N° RG 21/04456 - N° Portalis DBV2-V-B7F-I55P
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE DE LA PROXIMITE
ARRET DU 16 JUIN 2022
DÉCISION DÉFÉRÉE :
21/00616
Jugement du JUGE DE L'EXECUTION D'EVREUX du 09 Novembre 2021
APPELANTE :
S.A.S. VOYAGES AIGLONS V.A.
[Adresse 7]
[Localité 3]
représentée par Me Quentin ANDRE de la SCP BARON COSSE ANDRE, avocat au barreau de l'EURE, postulant
assistée par Me Gaël COLLET, avocat au barreau de RENNES, plaidant
INTIMEES :
TRESORERIE DE L'ITON
[Adresse 1]
[Localité 5]
représenté et assisté par Me Christine LEBEL de la SCP PICARD LEBEL QUEFFRINEC BEAUHAIRE MOREL, avocat au barreau de l'EURE
COMMUNAUTE DE COMMUNES INTERCO NORMANDIE SUD EURE
[Adresse 4]
[Localité 2]
représenté et assisté par Me Christine LEBEL de la SCP PICARD LEBEL QUEFFRINEC BEAUHAIRE MOREL, avocat au barreau de l'EURE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 31 Mars 2022 sans opposition des avocats devant Madame TILLIEZ, Conseillère, rapporteur.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame GOUARIN, Présidente
Madame TILLIEZ, Conseillère
Madame GERMAIN, Conseillère
GREFFIER :
Lors des débats et de la mise à disposition :
Madame DUPONT
DEBATS :
A l'audience publique du 31 Mars 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 02 Juin 2022, prorogé pour être rendue le 16 juin 2022.
ARRET :
Contradictoire
Prononcé publiquement le 16 Juin 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame GOUARIN, Présidente et par Madame DUPONT, Greffière.
*
* *
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Suivant acte d'engagement en date du 29 août 2007, le Département de l'Eure a confié l'exécution d'un marché de services de transports réguliers de voyageurs à la société Voyages Aiglons.
Aux termes de ce marché qui a été reconduit, suivant signature de plusieurs avenants jusqu'au 31 août 2018, la Communauté de Communes Interco Normandie Sud Eure était chargée de recevoir, de vérifier et de régler les factures que lui adressait la société Voyages Aiglons.
Un nouveau marché N°2018-281 de transports scolaires a ensuite été signé entre la Région Normandie et la société Voyages Aiglons.
Le 24 septembre 2020, le trésorier de l'lton a notifié une saisie administrative à tiers détenteur entre les mains de la Paierie Régionale de [Localité 6] à la société Voyages Aiglons pour la somme de 200 485,40 euros sur le fondement du titre 2059/18 du 30 août 2018, en remboursement de trop perçus, suite à des erreurs de facturation.
Parallèlement, le trésorier de l'lton a adressé, le même jour, à la société Voyages Aiglons, une mise en demeure valant commandement de payer la somme de 200 485,40 euros.
Par requête enregistrée le 23 octobre 2020, la société Voyages Aiglons a saisi le tribunal administratif de Rouen en contestation du bien fondé du titre exécutoire, tout en ayant adressé à la trésorerie de l'lton et à la Communauté de Communes Interco Normandie Sud Eure le recours administratif préalable obligatoire le même jour.
Par exploit d'huissier du 19 février 2021, la société Voyages Aiglons a assigné la Trésorerie de L'Iton et la Communauté de Communes Interco Normandie Sud devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Évreux, aux fins de voir prononcer la nullité de la mise en demeure du 23 septembre 2020 ainsi que la nullité de la saisie administrative à tiers détenteur de 200.485,40 euros pratiquée le 24 septembre 2020 et ordonner en conséquence la restitution des sommes saisies. A titre subsidiaire, elle a sollicité un sursis à statuer dans l'attente de la décision du tribunal administratif relative à la légalité du titre exécutoire ainsi qu'en tout état de cause, des frais de procédure.
Suivant jugement contradictoire en date du 09 novembre 2021, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Évreux a :
- déclaré irrecevable la demande subsidiaire de sursis à statuer formulée par la société Voyages Aiglons,
- rejeté la fin de non recevoir formulée par la Communauté de Communes Interco Normandie Sud,
- débouté les parties de l'ensemble de leurs demandes,
- condamné la société Voyages Aiglons aux dépens.
Par déclaration enregistrée au greffe le 22 novembre 2021, la société Voyages Aiglons a interjeté appel du jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Évreux.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 mars 2022.
EXPOSÉ DES DEMANDES DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions communiquées par RPVA le 1er mars 2022, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des motifs, la société Voyages Aiglons demande à la cour d'appel, au visa des article L. 281 du livre des procédures fiscals, L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, L. 262 du livre des procédures fiscales et L. 2192-10 et R. 2192-10 du code de la commande publique, de:
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable sa demande subsidiaire de sursis à statuer, l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée aux dépens,
A titre principal :
- prononcer la nullité de la mise en demeure de payer la somme de 200.485,40 euros en date du 23 septembre 2020 n°226968120012,
- prononcer la nullité de la saisie administrative à tiers détenteur de 200.485,40 euros sur les sommes détenues par la Paierie régionale de Normandie n°SATDS/68-1899/ Voyages Aiglons,
- ordonner la restitution des sommes de 200.485,40 euros déjà saisies,
A titre subsidiaire :
- si le juge de l'exécution considérait que les moyens soulevés ne suffisent pas pour qu'il soit prononcé la nullité de la mise en demeure de payer et de la saisie administrative à tiers détenteur, surseoir à statuer le temps que le tribunal administratif de Rouen statue sur la légalité du titre exécutoire,
En tout état de cause :
- débouter la Communauté de Communes Interco Normandie Sud et la Trésorerie de L'Iton de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- condamner solidairement la Communauté de Communes Interco Normandie Sud et la Trésorerie de L'Iton à lui verser une indemnité de 3.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens au titre de l'article 699 du même code.
Dans ses dernières conclusions communiquées par RPVA le 21 janvier 2022, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des motifs, la Communauté de Communes Interco Normandie Sud demande à la cour d'appel, au visa des articles 31 et 122 du code de procédure civile, de :
- confirmer le jugement du juge de l'exécution du 09 novembre 2021,
En conséquence :
- débouter la société Voyages Aiglons de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la société Voyages Aiglons à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Dans ses dernières conclusions communiquées par RPVA le 21 janvier 2022, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des motifs, le comptable de la Trésorerie de L'Iton demande à la cour d'appel, au visa des articles 31 et 122 du code de procédure civile, de :
- confirmer le jugement du juge de l'exécution du 09 novembre 2021,
En conséquence :
- débouter la société Voyages Aiglons de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la société Voyages Aiglons à lui payer la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
MOTIVATION
A titre liminaire, les dispositions relatives au rejet de la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la société Voyages Aiglons contre la Communauté de communes Interco Normandie Sud soulevée lors de la première instance par celle-ci, non critiquées en appel, doivent être confirmées.
I- Sur la recevabilité de la demande de sursis à statuer présentée à titre subsidiaire
Le premier juge a déclaré la demande de sursis à statuer présentée à titre subsidiaire irrecevable dès lors que constituant une exception de procédure, elle aurait dû être soulevée avant toute défense au fond.
Pour contester cette analyse, la société Voyages Aiglons reproche au premier juge de ne pas avoir tenu compte des circonstances particulières de l'affaire et de ne pas avoir statué au regard d'une bonne administration de la justice, alors que la Communauté de Communes Interco Normandie Sud l'a privée du bénéfice du caractère suspensif du recours en s'abstenant de lui notifier le titre exécutoire servant de base au recouvrement.
Il résulte de la combinaison des articles 73 et 74 du code de procédure civile que la demande de sursis à statuer est une exception de procédure qui doit être présentée, à peine d'irrecevabilité, avant toute défense au fond de son auteur.
L'appelante ne peut donc se prévaloir utilement de circonstances particulières de son affaire ni invoquer valablement l'intérêt d'une bonne administration de la justice, que la cour n'estime pas caractérisé en l'espèce, pour contester valablement cette irrecevabilité.
La décision du premier juge sera donc confirmée sur ce point.
II- Sur la demande de nullité de la mise en demeure et de la saisie administrative à tiers détenteur
A- Sur la compétence du juge de l'exécution
Aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, dans sa version applicable à l'espèce, les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites.
Lorsque les contestations portent sur le recouvrement de créances détenues par les établissements publics de l'Etat, par un de ses groupements d'intérêt public ou par les autorités publiques indépendantes, dotés d'un agent comptable, ces contestations sont adressées à l'ordonnateur de l'établissement public, du groupement d'intérêt public ou de l'autorité publique indépendante pour le compte duquel l'agent comptable a exercé ces poursuites.
Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter :
1° Sur la régularité en la forme de l'acte ;
2° A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée.
Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l'exécution. L'article L1617-5 du code général des collectivités territoriales y renvoie d'ailleurs.
Dans les cas prévus au 2°, ils sont portés :
a) Pour les créances fiscales, devant le juge de l'impôt prévu à l'article
L. 199 ;
b) Pour les créances non fiscales de l'Etat, des établissements publics de l'Etat, de ses groupements d'intérêt public et des autorités publiques indépendantes, dotés d'un agent comptable, devant le juge de droit commun selon la nature de la créance ;
c) Pour les créances non fiscales des collectivités territoriales, des établissements publics locaux et des établissements publics de santé, devant le juge de l'exécution.
La société Voyages Aiglons estime tout d'abord que le premier juge a commis une erreur de droit en limitant sa compétence aux contestations relatives à la régularité formelle des actes de poursuites alors qu'il était en réalité également compétent pour statuer sur les contestations relatives à l'obligation au paiement, au montant de la dette compte-tenu des paiements effectués et à l'exigibilité de la somme réclamée, précisant que les parties s'accordent sur la nature non fiscale de la créance litigieuse émanant d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public local.
Selon l'appelante, le premier juge aurait donc dû se prononcer sur les contestations relatives à l'absence d'envoi préalable des titres exécutoires et à l'absence de justification du titre exécutoire.
La Communauté de Communes Interco Normandie Sud et le comptable de la Trésorerie de l'Iton sollicitent au contraire la confirmation de la décision du premier juge qui s'est déclaré incompétent sur ces questions, estimant que le moyen relatif à la notification de la créance concernait l'exigibilité de celle-ci et donc son bien-fondé.
En l'espèce, il n'est pas contesté que la créance objet du litige est une créance de nature non fiscale émanant d'une collectivité territoriale, rendant le juge de l'exécution compétent tant sur l'examen de la régularité en la forme de l'acte de poursuite ou des conditions de sa notification (opposition à l'acte de poursuite) que pour statuer sur les contestations relatives au fond, c'est-à-dire celles portant sur l'existence de la créance, sur son montant ou sur son exigibilité, mais pas sur son bien-fondé, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge qui a considéré à tort que la créance était de nature fiscale.
La contestation portant sur l'absence d'envoi du titre exécutoire et l'absence d'envoi préalable d'une mise en demeure a trait, non à la régularité en la forme des actes de poursuite, mais à l'exigibilité de la somme réclamée, qui ressort donc de la compétence du juge judiciaire de l'exécution.
B- Sur l'absence d'envoi préalable et de justification du titre exécutoire
L'appelante affirme qu'elle n'a pas été destinataire du titre exécutoire en date du 30 août 2018, préalablement aux mesures de poursuites contestées, n'en ayant eu connaissance que le 18 novembre 2020, par l'intermédiaire de son conseil.
Elle conteste que les échanges entre les parties sur la créance contestée aient pu prouver sa connaissance du titre exécutoire et conteste également que les paiements partiels intervenus puissent valoir reconnaissance de dette ni accord sur un échéancier de paiement de la créance réclamée, qu'elle rejette dans son principe et son montant.
Au soutien de sa demande d'annulation de la mise en demeure et de la saisie administrative à tiers détenteur, la société Voyages Aiglons ajoute qu'elle n'a pas été destinataire d'une mise en demeure de payer avant la notification du premier acte d'exécution forcée, estimant que si la lettre du texte n'exige pas un tel envoi, les intimées s'étant fixées cette règle, se devaient de la mettre en oeuvre.
Elle précise que la Trésorerie, outre l'envoi d'une mise en demeure valant commandement de payer, s'était imposée à elle-même l'obligation d'envoi préalable d'une lettre de relance ainsi que le respect d'un délai de 30 jours entre la réception du commandement de payer et toute mesure d'exécution forcée; qu'elle a méconnu ses obligations en envoyant le commandement de payer le 23 septembre 2020 et la notification de saisie à tiers détenteur le lendemain, la société n'ayant réceptionné ces deux actes que le 28 septembre 2020.
Les intimés se prévalent en réponse d'un envoi par la Trésorerie de l'Iton d'une ampliation du titre de recettes exécutoire n°2059, émis le 30 août 2018 par la Communauté de communes, à la société Voyages Aiglons, en lettre simple, à sa seule adresse connue, ainsi que de l'envoi d'un courrier de relance le 04 septembre 2018, à la société débitrice, sous pli simple également.
En l'absence des sommes dues dans le cadre d'un recouvrement amiable, ils indiquent avoir d'une part, notifié une saisie administrative à tiers détenteur à la société Voyages Aiglons, datée du 24 septembre 2020, faisant référence au titre exécutoire du 30 août 2018 et visant au recouvrement de la somme de 240 485,40 euros, après déduction des acomptes versés à hauteur de 40 000 euros et d'autre part, avoir adressé à la société Voyages Aiglons dans le même pli une mise en demeure valant commandement de payer, se réservant la possibilité d'engager des mesures de poursuites engageant des frais, en cas d'échec de la saisie administrative à tiers détenteur.
Ils estiment que la société Voyages Aiglons ne conteste pas valablement l'absence préalable de notification du titre exécutoire, alors qu'un courrier recommandé daté du 15 novembre 2017 l'a informée d'un trop-perçu de
269 182,32 euros en lui adressant les tableaux de calcul pour vérification, qu'un accord a ensuite été trouvé pour imputer la somme de 40 000 euros par tranche de 10 000 euros entre janvier et juin 2019 sur les factures du nouveau marché, conduisant à une réduction de la créance due à hauteur de 200 485,40 euros et enfin, que des échanges de mails portaient sur les écarts de facturation relevés dans l'exécution du marché passé en 2007.
S'agissant de l'envoi d'une mise en demeure préalable à l'émission de l'avis de saisie administrative à tiers détenteur, celui-ci n'est requis qu'avant des poursuites devant donner lieu à des frais mis à la charge du redevable, ce qui n'est pas le cas de la saisie administrative à tiers détenteur. Ils indiquent que la mise en demeure envoyée le 23 septembre 2020 était indépendante de la saisie litigieuse, ne peut donc être annulée, la saisie ayant pu être mise en oeuvre sans mise en demeure et sans attendre l'expiration d'un délai de trente jours après notification d'une mise en demeure préalable.
Ils ajoutent que les mentions indiquées sur la mise en demeure permettent à la débitrice d'identifier la créance ainsi que le signataire et de contester la créance, eu égard aux indications afférentes aux voies et délais de recours.
Conformément aux dispositions de l'article L. 1617-5 code général des collectivités territoriales, les intimés étaient bien en droit d'adresser une ampliation du titre de recettes individuel à la société redevable, sous pli simple ou par voie électronique à l'adresse que le redevable de cette ampliation a lui-même fait connaître à la collectivité territoriale, à l'établissement public local ou au comptable public compétent, ce qui vaut notification de ladite ampliation.
Il ressort des pièces communiquées que par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 15 novembre 2017, bien reçue le 20 novembre 2017, Communauté de Communes Interco Normandie Sud Eure a effectivement adressé à sa débitrice pour vérification un tableau explicatif des factures erronées ayant entraîné un trop perçu de la part de la société Voyages Aiglons à hauteur de 269 182,32 euros entre 2014 et 2017, annonçant dans le même courrier l'émission d'un titre de recette exécutoire; qu'elle a émis un titre exécutoire le 30 août 2018 pour un montant de
240 485,40 euros et qu'une copie de ce titre était destinée au débiteur à son adresse (pièce 10), que les intimés justifient par la production de leur pièce n°10, tant de l'envoi de l'avis de somme à payer (correspondant à l'ampliation du titre de recette) le 04 septembre 2018 que d'une lettre de relance standard le 08 octobre 2018, peu important la forme utilisée.
La cour considère donc que la société Voyages Aiglons a bien reçu notification de l'ampliation du titre de recette.
En application de l'article 7° L1617-5 code général des collectivités territoriales, le comptable public compétent peut choisir la voie du recouvrement du titre rendu exécutoire par voie de saisie administrative à tiers détenteur dans les conditions prévues à l'article L. 262 du livre des procédures fiscales.
En outre, le comptable public compétent n'a l'obligation d'adresser au débiteur défaillant une mise en demeure de payer avant la notification du premier acte d'exécution forcée que si cet acte doit donner lieu à des frais, ce qui n'est pas le cas de l'acte de saisie administrative à tiers détenteur.
La mise en demeure valant commandement de payer est donc en l'espèce un acte indépendant de la saisie administrative à tiers détenteur, aucun délai d'envoi entre les deux actes n'étant imposé par les textes.
C- Sur l'absence de mention suffisante des voies et délais de recours
Le premier juge a estimé que l'absence d'indication des voies de recours et de leur délai à l'occasion de la notification de l'avis à tiers détenteur ne pouvait entraîner son annulation en l'absence de grief mais avait pour seul effet de laisser ouverte, le cas échéant, la contestation de l'avis devant la juridiction compétente et qu'en tout état de cause, l'avis à tiers détenteur du 30 avril 2019 indiquait bien les voies de recours ouvertes au débiteur ainsi que leur délai.
La société Voyages Aiglons reproche au premier juge son analyse, alors que l'article L 262 du livre des procédures fiscales prévoit que l'avis de saisie administrative à tiers détenteur est notifié au redevable et au tiers détenteur et que l'exemplaire qui est notifié au redevable comprend, sous peine de nullité, les délais et voies de recours. Elle précise qu'en l'espèce, l'avis ne reproduit que des extraits de codes et n'identifie pas la juridiction effectivement compétente.
En réponse, les intimés font valoir que les délais et voies de recours sont bien mentionnés au verso de l'avis de saisie administrative à tiers détenteur, qui prévoit la distinction de juridiction compétente et les textes concernés en cas de contestation du bien fondé de la créance ou de contestation sur la régularité d'un acte de poursuite.
En l'espèce, il convient de constater que si les dispositions de l'article
L 1617-5 du code général des collectivités territoriales sont bien reproduites dans l'avis daté du 24 septembre 2020, il n'en est pas de même de l'article L 281 du livre des procédures fiscales, alors que le premier article susvisé procède par renvoi à cet article et que la juridiction compétente n'est finalement désignée que dans l'article L 281, texte non reproduit dans l'avis de saisie administrative à tiers détenteur.
La cour ne peut donc considérer que la juridiction compétente peut être correctement identifiée par le redevable sur la base des seules informations reproduites dans l'avis litigieux.
En revanche, il y a également lieu de constater que la société Voyages Aiglons a néanmoins été en mesure de saisir utilement la juridiction compétente pour contester la saisie litigieuse dans les délais, à la fois devant la juridiction administrative en contestation du bien-fondé du titre exécutoire et devant le juge de l'exécution en contestation de la régularité formelle des actes de poursuites et de l'exigibilité de la somme réclamée.
Faute de justifier de son grief au sens de l'article 114 du code de procédure civile, l'appelante ne peut donc obtenir la nullité de l'avis de saisie administrative à tiers détenteur et par voie de conséquence la mainlevée de celle-ci.
D- Sur l'absence d'identification de la créance
Le premier juge a estimé que la créance, objet de la saisie, était bien identifiée, considérant que la notification de l'avis à tiers détenteur émis le 30 avril 2019 indiquait bien la référence de créance reprenant le numéro de marché public et que le courrier recommandé daté du 15 novembre 2017 et réceptionné par la débitrice le 20 novembre 2017, reprenait et expliquait les montants liés aux erreurs de facturation.
L'appelante critique cette analyse, estimant au contraire, qu'à la date d'émission et de réception de la mise en demeure de payer et de la saisie administrative litigieuses, les bases de liquidation de la créance, les factures, les montants concernés n'étaient pas précisés, que le titre exécutoire communiqué postérieurement, le courrier du 20 novembre 2017 et la pièce n°11 des intimés, inexploitable, ne permettaient pas plus d'identifier la créance due, alors que cette condition était requise malgré l'absence de formalisme particulier dans la procédure de saisie administrative à tiers détenteur.
Les intimés ont rappelé qu'au regard des négociations intervenues dès 2017, des acomptes versés après entente des parties et des échanges intervenus postérieurement, l'appelante ne pouvait qu'identifier la créance, alors qu'en outre, la mise en demeure de payer envoyée le même jour rappelait précisément son objet.
Il convient de constater liminairement que le premier juge a fondé son analyse de façon erronée sur l'avis émis le 30 avril 2019 alors que l'avis de saisie contestée en l'espèce date du 24 septembre 2020.
Il ressort effectivement du courrier en date du 17 novembre 2017, reçue par la débitrice la 20 novembre 2017 et comportant un tableau explicatif des factures erronées ayant entraîné un trop perçu de la part de la société Voyages Aiglons à hauteur de 269 182,32 euros entre 2014 et 2017, qu'il était demandé à la société débitrice de vérifier cette base de liquidation de la créance invoquée, que le titre exécutoire du 30 août 2018 ayant pris en compte les discussions des parties a été émis pour un montant de 240 485,40 euros, que la débitrice a accepté de rétrocéder 40 000 euros par tranches de 10 000 euros sur le nouveau marché de transport passé en 2018, ce qui laisse nécessairement entendre qu'elle s'estimait redevable d'un trop perçu, que sa dette a donc été réduite à la somme de 200 485,40 euros finalement réclamée sur le fondement du titre 2059/18 du 30 août 2018, tant dans le cadre d'une saisie administrative à tiers détenteur que dans le cadre de la mise en demeure valant commandement de payer.
En outre le contenu de la mise en demeure de payer adressée à la société Voyages Aiglons est explicite en ce qu'elle vise comme objet de la créance 'remboursement Marché SDRT 07 127-[Localité 5] de 2014 à 2017 - Erreur facturation' (pièce n°7 de l'appelante).
L'appelante ne peut donc valablement soutenir qu'elle ne pouvait pas identifier la créance réclamée.
E- Sur l'absence de fondement des poursuites
La société Voyages Aiglons estime que les actes de poursuite sont dépourvus de fondement dès lors que le titre exécutoire est entaché d'illégalité, celui-ci ne contenant pas les bases de liquidation et le bordereau de titre de recettes n'étant pas signé.
Elle ajoute que la communauté de communes disposait d'un délai de quinze jours pour contester les factures que lui a adressée la débitrice et qu'à défaut, les prestations ont été acceptées et réglées définitivement et qu'au surplus, elle a bien réalisé les prestations acquittées.
Elle conclut que l'obligation de paiement et l'exigibilité de la créance ne sont donc pas acquises.
Les intimés soulèvent en réponse l'incompétence du juge de l'exécution sur la remise en cause de la légalité externe et de la légalité interne du titre de recettes, faisant valoir que l'appelante conteste le bien fondé de la créance.
L'appelante invoque en effet faussement les moyens susvisés au titre de l'obligation de paiement et de l'exigibilité de la créance, alors que ceux-ci correspondent en réalité aux moyens exposés devant le juge administratif, que la débitrice a saisi en annulation du titre exécutoire (pièce 11 de l'appelante).
Or le juge de l'exécution n'étant pas compétent pour statuer sur le bien-fondé de la créance, tel qu'il est critiqué dans ces moyens, ceux-ci ne peuvent être examinés par la cour.
F- Sur la renonciation aux poursuites
La société Voyages Aiglons soutient que le 03 mai 2019, les intimés ont renoncé aux poursuites, procédant à l'époque à une mainlevée des actes de saisie émis, qu'ils ont donc admis que le titre n'était pas fondé et que les sommes réclamées ne sont donc plus exigibles.
Elle observe que cette renonciation aux poursuites n'a pas été contestée en première instance et ne l'est pas plus en appel.
Les intimés estime que ce débat relatif à l'abandon des poursuites résultant de la mainlevée de la saisie administrative à tiers détenteur du 29 avril 2019 effectuée par le créancier et notifiée sous le n°24376144312 relève de la compétence du juge administratif.
Il ressort effectivement des pièces communiquées qu'une saisie administrative à tiers détenteur a été pratiquée le 29 avril 2019, puis annulée par le créancier, invoquant une erreur; que la régularité de cette saisie n'est pas contestée dans la présente instance et qu'en tout état de cause, le juge de l'exécution n'est pas compétent pour statuer sur un titre de recettes émis puis annulé.
La cour ne peut donc tirer aucune conséquence juridique de la mainlevée du titre émis le 29 avril 2019 sur la régularité des actes de poursuites postérieurs critiqués.
G- Sur les sommes appréhendées
La société Voyages Aiglons conteste le montant des sommes appréhendées.
Elle fait valoir en premier lieu que le paiement de cinq factures a été retenu les 24 et 28 Août 2020 alors que l'avis de saisie n'avait pas encore été émis, donnant à celui-ci une portée rétroactive, entachant la saisie d'irrégularité.
Elle souligne ensuite qu'à compter du 23 octobre 2020, date de saisine du tribunal administratif, l'effet exécutoire du titre était suspendu, qu'aucune somme devenue exigible postérieurement à l'introduction du recours ne pouvait plus être saisie et que la trésorerie ne démontre pas que les six factures émises le 12 octobre 2020, dont le délai de paiement n'expirait que le 11 novembre 2020, ont été saisies antérieurement au 23 octobre 2020.
Les intimés répondent que le marché signé est un marché à exécution successive, exécuté au fur et à mesure de l'émission de bons de commande qui sont annuels, le montant annuel du marché étant connu et fixé dès l'établissement du premier bon de commande, que la saisie a été pratiquée entre les mains de la Paierie régionale de Rouen, débitrice à l'égard de la société Voyages Aiglons du règlement des prestations réalisées par celle-ci dans le cadre du nouveau marché N°2018-281, que les sommes dues ont été valablement saisies, la saisie ayant emporté attribution immédiate de l'intégralité de la créance à recouvrer, y compris des versements non encore échus.
Eu égard aux éléments communiqués par les parties, le premier juge a exactement relevé que la créance réclamée était une créance à exécution successive et que seule l'exigibilité des sommes dues était échelonnée dans le temps.
La saisie a emporté transfert immédiat des sommes dues et non encore payées à la date de notification de la saisie mais également des sommes exigibles ultérieurement à la notification de la saisie, au fur et à mesure des échéances, jusqu'à la suspension de droit de l'effet exécutoire du titre le 23 octobre 2020, date de la saisine du tribunal administratif.
Or, la cour constate que la saisie a été notifiée au redevable le 24 septembre 2020, emportant l'attribution immédiate de l'intégralité des sommes dues, y compris celles non encore exigibles issues de factures mises à dispositions sur le portail Chorus le 12 octobre 2020, date antérieure à la saisine du tribunal administratif.
Il résulte d'ailleurs de la pièce n°15 communiquée par la société Voyages Aiglons que le comptable de la Trésorerie de l'Iton a notifié une mainlevée d'opposition à tiers détenteur, à la Paierie régionale de Normandie, pour les mandats émis postérieurement au 23 octobre 2020, date de la réclamation portée devant le tribunal administratif.
La saisie n'est donc entachée d'aucune irrégularité du chef des sommes appréhendées, qu'il n'y a donc pas lieu de restituer.
III- Sur la demande de sursis à statuer
La société Voyages Aiglons réitère sa demande subsidiaire de sursis à statuer en appel, dans l'attente de la décision du juge administratif, saisi aux fins de statuer sur la légalité du titre exécutoire.
Les intimés s'y opposent.
Il convient de considérer la demande irrecevable dès lors que l'exception de sursis à statuer n'a pas été soulevée avant toute défense au fond et qu'en outre, la cour n'estime pas de l'intérêt d'une bonne administration de la justice de prononcer d'office un tel sursis.
IV- Sur les demandes accessoires
La société Voyages Aiglons succombant en ses demandes sera condamnée aux dépens d'appel.
Elle sera en outre condamnée à verser à la Communauté de Communes Interco Normandie Sud et au comptable de la Trésorerie de l'Iton, chacun, la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et sera déboutée de sa demande présentée à ce titre.
Les dispositions relatives aux dépens de première instance seront confirmées.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Statuant publiquement, contradictoirement et par arrêt mis à disposition au greffe,
Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions,
Condamne la société Voyages Aiglons aux dépens d'appel,
Condamne la société Voyages Aiglons à verser à la Communauté de Communes Interco Normandie Sud Eure et au comptable de la Trésorerie de l'Iton, chacun, la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa demande présentée à ce titre.
La greffièreLa présidente
C. DupontE. Gouarin
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