N° RG 20/00473 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IMWH
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 06 JUILLET 2022
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du tribunal de grande instance d'Evreux du 19 Décembre 2019
APPELANTE :
Madame [M] [P]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me Quentin ANDRE, avocat au barreau de l'EURE
INTIMEE :
CPAM DE L'EURE
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me Marie VERILHAC de la SELARL EDEN AVOCATS, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 25 Mai 2022 sans opposition des parties devant Madame ROGER-MINNE, Conseillère, magistrat chargé d'instruire l'affaire.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur POUPET, Président
Madame ROGER-MINNE, Conseillère
Madame POUGET, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
M. CABRELLI, Greffier
DEBATS :
A l'audience publique du 25 Mai 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 06 Juillet 2022
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 06 Juillet 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Monsieur POUPET, Président et par M. CABRELLI, Greffier.
* * *
A la suite d'un contrôle de facturation réalisé par la caisse primaire d'assurance-maladie de l'Eure (la caisse), Mme [M] [P], qui exerce la profession d'infirmière libérale, s'est vu notifier le 14 mars 2016 un indu de 2 379,66 euros pour des facturations établies du 1er avril au 30 juin 2015 et, le 7 février 2017, un indu de 30'085,83 euros au titre de soins réalisés sur la période du 26 août 2014 au 10 octobre 2016. Le 15 mai 2017 la caisse lui a notifié une pénalité financière de 11'500 euros.
Mme [P] a contesté ces décisions devant la commission de recours amiable de la caisse pour les indus puis devant le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evreux et directement devant ce même tribunal pour la pénalité.
Par jugement du 19 décembre 2019, la juridiction a :
- joint les trois affaires,
- débouté Mme [P] de ses contestations des indus,
- condamné celle-ci à payer à la caisse la somme totale de 32'415,42 euros,
- confirmé la pénalité financière sur ses seules dispositions relatives à la fraude et réduit son montant à la somme de 1 565 euros, au paiement de laquelle Mme [P] a été condamnée,
- condamné la requérante aux dépens nés après le 1er janvier 2019.
Mme [P], qui a relevé appel du jugement, demande à la cour, par conclusions remises le 19' mai 2022, soutenues à l'audience, de :
- annuler les décisions de la commission de recours amiable des 28 février 2019 et 18 mai 2017 rejetant ses recours,
- débouter la caisse de l'ensemble de ses demandes,
- à titre subsidiaire, réduire à la somme de 1 000 euros l'indu allégué au regard de la faute commise par la caisse,
- dans tous les cas condamner celle-ci à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions remises le 6 mai 2022, soutenues oralement à l'audience, la caisse demande à la cour de :
- confirmer le jugement,
- condamner Mme [P] à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé détaillé de leurs moyens.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Il résulte de la combinaison des articles L. 133-4 et L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale ainsi que 5 C de la première partie de la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP), annexée à l'arrêté du 27 mars 1972 modifié, que les actes de soins effectués par les infirmiers ne peuvent donner lieu à remboursement que dans les conditions fixées à cette nomenclature générale qui n'autorise le remboursement des actes effectués par un auxiliaire médical que s'ils ont fait l'objet d'une prescription médicale écrite, qualitative et quantitative.
La NGAP est d'application stricte.
En application de l'article R. 4312-29 du code de la santé publique, dans sa version applicable à l'époque des soins litigieux, l'infirmier ou l'infirmière applique et respecte la prescription médicale écrite, datée et signée par le médecin prescripteur, ainsi que les protocoles thérapeutiques de soins d'urgence que celui-ci a déterminés. Il doit lui demander un complément d'information chaque fois qu'il le juge utile, notamment s'il estime être insuffisamment éclairé.
Il en résulte que la prescription médicale, éventuellement complétée, doit être antérieure à la réalisation de l'acte ; que le droit à remboursement s'apprécie au moment de la réalisation de celui-ci et qu'il ne peut donc être tenu compte d'une rectification de la prescription a posteriori.
Sur l'indu de 2 379,66 euros :
Il concerne trois patients. L'indu relatif à Mme [V] n'a pas été contesté et a fait l'objet d'un paiement par Mme [P] à hauteur de 50,26 euros.
- facturation des soins dispensés entre le 24 mars et le 22 juin 2015 à Mme [D] :
La caisse a constaté lors de son contrôle que la prescription du 26 décembre 2014 ne précisait pas la durée des soins, ce qui est admis par Mme [P] dès lors qu'elle évoque une ordonnance rectificative qu'elle a fait parvenir à la caisse par courrier du 14 avril 2016, soit après le contrôle.
Eu égard de ce qui a été rappelé ci-dessus, la circonstance que le médecin ait apporté la précision sur la durée des soins postérieurement à sa prescription initiale, dans une ordonnance rectificative, est inopérante.
- facturation des soins dispensés entre le 24 mars et le 22 juin 2015 à M. [J] :
La caisse reproche l'existence d'une surcharge sur la prescription médicale, la date de prescription du 2 septembre 2014 ayant été transformée en 2 mars 2015.
Il n'est pas contesté que c'est la collègue de Mme [P], qui exerce au sein du même cabinet, qui est l'auteur de la surcharge mais lors de son entretien avec la caisse l'appelante a reconnu avoir utilisé cette prescription surchargée, de sorte qu'elle a bien bénéficié personnellement du paiement des actes par la caisse et ne peut valablement soutenir que l'indu a déjà été remboursé par sa collègue, ce dont elle ne justifie pas au demeurant. En outre, il est indifférent que le médecin ait établi, postérieurement, une nouvelle prescription pour régulariser celle qui avait été surchargée.
C'est dès lors à juste titre que le tribunal a considéré que l'indu était justifié.
Sur l'indu de 30 085,63 euros :
La caisse expose que l'extension de l'analyse sur la période du 10 au 16 mars 2015 et du 30 juin au 10 septembre 2015, concernant la prescription surchargée pour M. [J] a mis en évidence un complément de préjudice de 1 343,65 euros ainsi qu'une facturation abusive de majorations de nuit dans 94 % des situations, pour un préjudice de 28'741,98 euros.
Mme [P] soutient qu'il résulte des prescriptions qu'elle verse aux débats que le médecin avait expressément prescrit des soins de nuit qu'elle devait impérativement exécuter. Elle explique qu'il s'agissait d'injections d'insuline nécessitant le respect d'un intervalle de 12 heures entre chaque prise, soit une le matin et une le soir.
Aux termes de l'article 14 B les majorations pour actes effectués la nuit ou le dimanche ne peuvent être perçues pour les actes infirmiers répétés qu'autant que la prescription du médecin indique la nécessité impérieuse d'une exécution de nuit ou rigoureusement quotidienne.
Constituent des soins de nuit, les soins effectués entre 20 heures et 8 heures.
Lors de ses entretiens avec la caisse et dans le cadre de la procédure de sanction financière, Mme [P] a reconnu que le médecin n'avait pas mentionné que les soins devaient intervenir à 12 heures d'intervalle et a fourni des prescriptions antidatées par les médecins afin de justifier la facturation des majorations.
Ainsi, il est établi que les prescriptions initiales ne comportaient ni l'indication du caractère impérieux de la réalisation des soins durant les horaires de nuit, ni la mention de la nécessité de procéder à deux injections d'insuline par jour avec indication des horaires ou à 12 heures d'intervalle.
Les rectifications a posteriori, comme la circonstance qu'il s'agissant toujours des mêmes actes devant être réalisés à 12 heures d'intervalle, est dès lors indifférente et c'est à juste titre que le tribunal a validé l'indu.
Sur la demande de réduction du montant de l'indu :
Mme [P] invoque une faute de la caisse qui a procédé pendant plusieurs années au paiement de majorations pour actes pratiqués la nuit sans en contester la nécessité malgré le contrôle qui lui incombe en vertu de l'article L. 314-1 du code de la sécurité sociale.
Les actes de soins effectués par les infirmiers ne pouvant donner lieu à remboursement que dans les conditions fixées à la NGPA, l'absence de contrôle de la caisse préalablement au paiement de ces actes ne saurait constituer une faute engageant la responsabilité de la caisse et n'est pas de nature à exonérer ou à limiter la responsabilité de Mme [P].
Elle doit être en conséquence déboutée de sa demande.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Mme [P] qui perd son procès est condamnée aux dépens et déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile. Il est par ailleurs équitable qu'elle indemnise la caisse de ses frais.
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement ;
Y ajoutant :
Condamne Mme [P] à payer à la caisse une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute Mme [P] de ses demandes ;
La condamne aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT