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07/07/2022 | FRANCE | N°19/04715

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 07 juillet 2022, 19/04715


N° RG 19/04715 - N° Portalis DBV2-V-B7D-ILHO





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE



ARRET DU 07 JUILLET 2022











DÉCISION DÉFÉRÉE :





Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE DIEPPE du 19 Novembre 2019





APPELANT :





Monsieur [Z] [R]

[Adresse 1]

[Localité 2]



représenté par Me François GARRAUD de la SCP GARRAUD-OGEL-LARIBI, avocat au barreau de DIEPPE substitué

e par Me Marie Pierre OGEL, avocat au barreau de DIEPPE







INTIMEE :





S.A.S. SDD DIEPPEDIS

Enseigne E. LECLERC

[Adresse 3]

[Localité 2]



représentée par Me Sophie LE MASNE DE CHERMONT, avocat au barreau de R...

N° RG 19/04715 - N° Portalis DBV2-V-B7D-ILHO

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 07 JUILLET 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE DIEPPE du 19 Novembre 2019

APPELANT :

Monsieur [Z] [R]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me François GARRAUD de la SCP GARRAUD-OGEL-LARIBI, avocat au barreau de DIEPPE substituée par Me Marie Pierre OGEL, avocat au barreau de DIEPPE

INTIMEE :

S.A.S. SDD DIEPPEDIS

Enseigne E. LECLERC

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Sophie LE MASNE DE CHERMONT, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Dominique SOULIER, avocat au barreau d'AMIENS

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 07 Juin 2022 sans opposition des parties devant Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère

Madame BERGERE, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme WERNER, Greffière

DEBATS :

A l'audience publique du 07 Juin 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 07 Juillet 2022

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 07 Juillet 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [Z] [R] a été engagé par la SAS SDD Dieppedis exploitant un supermarché E. Leclerc en qualité de responsable du rayon pâtisserie par contrat de travail à durée indéterminée du 21 mars 2005.

Les relations contractuelles des parties étaient soumises à la convention collective du commerce de gros et de détail à prédominance alimentaire.

Il a démissionné de son emploi par lettre du 13 juin 2017 à effet au 15 août suivant compte tenu du délai de préavis.

Par requête du 30 octobre 2017, M. [Z] [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Dieppe en paiement de rappels de salaire et d'indemnités.

Par jugement du 12 novembre 2019, le conseil a débouté M. [Z] [R] de sa demande de requalification de démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse, en conséquence, l'a débouté de sa demande de rappel d'indemnité de licenciement, l'a débouté de ses demandes de dommages et intérêts pour travail dissimulé, de dommages et intérêts pour violation des règles du repos hebdomadaire du dimanche, a condamné la SAS SDD Dieppedis à verser M. [Z] [R] les sommes suivantes :

rappel de paiement des astreintes : 1 200 euros,

rappel d'indemnisation pour les temps de travail pendant les astreintes : 456,23 euros,

dommages et intérêts pour violation des règles du repos hebdomadaire : 1 000 euros,

indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile : 300 euros,

-débouté M. [Z] [R] de ses autres demandes, débouté la SAS SDD Dieppedis de ses demandes reconventionnelles, condamné la SAS SDD Dieppedis au dépens de l' instance.

M. [Z] [R] a interjeté appel le 5 décembre 2019.

Par conclusions remises le 7 juillet 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, M. [Z] [R] demande à la cour de dire le présent appel recevable et bien fondé, confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société SDD Dieppedis à lui verser les sommes suivantes :

rappel d'amplitude d'astreinte : 1 200 euros,

rappel d'indemnisation pour les temps de travail pendant les astreintes : 456,23 euros,

dommages et intérêts pour violation des règles du repos hebdomadaire : 1 000 euros,

indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile : 300 euros,

-le réformer sur le surplus et condamner la société SDD Dieppedis à lui verser les sommes suivantes :

rappel d'heures supplémentaires : 20 315,29 euros,

dommages et intérêts pour travail dissimulé : 13 819,86 euros,

-dire que la démission sera requalifiée en prise d'acte de rupture et en licenciement sans cause réelle et sérieuse, par conséquent, condamner la société SDD Dieppedis à lui verser les sommes ci-après :

dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 13 819 86 euros,

rappel d'indemnité de licenciement : 6 451,40 euros,

indemnité par application de l'article 700 du code de procédure civile : 1 500 euros,

-débouter la société SDD Dieppedis de toutes ses demandes fins et conclusions.

Par conclusions remises le 5 novembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, la SAS SDD Dieppedis demande à la cour de dire M. [Z] [R] mal fondé en ses prétentions, l'en débouter intégralement, en conséquence, confirmer la décision en ce qu'elle a débouté M. [Z] [R] de ses demandes de rappel d'heures supplémentaires (39 250,33 euros ramenés en cause d'appel à 20 315,29 euros), de dommages et intérêts pour violation du repos du dimanche (1 000 euros), de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (13 819,86 euros), de rappel d'indemnité de licenciement (6 451,40 euros), de dommages et intérêts pour travail dissimulé (13 819,86 euros),

et l'infirmer en ce qu'elle l'a condamnée à verser M. [Z] [R] les sommes suivantes :

rappel de paiement des astreintes : 1 200 euros,

rappel d'indemnisation pour les temps de travail pendant les astreintes : 456,23 euros,

dommages et intérêts pour violation des règles du repos hebdomadaires : 1 000 euros,

indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile : 300 euros,

-en tout état de cause, condamner M. [Z] [R] à verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 19 mai 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes au titre de l'exécution du contrat de travail

I - rappel d'astreinte

M. [Z] [R] explique qu'il était régulièrement soumis à des permanences du samedi soir au lundi matin, lesquelles ont été mises en place par l'employeur sans respect des dispositions légales, et sans lui octroyer de contreparties, de sorte qu'il sollicite dans la limite de la prescription 100 euros par astreinte, soit 1 200 euros, mais aussi, le paiement des heures supplémentaires réalisées au cours des astreintes en ce qu'il a dû se déplacer sur site pour y rester une heure au moins deux fois par astreinte pour un montant de 456,23 euros, congés payés inclus.

La SAS SDD Dieppedis, qui soulève la prescription pour les demandes antérieures à novembre 2014, ne conteste pas l'existence des astreintes mais explique qu'elles étaient faites sur la base du volontariat auquel a souscrit M. [Z] [R] et qu'elles donnaient lieu à récupération sous forme de repos la semaine suivant le week-end d'astreinte ; elle s'oppose à la demande de rappel de salaire sur une base purement théorique, nombre de week-end ne donnant pas lieu à interventions, et d'autres faisant l'objet d'interventions informatisées à partir du domicile du salarié de permanence.

Pour la période antérieure au 10 août 2016, l'article L.3121-5 du code du travail prévoyait qu'une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise.

La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif.

L'article L.3121-7 du même code précisait que les astreintes sont mises en place par convention ou accord collectif de travail étendu ou par accord d'entreprise ou d'établissement, qui en fixe le mode d'organisation ainsi que la compensation financière ou sous forme de repos à laquelle elles donnent lieu. A défaut de conclusion d'une convention ou d'un accord, les conditions dans lesquelles les astreintes sont organisées et les compensations financières ou en repos auxquelles elles donnent lieu sont fixées par l'employeur après information et consultation du comité d'entreprise ou, en l'absence de comité d'entreprise, des délégués du personnel s'il en existe, et après information de l'inspecteur du travail.

L'article L.3121-9 du code du travail dans sa version applicable depuis le 10 août 2016 prévoit qu'une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise.

La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif.

La période d'astreinte fait l'objet d'une contrepartie, soit sous forme financière, soit sous forme de repos.

Les salariés concernés par des périodes d'astreinte sont informés de leur programmation individuelle dans un délai raisonnable.

Il s'en déduit que, quelque soit la période considérée, il convient de distinguer l'intervention effective au cours d'une période d'astreinte laquelle donne lieu à paiement du temps effectif de travail, de la période au cours de laquelle le salarié est tenu de rester à la disposition permanente de l'employeur afin d'être en mesure d'accomplir un travail au service de l'entreprise.

A l'appui de ses allégations, le salarié produit un document intitulé 'Permanence du samedi soir au lundi matin' fixant un tour de permanence sur lequel apparaît régulièrement son nom à raison d'un rythme de l'ordre de cinq à six semaines, ce qui s'analyse en un système d'astreinte pendant le temps de fermeture du magasin en fin de semaine, ce que d'ailleurs l'employeur ne conteste pas, et le fait que les salariés soient ainsi de permanence sur la base du volontariat est sans incidence sur les obligations de l'employeur à ce titre.

Alors qu'il incombe à l'employeur d'établir la réalité de la contrepartie accordée, laquelle n'a pas été contractuellement prévue, la SAS SDD Dieppedis est défaillante à démontrer que le salarié bénéficiait effectivement d'une récupération à la suite d'une astreinte, ce qui ne saurait résulter des seules attestations de MM. [I] [J] et [N] [G] qui indiquent qu'en compensation, une journée de récupération de leur choix leur était accordée.

Aussi, alors que la contrepartie d'une astreinte ne peut être assimilée à du temps effectif de travail dès lors que le salarié n'intervient pas effectivement au cours de son astreinte, et que lorsque la rémunération de l'astreinte n'est pas définie par des dispositions contractuelles ou conventionnelles, les juges de fond en apprécient souverainement le montant, la cour la fixe à 100 euros par astreinte.

Par conséquent, alors qu'en application de l'article L.3245-1 du code du travail, la prescription des créances salariales de trois ans s'applique aux créances exigibles antérieures à la saisine du conseil de prud'hommes, soit pour celles antérieures au 30 octobre 2014, au vu des documents établis par l'employeur et fixant le roulement des permanences, la cour confirme le jugement entrepris ayant alloué la somme de 1 200 euros en contrepartie de 12 périodes d'astreinte.

Si le salarié est fondé à solliciter la rémunération du temps effectif de travail réalisé au cours des astreintes, encore faut-il que conformément aux dispositions de l'article L.3171-4 du code du travail, il apporte des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Or, ses seules déclarations sur la base d'un forfait d'intervention qu'il estime avoir consacré à intervenir effectivement ne permet pas à l'employeur de répondre, de sorte que, par arrêt infirmatif, M. [Z] [R] est débouté de cette demande et des congés payés afférents.

II - violation du repos hebdomadaire

M. [Z] [R] sollicite la réparation du préjudice subi pour non respect du repos hebdomadaire les fins de semaine au cours desquelles il était d'astreinte.

La SAS SDD Dieppedis s'y oppose aux motifs que les astreintes ne se concrétisaient pas toujours par une intervention, de ce que le salarié d'astreinte bénéficiait d'une récupération la semaine suivante et que la convention collective applicable admet des dérogations au repos dominical.

Exception faite de la durée d'intervention, la période d'astreinte est prise en compte pour le calcul des durées minimales de repos quotidien et de repos hebdomadaire selon l'article L.3121-6 du code du travail applicable jusqu'au 10 août 2016, devenue L.3121-10 du code du travail à compter de cette date.

Aussi, dès lors que M. [Z] [R] est défaillant à apporter des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies pendant les astreintes afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments, il n'est pas justifié du non respect du repos hebdomadaire les semaines au cours desquelles M. [Z] [R] était d'astreinte.

Par conséquent, la cour infirme le jugement entrepris ayant accordé des dommages et intérêts à ce titre.

III - heures supplémentaires

Aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte des articles L. 3171-2 à L. 3171-4 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

M. [Z] [R] soutient qu'il travaillait habituellement de 5h00 à 12h00, voire 13h00 du lundi au jeudi et de 5h00 à 12h00 et de 14h00 à 17h00 les vendredi et samedi, soit au moins 48 heures par semaine, et 208 heures par mois alors qu'il était rémunéré sur la base de 171,85 heures.

A l'appui de ses allégations, il verse au débat les attestations de :

-Mme [D] [E] employée commerciale qui indique avoir souvent constaté que M. [Z] [R] faisait des heures en début de semaine tout en sachant qu'il faisait les ouvertures le matin à 5 heures et qu'il repartait souvent après 13h00, qu'il faisait les mêmes horaires le week-end et revenait l'après-midi,

-Mme [C] [A] qui expose que pendant les fêtes de Noël, ils travaillent du matin au soir avec une petite coupure le midi, que lorsqu'ils travaillent le matin et que la collègue de l'après-midi ne vient pas, ils sont obligés de rester jusqu'à ce que le responsable trouve une autre personne, qu'il ne trouve pas toujours,

-M. [B] [X] qui relate que lorsqu'il travaillait comme pâtissier avec M. [Z] [R] pour chef, il a constaté à plusieurs reprises que celui-ci restait travailler à l'issue de sa journée de travail, quittant son poste vers 16h00 voire plus tard alors qu'il avait commencé sa journée à 5h00,

-Mme [W] [S] hôtesse de caisse de 2008 à 2015,qui expose, qu'étant à temps partiel et travaillant le matin, elle voyait M. [Z] [R] partir sur le temps du midi et à plusieurs reprises, elle a vu M. [Z] [R] partir et revenir pour une courte pause à 13h30-14h00,

-Mme [O] [T] qui a travaillé comme responsable qualité et responsable de secteur de 2005 à 2015 évoque qu'il peut être reproché aux dirigeants des heures supplémentaires obligatoires sans indemnités financières ou repos,

-Mme [K] [H], salariée pendant 14 ans qui écrit que M. [Z] [R] comme elle a fait des heures supplémentaires non rémunérées sans jamais un mot gentil de la part du directeur pour les remercier.

Outre la prescription des demandes antérieures à novembre 2014 compte tenu de la saisine du conseil de prud'hommes le 30 octobre 2017, la SAS SDD Dieppedis critique le calcul opéré par le salarié sur des bases totalement artificielles puisqu'il soutient avoir travaillé 54 heures par semaine, alors que les horaires déclarées correspondent à 52 heures, mais aussi les attestations produites, pour certaines sujettes à caution, un salarié étant revenu sur ses déclarations, pour d'autres faisant observer que les salariés ayant des horaires de présence différents ne peuvent attester des horaires de travail du salarié, qu'en tout état de cause, les heures supplémentaires ne peuvent être accomplies qu'à la demande expresse de l'employeur et que l'organisation du rayon pâtisserie ne représentait pas une charge de travail telle que prétendue.

Alors que M. [Z] [R] était rémunéré chaque mois de 12,04 heures supplémentaires, de sorte qu'il n'est pas anormal que des salariés l'ai vu accomplir des heures supplémentaires, les attestations produites permettent d'établir qu'il débutait le matin à 5h00, mais pour le surplus, elles ne permettent pas de corroborer complètement les prétentions du salarié.

Néanmoins, dès lors qu'il indique précisément les heures de travail qu'il prétend avoir accompli chaque jour de la semaine, que l'attestation produite par l'employeur rédigée par M. [V] [U], qui explique avoir repris le poste du salarié après son départ avec un contrat de 36h75 et deux jours de repos hebdomadaire, après avoir néanmoins changé une bonne partie de l'organisation, admettant cependant qu'il peut lui arriver de faire 3 à 5 heures supplémentaires sur une semaine quand il y a absence d'un collègue ou au cours de certaines périodes de l'année (Pâques, Noël), il s'en déduit que l'accomplissement d'heures supplémentaires au-delà de celles habituellement rémunérées était rendu nécessaire par les tâches confiées au salarié et dès lors qu'elles ont été exécutées pour le compte de l'entreprise avec l'accord implicite de l'employeur.

Aussi, alors que l'employeur n'apporte aucun élément permettant de connaître la réalité des heures de travail accomplies par M. [Z] [R], et qu'il lui appartient d'assurer le contrôle des heures de travail effectuées, au vu des développements qui précèdent, la cour a la conviction que M. [Z] [R] a accompli des heures supplémentaires non rémunérées, mais dans des proportions moindres que sollicité.

Aussi, dans la limite de la prescription de l'article L.3245-1 du code du travail, le salarié étant irrecevable à solliciter des créances salariales devenues exigibles antérieurement au 30 octobre 2014, la cour lui alloue la somme de 2 004,48 euros et les congés payés afférents.

La cour infirme le jugement entrepris de ce chef.

IV - travail dissimulé

Il résulte de l'article L. 8221-5 du Code du travail qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur, soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche, soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Selon l'article L. 8223-1, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En l'espèce, dès lors que le salarié a été rémunéré d'heures supplémentaires tout au long de la relation contractuelle, que le contrat de travail disposait que compte tenu de la nature de ses fonctions et responsabilités, M. [Z] [R] ne subirait aucun contrôle horaire et serait libre d'organiser son travail, dans la limite horaire fixée, de ce qu'il n'a jamais évoqué l'accomplissement d'heures qui seraient restées non rémunérées avant sa démission, l'élément intentionnel du travail dissimulé fait défaut et la cour confirme le jugement entrepris ayant rejeté cette demande.

Sur les demandes au titre de la rupture du contrat de travail

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail.

Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de la démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte des circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'une démission.

Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.

M. [Z] [R] explique avoir mis un terme au contrat de travail en raison du non paiement des astreintes et de la totalité de ses heures supplémentaires, mais aussi compte tenu de conditions de travail extrêmement difficiles.

La SAS SDD Dieppedis s'oppose à la demande du salarié au titre de la rupture du contrat de travail, faisant valoir que sa rupture n'est que l'expression de la volonté du salarié qui avait un projet professionnel de longue date, qu'il a bénéficié d'une progression de carrière privilégiée avec encore des perspectives d'évolution, s'étonnant par ailleurs qu'alors qu'il avait la qualité de représentant du personnel, il ait tardé à invoquer les manquements qu'il lui impute si ce n'est pour alimenter sa demande de requalification de sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le salarié a adressé un premier écrit à son employeur daté du 13 juin 2017 l'informant de sa démission à effet du 15 août suivant compte tenu du délai de préavis, ne mentionnant aucune explication.

Le 30 juin suivant, il a adressé un nouvel écrit dans lequel il évoquait les heures de travail accomplies au-delà de celles rémunérées, l'absence de contrepartie aux astreintes et les pressions qu'il subissait, concluant que sa démission était en lien direct avec ses conditions anormales de travail.

Pour les motifs sus développés, les griefs tenant à l'absence de contrepartie aux astreintes et au non paiement de l'intégralité des heures supplémentaires sont établis.

S'agissant des pressions, M. [Z] [R] verse au débat des attestations de salariés qui en des termes peu circonstanciés indiquent que M. [Y] était en permanence en train de réprimander M. [Z] [R] (Mme [E]) ou que le salarié essuyait des mots forts de M. [Y] assez blessant (M. [M]) ou supportait ses sautes d'humeur (M. [X]), d'autres décrivent des faits dont ils ont été personnellement victimes et/ou décrivent en termes généraux un management dit harcelant marqué par du chantage, des menaces, des mesures de rétorsion, une attitude rabaissante de M. [Y] (Mme [F] qui a quitté l'entreprise en 2012, Mme [T] qui a quitté l'entreprise en 2015) ou évoquent une ambiance devenue insupportable (Mme [H]).

La généralité des propos et situations mentionnées ne permettent pas de retenir la pression dont M. [Z] [R] se dit victime, contredite par les termes mêmes de son entretien professionnel du 29 juin 2016 qu'il verse au débat dans lequel il n'évoque aucune difficulté particulière, répondant au contraire à la question de savoir comment il se sent dans le magasin par 'Très bien', étant précisé aussi que comme délégué du personnel, il n'a jamais fait remonter d'observations sur un éventuel management teinté de pressions.

En considération des manquements établis imputables à l'employeur, lesquels ont persévéré pendant toute la durée de la relation contractuelle sans que le salarié ne s'en livre auprès de son employeur avant de lui notifier sa démission, alors que par ailleurs, il est établi que depuis plusieurs mois, il accomplissait des démarches pour orienter son parcours professionnel vers l'enseignement dans un centre de formation dans le domaine de la pâtisserie, ils n'étaient pas d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail, puisque le salarié avait la possibilité de renoncer à faire des permanences dans les conditions irrégulières mises en oeuvre par l'employeur, ce qu'il n'a jamais fait et les heures supplémentaires non rémunérées ne portant finalement que sur quelques heures par mois en complément de celles réglées mensuellement par l'employeur dans un contexte où le salarié bénéficiait d'une autonomie d'organisation.

Aussi, la cour confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté le salarié de l'ensemble des demandes au titre de la rupture du contrat de travail.

Sur les dépens et frais irrépétibles

En qualité de partie partiellement succombante, la SAS SDD Dieppedis est condamnée aux entiers dépens, déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, et condamnée à payer à M. [Z] [R] la somme de 1 500 euros en cause d'appel, en sus de la somme allouée en première instance pour les frais générés par l'instance et non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement entrepris ayant accordé un rappel de salaire pour les temps de travail au cours des astreintes et des dommages et intérêts pour violation du repos, ayant rejeté la demande au titre des heures supplémentaires ;

Statuant à nouveau,

Déboute M. [Z] [R] de ses demandes de rappel de salaire pour les temps de travail au cours des astreintes, de dommages et intérêts pour violation du repos hebdomadaire ;

Condamne la SAS SDD Dieppedis à payer à M. [Z] [R] les sommes suivantes :

rappel de salaire au titre des heures supplémentaires : 2 004,48 euros

congés payés afférents : 200,44 euros

Le confirme en ses autres dispositions non contraires ;

Y ajoutant,

Condamne la SAS SDD Dieppedis à payer à M. [Z] [R] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel ;

Déboute la SAS SDD Dieppedis de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile en appel ;

Condamne la SAS SDD Dieppedis aux entiers dépens de première d'instance et d'appel.

La greffièreLa présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/04715
Date de la décision : 07/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-07;19.04715 ?
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