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07/09/2022 | FRANCE | N°19/03361

France | France, Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 07 septembre 2022, 19/03361


N° RG 19/03361 - N° Portalis DBV2-V-B7D-IIQF

19/03396

19/03878



COUR D'APPEL DE ROUEN



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 07 SEPTEMBRE 2022









DÉCISION DÉFÉRÉE :



15/02906

Tribunal de grande instance du Havre du 23 mai 2019





APPELANTS :



Madame [A] [U]

née le 07 août 1980 à [Localité 10]

[Adresse 17]

[Adresse 17]

[Localité 10]



représentée et assistée par Me Sophie JOUBERT, avocat au barreau du

Havre substituée par Me Vincent BOURDON, avocat au barreau de Rouen





Madame [R] [B]

née le 6 janvier 1957 au Mans

[Adresse 3]

[Localité 10]



représentée et assistée par Me Claude AUNAY de la Scp AUNAY, avocat au ba...

N° RG 19/03361 - N° Portalis DBV2-V-B7D-IIQF

19/03396

19/03878

COUR D'APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 07 SEPTEMBRE 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

15/02906

Tribunal de grande instance du Havre du 23 mai 2019

APPELANTS :

Madame [A] [U]

née le 07 août 1980 à [Localité 10]

[Adresse 17]

[Adresse 17]

[Localité 10]

représentée et assistée par Me Sophie JOUBERT, avocat au barreau du Havre substituée par Me Vincent BOURDON, avocat au barreau de Rouen

Madame [R] [B]

née le 6 janvier 1957 au Mans

[Adresse 3]

[Localité 10]

représentée et assistée par Me Claude AUNAY de la Scp AUNAY, avocat au barreau du Havre substitué par Me Claire PAILLOT, avocat au barreau de Rouen

Monsieur [H] [V]

né le 27 novembre 1959 à Mers El Kebir (Algérie)

[Adresse 4]

[Localité 8]

représenté et assisté par Me Mathilde THEUBET de la Selarl RIQUE-SEREZAT THEUBET, avocat au barreau du Havre

INTIMES :

Monsieur [O] [W]

né le 28 juin 1953 à [Localité 16]

[Adresse 1]

[Localité 9]

représenté et assisté par Me Olivier JOUGLA de la Selarl EKIS, avocat au barreau du Havre

Madame [I] [Z] épouse [W]

née le 21 mars 1951 à [Localité 15]

[Adresse 1]

[Localité 9]

représentée et assistée par Me Olivier JOUGLA de la Selarl EKIS, avocat au barreau du Havre

Monsieur [H] [V]

né le 27 novembre 1959 à Mers El Kebir (Algérie)

[Adresse 4]

[Localité 8]

représenté et assisté par Me Mathilde THEUBET de la Selarl RIQUE-SEREZAT THEUBET, avocat au barreau du Havre

Madame [S] [G] épouse [V]

née le 08 décembre 1964 à [Localité 10]

[Adresse 14]

[Localité 5]

représentée et assistée par Me Mathilde THEUBET de la Selarl RIQUE-SEREZAT THEUBET, avocat au barreau du Havre

Sa GAN ASSURANCES

RCS de Paris 542 063 797

[Adresse 12]

[Localité 7]

représentée et assistée par Me Stanislas MOREL de la Scp DPCMK, avocat au barreau du Havre substituée par Me Marie-Noëlle CAMPERGUE, avocat au barreau de Rouen

Sa PACIFICA

RCS de Paris B352 358 865

[Adresse 11]

[Localité 7]

représentée par Me Richard SEDILLOT, avocat au barreau de Rouen

Syndicat des coproprietaires de l'immeuble [Adresse 6] au [Localité 10] représenté par son syndic la société Ys immobilier

[Adresse 13]

[Localité 10]

représentée et assisté par Me Olivier JOUGLA de la Selarl EKIS, avocat au barreau du Havre

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 9 mai 2022 sans opposition des avocats devant M. Jean-François MELLET, conseiller, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre,

M. Jean-François MELLET, conseiller,

Mme Magali DEGUETTE, conseillère,

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Catherine CHEVALIER,

DEBATS :

A l'audience publique du 9 mai 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 7 septembre 2022.

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Rendu publiquement le 7 septembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Courant 2007, un dégât des eaux a occasionné d'importants désordres sur le palier du 2ème étage de la copropriété située [Adresse 6] au [Localité 10] et dans un appartement du 1er étage, propriété de M. et Mme [O] [W].

Le syndicat des copropriétaires et M. et Mme [W] ont sollicité et obtenu la désignation d'un expert judiciaire par ordonnance de référé du 6 novembre 2007. L'expert a déposé le rapport 8 mars 2010.

Par actes du 7 novembre 2011, à défaut d'accord sur la nature et l'étendue des responsabilités ainsi que sur la garantie des assureurs, le syndicat des copropriétaires et M. et Mme [W] ont fait assigner en indemnisation M. et Mme [H] [V], propriétaires d'un appartement dont la salle de bains était identifiée comme le lieu de l'origine de la fuite, Mme [A] [U] leur locataire entre août 2004 et août 2007, ainsi que Gan assurances, assureur du syndicat.

M. et Mme [V] ont fait attraire leur assureur Pacifica ainsi que Mmes [R] et [T] [B], cautions solidaires de leur locataire, Mme [U].

Une nouvelle mesure d'expertise a été ordonnée le 19 décembre 2016 par le juge de la mise en état afin, notamment, de chiffrer le montant des travaux de reprise en distinguant selon qu'ils concernent les parties privatives ou les parties communes. L'expert judiciaire, M. [N], a déposé le rapport définitif de ses nouvelles opérations le 30 décembre 2014.

Par jugement réputé contradictoire en date du 23 mai 2019, le tribunal de grande instance du Havre a :

- déclaré toutes les demandes formées à l'encontre des sociétés d'assurances Gan assurances et Pacifica irrecevables ;

- déclaré M. et Mme [H] [V] et Mme [A] [U] responsables in solidum des dommages résultant des désordres ayant affecté ou affectant l'appartement propriété de M. et Mme [O] [W], au 1er étage sud de l'immeuble du [Adresse 6] au [Localité 10] ;

- déclaré M. et Mme [H] [V] et Mme [A] [U] responsables in solidum des dommages résultant des désordres en relation avec les infiltrations en provenance de la douche de l'appartement au 2ème étage sud ayant affecté ou affectant les parties communes de l'immeuble du [Adresse 6] au [Localité 10] ;

- déclaré Mme [A] [U] responsable des dommages résultant des désordres ayant affecté ou affectant l'appartement propriété de M. et Mme [H] [V] au 2ème étage sud de l'immeuble du [Adresse 6] au [Localité 10] ;

en conséquence,

- condamné in solidum M. et Mme [H] [V] et Mme [A] [U] à payer à M. et Mme [O] [W] la somme de 44 916,16 euros HT (TVA au taux en légal en vigueur de 20 %) au titre des travaux de reprise nécessaires et la réparation des désordres constatés ;

- condamné in solidum M. et Mme [H] [V] et Mme [A] [U] à payer à M. et Mme [O] [W] la somme de 16 000 euros titre de dommages et intérêts en indemnisation du préjudice résultant de la perte de chance de ne pas avoir pu remettre leur appartement en location ;

- condamné in solidum M. et Mme [H] [V] et Mme [A] [U] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 6] au [Localité 10] la somme de 29 182,11 euros HT (TVA au taux légal en vigueur de 20 %) au titre des travaux de reprise nécessaires à la réparation des désordres constatés affectant les parties communes ;

- condamné in solidum M. et Mme [H] [V] et Mme [A] [U] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 6] au [Localité 10] les sommes de 1 001,19 euros au titre des frais et honoraires du syndic et de

2 511,49 euros au titre des travaux d'étayage du plancher bas de la cuisine du 2ème étage sud ;

- condamné Mme [A] [U] ainsi que Mmes [R] et [T] [B], celles-ci prises en leur qualité de cautions de Mme [U], à payer à M. et Mme [H] [V] la somme de 16 000 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation du préjudice résultant de la perte de chance de ne pas avoir pu remettre leur appartement en location ;

- dit que les sommes allouées ci-dessus seront augmentées des intérêts au taux légal à compter de la date du jugement ;

- condamné in solidum M. et Mme [H] [V] et Mme [A] [U] à payer à M. et Mme [O] [W] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procedure civile ;

- condamné in solidum M. et Mme [H] [V] et Mme [A] [U] a payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 6] au [Localité 10] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [A] [U] ainsi que Mmes [R] et [T] [B] à garantir M. et Mme [H] [V] du montant des condamnations prononcées à leur encontre au profit de M. et Mme [W] et du syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 6] au [Localité 10] en principal, intérêts et frais irrépétibles ;

- condamné Mme [A] [U] ainsi que Mmes [R] et [T] [B] à payer à M. et Mme [H] [V] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties de toute demande plus ample ou contraire ;

- condamné Mme [A] [U] ainsi que Mmes [R] et [T] [B] aux dépens de l'instance, dans lesquels seront compris l'ensemble des frais d'expertise judiciaire de M. [N].

Par déclaration reçue au greffe le 9 août 2019, Mme [R] [B] a interjeté appel de la décision (n° RG 19/03361), M. [H] [V] par déclaration du 21 août 2019 (n° RG 19/03396) et Mme [A] [U] par déclaration du 4 août 2019 (n° RG 19/03878).

Les trois affaires ont été jointes par ordonnance du 6 octobre 2020.

Il convient de préciser que Mme [T] [B] est décédée le 4 mars 2019.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 11 octobre 2021, Mme [R] [B] forme les demandes suivantes, sous réserve de la nullité de l'assignation et de la tardiveté des écritures des consorts [V] :

- infirmer le jugement entrepris,

- constater et en tant que de besoin prononcer la nullité de 'l'acte de caution' de Mme [R] [B] s'il s'agit de la simple signature du bail de Mme [U] du 16 août 2004 ;

- débouter les consorts [V] de toutes leurs demandes ;

- les condamner au paiement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Mme [B] soutient principalement que le rapport d'expertise ne lui est pas opposable.

Par dernières conclusions notifiées le 30 octobre 2020, M. et Mme [V] demandent à la cour d'appel, au visa des articles 1382 et 1384 alinéa 1er du code civil, l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965, et les articles L.114-1 et R. 112-1 du code des assurances, de :

- rejeter l'appel principal de Mme [B], et celui de Mme [U], les appels incidents de M. et Mme [W] et du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 6], l'appel incident du GAN à titre subsidiaire,

- déclarer bien-fondé l'appel principal de M. [V] et l'appel incident de M. [V] et de Mme [G] épouse [V] à l'encontre du jugement en date du 23 mai 2019,

en conséquence, réformant le jugement entrepris,

- débouter le syndicat des copropriétaires de l'immeuble '[Adresse 2] représenté par son syndic, la société YS Immobilier et M. et Mme [W] de l'ensemble de leurs demandes dirigées à leur encontre,

subsidiairement,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné solidairement Mme [U] et Mme [R] [B] à garantir M. [V] et Mme [G] épouse [V] de toutes les condamnations prononcées à leur encontre au profit de M. et Mme [W] et du syndicat de copropriétaires de l'immeuble '[Adresse 2],

réformant le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré prescrit le recours en garantie de M. et Mme [V] à l'encontre du GAN et de Pacifica,

- condamner solidairement, outre Mme [R] [B] et Mme [U], Pacifica, et le GAN à garantir M. et Mme [V] des condamnations pouvant intervenir à leur encontre,

- condamner solidairement Pacifica, le GAN, Mme [U] et Mme [R] [B] à indemniser M. et Mme [V] de la perte de loyers qu'ils ont subi à hauteur de

69 264 euros arrêté au mois de juin 2020,

- condamner solidairement M. et Mme [W], Pacifica, le GAN, Mme [U] et Mme [R] [B] solidairement à verser à M. et Mme [V] une somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre l'ensemble des dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Ils soutiennent en substance ce qui suit :

- les conditions générales de l'assurance Pacifica n'indiquent pas 'les causes ordinaires d'interruption de la prescription' et en conséquence la prescription biennale ne leur est pas opposable ;

- il n'ont pas eu à assigner dans le cadre de la procédure de référé la société Pacifica qui est intervenue volontairement ;

- ils étaient dans l'impossibilité d'assigner la compagnie Pacifica tant qu'ils n'étaient pas eux-mêmes assignés par le syndicat et M. et Mme [W] ;

- le tribunal a sous-estimé leur préjudice de jouissance dès lors que leur appartement n'est plus loué depuis le mois de juillet 2007 soit depuis 13 ans. Or, le loyer s'élevait à 444 euros soit un préjudice de jouissance pouvant être évalué à

69 264 euros arrêté au mois de juin 2020 ;

- il n'est pas démontré que la mérule infestant les parties communes de l'ensemble de l'immeuble provienne plus particulièrement de leur appartement ;

- à défaut de lien de causalité, leur responsabiilté ne peut être engagée ;

- la fuite apparue dans l'appartement est due au non respect du DTU dans la réalisation de la paroi d'étanchéité de la douche antérieure à l'achat de l'appartement ;

- le syndic est responsable du développement de la mérule à raison d'un défaut d'entretien.

Par dernières conclusions notifiées le 30 juillet 2020, Mme [A] [U] demande à la cour d'appel, au visa des articles 1382 et suivants du code civil de réformer le jugement du 23 mai 2019 et de :

- la mettre hors de cause,

- débouter le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 6] au [Localité 10], M. et Mme [W] ainsi que M. et Mme [V] de l'intégralité de leur demandes formées à son encontre,

- les condamner in solidum aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 21 janvier 2020, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 6] et M. et Mme [W] demandent à la cour d'appel, au visa des articles 1382, 1384 anciens et suivant du code civil et 9 la loi du 10 juillet 1965, de :

- ordonner la jonction des procédures d'appels interjetés par M. [H] [V] Mme [S] [G] épouse [V] (RG N° 19/03396), Mme [A] [U] (RG N° 19/03878) et Mme [R] [B] (RG N° 19/03361),

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance du Havre du 23 mai 2019 en ce qu'il déclare M. [H] [V], Mme [S] [G] épouse [V] et Mme [A] [U] responsables in solidum des dommages résultant des désordres ayant affecté ou affectant l'appartement propriété de M. et Mme [O] [W] au premier étage sud de l'immeuble du [Adresse 6], outre des parties communes de copropriété, en relation avec les infiltrations en provenance de la douche de l'appartement du deuxième étage sud, propriété [V] occupé à bail d'habitation par Mme [U] et, en conséquence les condamner in solidum au paiement :

. à M. et Mme [O] [W] :

au titre des travaux de reprise nécessaires à la réparation des désordres :

44 916,16 euros HT,

.à la copropriété de l'immeuble [Adresse 6] :

au titre des travaux nécessaires à la réparation des désordres : 29 182,11 euros HT

au titre des frais et honoraires de syndic : 1 001,19 euros

au titre des travaux d'étayage : 2 511,49 euros

- réformer le jugement du tribunal de grande instance du Havre du 23 mai 2019, sur le quantum des sommes allouées à M. et Mme [W] en indemnisation de la perte d'une chance de n'avoir pu remettre leur logement en location après le départ de leur locataire à compter d'octobre 2007, et sur l'absence d'octroi de toute indemnisation au titre du préjudice financier, et préjudice moral subi ;

statuant à nouveau,

- condamner in solidum M. [H] [V] Mme [S] [G] épouse [V] et leur assureur Pacifica, Mme [A] [U], au paiement à M. et Mme [W] au titre de la perte de chance de disposer de revenus locatifs de la perte de loyers pour l'année 2007 (du 17 décembre 2007 au 31 décembre 2007), pour les années 2008, à 2019, sur une base de 4 080 euros l'an, soit la somme provisoirement arrêtée 31 décembre 2019, de 40 000 euros ;

- condamner in solidum M. [H] [V] Mme [S] [G] épouse [V] Mme [A] [U], au paiement à M. et Mme [W] pour réparation du préjudice financier, la somme provisoirement arrêtée de 7 000 euros, outre la somme de 7 000 euros au titre du préjudice moral ;

- débouter M. [H] [V] Mme [S] [G] épouse [V] Mme [A] [U], de toutes leurs demandes fins et conclusions plus amples ou contraires.

- condamner les mêmes au paiement au titre des frais irrépétibles à la copropriété la somme de 10 000 euros, à M. et Mme [W] la somme de

8 000 euros ;

- les condamner aux dépens.

Ils font valoir que M. et Mme [V] sont tenus à garantie au visa de l'ancien article 1384 du code civil s'agissant des travaux de réparation, et à indemnisation des préjudices matériels et immatériels en lien direct avec les infiltrations venant de la douche de la salle d'eau de leur appartement.

Par dernières conclusions notifiées le 3 février 2020, la Sa Gan assurances demande à la cour d'appel de :

- constater qu'il n'est présenté aucune demande contre elle,

en conséquence,

- dire et juger le jugement du tribunal de grande instance du Havre du 23 mai 2019 est définitif en ce qu'il a déclaré irrecevables toutes les demandes formées à son encontre

à titre subsidiaire,

- confirmer le jugement entrepris,

- déclarer irrecevables comme prescrites toute demande qui serait dirigée contre elle,

à titre très subsidiaire,

- débouter toute partie de toute demande qui pourrait être présentée contre la société Gan assurances à quelque titre que ce soit,

à titre infiniment subsidiaire,

- appliquer les plafonds conventionnels et lui accorder recours et garantie contre M. et Mme [V] et Mme [U] et Pacifica,

dans tous les cas,

- condamner Mme [B] ou toute autre partie qui sera jugée défaillante à payer au Gan la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [B] ou toute autre partie qui sera jugée défaillante au paiement des entiers dépens de procédure.

Par dernières conclusions notifiées le 26 novembre 2021, la Sa Pacifica demande à la cour d'appel, au visa des articles L.114-1 du code des assurances et l'article 2239 du code civil et les articles 1240, 1241, 1217, 1231, 1231-1, 1732, 1991 et 1992 du code civil, de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré toutes les demandes formées à l'encontre de Pacifica irrecevables ;

à titre subsidiaire, et si la Cour devait réformer la décision entreprise en ce qu'elle a retenu la prescription de l'article L.114-1 du code des assurances,

a) réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné in solidum les époux [V] avec Mme [U] ; exonérer M. et Mme [V] de toute responsabilité et infirmer le jugement du tribunal de grande instance du Havre en date du 23 mai 2019 en ce qu'il condamné les époux [V] in solidum avec Mme [U] à payer :

. à M. et Mme [W] la somme de 44 916,16 euros HT au titre des travaux de reprise nécessaires à la réparation des désordres constatés,

. à M. et Mme [W] la somme de 16 000 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation du préjudice résultant de la perte d'une chance de ne pas avoir pu remettre leur appartement en location,

. au syndicat des copropriétaire de l'immeuble [Adresse 6] au [Localité 10] les sommes de 1 001,19 euros au titre des frais et honoraires du syndic et de

2 511,49 euros au titre des travaux d'étayage du plancher bas de la cuisine du 2ème étage sud,

. à M. et Mme [W] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

. au syndicat des copropriétaire de l'immeuble [Adresse 6] au [Localité 10] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

ordonner que M. et Mme [V] ne soient tenus à quelque paiement que ce soit.

b) confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Mme [U] à payer à savoir :

à M. et Mme [W] la somme de 44 916,16 euros HT au titre des travaux de reprise nécessaires à la réparation des désordres constatés,

. à M. et Mme [W] la somme de 16 000 euros a titre de dommages et intérêts en indemnisation du préjudice résultant de la perte d'une chance de ne pas avoir pu remettre leur appartement en location,

. au syndicat des copropriétaire de l'immeuble [Adresse 6] au [Localité 10] les sommes de 1 001,19 euros au titre des frais et honoraires du syndic et de

2 511,49 euros au titre des travaux d'étayage du plancher bas de la cuisine du 2ème étage sud,

. à M. et Mme [W] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

. au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 6] au [Localité 10] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

en tout état de cause,

- condamner tout succombant à payer à Pacifica la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner tout succombant aux entiers dépens.

Elle soutient que l'action en garantie de M. et Mme [V] à son encontre est prescrite puisqu'ils l'ont appelée en garantie le 24 octobre 2012, soit plus de deux ans à compter de la date à laquelle ils ont été assignés en référé par M. et Mme [W] et le syndicat des copropriétaires, étant précisé que la prescription a été suspendue du fait de l'expertise.

Elle relève qu'elle ne pourrait être potentiellement concernée que par la fuite d'eau au niveau de la douche de l'appartement du 2ème étage sud appartenant à M. et Mme [V] ; que les désordres constatés par l'expert dans leur appartement auraient dû alerter Mme [U], dès lors que les infiltrations au niveau de la douche de l'appartement de M. et Mme [V] étaient apparentes, ayant entraîné un affaissement du plancher, et qu'elle a continué a utiliser la douche de son appartement alors que d'importantes fissures se formaient. Enfin, elle relève que la cabine de douche a été mal montée et est affectée d' un problème de conception.

Par ordonnance d'incident en date du 14 décembre 2021, le magistrat chargé de la mise en état a constaté le désistement de la Sa Pacifica de son appel incident dirigé contre la Sa Gan assurances en garantie.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 avril 2022.

MOTIFS

La demande de jonction est sans objet puisque les dossiers ont déjà été joints par ordonnance en date du 6 octobre 2020.

Sur la recevabilité des demandes

Sur la prescription des demandes formées par le syndicat des copropriétaires et M. et Mme [W] contre le Gan, assureur du syndicat

Le tribunal a rappelé les termes de l'article L.114-1 du code des assurances, qui régit la prescription biennale applicable aux actions dérivant d'un contrat d'assurance, et de l'article 2239 du code civil, qui régit la suspension des délais de prescription par l'effet des mesures d'instruction ordonnées in futurum, et prévoit la reprise du délai après leur réalisation.

Il a en conséquence jugé prescrites les actions engagées par les syndicat des copropriétaires et M. et Mme [W] contre le Gan. Le syndicat des copropriétaires et M. et Mme [W] ne forment plus aucune demande contre cet assureur si bien que ce chef de la décision ne sera pas examiné.

Sur la prescription des demandes formées par M. et Mme [V] contre leur assureur Pacifica

Le tribunal a déclaré prescrites les demandes formées par M. et Mme [V] à l'encontre de leur assureur Pacifica, relevant que ce recours avait pour cause l'assignation en référé expertise qui leur avait été délivrée le 3 octobre 2007 par

M. et Mme [W] et le syndicat des copropriétaires, et qu'ils n'avaient eux-mêmes assigné leur assureur que le 24 octobre 2012, soit au délai du délai de deux ans.

En cause d'appel, M. et Mme [V] se prévalent du non respect, par l'assureur, de l'article R.112-1 du code des assurances, qui impose, sous peine d'inopposabilité du délai biennal, que les causes d'interruption de prescription prévues à l'article L.114-1 du code des assurances soient rappelées dans la police souscrite.

Pacifica ne réplique pas sur ce point. Elle ne verse pas la police signée. Le seul document contractuel versé l'est par M. [V] et il s'agit d'un avis de renouvellement du 29 décembre 2009, soit largement postérieur au point de départ du délai opposable à l'assureur. Ce document ne précise d'ailleurs pas les causes d'interruption de la prescription. Le 5ème alinéa de l'article L. 114-1 ci-dessus, relative aux recours des tiers, n'est pas rappelé en page 20 des conditions générales.

Le délai de prescription retenu par le tribunal n'était donc pas opposable.

Pacifica se prévaut subsidiairement de la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil, relevant que M. et Mme [V] ont laissé s'écouler plus de 5 ans entre l'assignation qui leur a été délivrée, et par laquelle ils ont eu connaissance des faits leur permettant d'exercer un recours contre leur assureur, et l'assignation qu'ils ont délivrée à ce dernier.

M. et Mme [V] ne répliquent pas sur ce fondement. Ils ne contestent pas l'application de la prescription de droit commun et n'invoquent aucun acte interruptif ou suspensif à l'égard de Pacifica. Il doit donc être considéré que les demandes sont effectivement prescrites en application de l'article 2224 du code civil, texte général qui régit la prescription du recours contre l'assureur à raison de l'inopposabilité de la prescription spéciale.

La décision sera donc confirmée en ce que les recours de M. et Mme [V] contre Pacifica ont été déclarés prescrits.

La cour relève en revanche que Pacifica ne soulève aucun moyen de prescription quant aux demandes formées par le syndicat des copropriétaires et M. et Mme [W] à son encontre. Les développements de ses conclusions en page 6 à 8 ne concernent que les demandes formées par M. et Mme [V]. La cour ne saurait donc confirmer la décision en ce que le tribunal a déclaré prescrites toutes les demandes formées contre Pacifica.

Sur la recevabilité des demandes formées contre le Gan par M. et Mme [V]

Contrairement à ce que fait plaider le Gan, assureur du syndicat des copropriétaires, des demandes sont formées contre lui dans le cadre de l'appel, en l'occurrence par M. et Mme [V], qui sollicitent sa garantie et sa condamnation à payer une somme de 69 264 euros.

Relativement à ces demandes, le Gan ne soulève aucune prescription, puisque les développements de la page 6 des conclusions ne concernent que l'irrecevabilité de l'action du syndicat des copropriétaires et M. et Mme [W].

Il n'y a donc pas lieu de statuer sur le moyen soulevé par M. et Mme [V], tiré de l'inopposabilité du délai de prescription par l'assureur Gan à raison non-respect de l'article R. 111-2 du code des assurances. Ce moyen est sans objet à défaut de prescription soulevée.

Sur les demandes du syndicat des copropriétaires et M. et Mme [W]

Sur la responsabilité

Le tribunal a repris la typologie des désordres constatés dans l'immeuble par l'expert à savoir :

- les désordres affectant les parties privatives des logements des 1er étage sud (propriété [W]) et 2ème étage sud (propriété [V]),

- les désordres affectant les parties communes au droit du logement du 3ème étage sud,

- les désordres affectant les WC communs et les paliers intermédiaires communs,

- les désordres concernant la cave.

Il a relevé que les désordres affectant les parties privatives du logement de M. et Mme [W] avaient pour origine des infiltrations au niveau de la douche de la salle d'eau de l'appartement appartenant à M. et Mme [V], qui avaient permis l'apparition de champignons lignivores et dégradé les revêtements comme les supports de structure. Les dégradations observées dans la cage d'escalier, partie commune, au droit du plancher du 2ème étage et en contrebas, ont également la même cause.

S'agissant de l'origine de ces infiltrations, l'expertise a mis en évidence un défaut de réalisation et de conformité de la douche aux DTU, puisque le carrelage a été posé sans étanchéification préalable, mais également le rôle aggravant du comportement de son utilisateur, qui a continué d'utiliser cette douche alors que des fentes de la faïence étaient apparues dans les angles de la cabine. Ces fentes sont larges, comme le montrent les photographies jointes aux rapports, et il était évident que l'utilisation de cet équipement ne pouvait qu'engendrer des dégâts importants à l'aplomb.

Au vu des constatations de l'expert, le tribunal a pu constater que le lien de causalité entre les infiltrations en provenance de la douche de l'appartement de M. et Mme [V] et les désordres constatés dans le logement [W] d'une part et la cage d'escalier au droit du plancher du 2ème étage d'autre part, étaient établis.

Le tribunal a retenu la responsabilité des bailleurs vis-à-vis de M. et Mme [W] et du syndicat des copropriétaires sur le fondement de l'ancien article 1384 al.1 du code civil et de l'article 8.17 du règlement de copropriété, à raison de la faute de leur locataire.

M. et Mme [V] contestent l'engagement de leur responsabilité, expliquant qu'ils ne sont pas fautifs, dès lors qu'il n'étaient pas en mesure de détecter la non-conformité de la douche, réalisée antérieurement à l'achat, et qu'ils ignoraient l'existence d'une fuite.

M. et Mme [W] et le syndicat répliquent que l'existence d'une faute est indifférente en l'espèce compte tenu du fondement choisi, soit le premier alinéa de l'article 1384 du code civil.

Cet alinéa vise à la fois la responsabilité du commettant et la responsabilité du gardien, sans que M. et Mme [W] et le syndicat ne précisent auquel des deux fondements ils se référent. Les parties ne débattent d'ailleurs pas précisément des conditions d'application du texte. La question d'un éventuel transfert de garde au locataire n'est pas évoquée par M. et Mme [V], si bien qu'ils sont présumés gardien de la chose inerte, a fortiori en l'espèce, puisque le vice à l'origine du dommage est inhérent à la structure de la douche.

Il sera ajouté qu'en application de l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965, le copropriétaire ne peut porter atteinte aux droits des autres copropriétaires dans la jouissance de son lot, ce qui recouvre également les conséquences d'un défaut de délivrance.

La décision n'appelle donc pas de critique en ce que la responsabilité civile de M. et Mme [V] a été retenue. L'article 8 du règlement de copropriété est en revanche insusceptible de fonder la demande, dès lors qu'aucune faute de négligence des propriétaires n'est démontrée et que le locataire n'a pas la qualité de préposé.

Sur le montant de la réparation

- le préjudice matériel

M. et Mme [V] reprochent également au tribunal de les avoir condamnés à payer à M. et Mme [W] une somme de 44 916,66 euros HT au titre du préjudice matériel. Ils indiquent que le développement de la mérule et les diverses fuites constatées par ailleurs ne leur ont pas imputables, car ils se rattachent à d'autres causes.

Cette critique ne peut toutefois pas être retenue, car la somme discutée correspond, selon le rapport d'expertise complémentaire du 28 décembre 2011, au coût de reprise des désordres affectant les seules parties privatives du lot de M. et Mme [W] des suites des infiltrations, outre les frais de maîtrise d'oeuvre que l'expert a estimé nécessaires.

En revanche, la somme retenue par le tribunal comprend le coût d'honoraires complémentaires du syndic, à hauteur de 1 919, 06 euros, dont rien ne prouve ni l'exigibilité, s'agissant de travaux à entreprendre sur les parties privatives, ni la qualité à les percevoir, puisque seul le syndicat de copropriétaires peut être destinataire d'une facturation au titre d'honoraires complémentaires du syndic, si bien que cette somme ne peut en elle-même constituer un préjudice réparable pour un copropriétaire à titre particulier, ni le montant, à défaut de verser le contrat de syndic prévoyant le taux de 5 % revendiqué.

Le montant de la condamnation sera donc réduit à la somme de 42 997,10 euros HT.

La somme de 29 182,91 euros accordée par le tribunal au syndicat correspond principalement au coût des travaux de reprise des désordres affectant les parties communes en relation directe avec la fuite affectant la douche de l'appartement [V], montant évalué spécifiquement par l'expert dans son rapport complémentaire, outre les frais de maîtrise d'oeuvre.

Si cette condamnation est justifiée sur le principe, il y en revanche lieu d'en déduire les frais de syndic, pour les motifs ci-dessus, soit 1 247,13 euros, si bien que le montant de la condamnation sera ramené à 27 935,78 euros.

La somme de 2 511,49 euros correspond quant elle aux frais engagés pour étayer le plancher de la cuisine situé à l'aplomb de la salle de bain : le principe de la créance n'est pas contestable, s'agissant d'une partie commune, et le coût de l'étayage correspond à l'évaluation, non contestée, de l'expert. Il n'y a donc pas lieu d'infirmer.

En revanche, le coût des honoraires supplémentaires du syndic n'est pas davantage justifié sur pièce. La décision sera donc infirmée en ce que le tribunal a condamné M. et Mme [V] à payer au syndicat des copropriétaires la somme de

1 001,19 euros.

- le préjudice immatériel

S'agissant du préjudice immatériel revendiqué par M. et Mme [W], le tribunal a retenu une perte de chance, implicitement évaluée à 55 %, de percevoir, depuis le mois d'octobre 2007, un loyer évalué par l'expert à 400 euros.

M. et Mme [W] sollicitent une somme de 40 000 euros arrêtée au 31 décembre 2019, relevant que le préjudice est certain puisque le logement n'a pas pu être reloué.

M. et Mme [V] ne répliquent pas. Ils ne contestent pas que le logement n'ait pas pu être reloué, ni même que cette impossiblité soit liée à d'autres causes que les dégradations qui l'affectent, et qui le rendent inhabitable à dire d'expert. Ils doivent donc indemnisation au titre d'une perte de chance qu'il convient d'évaluer à hauteur de 90 %.

La somme de 40 000 euros sera donc accordée après infirmation afin de ne pas statuer au-delà des demandes formées, au regard de la durée de l'immobilisation et du montant du loyer.

Pacifica, assureur de M. et Mme [V], qui ne conteste pas les garantir, sera condamnée in solidum à l'égard des tiers victimes. Contrairement à ce que cet assureur fait plaider, la faute de la locataire à l'égard de ses assurés n'est pas exonératoire de leur responsabilité vis-à-vis de M. et Mme [W] et du syndicat, étant précisé que le dommage est en partie lié à un défaut de délivrance. Cette condamnation sera limitée à la seule perte de chance d'éviter le préjudice immatériel, puisqu'elle n'est pas sollicitée pour les autres postes de préjudice.

Il n'existe pas de preuve d'un préjudice financier complémentaire, à défaut de preuve que le manque à gagner de loyers aurait pu effectivement donner lieu à une épargne productive d'intérêts. Cette perspective est totalement aléatoire et ne correspond pas à un préjudice indemnisable. La décision de déboutement sera donc confirmée à cet égard, tout comme celle concernant le préjudice moral, à défaut de preuve d'un tel préjudice.

Les demandes de condamnation sont formées hors taxes et il n'y a pas lieu de statuer au-delà.

Sur les demandes formées par M. et Mme [V]

M. et Mme [V] sollicitent la condamnation de Mme [U] et de Mme [R] [B] à les garantir intégralement, la première en qualité de locataire, la seconde en qualité de caution.

Mme [U] soutient qu'elle n'est pas fautive, dès lors que les fuites litigieuses sont liées à un défaut de conception de la douche dont elle n'avait pas connaissance, qu'elle ne pouvait se douter de l'anormalité de l'humidité qui apparaissait dans son logement, et qu'elle a régulièrement alerté le gestionnaire immobilier.

Il résulte toutefois des débats qu'elle a continué à utiliser la douche litigieuse alors que le carrelage était affecté de crevasses apparentes, ce qui ne pouvait que générer des désordres, non seulement pour l'appartement qui lui était loué, mais également pour M. et Mme [W], propriétaires de l'appartement situé à l'aplomb, et le syndicat des copropriétaires, responsable des parties communes. Sa négligence est établie. Il ne résulte pas des débats qu'elle aurait averti le gestionnaire de l'appartement afin de faire reprendre la douche avant le mois de mars 2007, ainsi qu'il résulte d'un courrier adressé le 6 mars 2007 par le syndic à ce dernier.

Elle doit donc être condamnée à garantir M. et Mme [V] des condamnations prononcées à leur égard. Toutefois, cette garantie ne saurait être totale, puisque la cause première des infiltrations est une non-conformité de la douche mise à sa disposition, qui a été construite en carreaux de plâtre sans isolation derrière le carrelage. L'expert indique d'ailleurs que la poursuite de l'usage de la douche a pu 'accentuer l'infiltration'; mais qu'' à partir du moment ou la fente est apparue' sur le carrelage, 'l'action de dégradation des solives par la mérule était déjà très avancée'. En outre aucun élément ne permet précisément de dater l'apparition de cette fente.

A défaut pour les parties de conclure sur ce point, le montant de la garantie due par Mme [U] sera limitée à 30 % des sommes dues par ses bailleurs à M. et Mme [W] et au syndicat des copropriétaires.

Le tribunal a condamné Mme [U] à payer à M. et Mme [V] une somme de 16 000 euros à titre de perte de chance de pouvoir remettre leur appartement en location, relevant que le logement était inhabitable depuis le mois d'octobre 2007, et que son loyer pouvait, à dire d'expert être évalué à 400 euros.

M. et Mme [V] évaluent leur préjudice de jouissance à 69 264 euros arrêté au 1er juillet 2020 sur la base d'un loyer de 444 euros.

Aucune pièce ne conduit à infirmer la proposition de l'expert s'agissant du coût du loyer et de la date à compter de laquelle l'appartement a été inhabitable.

En sollicitant la condamnation de Mme [U] à les indemniser, M. et Mme [V] se prévalent des conséquences d'un manquement à leur propre obligation de délivrance, puisque la douche n'était de toute façon pas utilisable sans générer des infiltrations. La perte de chance de relouer n'est donc pas imputable directement à la faute de Mme [U], qui l'a certes aggravée pour ne pas les avoir averti plus tôt, ce qui aurait pu contribuer à limiter le désordre à l'origine de l'inhabitabilité, alors que les crevasses étaient flagrantes.

Au regard de ce qui précède, la perte de chance imputable à Mme [U] sera fixée à 30 %. Le montant de la perte de loyer en rapport avec la négligence de Mme [U] s'élève dès lors à la somme de 17 880 euros, soit 30 % des loyers non perçus sur 12 ans et 5 mois.

Mme [U] sera condamnée à payer cette somme.

Mme [B] conclut à l'infirmation du jugement à raison de la nullité du cautionnement, demande expressément formée dans le dispositif de ses écritures, et ce 'sous réserve de la nullité de l'assignation et de la tardiveté des écritures des consorts [V]'.

Sur ces points, outre l'absence de prétention explicite, elle ne soulève aucun moyen de nullité de l'assignation, ni n'explique en quoi les écritures de M. et Mme [V] seraient tardives, ni quelles conséquence procédurales il conviendrait d'en tirer.

S'agissant du cautionnement, elle soutient en page 7 de ses conclusions que son engagement de caution est nul à défaut de mention manuscrite.

M. et Mme [V] ne répliquent pas.

L'article 22-1 de la n°89-462, dans sa version applicable à l'espèce, dispose comme suit :

'La personne qui se porte caution fait précéder sa signature de la reproduction manuscrite du montant du loyer et des conditions de sa révision tels qu'ils figurent au contrat de location, de la mention manuscrite exprimant de façon explicite et non équivoque la connaissance qu'elle a de la nature et de l'étendue de l'obligation qu'elle contracte et de la reproduction manuscrite de l'alinéa précédent. Le bailleur remet à la caution un exemplaire du contrat de location. Ces formalités sont prescrites à peine de nullité du cautionnement'.

Au regard de ces dispositions, le cautionnement est nul, puisqu'il a été consenti par le biais d'une simple signature sur le contrat de bail sans mention manuscrite.

Mme [B] ne saurait donc être condamnée et il y a lieu à infirmation à cet égard.

Il n'y a pas lieu de condamner le Gan à l'égard de M. et Mme [V], puisqu'il n'établissent aucune faute du syndicat des copropriétaires susceptible d'engager la garantie de son assureur.

Les dispositions relatives à la garantie due à M. et Mme [V] sont infirmées relativement aux cautions, puisque la garantie de Mme [T] [B], aujourd'hui décédée, n'est plus demandée.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Au regard de l'issue du litige, il y a lieu, après infirmation, de condamner in solidum M. et Mme [V] et leur assureur d'une part, Mme [U] d'autre part aux dépens du procès de première instance, en ce compris le coût de l'expertise, ainsi qu'aux dépens d'appel dont distraction au bénéfice de Me [P], et dans leur rapport entre eux, respectivement à hauteur de 70 % et de 30 % .

M. et Mme [V] et Pacifica d'une part et Mme [U], d'autre part, seront condamnés selon les mêmes modalités à payer à M. et Mme [W] et au syndicat des copropriétaires une somme de 4 000 euros chacun au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, soit 8 000 euros au total. Dans leur rapport entre eux, les débiteurs supporteront la condamnation respectivement à hauteur de 70 % et de 30 %.

Aucune considération d'équité ne justifie qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à l'égard des autres parties.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort ,

Infirme le jugement en ce que le tribunal a :

- déclaré irrecevables les demandes formées contre Gan assurances par M. et Mme [H] [V] et contre Pacifica par le syndicat des copropriétaires et M. et Mme [O] [W] ;

- condamné in solidum M. et Mme [H] [V] et Mme [A] [U] à payer à M. et Mme [O] [W] la somme de 44 916,16 euros HT (TVA au taux en légal en vigueur de 20 %) au titre des travaux de reprise nécessaires et la réparation des désordres constatés ;

- condamné in solidum M. et Mme [H] [V] et Mme [A] [U] à payer à M. et Mme [O] [W] la somme de 16 000 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation du préjudice résultant de la perte de chance de ne pas avoir pu remettre leur appartement en location ;

- condamné in solidum M. et Mme [H] [V] et Mme [A] [U] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 6] au [Localité 10] la somme de 29 182,11 euros HT (TVA au taux légal en vigueur de 20 %) au titre des travaux de reprise nécessaires à la réparation des désordres constatés affectant les parties communes ;

- condamné in solidum M. et Mme [H] [V] et Mme [A] [U] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 6] au [Localité 10] les sommes de 1 001,19 euros au titre des frais et honoraires du syndic ;

- condamné Mme [A] [U] ainsi que Mmes [R] et [T] [B], celles-ci prises en leur qualité de cautions de Mme [U], à payer à M. et Mme [H] [V] la somme de 16 000 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation du préjudice résultant de la perte de chance de ne pas avoir pu remettre leur appartement en location ;

- condamné Mme [U] et Mmes [R] et [T] [B] à garantir M. et Mme [H] [V] du montant des condamnations prononcées à leur encontre au profit de M. et Mme [O] [W] et du syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 6] au [Localité 10] en principal, intérêts et frais irrépétibles ;

- débouté les parties de toute demande plus ample ou contraire ;

- condamné in solidum M. et Mme [H] [V] et Mme [A] [U] à payer à M. et Mme [O] [W] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procedure civile ;

- condamné in solidum M. et Mme [H] [V] et Mme [A] [U] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 6] au [Localité 10] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [A] [U] ainsi que Mmes [R] et [T] [B] aux dépens de l'instance, dans lesquels seront compris l'ensemble des frais d'expertise judiciaire de M. [N] ;

Le confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

Condamne in solidum M. et Mme [H] [V] et Mme [A] [U] à payer à M. et Mme [O] [W] la somme de 42 997,10 euros HT au titre des travaux de reprise nécessaires et la réparation des désordres constatés ;

Condamne in solidum M. et Mme [H] [V] et Mme [A] [U] et la Sa Pacifica à payer à M. et Mme [O] [W] la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation du préjudice résultant de la perte de chance de ne pas avoir pu remettre leur appartement en location, arrêtée au 31 décembre 2019 ;

Condamne in solidum M. et Mme [H] [V] et Mme [A] [U] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 6] au [Localité 10] la somme de 27 935,78 euros euros HT au titre des travaux de reprise nécessaires à la réparation des désordres constatés affectant les parties communes ;

et dans leur rapport entre eux,

Condamne Mme [A] [U] à garantir M. et Mme [H] [V] à hauteur de 30 % du montant des condamnations prononcées à leur encontre au profit de M. et Mme [O] [W] et du syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 6] au [Localité 10] ;

Condamne par ailleurs Mme [A] [U] à payer à M. et Mme [H] [V] la somme de 17 880 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation du préjudice résultant de la perte de chance de ne pas avoir pu remettre leur appartement en location, arrêté au 1er juillet 2020 ;

Condamne in solidum M. et Mme [H] [V], la Sa Pacifica pris ensemble d'une part et Mme [U] d'autre part à payer à M. et Mme [O] [W] et le syndicat des copropriétaires une somme de 5 000 euros chacun au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, soit 10 000 euros au total et dit que dans leurs rapports eux, les débiteurs supporteront la condamnation respectivement à hauteur de 70 % et de 30 % ;

Rejette le surplus des demandes ;

Condamne in solidum M. et Mme [H] [V], la Sa Pacifica pris ensemble et Mme [U] d'autre part aux dépens du procès de première instance, en ce compris le coût des expertises, ainsi qu'aux dépens d'appel dont distraction au bénéfice de Me [P], et dans leur rapport entre eux à hauteur de 70 % pour les premiers et de 30 % pour la seconde.

Le greffierLa présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : 1ère ch. civile
Numéro d'arrêt : 19/03361
Date de la décision : 07/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-07;19.03361 ?
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