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28/09/2022 | FRANCE | N°19/03407

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 28 septembre 2022, 19/03407


N° RG 19/03407 - N° Portalis DBV2-V-B7D-IITI





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE





ARRET DU 28 SEPTEMBRE 2022











DÉCISION DÉFÉRÉE :



Jugement du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE ROUEN du 30 Avril 2019





APPELANTE :



S.A.R.L. [7] représentée par M. [X] [J], liquidateur amiable

[Adresse 1]

[Localité 4]



représentée par Me Emmanuelle DUGUE-CHAUVIN, avocat au barreau

de ROUEN substituée par Me Estelle DHIMOLEA, avocat au barreau de ROUEN





INTIMEE :



[9]

[Adresse 2]

[Adresse 5]

[Localité 3]



représentée par Mme [D] [F] munie d'un pouvoir





COMPOSITION DE LA COUR  ...

N° RG 19/03407 - N° Portalis DBV2-V-B7D-IITI

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 28 SEPTEMBRE 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE ROUEN du 30 Avril 2019

APPELANTE :

S.A.R.L. [7] représentée par M. [X] [J], liquidateur amiable

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Emmanuelle DUGUE-CHAUVIN, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Estelle DHIMOLEA, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEE :

[9]

[Adresse 2]

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée par Mme [D] [F] munie d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 07 Septembre 2022 sans opposition des parties devant Madame ROGER-MINNE, Conseillère, magistrat chargé d'instruire l'affaire.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BIDEAULT, Présidente

Madame ROGER-MINNE, Conseillère

Madame POUGET, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

M. CABRELLI, Greffier

DEBATS :

A l'audience publique du 07 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 28 septembre 2022

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 28 septembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par M. CABRELLI, Greffier.

* * *

EXPOSE DU LITIGE

A la suite d'un contrôle inopiné de la [6], la société [7] (la société) a fait l'objet d'un procès-verbal pour travail dissimulé le 13 octobre 2016, transmis à l'[8] (l'Urssaf).

La société a été dissoute à compter du 25 novembre 2016 puis placée en liquidation amiable, M. [X] [J] ayant été désigné en qualité de liquidateur.

L'inspecteur du travail a adressé une lettre d'observations le 31 janvier 2017, à laquelle la société a répondu, et a maintenu par courrier du 15 mars 2017 le redressement d'un montant de 15 742 euros de rappel de cotisations et de 5 480 euros de majorations de redressement.

En l'absence de règlement et face à diverses mises en demeure sans réponse, une contrainte a été signifiée à la société le 28 août 2017 pour un montant de 2 462,14 euros, au titre des cotisations du 4ème trimestre 2016 et du 1er trimestre 2017 ainsi que de 22 263 euros au titre du redressement forfaitaire pour travail dissimulé.

La société a formé opposition à cette contrainte.

Par jugement du 30 avril 2019,le tribunal de grande instance de Rouen a :

- validé la contrainte pour un montant de 22 263 euros ;

- validé le redressement pour un montant de 15 742 euros en cotisations, 5 480 euros en majorations de redressement et 1 038 euros en majorations de retard ;

- condamné M. [J] ès qualités à payer les frais de signification ;

- condamné M. [J] ès qualités aux dépens.

La société a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions remises le 5 septembre 2022 et soutenues oralement, la société représentée par M. [J] ès qualités, demande à la cour de :

- ordonner l'irrecevabilité du moyen tiré de la péremption d'instance et, en tout état, de le rejeter ;

- infirmer le jugement entrepris ;

- annuler la contrainte du 7 août 2017 signifiée le 28 août ;

- dire que la société n'est redevable d'aucun rappel de cotisations ou contributions sociales, ou de majorations pour redressement complémentaire pour infraction de travail dissimulé et qu'en tout état l'assiette de calcul de la caisse est erronée au vu des pièces communiquées ;

- condamner l'Urssaf au paiement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions remises le 7 septembre 2022 et soutenues oralement, l'Urssaf demande à la cour de constater la péremption de l'instance et de condamner la société aux dépens.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé détaillé de leurs moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1) Sur la recevabilité de la demande de péremption

La société soulève l'irrecevabilité de la demande de constat de la péremption formée par l'Urssaf estimant qu'elle n'aurait pas été formée avant tout autre moyen conformément à l'article 388 du code de procédure civile, l'intimé ayant déposé des conclusions au fond le 24 janvier 2022 sollicitant la confirmation du jugement.

L'article 74 du code de procédure civile énonce que les exceptions de procédure doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir.

L'article 388 du même code dispose que la demande de péremption doit, à peine d'irrecevabilité, être demandée ou opposée avant tout autre moyen.

Il résulte des articles R. 142-11 du code de la sécurité sociale et 946 du code de procédure civile que la procédure d'appel, en matière de contentieux de la sécurité sociale, est une procédure orale.

Ainsi les parties doivent formuler leurs prétentions devant la cour lors de l'audience selon l'ordre édicté par l'article 74 du code de procédure civile, peu important qu'antérieurement à cette audience des écrits portant sur le fond de l'affaire aient été déposés, dès lors que le juge n'a pas fait application des dispositions de l'article 446-2 du même code.

En soulevant un incident de procédure tiré de la péremption d'instance avant tout autre moyen lors de l'audience du 7 septembre 2022, l'Urssaf a respecté l'ordre de présentation des moyens de défense, de sorte que la demande est recevable.

2) Sur le bien fondé de la demande de péremption

L'Urssaf relève que la société ayant interjeté appel le 23 août 2019, elle avait deux ans à compter de cette date, soit jusqu'au 23 août 2021, pour présenter son argumentation et les pièces au soutien de son recours ou solliciter la fixation de l'affaire, ce qui n'a pas été fait au 12 octobre 2021, date de convocation des parties à l'audience de plaidoiries.

La société soutient que les règles de droit commun relatives à la péremption d'instance ne trouveraient pas à s'appliquer dans le contentieux de la sécurité sociale devant la cour d'appel, au motif que :

- le caractère oral de la procédure devant la cour d'appel implique que les parties n'ont pas l'obligation de formuler des prétentions par voie de conclusions, dès lors la direction de l'instance leur échappe et il ne peut leur être reproché de n'avoir accompli aucune diligence depuis la déclaration d'appel du 23 août 2019 ;

- l'article R. 142-10-10 du code de la sécurité sociale, lequel dispose que l'instance est périmée lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir pendant un délai de deux ans les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction, constitue une disposition spéciale, dérogeant aux règles de droit commun et applicable au contentieux porté devant la cour d'appel ;

- l'application de la péremption d'instance de droit commun serait de nature à porter atteinte au droit fondamental d'accès au juge prévu à l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ce qu'elle fait peser sur le justiciable une charge procédurale excessive.

En outre, s'il est fait application des règles de droit commun relatives à la péremption, la société estime que celle-ci n'est pas acquise dans la mesure où :

- le courrier du 12 février 2021 par lequel la cour est informée que la société n'est plus représentée par son ancien conseil constitue une diligence au sens de l'article 386 du code de procédure civile interrompant le délai de péremption ;

- l'entrée en vigueur de l'abrogation des anciens articles R. 142-22 et R. 144-30 du code de la sécurité sociale a été reportée au 1er janvier 2020 par l'article 8 du décret n° 2019-966 du 18 septembre 2019, de sorte que les règles de droit commun de la péremption d'instance ne pouvait s'appliquer en appel qu'à compter de cette date et que la péremption ne pouvait être acquise avant le 1er janvier 2022. La cour d'appel ayant fixé l'audience de plaidoiries au 9 février 2022 par convocation du 12 octobre 2021, soit avant l'expiration du délai de péremption, celle-ci n'est pas encourue.

Contrairement à ce que soutient la société, il ne peut être considéré que la date d'effet de l'abrogation de l'article R. 142-22 du code de la sécurité sociale, qui prévoyait que l'instance n'était périmée que lorsque les parties s'abstenaient d'accomplir pendant un délai de deux ans les diligences qui avaient été expressément mises à leur charge par la juridiction, a été reportée au 1er janvier 2020 par le décret n° 2019-966 du 18 septembre 2019 qui concerne la substitution du tribunal judiciaire au tribunal de grande instance et au tribunal d'instance.

Par ailleurs, le bénéfice des dispositions de l'article R. 142-10-10 du code de la sécurité sociale, créé par le décret n° 2019-1506 du 30 décembre 2019, qui prévoit une dérogation au droit commun concernant la péremption, ne peut être invoqué, dès lors que cette disposition est applicable devant la juridiction de première instance et que l'article R. 142-12-1 du même code ne rend pas l'article R. 142-10-10 applicable devant la cour d'appel.

Ainsi, l'application des dispositions de droit commun de l'article 386 du code de procédure civile, selon lequel l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans, est applicable devant la cour d'appel depuis le 1er janvier 2019.

Il est constant que constitue une telle diligence toute action manifestant la volonté des parties de poursuivre l'instance et de faire avancer le procès.

Si en procédure orale, les parties n'ont pas l'obligation de conclure, il leur appartient à tout le moins, si elles n'entendent pas le faire, de manifester leur intention de poursuivre l'instance en demandant la fixation de l'affaire à une audience, quelles que soient au demeurant les chances de succès d'une telle demande, et, si au contraire elles entendent conclure, de le faire en temps voulu.

En l'espèce, la société ayant interjeté appel le 23 août 2019, les parties devait accomplir une diligence avant le 23 août 2021. Or, l'Urssaf a conclu le 26 janvier 2022, la société a adressé ses premières conclusions le 7 juin 2022 et n'a pas sollicité la fixation de l'affaire, laquelle a été fixée par le greffe au-delà du délai de deux ans. La société ne s'est manifestée dans ce délai que par un courrier de son conseil indiquant qu'il avait dégagé toute responsabilité et n'intervenait plus, ce qui ne saurait constituer la manifestation d'une volonté de poursuivre l'instance et de faire avancer le procès, étant observé que le nouveau conseil de la société a informé la cour de son intervention le 24 février 2022.

En conséquence, sans méconnaître les exigences de l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il se déduit de ces constatations que l'instance est périmée, faute de diligence accomplie avant le 23 août 2021 et à défaut de fixation de l'affaire dans ce délai.

La péremption est en conséquence acquise.

3) Sur les frais du procès

En qualité de partie succombante, la société est condamnée aux dépens et déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare recevable le moyen tiré de la péremption de l'instance ;

Constate que l'instance est périmée ;

Déboute la société [7] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société [7] aux dépens.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/03407
Date de la décision : 28/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-28;19.03407 ?
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