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06/07/2022 | FRANCE | N°20/00233

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 06 juillet 2022, 20/00233


N° RG 20/00233 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IMHL





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE





ARRET DU 06 JUILLET 2022











DÉCISION DÉFÉRÉE :



Jugement du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE ROUEN du 10 Septembre 2019







APPELANTE :



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE [Localité 7] - [Localité 5] - [Localité 4]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représentée par Me Vincent BOURDO

N, avocat au barreau de ROUEN







INTIMEE :



Me [T] [W], mandataire judiciaire de la société CLINIQUE '[6]'

[Adresse 1]

[Adresse 1]



représenté par Me Marc ABSIRE de la SELARL DAMC, avocat au barreau de ROUEN su...

N° RG 20/00233 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IMHL

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 06 JUILLET 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE ROUEN du 10 Septembre 2019

APPELANTE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE [Localité 7] - [Localité 5] - [Localité 4]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Vincent BOURDON, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEE :

Me [T] [W], mandataire judiciaire de la société CLINIQUE '[6]'

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Marc ABSIRE de la SELARL DAMC, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Clémence BONUTTO-VALLOIS, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 25 Mai 2022 sans opposition des parties devant Madame ROGER-MINNE, Conseillère, magistrat chargé d'instruire l'affaire.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur POUPET, Président

Madame ROGER-MINNE, Conseillère

Madame POUGET, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

M. CABRELLI, Greffier

DEBATS :

A l'audience publique du 25 Mai 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 06 Juillet 2022

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 06 Juillet 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Monsieur POUPET, Président et par M. CABRELLI, Greffier.

* * *

EXPOSE DU LITIGE

Mme [Z] [B], qui exerçait la profession de sage-femme, a transmis à la caisse primaire d'assurance-maladie de [Localité 7] [Localité 5] [Localité 4] (la caisse) une déclaration établie le 25 janvier 2017 faisant état d'un accident du travail survenu le 22, évoquant un harcèlement moral, en joignant un certificat médical initial du 24 janvier faisant état de « douleur morale dépôt de plainte pour harcèlement moral ».

À l'issue de son instruction, la caisse a notifié le 2 juin 2017 à la société [3](la société), employeur de Mme [B], la prise en charge de cet accident au titre de la législation sur les risques professionnels.

La société a saisi la commission de recours amiable de la caisse d'un recours qui a été rejeté puis le tribunal des affaires de sécurité sociale de [Localité 7] qui, dans un jugement du 10 septembre 2019, a :

- déclaré la décision de prise en charge inopposable à la société,

- condamné la caisse à lui payer la somme de 700 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La caisse qui a relevé appel de cette décision demande à la cour, par conclusions remises le 5 mai 2022, soutenues oralement, de :

- infirmer le jugement,

- déclarer opposable à la société la prise en charge de l'accident du travail dont a été victime Mme [B].

Elle soutient qu'il existe un fait soudain ayant consisté en une agression verbale de la part de M. [N], médecin, attesté par un témoin, Mme [U], qui a été interrogée par son agent enquêteur. Elle reproche au tribunal d'avoir écarté son témoignage au motif que cette personne était revenue sur celui-ci en juillet 2017, soit après la fin de son instruction, alors que le délai d'instruction s'impose à toutes les parties qui ont l'obligation de lui transmettre les éléments qu'elles estiment nécessaires afin que ceux-ci soient soumis au contradictoire de la partie adverse. Elle souligne que le témoignage prétendument erroné de Mme [U] était particulièrement détaillé et coïncidait avec celui de Mme [B]. Elle en déduit que la nouvelle attestation du témoin n'a été effectuée que pour les besoins de la cause et qu'il y a donc lieu de l'écarter.

Elle fait valoir en outre que l'existence d'un harcèlement moral n'empêche pas la caractérisation d'un accident du travail lorsque survient un fait soudain et, qu'en tout état de cause, l'accident litigieux repose sur des faits de violence et non sur un harcèlement moral.

Par conclusions remises le 5 mai 2022, soutenues oralement, la société représentée par son liquidateur, M. [W], demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner la caisse à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que la cour d'appel de céans a infirmé un jugement du conseil de prud'hommes qui avait prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de la salariée, confirmant ainsi l'absence de tout harcèlement moral subi par la salariée. Elle fait observer que le motif invoqué par la salariée au soutien de sa déclaration d'accident du travail, à savoir un harcèlement moral est incompatible avec la survenance d'un événement soudain caractérisant l'accident du travail. Elle soutient par ailleurs que le syndrome anxiodépressif de Mme [B], qui a fait état d'un incident le 23 février 2016 dans son dossier prud'homal, n'est pas la conséquence d'un événement daté du 22 janvier 2017. Elle considère en second lieu que la preuve de l'événement invoqué n'est pas rapportée, Mme [U] n'ayant pas assisté à l'échange entre la salariée et M. [N] le 22 janvier 2017 ainsi qu'elle atteste alors qu'elle n'était plus sous lien de subordination.

MOTIFS DE LA DECISION :

Il résulte de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale que constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle ou psychologique, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci.

La preuve de la matérialité d'un accident survenu au temps et au lieu de travail ne peut résulter des seules allégations du salarié.

Mme [B] a déposé plainte contre M. [N] le 24 janvier 2017. Elle explique que le samedi, l'infirmière Mme [X] lui a tendu son téléphone en lui disant que M. [N] était furieux parce qu'elle n'avait pas répondu à son appel ; que celui-ci hurlait en l'accusant de le faire exprès pour faire fermer la clinique ; qu'il est ensuite venu dans l'établissement pour faire une échographie parce qu'elle n'avait pas voulu réaliser l'acte elle-même, en hurlant que c'était lui le chef et qu'il fallait faire ce qu'il disait, en avançant vers elle et en donnant un coup de pied dans un tabouret ; qu'il a fermé violemment les portes des salles d'accouchement et a voulu faire l'inspection des salles de naissance ; qu'en entendant les hurlements, Mme [U] est arrivée. Mme [B] explique avoir ensuite pris le tabouret pour le placer près de la fenêtre et avoir menacé le médecin de sauter s'il ne se calmait pas. Elle indique avoir terminé son service complètement chamboulée et précise qu'il existe des tensions régulières du fait de l'attitude du médecin.

Mme [B] a confirmé à l'agent enquêteur de la caisse le déroulement des faits du 22 janvier 2017 ajoutant que la posture du médecin était très menaçante et qu'il vociférait des propos dépourvus de sens pendant qu'il lançait les dossiers et tapait du poing sur la table. Mme [U] a été entendue par l'agent le 16 mai 2017, alors qu'elle était déjà retraitée. Elle lui a indiqué que le week-end des 21 et 22 janvier avait été très chargé en activité et que le médecin avait commencé à s'énerver parce que sa collègue n'avait pas répondu au téléphone. Elle a confirmé avoir entendu des cris vers 15 heures, être allée voir ce qui se passait et avoir vu le médecin en train de hurler sur sa collègue lui indiquant qu'elle n'était qu'une bonne à rien. Elle a précisé qu'il était à cran, lançait des dossiers en l'air et n'avait pas un discours professionnel, qu'il est ensuite reparti en claquant les portes, ajoutant que si effectivement le tabouret n'était pas à sa place, elle n'avait pas été témoin de la cause de ce déplacement. Elle a ensuite précisé qu'il arrivait ponctuellement au médecin de « péter les plombs comme cela » et qu'après cela passait vite, déclarant qu'elle avait également été en arrêt de maladie à la suite de cette altercation.

M. [N] a décrit les faits à l'agent enquêteur de la caisse comme une simple demande d'explication à l'absence de réponse au téléphone et au fait de ne pas avoir complété les dossiers le matin alors que l'activité avait été réduite, évoquant une relation ancienne et amicale entre lui et la salariée qui, selon lui, n'était pas toujours appréciée par ses collègues qu'elle prenait de haut et qui la jugeait instable émotionnellement. Selon le médecin, Mme [B] n'avait pas apprécié d'avoir été prise en faute devant ses collègues et aucun salarié n'avait été présent au moment de leur conversation qui n'avait duré qu'à peine cinq minutes.

Dans son questionnaire adressé à la caisse, l'employeur évoque également des difficultés avec le personnel en raison de l'instabilité émotionnelle de Mme [B]. S'agissant des faits précis du 22 janvier 2017, il indique qu'ils sont impossibles à décrire malgré une enquête auprès du personnel présent ce jour car il n'a rien vu ni entendu, de sorte qu'il ne dispose que des dires de la salariée.

La caisse était en conséquence informée, dès son instruction, d'une divergence entre la salariée et l'employeur au sujet de l'existence de témoins des faits. Les parties peuvent, dans le cadre de l'instance, apporter tout élément de preuve dont la valeur est appréciée par la cour.

Mme [U], dans une attestation du 7 juillet 2017, indique que les propos rapportés par la caisse lors de leur entretien téléphonique concernant les faits du 22 janvier sont erronés, précisant n'avoir jamais assisté à l'échange entre Mme [B] et M. [N], n'avoir jamais déclaré qu'il avait un comportement non professionnel et que les arrêts de travail qu'elle avait pris pendant l'exercice de ses fonctions étaient liés au comportement du médecin et ajoutant : 'j'ai uniquement constaté ce jour, lorsque je suis montée au 2e étage que Mme [B] était dans un état d'excitation mais nous avons l'habitude de ce type de comportement'.

Mme [X] atteste, quant à elle, que : 'S'agissant de la journée de travail du 22/01/17, j'atteste que je n'ai pas entendu d'altercation entre M. [N] et Mme [B].

Par ailleurs, Mme [B] indique que je me suis mise à pleurer suite à la conversation téléphonique avec M. [N]. J'étais effectivement en pleurs mais à cause de problèmes personnels et en aucun cas à cause de mon échange avec M. [N]'.

Ainsi, compte tenu de ces éléments et du fait qu'une 'douleur morale' ne constitue pas une lésion, alors au demeurant qu'il est mentionné un harcèlement moral, c'est à juste titre que le tribunal a considéré que la matérialité d'un accident du travail n'était pas établie et que sa prise en charge devait être déclarée inopposable à l'employeur.

La caisse qui succombe en son appel doit être condamnée aux dépens. Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la société ses frais non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement ;

Y ajoutant :

Déboute la société représentée par M. [W], ès qualités, de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la caisse aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/00233
Date de la décision : 06/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-06;20.00233 ?
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