alors que M. [N], motard, au guidon de son véhicule Suzuki, circulant en direction de la sortie de la commune de [Localité 21], avait entrepris de dépasser le véhicule Audi conduit par M. [F].
Il est entré en collision avec le véhicule Toyota conduit par M. [Y] qui sortait du parking d'un garage pour s'engager sur la voie de circulation devant la motocyclette, M. [N] n'ayant pu voir arriver le véhicule Toyota, caché par le véhicule Audi.
M. [N] déclarait dans son audition que lors du choc, le compteur de sa motocyclette était resté bloqué à 55 km/h alors que la voie de circulation sur laquelle il roulait, en agglomération, était limitée à 50 km/h.
L'excès de vitesse est corroboré par les déclarations de M. [Y] qui explique que la motocyclette a percuté très violemment son véhicule. Il l'est également par les déclarations de M. [F] qui relate que la motocyclette l'a dépassé à vive allure alors qu'il circulait à 'environ 45 ou 50 km/heure'.
Il s'en déduit un excès de vitesse important de M. [N] en agglomération.
Il résulte en outre des photographies jointes à l'enquête pénale qu'un panneau interdisant les dépassements de véhicule dans l'agglomération est installé à l'entrée de la commune de [Localité 21], ce qui est confirmé par le rapport d'accidentologie réalisé à la demande d'Axa et versé aux débats.
Dès lors, la victime a commis, outre une défaut de maîtrise, un double manquement grave au code de la route : un dépassement en zone non autorisée et un excès de vitesse suffisant pour dépasser en quelques mètres un véhicule roulant à 45/50 km/h. Cette faute, par sa gravité et son rôle causal déterminant, est de nature à exclure tout droit à indemnisation.
En conséquence, le premier jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [N] de ses demandes indemnitaires formées à l'encontre de M. [Y], M. [F] et leurs assureurs respectifs.
Le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu'il a mis hors de cause le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages.
Sur la demande d'indemnisation au titre de la garantie corporelle du conducteur souscrite auprès de la Mutuelle des motards
M. [N] sollicite le bénéfice de la garantie corporelle du conducteur, faisant valoir que le taux d'AIPP retenu par l'expert judiciaire est supérieur à 20 % et que la demande de paiement est d'autant plus fondée en l'absence de condamnation des assureurs des véhicules impliqués dans l'accident.
La Mutuelle des motards dénie sa garantie en invoquant l'article 3.2 des conditions générales qui prévoit que la garantie corporelle du conducteur, subsidiaire, ne peut être mise en oeuvre que lorsque le droit à indemnisation de l'assuré est déterminé et le montant des indemnités versées par l'assureur du tiers responsable définitivement fixé.
Le premier juge a retenu que la demande subsidiaire de M. [N] apparaissait prématurée à l'encontre de son assureur, au titre de la garantie corporelle du conducteur, la Mutuelle des motards n'ayant pu procéder amiablement à aucune offre d'indemnisation au titre des dépenses de santé actuelles et du déficit fonctionnel permanent fixé au taux de 30 % par l'expert judiciaire.
En l'espèce, il n'est pas contesté que M. [N] a souscrit auprès de la Mutuelle des motards un contrat comportant une garantie du conducteur intervenant, selon l'article 3.1 des conditions générales, 'en cas de dommages corporels imputables à un accident de la circulation'.
Cette garantie porte, en cas de blessures, selon les conditions particulières et l'article 3.1 des conditions générales, si le taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique et psychique est supérieur ou égal à 11 %, sur le déficit fonctionnel permanent dans la limite d'un montant de 80 000 euros et sur les dépenses de santé engagées jusqu'à la date de consolidation des blessures dans la limite d'un montant de 1 100 euros.
L'article 3.2 des conditions générales portant sur le non-cumul des prestations à titre indemnitaire précise par ailleurs que :
- ' Les prestations versées au titre du déficit fonctionnel permanent au profit du bénéficiaire ont un caractère indemnitaire,
- les indemnités garanties ne peuvent se cumuler au profit du bénéficiaire avec d'autres indemnités qui, réparant les mêmes postes préjudices, lui sont dues par nous ou tout autre organisme,
- ces indemnités sont portées à notre connaissance dès qu'elles lui sont notifiées par l'organisme débiteur et qu'il les a acceptées ; elles viennent en déduction de l'indemnité que nous lui devons. S'il y a lieu, nous lui versons un complément,
- si le bénéficiaire reste atteint d'un taux d'AIPP constitutif d'un déficit fonctionnel permanent au moins égal à 20 % et qu'il ignore de quelles prestations il peut bénéficier au moment où nous sommes en mesure de verser l'indemnité contractuelle, nous lui accordons une indemnité à titre d'avance,
- lorsque l'ensemble des prestations sont connues, nous soldons les comptes afin que l'ensemble des indemnités versées au bénéficiaire par tout organisme soit au moins égal au montant de l'indemnité contractuelle'.
La garantie contractuelle du conducteur souscrite par M. [N] auprès de la Mutuelle des motard peut être mise en oeuvre dès lors qu'au vu des développements précédents, il a commis une faute de nature à exclure son droit à indemnisation et a été débouté de ses demandes indemnitaires contre M. [Y], M. [F] et leurs assureurs respectifs sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985.
Par lettres recommandées avec avis de réception des 5 novembre 2012 et 31 octobre 2014, M. [N] a informé la Mutuelle des motards de l'existence du sinistre et sollicité la mise en oeuvre de la garantie contractuelle du conducteur.
Il n'est pas contesté qu'aucune offre d'indemnisation n'a été faite par la Mutuelle des motards à M. [N] dans les mois qui ont suivi l'accident.
M. [N] sollicite la somme de 24 000 euros au titre de son déficit fonctionnel permanent et celle de 233,50 euros au titre des dépenses de santé actuelles.
- Sur les dépenses de santé actuelles
Il ressort de la pièce 39 versée par M. [N] que la CPAM a versé des débours composés des dépenses de santé actuelles pour 63 366,71 euros, de la perte de gains professionnels actuelle pour 21 279,87 euros, de la perte de gains professionnels future pour 240 088,02 euros, comprenant l'incidence professionnelle, soit un total de 324 734,60 euros.
M. [N] verse la quittance (pièce 6) des sommes restées à sa charge pour des séances de kinésithérapie à hauteur de 233,50 euros.
La Mutuelle des motards sera donc condamnée à lui verser la somme de 233,50 euros au titre des dépenses de santé actuelles, en application de la garantie corporelle du conducteur, par infirmation du jugement entrepris.
- Sur le déficit fonctionnel permanent
M. [N] n'a perçu aucune indemnisation au titre de son déficit fonctionnel permanent.
L'expert judiciaire a fixé la date de consolidation au 1er novembre 2014 et retient un déficit fonctionnel permanent de 30 %.
Compte tenu du taux de 30 % et de l'âge de la victime à la date de la consolidation, et afin de ne pas statuer au-delà des demandes formées, la Mutuelle des motards sera donc condamnée à lui verser la somme de 24 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, en application de la garantie corporelle du conducteur, par infirmation du jugement entrepris.
L'article L. 211-9 du code des assurances s'appliquant à l'assueur des véhicules impliqués, non à la garantie corporelle souscrite par la victime, et en l'absence de dispositions contractuelles prévoyant le doublement des intérêts au taux légal, la demande en ce sens sera rejetée.
Le présent arrêt sera déclaré commun et opposable à la CPAM de [Localité 14] Elbeuf Dieppe et à la mutuelle EOVI-MCD venant aux droits de la MCD mutuelle.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dispositions de première instance relatives aux dépens seront infirmées.
La Mutuelle des motards succombe et sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise, dont le montant non contesté s'élève à 1 440 euros.
En équité, elle sera condamnée à payer au titre des frais irrépétibles la somme de
4 500 euros à M. [N].
L'équité ne commande pas de faire droit aux autres demandes des parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,
Confirme la décision querellée sauf en ce qu'elle a débouté M. [L] [N] de ses demandes,
Statuant à nouveau du chef infirmé, et y ajoutant,
Condamne la Mutuelle des motards à payer à M. [L] [N] la somme de
233,50 euros au titre des dépenses de santé actuelles et la somme de 24 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, en application de la garantie corporelle du conducteur souscrite,
Déboute M. [L] [N] de sa demande tendant à voir condamner la Mutuelle des motards au paiement des intérêts au double du taux légal à partir du 8 avril 2013 jusqu'au jour de l'arrêt,
Condamne la Mutuelle des motards payer à M. [L] [N] la somme de 4 500 euros au titre de frais irrépétibles de première instance et d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la Mutuelle des motards aux dépens d'appel et de première instance, en ce compris les frais d'expertise d'un montant de 1 440 euros recouvrés selon les dispositions applicables en matière d'aide juridictionnelle.
Le greffier,La présidente de chambre,