N° RG 19/03316 - N° Portalis DBV2-V-B7D-IINJ
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 18 MAI 2022
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE ROUEN du 21 Mai 2019
APPELANTS :
Madame [U] [H]
[Adresse 5]
[Localité 3]
représentée par Me Eric MALEXIEUX, avocat au barreau de ROUEN
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/12393 du 20/01/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Rouen)
Monsieur [V] [C]
[Adresse 1]
[Localité 4]
non comparant
INTIMEE :
CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Marc ABSIRE, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Esthel MARTIN, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 06 Avril 2022 sans opposition des parties devant Monsieur POUPET, Président, magistrat chargé d'instruire l'affaire.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur POUPET, Président
Madame ROGER-MINNE, Conseillère
Madame POUGET, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Patrick Cabrelli
DEBATS :
A l'audience publique du 06 Avril 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 18 Mai 2022
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 18 Mai 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Monsieur POUPET, Président et par M. CABRELLI, Greffier.
* * *
EXPOSE DES FAITS
Mme [U] [H] a toujours déclaré à la caisse d'allocations familiales de [Localité 3] qu'elle vivait seule, situation prise en compte pour la détermination de ses allocations.
A l'issue de deux contrôles réalisés au cours des années 2014 et 2015, la caisse a conclu à l'existence d'une vie maritale de celle-ci avec M. [V] [C] depuis le 1er mai 2013 et leur a notifié divers indus qu'ils ont contestés devant la commission de recours amiable de cet organisme puis devant le pôle social du tribunal de grande instance de Rouen.
Par jugement du 21 mai 2019, le tribunal :
- les a déboutés de l'ensemble de leurs demandes,
- a confirmé la décision de la commission de recours amiable du 26 septembre 2017,
- a condamné Mme [H] au remboursement à la caisse des sommes de :
*6 529,81 euros au titre de l'indu d'allocation logement à caractère social,
*2 514,48 euros au titre de l'indu de la majoration pour vie autonome.
Mme [H] et M. [C] ont relevé appel de ce jugement le 13 août 2019.
Par des conclusions soutenues oralement lors de l'audience par son conseil, Mme [H] demande à la cour :
- d'infirmer le jugement,
- d'annuler la décision de la commission de recours amiable du 12 septembre 2017 et celle du directeur de la CAF du 26 janvier 2017 «'pour défaut de motivation, méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure et de la portée du droit de communication dont bénéficie la CAF'»,
- en tout état de cause, de débouter la CAF de ses demandes de remboursement d'indu,
- de condamner celle-ci à lui payer 960 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.
M. [C] n'a pas comparu.
La caisse, par conclusions remises le 4 janvier 2022 et soutenues oralement lors de l'audience, demande la confirmation du jugement et la condamnation de Mme [H] à lui payer 2000 euros sur le fondement de l'article 700 précité ainsi qu'aux dépens.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la procédure de contrôle
Mme [H], pour prétendre à l'annulation de la décision de récupération d'indu prise par la CAF, fait valoir en premier lieu, au visa des articles L 211-2 et suivants du code des relations entre le public et l'administration, que cette décision n'est pas motivée.
La caisse conclut au caractère inopérant de ce moyen en soutenant que la décision contre laquelle la juridiction est saisie d'un recours est la décision de la commission de recours amiable qui, elle, est motivée.
En réalité, Mme [H] demande expressément à la cour d'annuler non seulement la décision de la C.R.A. mais aussi la décision du directeur de la CAF du 26 janvier 2017.
Quoi qu'il en soit, si la juridiction du contentieux de la sécurité sociale n'est valablement saisie qu'après rejet explicite ou implicite de la réclamation préalable prévue par l'article R 142-1 du code de la sécurité sociale, il lui appartient de se prononcer sur le fond du litige - donc, en l'espèce, sur le bien fondé de la décision initiale de la caisse - et les moyens soulevés devant elle et tirés d'une irrégularité de l'une et/ou de l'autre de ces décisions sont inopérants.
Mme [H] soutient par ailleurs, au visa de l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, qu'elle n'a pas bénéficié avant la décision contestée d'une communication des constatations faites pendant le contrôle lui permettant de présenter ses observations, de sorte que la procédure de contrôle n'a pas été contradictoire et, au visa de la circulaire n° DSS/2011/323 du 21 juillet 2011, qu'il n'est pas justifié de ce que la CAF a exercé régulièrement son droit de communication.
Toutefois, d'une part, la décision contestée est la décision du directeur de la CAF du 26 janvier 2017, or il est établi que le rapport de contrôle, exposant les conclusions du contrôleur ainsi que les constats sur lesquels il s'est fondé, a été adressé à Mme [H] le 3 octobre 2016, de sorte qu'elle a été en mesure de présenter ses observations, étant précisé que les annexes à ce rapport sont versées aux débats et que l'appelante n'en critique pas l'authenticité ni la véracité ; d'autre part, Mme [H] ne justifie pas de l'opposabilité de la circulaire susvisée à la date du contrôle et, de surcroît, ne précise pas ni, a fortiori, ne démontre en quoi la communication de tout ou partie des pièces, figurant parmi les annexes susvisées, que le contrôleur a obtenues d'établissements bancaires et d'organismes divers en vertu des articles L'114-19 et suivants du code de la sécurité sociale, serait irrégulière.
C'est donc à bon droit que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de contrôle.
Sur l'indu
La caisse verse aux débats un formulaire de demande de prestations par lequel Mme [H] déclarait le 10 mai 2013 vivre en couple sans être mariée et expliquait que son compagnon, avec qui elle était depuis plus de sept ans, devait l'accompagner dans son quotidien et qu'elle était dépendante de lui.
Elle précisait certes, par une note jointe à ce document, que son logement était trop petit pour l'héberger, qu'il venait pratiquement tous les jours, si ce n'est tous les jours, mais logeait chez elle uniquement pendant des états de crise ou quand elle avait des malaises à répétition.
Elle déclare que M. [C], après avoir été expulsé de son logement, a été hébergé par Mme [B] [F] puis, à partir de 2013, par M. [O] [P] et, depuis 2015, par sa tante, Mme [R] [G].
Toutefois, le contrôleur de la CAF a noté que M. [C] était présent au domicile de Mme [H] à chacune de ses visites, y compris une visite à l'improviste. Il n'est pas contesté que de 2011 à 2015, il disposait d'une domiciliation administrative, à la Croix-Rouge puis au CCAS de [Localité 3], qu'il utilisait dans ses rapports avec certains organismes mais qu'il se domiciliait à l'adresse de Mme [H] vis-à-vis de sa banque, de la MDPH, du service des prestations et aides sociales du Conseil départemental et que cette adresse figurait aussi sur sa carte d'étudiant et sur sa demande de renouvellement de son titre de séjour en 2013, ce qui, relève la CAF, supposait une attestation d'hébergement établie par Mme [H].
Cette dernière verse aux débats un document du 30 juillet 2012 par lequel Mme [B] [F] certifie sur l'honneur héberger M. [C] à titre gratuit mais elle cite intégralement dans ses conclusions une autre attestation, non produite, du 12 septembre 2016 par laquelle Mme [F] attestait avoir hébergé M. [C], entre 2011 et 2013, «'de façon sporadique'». M.'[O] [P] atteste pour sa part l'avoir hébergé «'épisodiquement'» de 2013 à 2015. Ces attestations ne permettent donc pas d'exclure une résidence habituelle chez Mme [H] dont la présomption résulte des éléments précités. Enfin, l'attestation par laquelle Mme [R] [G] atteste héberger M.'[C] depuis septembre 2015 ne couvre que la période postérieure à cette date et n'a qu'une force probante limitée dès lors que Mme [G] est la tante de M.'[C] et que la caisse démontre qu'elle a également fait l'objet d'un contrôle ayant abouti à une suspicion de fraude portant sur sa situation déclarée d'isolement et qu'elle ne dispose que d'un appartement de 67 m² pour elle-même et ses quatre enfants (outre son conjoint ou compagnon selon la CAF).
L'ensemble de ces éléments factuels rapprochés de la relation affective ancienne existant entre Mme [H] et M. [C], qu'elle présente comme son fiancé ou son compagnon, et de la dépendance dans laquelle elle déclare se trouver vis-à-vis de celui-ci pour divers aspects de son quotidien permettent de conclure, comme l'a fait la CAF, à une communauté de vie.
Le principe et le montant de l'indu résultant de cette situation, une fois celle-ci acquise, ne sont pas discutés. Il y a donc lieu de confirmer le jugement.
Mme [H], partie perdante, doit être condamnée aux dépens. L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
confirme le jugement entrepris,
déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
condamne Mme [U] [H] aux dépens.
Le Greffier Le Président