N° RG 20/00127 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IMBI
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 14 SEPTEMBRE 2022
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE ROUEN du 10 Septembre 2019
APPELANTE :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE ROUEN - ELBEUF - DIEPPE
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Vincent BOURDON, avocat au barreau de ROUEN
INTIMEE :
CENTRE HOSPITALIER D'EU
[Adresse 1]
[Localité 4]
ayant pour conseil Me Mélanie HUET, avocat au barreau de MARSEILLE
dispensée de comparaître
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée à l'audience du 25 Mai 2022 sans opposition des parties devant Madame ROGER-MINNE, Conseillère, magistrat chargé d'instruire l'affaire.
Le magistrat rapporteur en a rendu compte dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur POUPET, Président
Madame ROGER-MINNE, Conseillère
Madame POUGET, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
M. CABRELLI, Greffier
DEBATS :
A l'audience publique du 25 Mai 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 14 Septembre 2022
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 14 Septembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame ROGER-MINNE, Conseillère et par M. CABRELLI, Greffier.
* * *
EXPOSE DU LITIGE
Le centre hospitalier d'Eu (le centre hospitalier) gère un service de soins infirmiers à domicile (SSIAD). Les prestations de soins infirmiers prescrites par les médecins traitants sont réalisées par des infirmiers salariés du SSIAD ou par des infirmiers libéraux. L'évaluation des besoins des personnes, l'organisation des soins et la coordination de l'intervention des infirmiers est assurée par l'infirmier coordonnateur du service. L'intervention des infirmiers libéraux s'effectue dans le cadre d'une convention conclue avec l'organisme gestionnaire du service. Les missions réalisées par le SSIAD sont financées par l'assurance maladie dans le cadre d'une dotation globale de soins.
La caisse primaire d'assurance maladie de Rouen Dieppe Elbeuf (la caisse) a effectué un contrôle des facturations des charges relatives à la rémunération des infirmiers libéraux pour les actes réalisés du 1er janvier au 31 décembre 2015.
Ayant constaté l'existence de facturations individuelles d'actes infirmiers réalisés pour des patients pris en charge par le SSIAD, remboursés par les caisses d'affiliation de ces patients alors que les prestations faisaient partie de la dotation globale de soins versée au service, la caisse a mis en demeure le SSIAD du centre hospitalier, le 7 juin 2017, de lui rembourser l'indu s'élevant à 4 996,96 euros
La commission de recours amiable de la caisse ayant rejeté le recours du centre hospitalier, celui-ci a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Rouen.
Le dossier a été transféré au tribunal de grande instance de Rouen par application de la loi du 18 novembre 2016 et, par jugement du 10 septembre 2019, ce tribunal a :
- dit que la procédure de recouvrement n'était pas entachée d'irrégularité,
- annulé la mise en demeure du 7 juin 2017 et la décision de rejet de la commission de recours amiable,
- déchargé le SSIAD du centre hospitalier de régler la somme de 4 996,96 euros,
- rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
La caisse a relevé appel de cette décision et, par conclusions remises le 24 janvier 2020, soutenues à l'audience, demande à la cour de :
- infirmer le jugement,
- rejeter le recours du SSIAD du centre hospitalier,
- condamner le SSIAD CH d'Eu à lui rembourser la somme de 4 996,96 euros.
Par conclusions remises le 31 juillet 2020 le centre hospitalier, qui a été dispensé de comparution, demande à la cour de :
- déclarer l'appel irrecevable,
- constater la nullité de la déclaration d'appel et l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel,
- rejeter toute demande,
- à titre subsidiaire, infirmer le jugement en ce qu'il a constaté la régularité de la procédure de recouvrement et le confirmer pour le surplus,
- à titre infiniment subsidiaire, lui octroyer un délai de paiement,
- en tout état de cause, condamner la caisse à lui régler une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé détaillé de leurs moyens et arguments.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la recevabilité de l'appel :
En application de l'article 538 du code de procédure civile, l'appel doit être formé dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision attaquée.
La caisse a apposé son cachet attestant de la réception du jugement le 27 novembre 2019. Si sa déclaration d'appel a été reçue par le greffe de la cour le 7 janvier 2020, ainsi que le souligne le centre hospitalier, elle a été adressée par lettre simple postée le 18 décembre 2019, ainsi qu'il résulte du procès verbal de déclaration d'appel.
En conséquence l'appel a été interjeté dans le délai légal et se trouve être recevable.
Sur la saisine de la cour :
Le centre hospitalier considère qu'en l'absence d'indication, dans la déclaration d'appel, des chefs du jugement critiqués, conformément aux dispositions de l'article 933 du code de procédure civile, l'effet dévolutif ne s'opère pas, de sorte que la cour n'est pas saisie des demandes de la caisse.
Il est constant qu'il résulte des articles 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 933 du code de procédure civile qu'en matière de procédure sans représentation obligatoire, la déclaration d'appel qui mentionne que l'appel tend à la réformation de la décision déférée à la cour d'appel, en omettant d'indiquer les chefs du jugement critiqués, doit s'entendre comme déférant à la connaissance de la cour d'appel l'ensemble des chefs de ce jugement.
La cour est en conséquence valablement saisie et la demande de nullité de l'appel, qui ne repose que sur le moyen tiré de l'absence d'indication des chefs du jugement critiqués, doit être rejetée.
Sur la régularité de l'action en recouvrement de l'indu :
Le centre hospitalier soutient que cette action débute obligatoirement par une notification de payer ; qu'il a été invité à faire part de ses observations lors de la notification du constat d'anomalies par lettre du 17 janvier 2017, reçue le 26 ; qu'il a fait des observations le 23 février et que la mise en demeure du 7 juin 2017 lui a été notifiée sans notification de payer. Il considère que le constat d'anomalie ne vaut pas notification d'indu et que cette dernière doit être distincte de la mise en demeure. Il fait remarquer que si la caisse mentionne une notification d'indu le 3 mars, elle ne la produit pas et ne prouve pas sa date de réception.
En application de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale, l'action en recouvrement s'ouvre par l'envoi au professionnel ou à l'établissement d'une notification de payer le montant réclamé ou de produire, le cas échéant, leurs observations.
En cas de rejet total ou partiel des observations de l'intéressé, le directeur de l'organisme d'assurance maladie adresse, par lettre recommandée, une mise en demeure à l'intéressé de payer dans le délai d'un mois. La mise en demeure ne peut concerner que des sommes portées sur la notification.
Selon l'article R. 133-9-1 la lettre de notification d'indu précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées et la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement. Elle mentionne l'existence d'un délai de deux mois à partir de sa réception imparti au débiteur pour s'acquitter des sommes réclamées ainsi que les voies et délais de recours. Dans le même délai, l'intéressé peut présenter des observations écrites à l'organisme d'assurance maladie.
Il est constant que si la commission de recours amiable fait état dans son avis d'une notification d'indu par lettre du 3 mars 2017, ce courrier n'est pas produit par la caisse qui n'en fait pas mention dans sa mise en demeure du 7 juin 2017. Le centre hospitalier n'en fait pas davantage mention dans sa saisine de la commission de recours amiable, datée du 19 juin, soit quelques jours après la mise en demeure.
Le centre hospitalier a bien été invité à faire des observations dans la lettre de notification du constat d'anomalies du 17 janvier 2017, qui indique le montant de l'indu et comporte le tableau récapitulant les anomalies. Toutefois, il convient de constater que ce courrier explique que si le centre hospitalier peut démontrer dans le mois qu'il a rémunéré les actes infirmiers litigieux, la caisse ne lui notifiera pas le montant des sommes non dues à son service mais se retournera vers le professionnel de santé ayant réalisé les actes et que, si ce professionnel ne lui a pas présenté de facture, le centre hospitalier aura deux mois pour les régler, de sorte que la caisse se retournera alors contre le professionnel. La lettre ajoute qu'en l'absence de réponse dans les deux mois le montant constaté des sommes indues aux dépens de l'assurance maladie sera imputable au SSIAD et la caisse procédera à la récupération des sommes correspondantes. Aucune voie de recours n'est mentionnée.
Il en résulte qu'il ne peut s'agir d'une notification d'indu au sens du texte précité et qu'elle ne pouvait donc servir de base à la procédure de recouvrement.
Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu'il a déclaré la mise en demeure nulle et a déchargé le centre hospitalier de l'indu réclamé.
L'équité ne commande pas d'allouer une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
Déclare l'appel recevable ;
Rejette le moyen tiré de l'absence d'effet dévolutif de l'appel et la demande de nullité de la déclaration d'appel ;
Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré la mise en demeure nulle, a déchargé le centre hospitalier de l'indu réclamé et a rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
L'infirme pour le surplus ;
Y ajoutant :
Déboute le centre hospitalier du surplus de ses demandes ;
Condamne la caisse aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LA CONSEILLERE