La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/07/2022 | FRANCE | N°19/04368

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 07 juillet 2022, 19/04368


N° RG 19/04368 - N° Portalis DBV2-V-B7D-IKSL





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE



ARRET DU 07 JUILLET 2022











DÉCISION DÉFÉRÉE :





Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE LOUVIERS du 09 Octobre 2019





APPELANTE :





Société SERIMATEC SN

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représentée par Me Anne-Laure COCONNIER de la SELARL VERDIER MOUCHABAC, avocat au barreau de l'EURE

substituée par Me Johann PHILIP, avocat au barreau de l'EURE









INTIME :





Monsieur [N] [I]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



représenté par Me Philippe DUBOS de la SCP DUBOS, avocat au barreau de ROUEN











...

N° RG 19/04368 - N° Portalis DBV2-V-B7D-IKSL

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 07 JUILLET 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE LOUVIERS du 09 Octobre 2019

APPELANTE :

Société SERIMATEC SN

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Anne-Laure COCONNIER de la SELARL VERDIER MOUCHABAC, avocat au barreau de l'EURE substituée par Me Johann PHILIP, avocat au barreau de l'EURE

INTIME :

Monsieur [N] [I]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Philippe DUBOS de la SCP DUBOS, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 08 Juin 2022 sans opposition des parties devant Madame BACHELET, Conseillère, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère

Madame BERGERE, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

M. GUYOT, Greffier

DEBATS :

A l'audience publique du 08 Juin 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 07 Juillet 2022

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 07 Juillet 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [N] [I] a été engagé en qualité de monteur régleur mécanique par la société Serimatec SN par le biais de trois missions d'intérim conclues du 1er février au 28 avril 2017, puis par contrat de travail à durée déterminée du 2 mai 2017, et, enfin, par contrat de travail à durée indéterminée du 1er octobre 2017.

Il a été licencié pour faute grave le 27 septembre 2018 dans les termes suivants :

'(...) Le lundi 9 juillet dernier, vous avez eu une altercation avec Mme [T], comptable de la société, suite à une demande de sa part de restituer un pantalon de travail que vous deviez tester.

Vous n'avez en effet cessé de vous plaindre de manière agressive auprès d'elle de la gestion des vêtements de travail alors même que cette question ne ressort nullement de ses attributions.

Le mercredi 11 juillet vous vous êtes de nouveau présenté furieux au bureau de Mme [T] afin de vous plaindre des notes de service récemment affichées au sein de la société, concernant notamment la consommation d'alcool au sein de la société et la présentation des notes de frais.

Vous entendiez ainsi contester de manière systématique tous les éléments contenus dans ces notes.

Or, vous vous êtes de nouveau montré agressif à l'encontre de Mme [T], et ce, de manière totalement inappropriée.

En effet, d'une part le ton utilisé à l'encontre de cette collaboratrice était totalement inacceptable et d'autre part, Mme [T] n'était en rien responsable des décisions prises par l'employeur par le biais de notes de service.

Dans ces conditions, vous avez été reçu dès le lendemain par M. [O], votre supérieur hiérarchique direct qui vous a demandé de ne plus venir importuner Mme [T] et de respecter les notes de service notamment celles concernant la consommation d'alcool sur le lien de travail.

Le mercredi 29 août, alors qu'une réunion d'information avec l'ensemble de l'équipe était organisée par la direction, lors de cette réunion ,vous vous êtes montré encore plus revendicatif. Devant l'absence d'adhésion de vos collègues de travail par rapport à vos revendications, vous avez tenu des propos de plus en plus déplacés jusqu'à finir par traiter vos propres collègues de 'cons'.

Vous êtes ensuite sorti en furie de la salle de réunion.

Enfin, quelques jours après cette réunion, nous avons été informés de nouveaux faits vous concernant et qui nous apparaissent déterminants dans la décision prise à votre encontre.

Ainsi, il apparaît que le 1er août, vous vous êtes rendu dans le bureau d'études mécanique où se trouvait votre collègue [V] [P], dessinateur, qui travaillait à son poste.

Le responsable du bureau d'étude, M. [J] et M. [O] étaient absents ce jour-là.

Vous avez alors commencé à jouer avec un paquet de coton 'demack up'de forme tubulaire posé sur le bureau car il s'agissait d'articles destinés à des clients.

Vous avez ensuite asséné des petits coups avec ce tube sur la tête de votre collègue qui vous a alors demandé d'arrêter car cela s'avérait pénible.

Vous n'avez pas cessé et votre collègue vous a de nouveau demandé d'arrêter en haussant le ton.

Vous avez également haussé le ton et des insultes ont été échangées avant que vous ne sortiez furieux du bureau en menaçant votre collègue.

Loin de vous arrêter là, vous avez entendu agresser de nouveau votre collègue qui sortait du bureau quelques minutes plus tard en lui bondissant dessus et en le menaçant physiquement.

Vous étiez au bord de l'agression physique, et vous avez demandé à votre collègue d'aller dehors pour régler cela physiquement, et ce n'est que grâce à l'intervention de deux autres salariés et le calme de M. [P] que vous vous êtes finalement calmé, et que l'agression physique n'a heureusement pas eu lieu.

Nous ne pouvons tolérer que de tels événements surviennent au sein de la société.

En effet, votre comportement met en danger la sécurité des autres salariés que nous nous devons de garantir en notre qualité d'employeur.

De surcroît, nous ne pouvons accepter que vous puissiez ainsi 'déraper' de manière répétitive et vous en prendre à vos différents collègues de travail vous rendant ainsi totalement incontrôlable et ingérable.

Nous considérons donc que l'ensemble de ces faits constitue une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans l'entreprise. (...)'

Par requête du 6 février 2019, M. [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Louviers en contestation du licenciement, ainsi qu'en paiement de rappels de salaire et indemnités.

Par jugement du 9 octobre 2019, le conseil de prud'hommes a :

- prononcé la requalification de la relation contractuelle entre M. [I] et en la société Serimatec SN en contrat à durée indéterminée à compter du 1er février 2017,

- dit que le licenciement de M. [I] ne reposait pas sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse,

- constaté qu'en infraction à l'article L. 1232-6 du code du travail, la société Serimatec SN avait licencié M. [I] le 9 octobre 2018 par lettre remise en mains propres,

- condamné la société Serimatec SN à verser à M. [I] les sommes suivantes :

indemnité de requalification : 2 675,71 euros,

indemnité de préavis : 5 351,42 euros,

congés payés sur préavis : 535,14 euros,

dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement : 2 675,71 euros,

indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile : 1 500 euros,

- condamné la société Serimatec SN aux intérêts de droit à compter de la réception par le défendeur de sa convocation à l'audience, soit le 18/02/2019, en ce qui concerne les créances salariales, et à compter de la date de mise à disposition du jugement en ce qui concerne les créances indemnitaires,

- débouté M. [I] de ses autres demandes,

- rappelé que le jugement sur la requalification est assorti de l'exécution provisoire de plein droit en toutes ses dispositions,

- ordonné la suppression de la mention relative à M. [O] et au terme psychopathe,

- débouté la société Serimatec SN de ses autres demandes et l'a condamnée aux entiers dépens.

La société Serimatec SN a interjeté appel de cette décision le 8 novembre 2019.

Par conclusions remises le 8 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, la société Serimatec SN demande à la cour de réformer partiellement le jugement, dire n'y avoir lieu à requalification des contrats précaires en contrat à durée indéterminée, dire qu'il n'existe aucune irrégularité de procédure, en conséquence, débouter M. [I] de ses demandes d'indemnité de requalification et d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, confirmer le jugement pour le surplus et condamner M. [I] à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions remises le 27 mars 2020, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, M. [I] demande à la cour de :

-confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la requalification des contrats précaires en un contrat de travail à durée indéterminée à effet au 1er février 2017 et lui a accordé en conséquence une indemnité de requalification,

- confirmer le jugement en ce qu'il a constaté le non-respect de la procédure de licenciement par l'employeur et lui a accordé en conséquence des dommages et intérêts,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Serimatec SN au paiement d'une indemnité de préavis et congés payés y afférents, ainsi que sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement en ce qu'il a estimé que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et condamner la société Serimatec SN à lui verser la somme de 5 351,71 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre une indemnité complémentaire au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 2 500 euros et les entiers dépens.

Par ordonnance du 28 avril 2022, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables, dans la limite du paragraphe intitulé 'III/ Sur le licenciement' qui s'étend de la page 8 à la page 12, les conclusions récapitulatives remises par l'appelante le 8 mars 2022.

L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 8 juin 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de requalification

M. [I] fait valoir que les motifs invoqués sont infondés et qu'en réalité, la société Serimatec SN était en fort développement, son chiffre d'affaires croissant chaque année, et qu'elle l'a d'ailleurs engagé en contrat à durée déterminée pour le soumettre à une période d'essai de huit mois avant de le recruter définitivement.

La société Serimatec SN explique être spécialisée dans l'automatisation et la robotisation et que toutes ses commandes sont spéciales et quasi-unitaires, sans garantie de renouvellement. Elle précise que depuis sa reprise en 2012, son chiffre d'affaires n'a cessé de progresser, avec une accélération de son activité en 2017 sans toutefois de garantie sur sa pérennité comme en témoigne la légère diminution du chiffre d'affaires en 2018.

Il résulte des articles L. 1242-1 et L. 1251-5 du code du travail, qu'un contrat à durée déterminée ou un contrat de mission, quel que soit leur motif, ne peuvent avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.

Par ailleurs, selon les articles L. 1242-2 et L. 1251-6, ils ne peuvent être conclus que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans des cas limitativement énumérés, dont fait partie l'accroissement temporaire d'activité.

En l'espèce, M. [I] a été mis à disposition de la société Serimatec SN du 1er au 28 février 2017, puis à nouveau du 1er au 31 mars 2017 pour accroissement temporaire d'activité lié à l'affaire GSK-5318, puis du 1er au 28 avril 2017 pour accroissement temporaire d'activité lié à de nouvelles commandes clients automobiles.

Il a ensuite été engagé du 2 mai au 30 septembre 2017 en qualité de monteur par contrat à durée déterminée pour accroissement temporaire d'activité lié à l'affaire GSK Evreux, pour être finalement engagé en contrat à durée indéterminée le 1er octobre 2017 en qualité de chef d'équipe.

En l'espèce, si la société Serimatec SN justifie de la passation d'une commande GSK-5318 en août 2016 avec une date de livraison prévue en juin 2017, ainsi que de la passation de commandes clients automobiles en 2017, ou encore de commandes GSK Evreux en cours au moment de la signature du contrat à durée déterminée, aucun des documents ne permet cependant de dire qu'il s'agissait d'un accroissement temporaire de l'activité puisqu'au contraire il apparaît que les commandes se succèdent les unes aux autres de juin 2016 à octobre 2018, sans que rien ne permette de retenir un pic d'activité temporaire, d'autant qu'il n'est fourni aucun élément sur l'activité antérieure à cette date et qu'il résulte au contraire des conclusions de la société qu'elle a connu une croissance permanente depuis sa reprise en 2012.

Ainsi, le recrutement de M. [I] est intervenu, non pour faire face à un accroissement temporaire d'activité justifié par des commandes supplémentaires, mais pour les besoins de l'exécution par l'employeur de son courant normal de commandes, sans que celui-ci puisse utilement invoqué que la croissance de la société n'était pas garantie du fait de commandes spéciales et quasi-unitaires dès lors qu'il ne saurait être recouru à des contrats précaires pour sécuriser le développement d'une entreprise en croissance continue, sans que la très légère baisse du chiffre d'affaires en 2018 ne remette en cause cette analyse.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement tant en ce qu'il a ordonné la requalification que sur le montant de l'indemnité de requalification à laquelle a été condamnée la société Serimatec SN.

Sur le licenciement

A titre liminaire, il doit être relevé que la société Serimatec SN ne remet pas en cause l'absence de faute grave, ni le montant alloué à M. [I] au titre de l'indemnité de préavis et des congés payés afférents.

Reprenant chacun des trois griefs qui lui sont reprochés, M. [I] fait valoir qu'à défaut d'organigramme dans la société Serimatec SN, il ne pouvait s'adresser qu'à la comptable, rédactrice des notes de service, pour s'en plaindre, étant relevé qu'il lui est reproché le ton qu'il aurait employé, ce qui est particulièrement subjectif. En ce qui concerne la réunion du 29 août, il rappelle la motivation du conseil de prud'hommes, à savoir 'que ses collègues s'étaient plaints des décisions de la direction, préalablement à la réunion, pour le laisser ensuite porter seul des revendications sans manifester leur soutien, ce qui avait eu pour effet de le décevoir au plus haut point', le terme 'con' destiné à ses seuls collègues n'ayant alors aucun caractère agressif ou insultant. Enfin, s'agissant de l'altercation de peu de gravité avec M. [P], il conteste qu'elle puisse justifier un licenciement alors qu'ils s'entendaient bien et que dès le lendemain, ils mangeaient ensemble le midi.

Conformément aux dispositions de l'article L.1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, laquelle implique qu'elle soit objective, établie et exacte et suffisamment pertinente pour justifier la rupture du contrat de travail.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et l'employeur qui l'invoque doit en rapporter la preuve.

A l'appui du licenciement, la société Serimatec SN produit l'attestation de Mme [T] qui confirme les termes repris dans la lettre de licenciement, à savoir qu'alors qu'elle demandait à M. [I] s'il se souvenait avoir restitué le pantalon qui lui avait été prêté pour un test, il s'était emporté en lui disant qu'il avait dû le mettre dans le sac et qu'il ne l'avait plus, puis qu'il s'était plaint de la dotation en vêtements, ce à quoi lui répondant que ça n'avait rien à voir et que ce n'était pas de sa responsabilité, il était parti très mécontent.

Elle indique encore que le même jour, ayant pris connaissance d'une note de service rappelant au personnel qu'il était interdit de consommer les boissons mises dans le réfrigérateur de la salle de pause ne leur appartenant pas, il était arrivé furieux, l'accusant de l'avoir dénoncé, lui disant sur un ton très fort et agressif que, dès lors que ces consommations étaient dans la salle de pause, il pouvait s'en servir.

Enfin, alors qu'ayant été reçu par son supérieur hiérarchique suite à cette altercation qui avait été entendue, il était revenu la voir, furieux, pendant la pause déjeuner, lui disant qu'il était persuadé que les notes de services étaient de son initiative.

La société Serimatec SN verse également aux débats l'attestation de plusieurs salariés qui, ayant assisté à une réunion d'information le 29 août 2017 relatives à des notes de service, font état de ce qu'en sortant de la salle de réunion, furieux, M. [I] les avaient insultés et traités de 'cons' car il n'était pas d'accord avec eux.

S'agissant de cette réunion, contrairement à ce qu'a retenu le conseil de prud'hommes, aucune pièce n'est versée aux débats permettant de corroborer le fait que ces insultes n'auraient été dirigées qu'à l'égard des collègues de M. [I], ni davantage qu'elles seraient en lien avec un volte-face de leur part à l'égard des décisions prises par la direction.

Enfin, M. [P] explique qu'il était en train de renseigner un collègue quand [N] [I] est arrivé pour lui demander également un renseignement, que s'impatientant, il a saisi un rouleau de 'demak-up' et lui en a mis un coup sur la tête pour rigoler, que, n'ayant pas apprécié, il lui a demandé d'arrêter sans qu'il obtempère, que le ton est donc monté avec des insultes de part et d'autre, que M. [I] est finalement sorti fâché du bureau, sans son renseignement.

Il indique que, pour lui, l'incident était clos mais que, quelques minutes plus tard, alors qu'il discutait travail avec un collègue dans un bureau avec baie vitrée, M. [I] est passé devant et leurs regards se sont croisés, que M. [I] a mal interprété ce regard et s'est emporté, voulant en venir aux mains, que deux collègues sont intervenus pour maîtriser [N] et le calmer.

Si, pour atténuer sa responsabilité, M. [I] produit l'attestation de M. [Z] qui explique avoir été témoin dans l'atelier mécanique à plusieurs reprises d'altercations verbales comprenant des injures et autres termes dits 'grossiers' sans que cela n'affecte ni le travail, ni l'ambiance, et celle de M. [B] qui indique qu'il existait une ambiance de camaraderie et de chamaillerie, sans tensions, il est en l'occurrence fait état de deux altercations dépassant la simple ambiance un peu abrupte pouvant exister au sein d'un atelier, et ce, d'autant plus qu'elles sont déclenchées par un chef d'équipe.

Par ailleurs, si Mme [D], ancienne comptable, explique n'avoir jamais eu de problèmes relationnels avec M. [I], cela ne permet cependant pas de remettre en cause l'attestation de Mme [T], laquelle est suffisamment précise pour retenir que M. [I] s'est adressé à elle sur un ton agressif, avec une insistance inadaptée, et ce, alors qu'elle se contentait de reproduire les directives qui lui étaient données.

A cet égard, M. [I] ne peut utilement faire valoir qu'à défaut d'organigramme il ne pouvait savoir qui était à l'origine des notes de service alors même que le bureau de son supérieur hiérarchique se trouvait dans les mêmes locaux et qu'il a insisté auprès de Mme [T] après avoir été reçu par son supérieur.

Pour autant, tenant compte notamment de l'attestation de M. [Z] qui fait état d'injures fréquentes au sein de l'atelier, d'ailleurs corroborée par l'attestation de M. [P] qui reconnaît que les injures ont été réciproques quand M. [I] l'agaçait avec le rouleau de démak-up, il convient de dire que le licenciement ne repose pas sur une faute grave.

Néanmoins, au regard de la multiplicité des débordements sur quelques semaines, malgré une rencontre avec son supérieur hiérarchique, et ce, alors que M. [I] était chef d'équipe et disposait d'une faible ancienneté, il a été justement retenu par le conseil de prud'hommes que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement sur ce point mais aussi sur le montant alloué au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, non remis en cause.

Sur le non-respect de la procédure

Si l'article L. 1232-6 du code du travail prévoit que la lettre de licenciement doit être envoyée par courrier recommandé avec avis de réception, il ne s'agit cependant pas d'une formalité substantielle mais d'un mode de preuve et il importe donc peu qu'en l'espèce, le courrier de licenciement ait été remis en mains propres à M. [I] le 9 octobre 2018 après un défaut d'adressage dès lors que la date de la remise est certaine.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement et de débouter M. [I] de cette demande.

Sur les dépens et frais irrépétibles

En qualité de partie succombante, il y a lieu de condamner la société Serimatec SN aux entiers dépens, y compris ceux de première instance, de la débouter de sa demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner à payer à M. [I] la somme de 1 500 euros sur ce même fondement, en plus de la somme allouée en première instance.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant contradictoirement,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a alloué une indemnité à M. [N] [I] au titre de l'irrégularité de la procédure ;

L'infirme de ce chef et statuant à nouveau,

Déboute M. [N] [I] de sa demande relative à l'indemnité pour irrégularité de procédure ;

Y ajoutant,

Condamne la SARL Serimatec SN à payer à M. [N] [I] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SARL Serimatec SN de sa demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SARL Serimatec SN aux entiers dépens.

La greffièreLa présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/04368
Date de la décision : 07/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-07;19.04368 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award