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11/05/2022 | FRANCE | N°20/02161

France | France, Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 11 mai 2022, 20/02161


N° RG 20/02161 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IQEK





COUR D'APPEL DE ROUEN



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 11 MAI 2022









DÉCISION DÉFÉRÉE :



11-16-0025

Tribunal d'instance de Rouen du 23 septembre 2019





APPELANTS :



Monsieur [T] [Y]

en son nom personnel et ès qualités de représentant légal de son fils [K] [Y]

né le 08 octobre 1977 à Yvetôt

108 allée du hérisson, Les jardins de Laetitia

76520 BOOS



reprÃ

©senté et assisté par Me Isabelle LEMONNIER, avocat au barreau de Rouen





Madame [L] [U] épouse [Y]

née le 15 septembre 1981 à Mont Saint Aignan

108 allée du hérisson, Les jardins de Laetitia

76520 BOOS



représe...

N° RG 20/02161 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IQEK

COUR D'APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 11 MAI 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

11-16-0025

Tribunal d'instance de Rouen du 23 septembre 2019

APPELANTS :

Monsieur [T] [Y]

en son nom personnel et ès qualités de représentant légal de son fils [K] [Y]

né le 08 octobre 1977 à Yvetôt

108 allée du hérisson, Les jardins de Laetitia

76520 BOOS

représenté et assisté par Me Isabelle LEMONNIER, avocat au barreau de Rouen

Madame [L] [U] épouse [Y]

née le 15 septembre 1981 à Mont Saint Aignan

108 allée du hérisson, Les jardins de Laetitia

76520 BOOS

représentée et assistée par Me Isabelle LEMONNIER, avocat au barreau de Rouen

INTIME :

Monsieur [Z] [F]

né le 13 février 1946 à Saint Léger du Bourg Denis

36 rue de l'Eglise

27110 LE TREMBLAY OMONVILLE

représenté par Me Claude RODRIGUEZ, avocat au barreau de Rouen substitué par Me Florence MALBESIN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 28 février 2022 sans opposition des avocats devant Mme Magali DEGUETTE, conseillère, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre,

M. Jean-François MELLET, conseiller,

Mme Magali DEGUETTE, conseillère,

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Catherine CHEVALIER,

DEBATS :

A l'audience publique du 28 février 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 11 mai 2022.

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 11 mai 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier.

*

* *

Suivant acte dressé le 19 mars 2012 par Me [J] [M], notaire à Rouen, M. [Z] [F] a donné à bail à M. [T] [Y] et à Mme [L] [U] épouse [Y] une maison d'habitation située 15 rue Brebion, 76 160 Saint-Léger-du-Bourg-Denis.

Alléguant avoir été victimes d'une intoxication au monoxyde de carbone le 1er avril 2014, M.[T] [Y] et Mme [L] [U] épouse [Y] ont fait assigner leur bailleur et la Caisse primaire d'assurance maladie de Rouen devant le tribunal d'instance de Rouen par actes d'huissier de justice des 21 et 25 octobre 2016. Ils ont demandé l'indemnisation de leur préjudice à hauteur de 6 000 euros toutes causes confondues. A titre subsidiaire, ils ont sollicité une expertise de la chaudière à gaz de leur logement pour déterminer la conformité de son installation et se prononcer sur les causes du sinistre et les responsabilités.

Par exploits des 23 et 28 juin 2017, M. [Z] [F] a fait appeler en garantie son assureur la Matmut, la Sarl Conseil Chauffage, chargée de la pose et de l'entretien de la chaudière, et Me [J] [M], en charge de la gestion de l'immeuble.

Ces instances ont été jointes.

Suivant jugement du 23 septembre 2019, le tribunal d'instance de Rouen a :

- débouté M. [T] [Y] et Mme [L] [U] épouse [Y] de l'ensemble de leurs prétentions,

- condamné M. [T] [Y] et Mme [L] [U] épouse [Y] à payer à M. [Z] [F] la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toute demande plus ample ou contraire,

- condamné M. [T] [Y] et Mme [L] [U] épouse [Y] aux dépens.

Par déclaration du 9 juillet 2020, M. [T] [Y], en son nom personnel et ès qualités de représentant légal de son fils mineur [K] [Y] né le 8 décembre 2011, et Mme [L] [U] épouse [Y] ont formé un appel contre ledit jugement en toutes ses dispositions, hormis celle relative au rejet de toute autre demande, et uniquement à l'encontre de M. [Z] [F] et de la Cpam.

Aucune déclaration d'appel n'a été signifiée à la Cpam par les consorts [Y].

Par dernières conclusions notifiées le 8 octobre 2020, M. [T] [Y] et Mme [L] [U] épouse [Y], en leur nom personnel et ès qualités de représentants légaux de leur fils [K] [Y], demandent de voir en vertu des articles 1719-2, 1720, 1721 et suivants du code civil et 6 de la loi du 6 juillet 1989 :

- infirmer le jugement du tribunal d'instance de Rouen du 23 septembre 2019,

- condamner M. [F] à leur verser, en leur nom personnel et ès qualités, la somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts toute cause de préjudice confondue,

- condamner M. [F] à verser à M. et Mme [Y] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en plus des entiers dépens y compris ceux de première instance avec droit de recouvrement direct au profit de Me Isabelle Lemonnier, avocat au barreau de Rouen, conformément à l'article 699 du code précité.

Ils exposent que leur bailleur a commis des manquements à ses obligations d'entretien, de garantie et de sécurité, à l'origine de leur préjudice ; que, dès février 2014, ils l'avaient alerté sur la présence d'odeur de gaz dans le logement et sur leurs problèmes de santé qui y étaient liés ; que c'est le chapeau du conduit de la chaudière à gaz, abîmé et rouillé, qui a bouché la sortie d'air et a provoqué le défaut de combustion dont la conséquence a été l'émanation de gaz toxique ; que, de plus, cette chaudière n'avait pas été installée dans le respect de la réglementation, ce qui ne permettait pas son fonctionnement en toute sécurité.

Par dernières conclusions notifiées le 8 janvier 2021, M. [Z] [F] sollicite de voir :

- à titre principal, débouter les appelants tant à titre personnel qu'ès qualités de toutes leurs demandes et débouter la Cpam de ses demandes,

- à titre subsidiaire, dire que la Sarl Conseil Chauffage et Me [M] devront le garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre,

- à titre infiniment subsidiaire, dire que la Matmut devra le garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre en application du contrat du 19 février 2007,

- condamner les consorts [Y], la Sarl Conseil Chauffage, Me [M] et la Matmut à lui payer la somme de 2400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre tous les dépens.

Il fait valoir qu'à l'occasion de ses interventions après l'incident du 1er avril 2014, la Sarl Conseil Chauffage a indiqué que la chaudière ne pouvait pas être mise en cause et que cet incident était dû à une mauvaise combustion provoquée par un manque d'air, les ventilations de la salle de bains où était installée la chaudière étant obturées ; qu'il a délivré et maintenu la chose louée en bon état et a satisfait à ses obligations de bailleur.

A l'audience des plaidoiries du 28 février 2022, l'avocate des appelants a rectifié l'en-tête de ses dernières conclusions afin que seul M. [T] [Y] représente les intérêts du mineur [K] [Y] conformément à la déclaration d'appel formalisée le 9 juillet 2020. L'avocat de M. [Z] [F] a signé la première page desdites conclusions afin qu'elles soient acquises aux débats.

MOTIFS

Eu égard à l'accord des parties en ce sens, sera ordonnée la révocation de la clôture des débats et la nouvelle clôture de l'instruction fixée à la date du 28 février 2022.

En revanche, Mme [U] épouse [Y] n'ayant pas régularisé la procédure en qualité de représentante légale de son fils mineur [K], sera déclarée irrecevable en ses demandes.

Sur la mise en cause de la responsabilité contractuelle de M. [F]

Selon l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, dans sa version en vigueur au jour du contrat de bail, le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation. Le bailleur est obligé :

a) de délivrer au locataire le logement en bon état d'usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement ;

b) d'assurer au locataire la jouissance paisible du logement et, sans préjudice des dispositions de l'article 1721 du code civil, de le garantir des vices ou défauts de nature à y faire obstacle ;

c) d'entretenir les locaux en état de servir à l'usage prévu par le contrat et d'y faire toutes les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l'entretien normal des locaux loués.

L'article 1721 du code civil précise qu'il est dû garantie au preneur pour tous les vices ou défauts de la chose louée qui en empêchent l'usage, quand même le bailleur ne les aurait pas connus lors du bail. S'il résulte de ces vices ou défauts quelque perte pour le preneur, le bailleur est tenu de l'indemniser.

En l'espèce, M. [F] ne conteste pas l'intoxication au monoxyde de carbone des appelants et de leur fils mineur le 1er avril 2014. Il discute uniquement son origine qui selon lui n'est pas due à un dysfonctionnement de la chaudière à gaz installée dans la salle de bains du logement loué, mais à un manque de ventilation ou d'aération. A cet effet, il se réfère au courrier adressé à ses locataires par la Sarl Conseil Chauffage le 14 mai 2014. Celle-ci y a indiqué que le 17 février 2014, en leur présence, les ventilations de la salle de bains étaient obstruées par du 'mouton' et que la chaudière avait un fonctionnement normal.

Elle y a ajouté que, lors de l'intervention de ses techniciens le 1er avril 2014, ceux-ci n'avaient constaté aucun déréglage, ni défaillance de pièces de la chaudière, seulement une mauvaise combustion provoquée par un manque d'air d'alimentation à la chaudière.

Toutefois, aux termes de la feuille d'intervention remplie à l'issue de l'examen de la chaudière le 2 avril 2014, son technicien a mentionné les observations suivantes dans l'encadré réservé à cet effet : 'châpeau à remplacé abimé rouillé à bouché sortie d'air'.

Le conduit d'évacuation des gaz a été remplacé et des travaux de nettoyage ont été réalisés postérieurement comme cela ressort du courrier daté du 14 avril 2014 adressé par M. [Y] et son épouse à la Sarl Conseil Chauffage. Mais, le mauvais état de l'extrémité de ce conduit en sortie de toit, tel que décrit ci-dessus, a généré un défaut d'aération dans l'espace restreint de la salle de bains et n'a pas permis l'évacuation du monoxyde de carbone résultant de la mauvaise combustion de la chaudière relevée le 2 avril 2014 par la Sarl Conseil Chauffage, soit le lendemain de cette émanation. L'existence de traces noirâtres de suie au plafond de la salle de bains, relevée le 7 octobre 2014 par Me [V], huissier de justice mandaté par les appelants, en présence du gérant de la société Europe Plomberie Chauffage, confirme la survenue d'un refoulement de gaz brûlé ou d'une mauvaise combustion et évacuation.

Si un manque de nettoyage des grilles de ventilation de la salle de bains a été constaté le 17 février 2014, il n'est pas établi qu'il existait encore le 1er et le 2 avril 2014. La Sarl Conseil Chauffage n'en fait pas état dans sa fiche d'intervention précitée.

En définitive, par ce défaut d'entretien d'un élément d'équipement de la chaudière à gaz garnissant le logement loué à M. [Y] et à son épouse, qui a porté atteinte à leur jouissance paisible de celui-ci par la mise en danger de leur santé, M. [F] engage sa responsabilité de bailleur à leur égard. Il sera condamné à les indemniser du dommage qui en a directement découlé.

Mme [U] épouse [Y] a été hospitalisée du 1er au 2 avril 2014 au Chu de Rouen. Elle a subi un traitement par aréosols d'oxygène et un arrêt de travail consécutif à cette intoxication au monoxyde de carbone, selon le certificat du docteur [I] du 14 avril 2014.

M. [Y] et [K], enfant commun du couple âgé d'un peu plus de 2 ans, ont été admis à l'hopital Raymond Poincaré de Garches (92) du 1er au 2 avril 2014.

M. [Y] a bénéficié d'une oxygénothérapie et [K] a été placé en caisson hyperbare.

Cette intoxication n'a pas été suivie de séquelles. Mais, outre ce traumatisme d'avoir échappé à un gaz potentiellement mortel le 1er avril 2014, celle-ci a indéniablement créé une situation anxiogène postérieure pour les appelants à leur retour dans leur logement et jusqu'à leur départ quelques mois plus tard, même si un contrôle de l'installation de la chaudière a été réalisé et un détecteur de monoxyde de carbone installé le 2 avril 2014. Il sera fait droit à leur demande d'indemnisation à hauteur de 6 000 euros, soit 2 000 euros pour chacun. Le jugement aux termes duquel toutes leurs demandes ont été rejetées sera infirmé.

N'ayant pas attrait en cause d'appel la Sarl Conseil Chauffage, Me [M] et la Matmut, M.[F] sera déclaré irrecevable en son recours en garantie dirigé contre eux.

Sur les demandes accessoires

Le jugement sera également réformé en ses dispositions sur les dépens et les frais irrépétibles.

Partie perdante, M. [F] sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec bénéfice de distraction au profit de l'avocat qui en a fait la demande.

Il n'est pas inéquitable de le condamner également à payer aux intimés la somme de 2000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés pour cette procédure.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu publiquement par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort :

Ordonne la révocation de la clôture et fixe la nouvelle clôture de l'instruction au 28 février 2022,

Déclare irrecevable les demandes de Mme [L] [U] épouse [Y], ès qualités de représentante légale de son fils mineur [K] [Y],

Déclare irrecevable le recours en garantie de M. [Z] [F] dirigé contre la Sarl Conseil Chauffage, Me [J] [M] et la Matmut,

Dans les limites de l'appel formé,

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Condamne M. [Z] [F] à payer à M. [T] [Y], en son nom personnel et en sa qualité de représentant légal de son fils mineur [K] [Y], et à Mme [L] [U] épouse [Y], en son nom personnel, unis d'intérêts, la somme de 6 000 euros en réparation de leurs préjudices,

Condamne M. [Z] [F] à payer à M. [T] [Y] et à Mme [L] [U] épouse [Y], unis d'intérêts, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [Z] [F] aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec bénéfice de distraction au profit de Me Isabelle Lemonnier, avocate, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier,La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : 1ère ch. civile
Numéro d'arrêt : 20/02161
Date de la décision : 11/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-11;20.02161 ?
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