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07/07/2022 | FRANCE | N°19/04359

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 07 juillet 2022, 19/04359


N° RG 19/04359 - N° Portalis DBV2-V-B7D-IKR3





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE



ARRET DU 07 JUILLET 2022











DÉCISION DÉFÉRÉE :





Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DU HAVRE du 15 Octobre 2019





APPELANTE :





SAS CITYA LECOURTOIS

[Adresse 1]

[Localité 3]



représentée par Me Vincent MOSQUET de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de ROUEN substit

ué par Me Charles GEORGET, avocat au barreau de TOURS









INTIMEE :





Madame [O] [J]

[Adresse 2]

[Localité 3]



représentée par Me Valerie LEBON-KERGARAVAT, avocat au barreau du HAVRE























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N° RG 19/04359 - N° Portalis DBV2-V-B7D-IKR3

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 07 JUILLET 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DU HAVRE du 15 Octobre 2019

APPELANTE :

SAS CITYA LECOURTOIS

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Vincent MOSQUET de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Charles GEORGET, avocat au barreau de TOURS

INTIMEE :

Madame [O] [J]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Valerie LEBON-KERGARAVAT, avocat au barreau du HAVRE

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 18 Mai 2022 sans opposition des parties devant Madame POUGET, Conseillère, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur POUPET, Président

Madame ROGER-MINNE, Conseillère

Madame POUGET, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DUBUC, Greffière

DEBATS :

A l'audience publique du 18 Mai 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 07 Juillet 2022

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 07 Juillet 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Monsieur POUPET, Président et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [O] [J] a été embauchée par la société Citya Lecourtois (la société), le 11 février 2013 en qualité de gestionnaire gérance junior.

Par avenant du 1er juin 2018, elle a été promue gestionnaire de copropriété, statut cadre.

Par courrier remis en mains propres le 7 janvier 2019, elle a démissionné.

Le 9 janvier 2019, la société a maintenu l'obligation de non-concurrence prévue à l'article 13 du contrat de travail.

Par acte du 22 février 2019, Mme [J] a saisi le conseil de prud'hommes du Havre afin qu'il soit reconnu que la clause de non-concurrence était nulle et de nul effet.

Par jugement du 15 octobre 2019, la juridiction a :

-condamné la société à régler les sommes suivantes à Mme [J] :

10 000 euros de dommages et intérêts pour clause de non-concurrence abusive, les sommes versées à la salariée depuis son départ à titre d'indemnité de clause de non-concurrence venant en déduction du montant des dommages et intérêts,

1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-dit qu'il n'y avait pas lieu à exécution provisoire,

-débouté l'employeur de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

-condamné ce dernier aux dépens et frais d'exécution du jugement.

Par conclusions remises le 1er mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour un exposé détaillé de ses moyens, la société, qui a relevé appel du jugement, demande à la cour de :

-infirmer la décision attaquée en toutes ses dispositions,

-débouter Mme [J] de ses demandes,

-la condamner à lui payer une indemnité de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamner Mme [J] aux entiers dépens.

Elle fait grief au jugement d'avoir retenu que les fonctions de Mme [J] - la gestion de contrats mis en place par d'autres salariés - ne la plaçait pas dans un rôle où elle aurait pu capter la clientèle et ainsi considéré que la clause de non concurrence n'était pas nécessaire à la préservation de ses intérêts légitimes. Elle soutient à cet égard que Mme [J] était bien en contact avec la clientèle et particulièrement les membres du conseil syndical de chaque copropriété dont elle s'occupait ; que le marché de l'immobilier est très concurrentiel ; que sa renonciation au bénéfice de la clause de non-concurrence est un acte par nature individuel devant s'apprécier au cas par cas.

Elle soutient que l'avenant du 24 mai 2018 n'a pas modifié l'article 13 du contrat de travail relatif à la clause de non-concurrence qui a donc continué à s'appliquer et que la clause n'interdisait pas à Mme [J] de retrouver du travail dans le secteur de l'immobilier, en dehors d'une activité identique ou similaire.

Par conclusions remises le 19 janvier 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé de ses moyens, Mme [J] demande à la cour de :

-juger que la clause de non-concurrence insérée dans son contrat de travail est nulle et de nul effet,

-débouter la société de toutes ses demandes,

-la condamner à lui verser les sommes de :

'31 877,04 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi,

'2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner l'employeur aux entiers dépens,

-ordonner l'exécution provisoire.

Elle invoque l'illicéité de ladite clause au motif qu'elle ne remplirait pas les conditions de protection des intérêts légitimes de l'entreprise et de considération des spécificités de son emploi, nécessaires à sa validité.

Elle fait valoir en effet qu'elle ne pouvait détourner la clientèle, la décision de changement de syndic appartenant à l'assemblée générale des copropriétaires ; qu'elle était gestionnaire junior, de sorte qu'elle ne s'occupait que d'une clientèle restreinte, sous la responsabilité du principal de copropriété et que le risque concurrentiel était totalement dérisoire d'autant qu'elle avait peu d'ancienneté à ce poste. Elle fait également valoir que les clauses de non-concurrence étaient systématiquement levées, et que si la sienne ne l'a pas été, c'est uniquement en raison de ses mauvaises relations avec Mme [T], sa responsable de l'époque.

Elle rappelle par ailleurs que la clause de non-concurrence litigieuse a été insérée dans son contrat lorsqu'elle occupait le poste de gestionnaire gérance dont les missions sont très différentes de celles du poste occupé en dernier lieu, de sorte que la société aurait dû réintroduire une nouvelle clause afin de tenir compte des spécificités du nouvel emploi. Elle considère qu'en tout état de cause, la clause ne tenait pas davantage compte de la spécificité de son premier emploi, en raison de la généralité de sa rédaction ne précisant pas le poste occupé.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il résulte de l'avenant du 25 mai 2018 que seuls les articles 4 et 6 du contrat de travail du 11 février 2013, auquel il est fait référence dans l'avenant, ont été modifiés, ce dont il résulte que l'article 13 relatif à la clause de non-concurrence a été maintenu lors du changement d'emploi de la salariée.

1/ Sur la validité de la clause de non-concurrence

En application de l'article L. 1121-1 du code du travail, une clause de non-concurrence, qui porte atteinte au principe fondamental de la liberté du travail, n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de lui verser une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives.

Il est constant que les conditions de licéité de la clause de non- concurrence doivent être appréciées à la date de conclusion du contrat, de sorte que l'ancienneté du salarié dans le poste ne saurait être prise en compte pour en apprécier la validité. Il en est de même s'agissant de la levée ou non de l'obligation par l'employeur au moment de la rupture, en fonction de son appréciation du risque de concurrence, circonstance qui ne saurait préjuger de la validité de la clause au moment de sa conclusion.

En l'espèce, la clause de non-concurrence a été modifiée concernant le montant de la contrepartie financière, par avenant du 1er janvier 2016, pour être rédigée de la sorte :

' Compte tenu de la nature de ses fonctions, des informations confidentielles dont il dispose et du marché très concurrentiel sur lequel intervient le salarié, celui-ci s'engage, en cas de rupture du présent contrat, à l'issue de la période d'essai, pour quelques causes et époque que ce soit :

- à ne pas entrer au service d'une société concurrente ;

- à ne pas s'intéresser directement ou indirectement à une activité identique ou similaire à la sienne dans le secteur d'activité de l'employeur.

Cette interdiction est limitée :

- dans le temps, à une durée de deux ans à compter du départ du salarié ;

- géographiquement, aux départements de province ou aux arrondissements de [Localité 4]

sur lesquels le salarié sera amené à intervenir.

En contrepartie de cette obligation de non-concurrence, le salarié percevra pendant la durée de cette interdiction une indemnité brute mensuelle d'un montant correspondant à 25% du salaire brut de base, tel que défini au 1er alinéa de l'article 6 ci-avant. [...]'

Les parties ne contestent pas que la clause remplit les conditions tenant à la limitation dans le temps et dans l'espace de l'interdiction, ainsi qu'à la contrepartie financière.

Compte tenu de sa rédaction, il ne peut être tiré aucune conséquence de l'absence d'insertion d'une nouvelle clause lors du changement de fonction de la salariée dès lors que la rédaction issue de l'article 13 du contrat de travail pouvait s'appliquer tant au poste de gestionnaire gérance qu'à celui de gestionnaire de copropriété, étant observé que la clause est rédigée dans les mêmes termes pour des emplois de négociateurs immobiliers par exemple.

Mme [J] avait notamment pour mission, ainsi qu'elle l'indique, le démarchage de nouveaux clients de gérance dans son premier poste et si tel n'était pas le cas dans le second, elle avait des liens étroits avec les conseils syndicaux des copropriétés et le président de ce conseil dans chaque résidence. Compte tenu du secteur d'activité très concurrentiel et du caractère intuitu personae de la relation avec la clientèle, il était légitime pour l'employeur de protéger ses intérêts au moyen d'une clause de non- concurrence. Cette dernière tient compte en outre des spécificités des deux emplois occupés et détermine suffisamment l'activité interdite par la mention 'activité identique ou similaire'. Enfin, cette interdiction n'avait pas pour effet de priver la salariée de la possibilité de retrouver un travail dans le secteur immobilier, en dehors du champ d'application de la clause.

C'est en conséquence à tort que le conseil des prud'hommes a alloué à Mme [J] des dommages-intérêts pour clause de non-concurrence abusive.

2/ Sur les frais irrépétibles et les dépens

Sucombant à l'instance, Mme [J] est condamnée aux entiers dépens et déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile. Il n'est pas inéquitable au regard des situations respectives des parties de laisser à la charge de la société ses frais non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement ;

Statuant à nouveau :

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [J] aux dépens de première instance et d'appel.

La greffièreLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/04359
Date de la décision : 07/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-07;19.04359 ?
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