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07/09/2022 | FRANCE | N°20/04196

France | France, Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 07 septembre 2022, 20/04196


N° RG 20/04196 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IUKV







COUR D'APPEL DE ROUEN



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 07 SEPTEMBRE 2022









DÉCISION DÉFÉRÉE :



18/02481

Tribunal judiciaire du Havre du 05 novembre 2020





APPELANTE :



Sci DES [Adresse 4]

[Adresse 1]

[Localité 3]



représentée et assistée par Me Thomas DUGARD de la Selarl VD & Associés, avocat au barreau de Rouen







INTIMEE :



Sas EM2C

RCS du Havre 435 237 169

[Adresse 5]

[Localité 2]



représentée et assistée par Me Sophie SANGY de la Selarl LH2A - CABINET SANGY, avocat au barreau du Havre substituée par Me Marie-Noëlle CAMPERGUE, avocat au barreau de Rouen
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N° RG 20/04196 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IUKV

COUR D'APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 07 SEPTEMBRE 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

18/02481

Tribunal judiciaire du Havre du 05 novembre 2020

APPELANTE :

Sci DES [Adresse 4]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée et assistée par Me Thomas DUGARD de la Selarl VD & Associés, avocat au barreau de Rouen

INTIMEE :

Sas EM2C

RCS du Havre 435 237 169

[Adresse 5]

[Localité 2]

représentée et assistée par Me Sophie SANGY de la Selarl LH2A - CABINET SANGY, avocat au barreau du Havre substituée par Me Marie-Noëlle CAMPERGUE, avocat au barreau de Rouen

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 9 mai 2022 sans opposition des avocats devant M. Jean-François MELLET, conseiller, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre,

M. Jean-François MELLET, conseiller,

Mme Magali DEGUETTE, conseillère,

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme [W] [J],

DEBATS :

A l'audience publique du 9 mai 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 7 septembre 2022.

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Rendu publiquement le 7 septembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Selon devis du 12 mars 2014 accepté 11 avril 2014, la Sci des [Adresse 4] a confié à la Sarl EM2C, désormais Sas EM2C, le lot n°5 'semi-circulaire extérieure' de travaux d'installation d'une passerelle d'accès.

Une première facture de 14 400 euros TTC a été réglée par le maître de l'ouvrage le 24 juin 2014. Un litige est ensuite né entre les parties sur certaines non-conformités affectant l'ouvrage et sur les reprises à effectuer.

Par acte d'huissier du 25 juillet 2016, la Sarl EM2C a fait assigner la Sci des [Adresse 4] devant le tribunal de grande instance du Havre afin d'obtenir notamment le paiement du solde des travaux.

Par ordonnance de mise en état du 16 février 2017, le juge de la mise en état, saisi par le maître de l'ouvrage, a ordonné une mesure d'expertise judiciaire de la passerelle. Le rapport d'expertise judiciaire a été déposé le 3 novembre 2017.

Par jugement contradictoire en date du 5 novembre 2020, le tribunal judiciaire du Havre a :

- rejeté la demande de contre-expertise formulée par la Sci des [Adresse 4] ;

- fixé la créance de la Sci des [Adresse 4] a l'égard de la Sas EM2C à hauteur de 12 420 euros TTC ;

- fixé la créance de la Sas EM2C à l'égard de la Sci des [Adresse 4] à hauteur de 5 500 euros TTC ;

- ordonné la compensation des créances réciproques des parties ;

en conséquence,

- condamné la Sci des [Adresse 4] à payer à la Sas EM2C la somme principale de 6 920 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 23 avril 2015;

- rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- condamné la Sci des [Adresse 4] à payer à la Sas EM2C une indemnité de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision ;

- débouté les parties de leurs autres demandes ;

- condamné la Sci des [Adresse 4] aux dépens de la présente procédure, en ce compris les frais d'expertise.

Par déclaration reçue au greffe le 21 décembre 2020, la Sci des [Adresse 4] a interjeté appel de la décision.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 13 septembre 2021, la Sci des [Adresse 4] demande à la cour d'appel, au visa des articles 1134 ,1147 et 1289 et suivants du code civil ; 145, 232, 245, 246 et 283 du code de procédure civile, R. 4216-5, R. 4216-8 et R.4224-2 et suivants du code du travail de réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de :

- débouter la Sas EM2C de l'ensemble de ses demandes et de son appel incident ;

- confirmer que le marché de base est bien de 22 350 euros HT soit

26 820 euros TTC, sur lequel la Sci des [Adresse 4] a déjà réglé

14 400 euros TTC et débouter la Sas EM2C de ses prétentions contraires selon appel incident ;

- condamner la Sas EM2C à régler à la Sci des [Adresse 4] la somme totale de 97 609,57 euros (83 809,57 euros TTC outre 13 800 euros TTC au titre du devis Uretek), au titre des différents travaux de reprise ou finition à accomplir, résultant de sa responsabilité fautive et de son manquement à son devoir de conseil ;

- condamner la Sas EM2C à régler à la Sci des [Adresse 4] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour retard d'exécution et résistance abusive ;

- ordonner le cas échéant la compensation entre les créances réciproques des parties ;

à titre subsidiaire, et si la cour ne devait pas s'estimer suffisamment éclairée,

- ordonner une mesure de contre-expertise dont la mission sera confiée à tel expert qu'il plaira à la juridiction, autre que M. [R] [E], avec pour mission essentiellement de décrire les vices, désordres et non-conformités affectant la passerelle réalisée par la Sas EM2C et tous les travaux annexes à celle-ci, notamment au regard de l'avis rendu par le bureau de contrôle Apave, de l'avis rendu par le bureau [X] et des devis de reprise produits par la Sci des [Adresse 4], d'étudier les travaux préconisés au titre des devis établis par la Sci des [Adresse 4] et dire s'ils sont nécessaires et suffisants, d'une façon générale, décrire l'ensemble des travaux nécessaires à la remise en état de la passerelle et à sa totale conformité, et en chiffrer le coût ;

en tout état de cause,

- condamner la Sas EM2C à régler à la Sci des [Adresse 4] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner la Sas EM2C aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris notamment les frais d'expertise.

Elle soutient ce qui suit :

- le fait d'être propriétaire d'autres ouvrages, ou que son gérant ait pu participer à leur acquisition ou commander d'autres travaux ne lui confère pas la qualité de professionnelle avertie ;

- l'absence de maîtrise d'oeuvre renforçait le devoir de conseil du professionnel et ne constituait aucunement une faute du maître d'ouvrage ;

- la Sas EM2C ne peut ignorer le rôle déterminant des fondations pour un tel ouvrage, de telle sorte qu'à minima son devoir de conseil et de prudence aurait dû la conduire à solliciter tout justificatif (plans, validation d'un bureau d'étude') lui garantissant que son ouvrage pouvait être installé sur le support réalisé ;

- la Sas EM2C avait parfaitement connaissance des fondations sur lesquelles elle rattachait son ouvrage ;

- les fers n'ont pas été fournis gracieusement ou sous la contrainte par la Sas EM2C ;

- les constatations techniques de l'expert judiciaire sont insuffisantes, puisque l'ouvrage n'est pas affecté uniquement d'un problème de fondation, mais aussi de stabilité à raison d'une flexibilité anormale ;

- le constructeur ne peut se retrancher derrière les défauts d'un support pour échapper à sa responsabilité s'il n'a émis aucune réserve lors de son intervention ;

- la Sas EM2C ne peut s'exonérer en indiquant qu'elle n'avait pas à sa charge que 'le génie civil', puisqu'elle a validé les fondations et fixé son ouvrage sur un support insuffisant ;

- en l'absence de réception de l'ouvrage, aucun paiement n'est exigible ;

- l'ouvrage est atteint dans sa solidité et se trouve impropre à sa destination ;

- elle n'a pas fourni les plans de l'escalier, et cette allégation n'est pas de nature à exonérer l'intimée ;

- le coût des reprises est démontré.

Par dernières conclusions notifiées le 15 avril 2022, la Sas EM2C demande à la cour d'appel, au visa des articles L. 441-6 alinéa 12 du code de commerce, 909 et 700 du code de procédure civile d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf :

- le rejet de la demande de contre-expertise,

- la condamnation de la Sci des [Adresse 4] à verser à la Sas EM2C un article 700 du code de procédure civile en première instance,

et de :

- prendre acte qu'à ce jour, la Sci des [Adresse 4] a réglé à la société EM2C la somme de 6 920 euros TTC suite à l'exécution de la décision ;

- retenir la somme de 4 500 euros TTC chiffrée par M. [R] [E], expert en termes de reprises ;

- prendre acte également que la Sci des [Adresse 4] a refusé l'accès à la Sas EM2C pour finaliser les travaux et que de ce fait et au vu de la réfaction de la somme de 4 500 euros, la Sas EM2C n'interviendra pas sur les reprises ;

- condamner la Sci des [Adresse 4] à verser à la Sas EM2C la somme de 13 920 euros après compensation entre la somme due en principal

18 420 euros et le montant des reprises à hauteur de 4 500 euros, plus intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2015 ;

- assortir le tout de l'intérêt au taux légal majoré de 3 fois à compter de la mise en demeure du 8 avril 2015 ;

- condamner M. [M], gérant de la Sci des [Adresse 4] à assumer les responsabilités du fait du cumul du rôle de maître d'ouvrage et de maître d''uvre ;

- condamner la Sci des [Adresse 4] à verser à la Sas EM2C la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la même aux entiers dépens y compris les frais d'expertise qui devront rester à la charge de la Sci des [Adresse 4] ;

à titre subsidiaire, si la responsabilité de la Sas EM2C devait être engagée au-delà de ce qui précède, celle-ci demande à ce que cette responsabilité soit solidairement partagée avec la Sci des [Adresse 4] représentée par M. [M] qui a cumulé les fonctions de maître d'oeuvre et maître de l'ouvrage.

Elle soutient ce qui suit :

- l'ouvrage a été réceptionné tacitement ;

- M. [M], représentant légal du maître d'ouvrage a endossé le rôle de maître d''uvre ;

- il s'est immiscé dans la conduite du chantier ;

- il a réalisé et présenté les plans dimensionnés de la passerelle ;

- elle n'avait pas en charge la pose des fers de fixation mais s'est contentée de les fournir gratuitement sur pression de M. [M] ;

- le génie civil comprend la partie souterraine d'un ouvrage et l'assise dudit ouvrage, y compris les fondations ;

- elle n'a pas réalisé les fondations mais n'a fait que vérifier les entraxes de gougeons, le surplus ne relevant pas de sa compétence.

- ce n'est qu' au cours de l'expertise qu'il a été constaté que les fondations ont été réalisées sur la fosse d'écoulement des eaux, ce qui est strictement interdit.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 4 mai 2022.

MOTIFS

Sur la demande d'expertise

Le tribunal, après avoir visé l'article 232 du code de procédure civile, a relevé que les opérations d'expertise n'étaient pas arguées de nullité ; qu'en outre, les qualifications juridiques avancées par l'expert ne le liaient pas, conformément à l'article 246 du code de procédure civile, et que de même les analyses comportementales de l'expert n'avaient pas d'influence sur l'issue du litige.

Il a relevé qu'agissant dans son domaine de compétence, l'expert avait apporté un éclairage sur les désordres affectant l'ouvrage, notamment sa fragilité, et leurs causes, qu'aucune défaillance dans l'analyse technique n'était démontrée, et que si l'estimation du montant des travaux de reprise était approximative, cette situation était due à l'absence de collaboration des parties, et à la mauvaise foi de la Sci des [Adresse 4] elle-même, qui avait produit des devis 'non sincères', sans aucun détail. Il observait manifestement que le devis Eurométal sur laquelle elle persiste à fonder ses demandes porte sur la reprise totale de l'ouvrage alors qu'un ouvrage conforme à celui commandé peut être réalisé par la réalisation du programme de travaux préconisé par l'expert.

Il sera ajouté que l'avis du bureau d'études [X], réalisé unilatéralement à la demande de la Sci des [Adresse 4], et qui notamment prévoit un programme de reprise plus complet, n'a pas été soumis à l'expert judiciaire. Il ne contient lui-même aucune référence au point de vue de l'expert judiciaire ni ne le critique expressément. Il ne saurait donc être retenu afin de combattre les conclusions de ce dernier, à défaut de tout débat technique.

C'est par motif propres que le tribunal a estimé qu'il était suffisamment éclairé, et qu'un autre expert rencontrerait les mêmes difficultés de collaboration de la part des parties, si bien qu'il n'y avait pas lieu de faire droit à la demande de nouvelle expertise, et qui ne saurait pallier leur carence.

Sur la demande en paiement du solde des travaux

A l'issue d'une analyse des pièces qui n'appelle pas davantage de critique, le tribunal a fixé le solde des travaux à la somme de 12 420 euros calculée sur la base du devis 177 5 02 2014, seule pièce contractuelle signée, pour un montant de 26 820 euros TVA comprise, déduite des paiements justifiés à hauteur de 14 400 euros.

Il a également, à juste titre, rejeté la demande en triplement du taux d'intérêt légal, à défaut de fondement.

Sur la responsabilité contractuelle au titre des désordres

Le tribunal, après avoir rappelé les termes de l'article 1792-6 du code civil, a relevé qu'aucune réception tacite n'était intervenue en l'espèce, à défaut de paiement de l'important solde du marché, et compte-tenu du refus non équivoque de réceptionner l'ouvrage.

Il en a déduit, à juste titre, que seule la responsabilité contractuelle était mobilisable par l'appelant.

Il a exclu, par motifs adoptés, les demandes de thermolaquage et de peinture de 'bord de mer', puisque ces prestations n'étaient pas devisées initialement et n'incombent pas à l'intimée.

Il ressort de la procédure, et notamment du rapport d'expertise, que l'instabilité de l'ouvrage est due au non respect des règles de l'art dans la réalisation des fondations.

La Sas EM2C soutient que sa responsabilité ne serait pas engagée car la réalisation des fondations ne lui a pas été confiée.

Ainsi qu'elle l'indique, le devis porte la mention ' génie civil à votre charge', ce qui ne saurait s'interpréter autrement que comme la dispensant de poser les fondations de l'ouvrage, prestations pour laquelle elle n'a pas de compétence et qu'elle n'a d'ailleurs pas réalisé.

Toutefois, le professionnel est responsable du support sur lequel il accepte de poser son ouvrage. En l'espèce, la Sas EM2C a accepté d'installer la passerelle métallique sur des fondations réalisées par un tiers, sans émettre aucune réserve, et sans vérifier les conditions dans lesquelles elles avaient été réalisées. Cette attitude est d'autant plus imprudente qu'elle savait qu'aucun maître d'oeuvre n'était désigné sur le chantier, que l'ouvrage qu'elle posait était massif, et nécessitait des fondations et ancrages spécifiques. Le fait que le génie civil ne lui incombait pas ne la dispensait pas de vérifier que la question de la résistance des fondations avait fait l'objet d'un traitement professionnel. Elle engage donc sa responsabilité pour faute, quand bien même il n'est pas établi qu'elle avait connaissance du vice affectant le support.

Il ne saurait être reproché à la Sci des [Adresse 4] d'être intervenue en qualité de 'maître d'oeuvre' puisqu'il est constant qu'elle n'a pas cette compétence professionnelle, qui n'entre pas dans son objet social.

L'immixtion caractérisée dans la conception ou la réalisation de l'ouvrage ne peut être retenue comme cause exonératoire, car il ne ressort pas des débats que la Sci des [Adresse 4] ou son gérant auraient eu des compétences particulières en matière de maçonnerie ou de réalisation de fondations.

En conséquence de sa faute, la Sas EM2C doit réparation des désordres affectant la passerelle qu'elle a réalisée. En revanche, il ne lui revient pas de payer au maître de l'ouvrage le coût de la reprise des fondations elles mêmes, mais uniquement le coût de la reprise de l'ouvrage qu'elle a installé en ce qu'il est affecté par les défauts du support. Le montant demandé sur la base du devis Uretek (reprise des fondations par injections) ne saurait donc être repris.

Le montant du devis Eurométal, soit 52 980 euros, correspond à la reprise totale de la passerelle, pour une somme d'ailleurs quasiment double de celui facturé initialement, mais pas aux travaux de réparation préconisés par l'expert, qui a pu valablement refuser d'en reprendre les termes in extenso en jugeant l'attitude de l'appelante 'non sincère'. Le devis relatif à la reprise de massifs est sans rapport démontré avec le litige.

Il n'est pas établi que l'expert se serait trompé en déterminant les travaux nécessaires pour livrer un ouvrage conforme et stable, soit la reprise de l'ancrage en pied des poteaux et de la reconstitution de l'appui coté escalier.

La décision sera donc confirmée en ce que le tribunal a retenu le montant de 4 500 euros évalué par l'expert sur la base des devis versés. Cette somme correspond à la fois aux reprises ci-dessus, mais également aux finitions, dont l'intimée est responsable au titre de son obligation de résultat (reprise d'un écrou, finition de la peinture, polissage du garde corps, galvanisation du caillebotis, remplacement du panneau trespa).

Le tribunal a relevé, à juste titre, que le professionnel avait manqué à son obligation de conseil, renforcée en l'espèce à raison de l'absence de maîtrise d'oeuvre, pour n'avoir pas recommandé à M. [M] d'avoir recours à un maître d'oeuvre pour la réalisation du support. Il a relevé une perte de chance d'éviter le préjudice résultant de cette absence de maîtrise d'oeuvre, et limité le montant de l'indemnisation à 1 000 euros.

La reprise des supports engendre un surcoût de l'ordre de 13 800 euros selon le devis Uretek, que le maître de l'ouvrage a en effet perdu une chance d'éviter. Il ressort toutefois de la procédure que le gérant de la Sci des [Adresse 4], qui a joué délibérément et continûment un rôle actif dans la conception de l'ouvrage et la coordination des travaux, et qui est, à dire d'expert 'loin d'être un novice', cherchait à limiter au maximum les coûts. Il est peu crédible qu'il aurait engagé les sommes nécessaires à la maîtrise d'oeuvre, car son choix a toujours été de s'en dispenser, et le montant accordé, correspondant à une perte de chance de 7,25 %, est approprié.

Le document dressé par l'agence Apave censé établir la non-conformité de la passerelle au regard des dispositions du code de travail et un défaut de dimensionnement a été dressé unilatéralement à la demande de l'appelante et selon ses déclarations. Il n'est pas démontré que cet escalier desservirait effectivement des bureaux plutôt qu'un local à usage privé, ni d'ailleurs que la Sci des [Adresse 4] emploierait effectivement des salariés. Cette pièce non-contradictoire, non-corroborée par d'autres ne saurait démontrer l'existence d'une non-conformité des travaux dont l'intimée aurait dû avertir l'appelante au titre de son devoir de conseil.

La décision sera donc confirmée en ce qu'aucune indemnisation en rapport avec la non-conformité alléguée n'a été accordée.

La cour relève en outre que M. [M], qui ne conteste pas avoir été gérant d'une entreprise de métallerie, et dont la compétence notoire est établie dans la réalisation de ce type d'ouvrage, est intervenu de façon pointilleuse à tous les stades de la réalisation du chantier, et avait nécessairement connaissance des normes dont il reproche le non-respect à l'intimée.

Le défaut de réception de l'ouvrage n'interdit pas la condamnation du maître de l'ouvrage à en payer le prix.

Le fait que la décision ait été exécutée n'est pas une cause d'infirmation. La décision sera confirmée en ce que le tribunal a condamné la Sci des [Adresse 4] au paiement du reliquat de créance après compensation.

Sur la demande de condamnation formée à l'encontre du gérant de la Sci des [Adresse 4]

La Sas EM 2C sollicite de voir 'condamner M. [M], gérant de la Sci des [Adresse 4] à assumer les responsabilités du fait du cumul du rôle de maître d'ouvrage et de maître d''uvre'.

Outre l'absence d'assignation délivrée en première instance et en appel à l'encontre de M. [M], ès qualités de gérant ou à titre individuel, la Sas EM2C ne tire aucune conséquence de cette demande de principe, aux contours indéterminés, non quantifiés. Cette prétention ne peut dès lors aboutir.

Sur la condamnation pour retard d'exécution et résistance abusive

Le comportement de l'intimée n'apparaît pas abusif au vu de la solution apportée au litige. Il n'y a pas lieu d'infirmer le rejet de la demande formée par l'appelante, sans explication particulière, en indemnisation d'une procédure abusive et d'un retard injustifié.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et frais irrépétibles n'appellent pas de critique.

L'appelante succombe et sera condamnée aux dépens d'appel, outre une somme pour frais irrépétibles qu'il est équitable de fixer à 2 500 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant,

Condamne la Sci des [Adresse 4] à payer à la Sas EM2C une somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles ;

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Condamne la Sci des [Adresse 4] aux dépens d'appel.

Le greffierLa présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : 1ère ch. civile
Numéro d'arrêt : 20/04196
Date de la décision : 07/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-07;20.04196 ?
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