N° RG 20/00224 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IMGU
COUR D'APPEL DE [Localité 6]
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 14 SEPTEMBRE 2022
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE [Localité 6] du 10 Septembre 2019
APPELANTE :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE
Service contentieux
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Vincent BOURDON, avocat au barreau de [Localité 6]
INTIME :
CENTRE HOSPITALIER DE [Localité 3]
[Adresse 4]
[Localité 3]
ayant pour conseil Me Mélanie HUET, avocat au barreau de MARSEILLE
dispensée de comparaître
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée à l'audience du 25 Mai 2022 sans opposition des parties devant Madame ROGER-MINNE, Conseillère, magistrat chargé d'instruire l'affaire.
Le magistrat rapporteur en a rendu compte dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur POUPET, Président
Madame ROGER-MINNE, Conseillère
Madame POUGET, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
M. CABRELLI, Greffier
DEBATS :
A l'audience publique du 25 Mai 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 14 Septembre 2022
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 14 Septembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame ROGER-MINNE, Conseillère et par M. CABRELLI, Greffier.
* * *
EXPOSE DU LITIGE
Le centre hospitalier de [Localité 3] (le centre hospitalier) gère un service de soins infirmiers à domicile ([7]). Les prestations de soins infirmiers prescrites par les médecins traitants sont réalisées par des infirmiers salariés du [7] ou par des infirmiers libéraux. L'évaluation des besoins des personnes, l'organisation des soins et la coordination de l'intervention des infirmiers est assurée par l'infirmier coordonnateur du service. L'intervention des infirmiers libéraux s'effectue dans le cadre d'une convention conclue avec l'organisme gestionnaire du service. Les missions réalisées par le [7] sont financées par l'assurance maladie dans le cadre d'une dotation globale de soins.
La caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 6] [Localité 3] [Localité 5] (la caisse) a effectué un contrôle des facturations des charges relatives à la rémunération des infirmiers libéraux pour les actes réalisés du 1er janvier au 31 décembre 2015.
Ayant constaté l'existence de facturations individuelles d'actes infirmiers réalisés pour des patients pris en charge par le [7], remboursés par les caisses d'affiliation de ces patients alors que les prestations faisaient partie de la dotation globale de soins versée au service, la caisse a notifié au [7] du centre hospitalier, le 12 mai 2017, un indu d'un montant de 22 782,80 euros.
La commission de recours amiable de la caisse ayant rejeté le recours du centre hospitalier, celui-ci a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de [Localité 6].
Le dossier a été transféré au tribunal de grande instance de [Localité 6] par application de la loi du 18 novembre 2016 et, par jugement du 10 septembre 2019, ce tribunal a :
- annulé l'indu et la décision de rejet de la commission de recours amiable,
- déchargé le [7] du centre hospitalier de régler la somme de 22 782,80 euros,
- rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
La caisse a relevé appel de cette décision et, par conclusions remises le 28 mai 2020, soutenues à l'audience, demande à la cour de :
- infirmer le jugement,
- rejeter le recours du [7] du centre hospitalier,
- condamner le [7] du centre hospitalier à lui rembourser la somme de 22 782,80 euros.
Par conclusions remises le 4 août 2020 le centre hospitalier, qui a été dispensé de comparution, demande à la cour de :
- déclarer l'appel irrecevable,
- constater la nullité de la déclaration d'appel et l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel,
- rejeter toute demande,
- à titre subsidiaire, confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- à titre infiniment subsidiaire, lui octroyer un délai de paiement,
- en tout état de cause, condamner la caisse à lui régler une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé détaillé de leurs moyens et arguments.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la recevabilité de l'appel :
En application de l'article 538 du code de procédure civile, l'appel doit être formé dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision attaquée.
La caisse a apposé son cachet attestant de la réception du jugement le 28 novembre 2019. Si sa déclaration d'appel a été reçue par le greffe de la cour le 10 janvier 2020, ainsi que le souligne le centre hospitalier, elle a été adressée par lettre simple postée le 18 décembre 2019, ainsi qu'il résulte du procès verbal de déclaration d'appel.
En conséquence l'appel a été interjeté dans le délai légal et se trouve être recevable.
Sur la saisine de la cour :
Le centre hospitalier considère qu'en l'absence d'indication, dans la déclaration d'appel, des chefs du jugement critiqués, conformément aux dispositions de l'article 933 du code de procédure civile, l'effet dévolutif ne s'opère pas, de sorte que la cour n'est pas saisie des demandes de la caisse.
Il est constant qu'il résulte des articles 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 933 du code de procédure civile qu'en matière de procédure sans représentation obligatoire, la déclaration d'appel qui mentionne que l'appel tend à la réformation de la décision déférée à la cour d'appel, en omettant d'indiquer les chefs du jugement critiqués, doit s'entendre comme déférant à la connaissance de la cour d'appel l'ensemble des chefs de ce jugement.
La cour est en conséquence valablement saisie et la demande de nullité de l'appel, qui ne repose que sur le moyen tiré de l'absence d'indication des chefs du jugement critiqués, doit être rejetée.
Sur le bien fondé de l'indu :
Le jugement déféré a considéré que la double facturation constatée était la conséquence du non-respect par les infirmiers libéraux de la convention de collaboration signée avec le centre hospitalier, qui leur imposait de transmettre au service les éléments afférents à leurs interventions afin que celui-ci procède au règlement de leurs honoraires ; que ce non-respect engageait leur responsabilité professionnelle à l'égard de la caisse, laquelle pouvait agir contre eux.
La caisse fait valoir que la convention de collaboration est une convention bipartite dont le non-respect ne saurait avoir de conséquences envers un tiers, de sorte qu'elle lui est inopposable. Elle soutient par ailleurs que le centre hospitalier ne prouve pas qu'il a effectivement rémunéré les actes infirmiers litigieux, qui ont été payés par l'assurance maladie directement et que, dès lors, il ne pourrait être tenu pour responsable de la double facturation.
Le centre hospitalier réplique qu'il appartient à la caisse de rapporter la preuve d'un non-respect des règles de facturation par le [7], estimant qu'un défaut de coordination ne constitue pas un tel manquement au sens de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale et que ce manquement, à le supposer établi, soit à l'origine du remboursement effectué à tort aux infirmiers libéraux. Il considère que les éléments produits ne permettent pas d'établir que les actes infirmiers réglés aux professionnels libéraux relevaient de la prise en charge par le [7], conformément au plan de soins défini et rappelle que les actes litigieux ont été facturés directement par les infirmiers libéraux à l'assurance maladie alors qu'ils auraient dû adresser leur facturation au [7], de sorte que ces infirmiers sont seuls à l'origine de l'indu.
Il résulte des articles R. 314-137 et R. 314-138 du code de l'action sociale et des familles que les dépenses afférentes aux soins dispensés par les services de soins infirmiers à domicile font l'objet d'une dotation globale. Celle-ci comprend notamment les charges relatives à la rémunération des infirmiers libéraux. L'existence d'une dotation globale de soins finançant un établissement ou un service de soins fait obstacle à la prise en charge distincte de soins, actes et prestations qui sont compris dans la dotation.
En application de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale en cas d'inobservation des règles de tarification ou de facturation qu'il énonce, l'organisme de prise en charge recouvre l'indu correspondant auprès du professionnel ou de l'établissement à l'origine du non-respect de ces règles et ce, que le paiement ait été effectué à l'assuré, à un autre professionnel de santé ou à un établissement.
La caisse verse aux débats les tableaux établis par elle, adressés au [7] du centre hospitalier, qui reprennent, notamment, l'identification des bénéficiaires des soins, les dates de début et de fin de la prise en charge [7], la nature de l'acte, les dates de début et de fin de l'exécution de l'acte infirmier, les dates de mandatement de la prestation, les numéros et noms des professionnels infirmiers, les montants remboursés et la nature de l'anomalie, à savoir 'acte inclus dans la dotation globale'.
Il en résulte, sans que cela soit utilement combattu par l'intimée, que les soins litigieux ont été réalisés au bénéfice de patients pris en charge par le [7], ont été effectués par des infirmiers libéraux et étaient inclus dans la dotation globale. En outre, aucun élément ne permet d'établir que les actes litigieux ont été payés aux infirmiers libéraux par le centre hospitalier sur la dotation globale.
Ainsi, les soins techniques effectués par les infirmiers libéraux au bénéfice des patients pris en charge par le [7] et remboursés par la caisse constituent un indu, dont elle est fondée à demander la répétition, peu important l'absence de faute du service.
Il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement et de condamner le centre hospitalier à payer à la caisse la somme de 22 782,80 euros.
Sur la demande de délai de paiement :
Le centre hospitalier ne fournit ni explication, ni pièce pour justifier sa demande, de sorte que la cour n'est pas en mesure d'apprécier sa situation conformément à l'article L. 1343-5 du code civil. Il sera dès lors débouté de sa demande.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
L'intimé qui succombe en son recours sera condamné aux dépens et débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
Déclare l'appel recevable ;
Rejette la demande d'annulation de la déclaration d'appel et le moyen tiré de l'absence d'effet dévolutif de cet appel ;
Infirme le jugement sauf en ce qu'il a rejeté les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés :
Condamne le centre hospitalier de [Localité 3] à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 6] [Localité 3] [Localité 5] la somme de 22 782,80 euros ;
Le déboute du surplus de ses demandes ;
Le condamne aux dépens.
LE GREFFIER LA CONSEILLERE