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07/09/2022 | FRANCE | N°18/02526

France | France, Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 07 septembre 2022, 18/02526


N° RG 18/02526 - N° Portalis DBV2-V-B7C-H37U







COUR D'APPEL DE ROUEN



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 07 SEPTEMBRE 2022









DÉCISION DÉFÉRÉE :



15/00805

Tribunal de grande instance de Dieppe du 19 avril 2018





APPELANTS :



Madame [G] [P] épouse [I]

[Adresse 1]

[Localité 5]



représentée et assistée par Me Jean-Christophe LEMAIRE de la Scp LEMAIRE QUATRAVAUX, avocat au barreau de Dieppe substitué par Me Marina CH

AUVEL, avocat au barreau de Rouen





Madame [M] [T] épouse [I]

[Adresse 3]

[Localité 4]



représentée et assistée par Me Jean-Christophe LEMAIRE de la Scp LEMAIRE QUATRAVAUX, avocat au barreau de Dieppe s...

N° RG 18/02526 - N° Portalis DBV2-V-B7C-H37U

COUR D'APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 07 SEPTEMBRE 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

15/00805

Tribunal de grande instance de Dieppe du 19 avril 2018

APPELANTS :

Madame [G] [P] épouse [I]

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée et assistée par Me Jean-Christophe LEMAIRE de la Scp LEMAIRE QUATRAVAUX, avocat au barreau de Dieppe substitué par Me Marina CHAUVEL, avocat au barreau de Rouen

Madame [M] [T] épouse [I]

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée et assistée par Me Jean-Christophe LEMAIRE de la Scp LEMAIRE QUATRAVAUX, avocat au barreau de Dieppe substitué par Me Marina CHAUVEL, avocat au barreau de Rouen

INTIMES :

Monsieur [Y] [X]

né le 07 février 1981 à [Localité 10]

[Adresse 6]

[Localité 7]

représenté et assisté par Me Abdel ALOUANI de la Selarl SEL ABDEL ALOUANI, avocat au barreau de Rouen substitué par Me Estelle MARTIN

Madame [B] [D]

née le 20 mars 1976 à [Localité 8]

[Adresse 6]

[Localité 7]

représentée et assistée par Me Abdel ALOUANI de la Selarl SEL ABDEL ALOUANI, avocat au barreau de Rouen substitué par Me Estelle MARTIN

Monsieur [Y] [C]

[Adresse 12]

[Localité 2]

représenté et assisté par Me Florence DROUIN, avocat au barreau de Rouen

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2018/009308 du 12/09/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Rouen)

DIRECTION DEPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES DE LA SOMME ès qualités de curateur à la succession vacante de [W] [I]

[Adresse 11]

[Adresse 11]

[Localité 9]

non constituée bien que régulièrement assignée par acte d'huissier délivré le 27 octobre 2021 à personne habilitée

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 11 mai 2022 sans opposition des avocats devant Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre,

Mme Magali DEGUETTE, conseillère,

M. Manuel URBANO, conseiller,

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Catherine CHEVALIER,

DEBATS :

A l'audience publique du 11 mai 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 7 septembre 2022.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU PRONONCE :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre,

Mme Magali DEGUETTE, conseillère,

Mme Anne-Laure BERGERE, conseillère,

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Rendu publiquement le 7 septembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

 

En février 1998, M. [Y] [C] a acquis un immeuble sis [Adresse 13] pour un montant de 60 000 francs (9 147 euros). Il a transformé la grange acquise en un immeuble à usage d'habitation et par acte authentique du 9 novembre 2007, avendu l'immeuble à M. [V] [T] pour un montant de

87 000 euros. M. [T] est décédé en 2009.

 

Par acte authentique du 4 juillet 2012, M. [W] [I], Mme [O] [P], son épouse et Mme [M] [T] épouse [I], en qualité d'ayants droit de

M. [T], ont vendu l'immeuble à M. [Y] [X] et Mme [B] [D] au prix de 110 000 euros.

 

Les acquéreurs ont souhaité réaliser des travaux et ont constaté des malfaçons qui ont été relevées par procès-verbal d'huissier de justice le 30 novembre 2012. Le 22 avril 2013, le diagnostiqueur sollicité a rédigé un rapport pointant de nombreuses anomalies du système électrique.

 

M. [X] et Mme [D] ont obtenu en référé, par ordonnance du 27 juin 2013, la désignation d'un expert qui a rendu son rapport le 28 février 2015. 

 

Par actes d'huissier des 27, 28 et 29 mai 2015, les consorts [X]-[D] ont fait assigner les consorts [I], au visa des 1641 et suivants du code civil, afin d'obtenir l'indemnisation de leurs préjudices en raison des vices cachés affectant l'immeuble.

 

Par jugement contradictoire du 19 avril 2018, le tribunal de grande instance de Dieppe a :

- condamné in solidum M. [W] [I], Mme [G] [P] épouse [I] et Mme [M] [T] épouse [I] à restituer à M. [Y] [X] et Mme [B] [D] la somme de 26 421,27 euros sur le prix de vente de l'immeuble,

- condamne in solidum M. [W] [I], Mme [G] [P] épouse [I] et Mme [M] [T] épouse [I] à verser à M. [Y] [X] et Mme [B] [D] la somme de 24 000 euros au titre du préjudice de jouissance subi,

- rejeté toute demande complémentaire formée par M. [Y] [X] et Mme [B] [D] à l'encontre de M. [W] [I], Mme [G] [P] épouse [I] et Mme [M] [T] épouse [I],   

- condamné M. [Y] [C] à garantir M. [W] [I], Mme [G] [P] épouse [I] et Mme [M] [T] épouse [I] de l'ensemble des condamnations à paiement mises à leur charge par le jugement, à savoir des sommes de 26 421,27 et 24 000 euros,

- condamné au surplus M. [Y] [C] à verser à M. [Y] [X] et Mme [B] [D] la somme de 8 148,42 euros au titre des travaux complémentaires effectués,

- condamné M. [Y] [C] aux dépens de l'instance, en ce compris le coût du référé expertise et les frais d'expertise judiciaire taxés à la somme de

4 586,44 euros, dont distraction au profit de Me Benoît Dakin, avocat sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile,

- condamné M. [C] à verser à M. [Y] [X] et Mme [B] [D] la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toute demande plus ample ou contraire,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Par déclaration reçue au greffe le 17 juin 2018, M. [W] [I], Mme [G] [P], son épouse, Mme [M] [T] épouse [I] ont formé appel du jugement.

 

M. [W] [I] est décédé à [Localité 9] le 18 avril 2020 : la procédure a été interrompue par ordonnance du 23 septembre 2020, les parties ayant été invitées à régulariser la procédure. 

 

Après désignation du curateur par ordonnance du président du tribunal judiciaire du 19 mai 2021, la procédure a fait l'objet d'une signification, à personne habilitée, de l'ensemble des actes de procédure par acte d'huissier du 27 octobre 2021 à la direction départementale des finances publiques de la Somme, en la personne de son représentant légal, en qualité de curateur à la succession vacante de M. [W] [I]. Le curateur ne s'est pas constitué dans la procédure.

 

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

 

Par dernières conclusions notifiées le 13 septembre 2018, les consorts [I] demandent à la cour d'infirmer partiellement le jugement entrepris et de :

- débouter les consorts [X]-[D] de leurs demandes à leur encontre,

- condamner les consorts [X]-[D] à leur payer la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les consorts [X]-[D] aux dépens,

subsidiairement, dans l'hypothèse où la cour retiendrait leur responsabilité contractuelle,

- condamner M. [Y] [C] à les garantir de toutes les condamnations prononcées à leur encontre,

- condamner M. [Y] [C] à leur payer la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens. 

 

Afin d'exclure toute possibilité de recours par les acquéreurs sur le fondement de la garantie des vices cachés, ils invoquent la clause de non-garantie stipulée à l'acte au visa de l'article 1643 du code civil en rappelant que les vendeurs n'étaient pas des professionnels de la vente ; que leur auteur, fils de Mme [I], M. [T] n'a pas effectué de travaux dans l'immeuble et qu'en conséquence, leur responsabilité ne peut être recherchée en application de la clause rappelée. Ils ajoutent que contrairement à ce qui a été retenu par le juge, l'expert ne caractérise pas la connaissance qu'avaient les vendeurs des vices affectant l'immeuble. Les sommiers dégradés étaient cachés et les solives étaient apparentes lors de la vente, l'expert précisant que les vendeurs ignoraient peut-être leur non-conformité. Il en est de même pour l'escalier de bois et l'installation électrique intérieure.

 

Il invoque la responsabilité de M. [C], vendeur initial, en se référant à l'acte de vente faisant état de la réalisation de travaux de transformation d'une grange en maison d'habitation en 1999 et se fonde sur la responsabilité décennale du constructeur prévue à l'article 1792-1 2° du code civil. Il doit être considéré comme vendeur professionnel et donc de mauvaise foi dans le cadre de la garantie des vices cachés et garantir les désordres.

 

Par dernières conclusions notifiées le 7 décembre 2018, les consorts [X]-[D] demandent à la cour, au visa de l'article 1104 du code civil, des articles 1641 et suivants du code civil, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la garantie des consorts [I] au titre des vices cachés, condamné M. [C] à leur payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

et sur appel incident, la cour statuant à nouveau,

- à titre infiniment subsidiaire, retenir la responsabilité des consorts [I] sur le fondement de la réticence dolosive,

en tout état de cause,

- condamner in solidum les consorts [I] à leur payer :

. la somme de 26 953, 70 euros HT correspondant aux travaux de reprise, augmentée de la TVA en vigueur au moment du paiement outre l'indexation selon l'indice BT01 du coût de la construction valeur février 2015 au jour de l'arrêt,

. la somme de 8 148,12 euros TTC correspondant aux travaux supplémentaires pris en charge par leurs soins,

. la somme de 40 200 euros au titre du trouble de jouissance,

- condamner in solidum les consorts [I] à leur payer une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, 

- condamner in solidum les consorts [I] aux dépens, en ce compris le coût du référé expertise et les frais d'expertise judiciaire taxés à la somme de 4 586,44 euros, les frais de constat d'huissier du 30 novembre 2012 pour 280,77 euros, et les dépens d'appel, autoriser Me Bruno Lanfry avocat à en poursuivre le recouvrement conformément à l'article 699 du code de procédure civile.  

 

Ils reprennent la liste des désordres constatés et analysés par l'expert afin d'en démontrer l'origine et la gravité : les désordres étaient existants au moment de la vente, point non discuté entre les parties et étaient cachés pour les acquéreurs et connus des vendeurs. Ils rappellent que les sommiers ont été renforcés par la pose de renforts en bois de façon empirique ; qu'ils s'étaient inquiétés du caractère flottant du parquet, fait que les vendeurs avaient qualifié de normal ; que Mme [T]-[I] ayant vécu dans l'immeuble avait forcément connaissance de la fragilité du parquet et des solives ; que si M. [I] a réalisé les travaux lui-même, il avait cette connaissance de l'état des lieux ce que retient l'expert.

 

Ils soulignent que M. [C] avait une connaissance certaine des vices de l'immeuble puisqu'il a réalisé les travaux à l'aide de personnes ayant contribué aux réalisations dans des conditions occultes et savaient que les travaux relevaient du bricolage et non d'une exécution dans les règles de l'art ; ce vendeur s'est comporté en maître d'oeuvre et doit sa garantie. S'agissant de l'installation électrique, ils n'ont pas pu percevoir l'ampleur des non-conformités et demandent l'application de la garantie à l'encontre des vendeurs successifs. Quant à l'escalier en bois, ils ne forment aucune demande. Ils invoquent à titre subsidiaire la réticence dolosive.

 

Ils reprennent les différents postes de préjudice actualisés quant au préjudice de jouissance.

 

Par dernières conclusions du 10 décembre 2018, M. [Y] [C] demande à la cour, au visa des articles 1642 et 1643 du code civil, de :

à titre principal,

- dire et juger applicable la clause de non garantie prévue à l'acte de vente,

par conséquent,

- débouter les consorts [X]-[D] de toutes leurs demandes à son encontre,

- débouter les consorts [I] de toutes leurs demandes à son encontre,

à titre subsidiaire,

- dire que les désordres affectant l'immeuble étaient soit apparents, soit inconnus de lui,

par conséquent,

- dire et juger que les dispositions des articles 1641 du code civil et suivants ne peuvent trouver à s'appliquer,

- débouter les consorts [X]-[D] de toutes leurs demandes à son encontre,

- débouter les consorts [I] de toutes leurs demandes à son encontre,

à titre infiniment subsidiaire,

- réduire sa condamnation financière concernant la reprise des travaux, au seul désordre affectant le solivage,

- réduire sa condamnation financière concernant le préjudice de jouissance des consorts [X]-[D] en ôtant le désordre d'électricité rencontré,

en tout état de cause,

- condamner les consorts [X]- [D] au paiement de la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les consorts [X]-[D] aux dépens, y compris les frais d'expertise judiciaire et le coût du référé expertise.

 

Ils soutient que s'il n'est pas en mesure de produire les pièces relatives aux différentes interventions des entreprises lors des travaux de transformation de l'immeuble, ce défaut ne signifie pas pour autant qu'il a effectué les travaux lui-même dans des conditions critiquables ; qu'il n'est pas vendeur professionnel de sorte que la clause de non-garantie doit s'appliquer ; qu'en toutes hypothèses, il n'avait pas connaissance des vices allégués, certains étant toutefois apparents lors de la vente intervenue entre les consorts [I] et les consorts [X]-[D].

Il ne peut être condamné à indemniser les acquéreurs, ni pour les travaux de reprise, les travaux supplémentaires et fait valoir que le préjudice de jouissance doit être réduit puisque les acquéreurs ont perçu des difficultés en juin 2012, que l'immeuble ne constituait qu'une résidence secondaire.

 

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 27 avril 2022.

 

MOTIFS

 

Sur la garantie des vices cachés dans le cadre de la vente intervenue entre les consorts [I] et les consorts [X]-[D]

 

L'article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

 

En application de l'article 1643 de ce code, il est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.

 

Dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.

 

L'article 1645 indique que si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.

 

L'acte de vente conclu le 4 juillet 2012 entre les consorts [I] et les consorts [X]-[D] comprend une clause de non-garantie : 'L'acquéreur prendra l'immeuble, sous réserves des déclarations faites et des garanties consenties dans l'acte par le vendeur, dans l'état où il se trouve le jour de l'entrée en jouissance, sans garantie de la part de ce dernier des vices apparents ou cachés dont le sol, le sous-sol ou les ouvrages, s'ils existent pourraient être affectés... Le vendeur sera néanmoins tenu à la garantie des vices cachés s'il a la qualité de professionnel de l'immobilier ou de la construction ou s'il s'est comporté comme tel sans en avoir les compétences professionnelles.'.

 

L'expertise a permis d'établir que les désordres, objets du litige, existaient lors de la vente et rendaient l'étage de la maison impropre à son usage compte tenu de la gravité des dégradations affectant la structure. La clause de non-garantie rappelée ci-dessus exclut toute prise en charge par les vendeurs d'une réduction du prix ou d'une indemnisation. Les acquéreurs ne peuvent prétendre à la garantie qu'en démontrant la connaissance acquise de l'existence des vices lors de la vente par les vendeurs.    

 

Le débat opposant les consorts [I] et les consorts [X]-[D] ne porte que sur les conditions d'exclusion de la clause de non-garantie.  

 

Les désordres dont il s'agit concerne l'état d'une part, de la structure en bois du plancher de l'étage, d'autre part, de l'installation électrique.  

 

- la dégradation de l'ossature en bois de l'étage

 

L'expert a indiqué : ' L'ossature du plancher est composée de sommiers (trois sont visibles, section 20x30) et d'un solivage, qui était porteur d'un platelage en panneaux de particules, revêtu d'un parquet, ces deux derniers éléments n'étant pas visibles le jour de l'expertise car préalablement démontés par Mr [X].'.

 

Il a relevé les détériorations importantes des sommiers et la non-conformité du solivage tant dans sa conception que dans sa pose, et composé de matériaux 'vraisemblablement de récupération'.

 

Les éléments factuels du dossier démontrent que la révélation des vices concernant les sommiers n'a pu se faire qu'au bénéfice du démontage des supports apposés sur la structure et étaient cachés des acquéreurs avant cette intervention de M. [X]. Quant aux solives, bien qu'apparentes, leur non-conformité ne pouvait être perçue ni par les uns, ni par les autres.  

 

Les consorts [I] étaient propriétaires de l'immeuble, soit par leur auteur, soit en qualité d'ayants droit, du 9 novembre 2007 au 4 juillet 2012. L'acte de vente au profit des consorts [X]-[D] précise clairement en page 10 'qu'aucune construction ou rénovation n'a été effectuée dans les dix dernières années, ou depuis son acquisition si elle est plus récente, ni qu'aucun élément constitutif d'ouvrage ou équipement indissociable de l'ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil n'a été réalisé sur cet immeuble dans ce délai.'.

 

L'expert s'est autorisé à écrire en page 10 de son rapport : ' L'état de deux sommiers... qui se révèlent être particulièrement dégradés, ne pouvait, décemment, pas être ignoré des vendeurs. D'ailleurs, la mise en place des madriers de renfort sur le sommier 1 a été réalisée, selon témoignage recueilli lors des opérations, par Monsieur [I]' . Cette rédaction n'est pas assortie de la reprise des propos tenus par les vendeurs, des éléments circonstanciés relatifs aux travaux effectués par

M. [W] [I]. Cependant, les vendeurs n'ont ni contesté, ni critiqué les faits évoqués dans le cadre des opérations d'expertise, précisément dans les dires transmis à l'expert. Ils ne les contestent pas davantage dans leurs conclusions, se bornant à rappeler qu'ils ne sont pas des professionnels de la construction. Cependant, bien que n'étant pas menuisiers ou charpentiers, cette intervention de M. [I] sur une partie de la structure constituant le support du plancher de l'étage n'était pas anodine et permettait d'avoir la connaissance d'une détérioration sérieuse de l'ossature en bois. L'action d'un non-professionnel présentait inévitablement le risque de l'insuffisance et de la non-conformité de la reprise partielle des lieux, ce que ne pouvaient ignorer les vendeurs. Leur responsabilité est dès lors engagée. La réfection des sommiers et donc de l'ossature emporte, de façon pragmatique, celle des solives.  

 

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné les consorts [I], in solidum, à payer une somme correspondant aux travaux de reprise du plancher. Cependant, en raison d'une erreur matérielle affectant la décision sur le montant au regard de l'évaluation d'une part, de l'incidence de la TVA d'autre part, de la demande d'actualisation indiciaire des consorts [X]-[D], la somme due sera calculée sur la base du montant hors taxe du coût des travaux soit

24 055,70 euros arrêtée à la date du 28 février 2015, indexée selon l'indice BT 01 du coût de la construction à cette date jusqu'au présent arrêt, puis majoré de la TVA applicable ce jour, soit 10 % , aucun aléa ne devant affecté la détermination de la créance due.  

 

- l'installation électrique

 

L'expert indique que l'installation datait de moins de quinze ans selon la mention explicite de l'acte de vente en page 12 et qu'il est difficile pour un non-professionnel de décerner les non-conformités.

 

Les acquéreurs soutiennent que le tableau électrique comportait des anomalies qu'ils n'ont pu percevoir en raison de l'inamovibilité du cache. Cette affirmation n'est étayée par aucun élément probatoire. Les consorts [X]-[D] ne communiquent aucune pièce sur d'éventuelles interventions des consorts [I] sur l'installation. Dès la prise de possession des lieux, ils n'ont formé aucune réclamation auprès des vendeurs quant à l'inaccessibilité du tableau électrique dans lequel se trouve à tout le moins un disjoncteur et la révélation d'un bricolage des pièces essentielles de ce tableau.

 

En l'absence de preuves relatives à la connaissance qu'auraient pu avoir les vendeurs des non-conformités électriques constatées, le premier juge a fait une appréciation exacte des faits en rejetant la demande des consorts [X]-[D].

 

- le coût des travaux supplémentaires

 

Les acquéreurs demandent en outre la condamnation des consorts [I] à payer le coût de travaux supplémentaires sur la base du devis établi par la société [E] le 5 avril 2017, postérieurement aux opérations d'expertise. La somme de

8 148,12 euros correspondrait à des travaux que les consorts [X]-[D] auraient dû entreprendre en urgence, le troisième sommier se révélant de surcroît, en plus mauvais état que ne le laissait penser l'expert judiciaire : étayage du toit et de la poutre endommagée, dépose du pignon et du haut d'un mur, réfection de la maçonnerie et coffrage en béton, réfection du pignon en ossature bois.

 

Les consorts-[D] produisent une lettre de Mme [E], en qualité de gérante de la Sarl [E], qui précise que durant les travaux de réhabilitation de la maison, d'autres désordres ont été révélés :

'- La poutre située entre l'espace cuisine et salon est pourrie sur un quart de sa longueur côté buanderie ' Le sondage effectué pendant lors de l'expertise a été fait sur la partie saine côté cuisine. Une reprise de la maçonnerie a été faite sur le mur existant pour solidifier la structure

- Dans l'isolation du mur de la cuisine (façade côté nord), un étai métallique a été trouvé'

- Le pignon de la maison (face nord) n'est pas solidaire''.

En premier lieu, même s'il n'y a pas lieu de mettre en cause la sincérité des déclarations faites par Mme [E], les désordres découverts concernant l'étai métallique et le pignon de la maison n'ont pas fait l'objet de constatations contradictoires alors que les parties étaient en procédure et n'ont pu être pleinement examinés par un technicien objectif en présence des parties. Surtout, s'ils constituent des vices cachés compte tenu de leur configuration, aucun élément ne permet de vérifier la connaissance que pouvaient avoir les vendeurs de ces vices. La demande ne peut aboutir.

 

Quant à la poutre pourrie, comme le note la professionnelle elle-même, elle se situe dans un autre endroit que celui qui a fait l'objet de l'expertise. Elle était cachée avant l'ouverture à l'origine de la découverte ; en outre, les consorts [X]-[D] étaient alors propriétaires des lieux depuis cinq ans sans que les conditions d'occupation de l'immeuble ne permettent d'exclure leur propre responsabilité. Ce désordre ne peut d'évidence et sur simple allégation être rattaché aux difficultés traitées par l'expert plusieurs années auparavant.

  

Le jugement entrepris, certes essentiellement motivé sur l'état du troisième sommier sera confirmé en ce qu'il a rejeté le coût des travaux supplémentaires réclamés à hauteur de 8 148,12 euros.        

 

- le trouble de jouissance

 

Le premier juge a fixé le trouble de jouissance des consorts [X]-[D] à la somme de 24 000 euros correspondant à la période de juin 2012 à juin 2017 soit 40 mois à hauteur de 600 euros par mois en retenant que l'état du plancher de l'étage avait suffi à rendre les lieux inhabitables.  

                     

Les consorts [I] demandent le rejet des demandes des consorts [X]-[D] à leur encontre sans développer d'argumentation relative à ce préjudice.

 

Les consorts [X]-[D] sollicitent la somme de 670 euros x 60 mois de juin 2012 à juin 2017 soit 40 200 euros.  

 

La propriété acquise aux prix de 110 000 euros par les consorts [X]-[D] présente une surface de 571 mètres carrés sur laquelle est implantée une maison présentant deux pièces au rez-de-chaussée et deux chambres à l'étage. Ils produisent une offre de location d'une maison de 76,47 mètres carré moyennant un loyer mensuel de 670 euros. Toutefois, cette maison se situe sur un terrain de 900 mètres carré et un sous-sol complet. L'évaluation de l'indemnité pour trouble de jouissance à hauteur de 600 euros par mois est adaptée.

 

Ne s'agissant pas d'une résidence principale, volontairement inoccupée avant travaux, les consorts [X]-[D] n'ont pas subi de préjudice de jouissance avant la sollicitation des professionnels en vue de la réhabilitation envisagée de l'immeubles à l'automne 2012 et ce, jusqu'en juin 2017, mois visé par les acquéreurs. L'indemnité s'élèvera donc à 600 euros x 56 mois de novembre 2012 à juin 2017 soit 33 600 euros.    

 

Sur la garantie des vices cachés dans le cadre de la vente intervenue entre

M. [C] et  M. [T]

 

M. [T] aux droits duquel viennent les consorts [I] a acquis l'immeuble le 9 novembre 2007. La responsabilité recherchée par ceux-ci ne peut concerner que les chefs retenus contre eux soit :

- la somme allouée à hauteur de 24 055,70 euros indexée outre TVA pour les désordres affectant l'ossature en bois,

- la somme allouée à hauteur de 33 600 euros au titre du trouble de jouissance.

 

M. [C] avait acquis le bien par acte du 21 février 1998.

 

L'acte de vente signé fin 2007 entre M. [C] et M. [T] comprend une clause de non-garantie en page 9 concernant les vices cachés.

 

Il comporte la mention suivante en pages 7 et 8 : 'ledit immeuble était antérieurement à usage de grange, mais ' par suite de travaux réalisés durant l'année 1999, la destination de l'immeuble est devenue à usage d'habitation'il a obtenu un permis de construire délivré le 24 juin 1999' ' et en page 13, ' Le VENDEUR déclare qu'il n'est pas en mesure de fournir la liste des entreprises ayant effectué lesdits travaux et de leur éventuelle police d'assurance au titre de la garantie décennale.'.    

 

Les carences dans la production de telles pièces ne suffisent pas pour en déduire que M. [C] a conçu et réalisé lui-même les travaux d'aménagement de la grange pour la transformer en immeuble d'habitation. Il ne peut être considéré comme un professionnel et donc de mauvaise foi dans la connaissance des vices de construction sur le fondement de la garantie des vices cachés.   

  

En revanche, dans le cadre spécifique des obligations des acteurs de la construction, il est considéré comme constructeur au sens de l'article 1792 -1 2° du code civil, qui dispose qu'est réputé constructeur de l'ouvrage, toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire.

Les consorts [I] tirent de ce texte, pour seule conséquence, que M. [C] aurait la qualité de professionnel dans le cadre de la mise en 'uvre de la garantie des vices cachés. Toutefois, les fondements juridiques de ces deux actions, par essence, différents, ne sont pas fongibles de sorte que la présomption de responsabilité édictée lorsqu'il s'agit de mobiliser la garantie décennale n'a pas pour effet de changer la qualité du vendeur profane d'un bien immobilier lorsque le débat porte sur la garantie des vices cachés.

 

Les désordres, objet de la condamnation prononcée ci-dessus, sont imputés aux consorts [I] en raison de l'intervention de M. [I] sur la structure en bois de l'immeuble à l'étage de la maison. La preuve de la connaissance par M. [C] de désordres relatifs à la même structure n'est pas rapportée au titre de la garantie des vices cachés. L'action des consorts [I] conduite à son encontre ne peut aboutir de sorte que le jugement qui a retenu la garantie de M. [C] sera infirmé.

 

Sur l'action dirigée contre M. [C] par les consorts [X]-[D]

 

Si l'action du sous-acquéreur à l'encontre du vendeur est recevable, elle suppose que les conditions de fond de la garantie mise en 'uvre soient réunies. En l'espèce, la responsabilité est imputée exclusivement aux consorts [I].

 

L'absence de démonstration quant à la connaissance que M. [C] pouvait avoir des désordres exclut la mise en 'uvre de la garantie des vices cachés en vertu de la clause contractuelle portée dans l'acte de vente quel que soit le préjudice allégué : les défauts de l'ossature en bois, la non-conformité électrique, les travaux supplémentaires. 

 

A titre subsidiaire et uniquement en ce qui concerne les défauts du plancher, les consorts [X]-[D] invoquent le dol, au sens de l'article 1104 du code civil, en raison de l'omission dolosive, la réticence dans la transmission des informations portant sur les travaux réalisés dans l'immeuble. L'examen auquel il a été procédé démontre que M. [C] n'a dissimulé aucune donnée s'agissant de la transformation de l'immeuble et a précisé lors de la rédaction de l'acte de vente qu'il ne pouvait communiquer la liste des entreprises l'ayant réalisée. La preuve du dol doit être rapportée par celui qui l'invoque. Les consorts [X]-[D] ne développant pas davantage le moyen soulevé, ils seront déboutés de leurs demandes sur ce fondement.

 

Sur les dépens et frais irrépétibles   

 

Les consorts [I] succombent à l'instance et en supporteront, in solidum, les dépens de première instance et d'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile et qui comprendront les frais de référé expertise et d'expertise dont distraction au profit de Me Bruno Lanfry, avocat en application de l'article 699 du code de procédure civile.

 

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il condamne M. [C] aux dépens et au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

 

Il le sera également en ce qu'il a inclus le coût du constat d'huissier du 30 novembre 2012 à hauteur de 280,77 euros dans les dépens, ces frais devant être compris en réalité dans les frais irrépétibles.

 

En définitive, M. [C] ne formant pas de demande à leur égard, les consorts [I] seront condamnés à payer aux consorts [X]-[D] la somme de

5 280,77 euros en application de l'article 700 du code de procédure.

 

M. [C] demande la condamnation des consorts [X]-[D] sur ce fondement : ayant pris l'initiative de l'action au fond contre cet intimé, ces derniers seront tenus de lui payer la somme de 2 500 euros pour ses frais irrépétibles.    

 

PAR CES MOTIFS,

 

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

 

Dans les limites de l'appel formé,

 

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté M. [Y] [X] et Mme [B] [D] de leurs demandes dirigées à l'encontre de M. [W] [I], Mme [G] [P], son épouse, Mme [M] [T] épouse [I] quant aux postes de préjudice relatifs à l'installation électrique, aux travaux supplémentaires, à l'encontre de M. [Y] [C] quant au poste relatif à l'installation électrique,     

 

Et statuant à nouveau des chefs infirmés,

 

Condamne in solidum la Direction départementale des finances publiques de la Somme, en qualité de curateur à la succession vacante de M. [W] [I], Mme [G] [P], son épouse, Mme [M] [T] épouse [I] à payer à

M. [Y] [X] et Mme [B] [D] :

 

- la somme de 24 055,70 euros arrêtée à la date du 28 février 2015, indexée selon l'indice BT 01 du coût de la construction à cette date jusqu'au présent arrêt, puis majorée de la TVA au taux de 10 % en restitution partielle du prix de vente de l'immeuble,

 

- la somme de 33 600 euros au titre du préjudice de jouissance,

 

- la somme de 5 280,77 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

 

Condamne in solidum M. [Y] [X] et Mme [B] [D] à payer à

M. [Y] [C] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

 

Déboute les parties du surplus des demandes,

 

Condamne in solidum la Direction départementale des finances publiques de la Somme, en qualité de curateur à la succession vacante de M. [W] [I], Mme [G] [P], son épouse, Mme [M] [T] épouse [I] aux dépens qui comprendront les frais de référé expertise et d'expertise dont distraction au profit de Me Bruno Lanfry, avocat en application de l'article 699 du code de procédure civile.

 

Le greffier,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : 1ère ch. civile
Numéro d'arrêt : 18/02526
Date de la décision : 07/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-07;18.02526 ?
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