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11/05/2022 | FRANCE | N°20/02147

France | France, Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 11 mai 2022, 20/02147


N° RG 20/02147 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IQDO





COUR D'APPEL DE ROUEN



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 11 MAI 2022







DÉCISION DÉFÉRÉE :



17/02923

Tribunal judiciaire d'Evreux du 05 mai 2020





APPELANTES :



Sarl CINTRAY PARC

410 rue des Etangs, Cintray

27160 BRETEUIL



représentée par Me Xavier VIARD de la Selarl VIARD Avocat, avocat au barreau de Rouen et assistée par Me Catherine BOUSQUET, avocat au barreau des Hauts de Seine>


Syndicat des copropriétaires de la résidence CINTRAY PARC représenté par son syndic coopératif, M. [X] [I]

Résidence le jardin d'Osiris

410 rue des Etangs, Cintray

27160 BRETEUIL



représe...

N° RG 20/02147 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IQDO

COUR D'APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 11 MAI 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

17/02923

Tribunal judiciaire d'Evreux du 05 mai 2020

APPELANTES :

Sarl CINTRAY PARC

410 rue des Etangs, Cintray

27160 BRETEUIL

représentée par Me Xavier VIARD de la Selarl VIARD Avocat, avocat au barreau de Rouen et assistée par Me Catherine BOUSQUET, avocat au barreau des Hauts de Seine

Syndicat des copropriétaires de la résidence CINTRAY PARC représenté par son syndic coopératif, M. [X] [I]

Résidence le jardin d'Osiris

410 rue des Etangs, Cintray

27160 BRETEUIL

représentée par Me Xavier VIARD de la Selarl VIARD Avocat, avocat au barreau de Rouen et assistée par Me Catherine BOUSQUET, avocat au barreau des Hauts de Seine

INTIMEE :

Selarl [U] YANG-TING

prise en la personne de Me [L] [U] ès qualités de liquidateur de la Sarl LE JARDIN D'OSIRIS

11 boulevard de Sébastopol

75001 PARIS

représentée par Me Valérie GRAY de la Selarl GRAY SCOLAN, avocat au barreau de Rouen et Me Jean-Paul PETRESCHI, de la Sarl SAINT LOUIS AVOCATS, avocat au barreau de Paris plaidant par Me TRICAUD

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 28 février 2022 sans opposition des avocats devant Mme Magali DEGUETTE, conseillère, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre,

M. Jean-François MELLET, conseiller,

Mme Magali DEGUETTE, conseillère,

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme [D] [S],

DEBATS :

A l'audience publique du 28 février 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 11 mai 2022.

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 11 mai 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La Sarl Le Jardin d'Osiris a fait édifier au lieu-dit 'Le Baugoley', (27160) Cintray, une résidence pour personnes âgées composée de deux bâtiments contigus :

- un bâtiment A, comprenant 83 logements vendus en l'état futur d'achèvement et situés au rez-de-chaussée,

- un bâtiment B ou lot n° 101 comprenant les locaux de services (au rez-de-chaussée : accueil, direction, secrétariat, deux salons, sanitaires, lingerie, restaurant, salle à manger du personnel, laverie, cuisine, et, au 1er étage : salon, vestiaire, salle de repos, sanitaires et une chambre).

Par acte notarié du 9 juin 2006, ont été dressés un état descriptif de division de l'ensemble immobilier ainsi qu'un règlement de copropriété. Les prestations de services destinées aux résidents devaient être assurées jusqu'au 31 décembre 2017 par la société Osiriservices.

Suivant jugement du 24 mars 2011, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la Sarl Le Jardin d'Osiris et a désigné la Selarl [U] Yang-Ting, prise en la personne de Me [L] [U], en qualité de liquidateur judiciaire.

La Sarl Cintray Parc a été créée le 18 juillet 2014 par la société Eurovest Holding, constituée par plusieurs copropriétaires, pour gérer et exploiter la résidence.

Par une décision du 12 décembre 2015, l'assemblée générale extraordinaire du syndicat des copropriétaires de la résidence a, à l'unanimité des copropriétaires présents et représentés :

- décidé de modifier la dénomination de la résidence jusqu'ici appelée 'résidence Le Jardin d'Osiris' en 'résidence Cintray Parc',

- étendu la destination initiale d'habitation pour les seniors de l'immeuble à celle de résidence services inter-âges,

- désigné la Sarl Cintray Parc comme nouvel organisme gestionnaire, la société Osiriservices ayant été placée en liquidation judiciaire,

- considérant que le lot n°101, partie privative de la Sarl Le Jardin d'Osiris, était affecté à l'usage exclusif de l'immeuble et à l'utilité de tous les copropriétaires, décidé de mettre en oeuvre une procédure judiciaire pour le faire requalifier en parties communes et a donné mandat à son syndic à cet effet.

Suivant ordonnance du 8 février 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance d'Evreux, saisi le 24 novembre 2016 par la Selarl [U] Yang-Ting prise en la personne de Me [L] [U] ès qualités, l'a déboutée de ses demandes notamment d'expulsion de la Sarl Cintray Parc des lots n° 7, 23, 28, 33, 82 situés dans le bâtiment A et du lot n°101.

Par arrêt du 25 octobre 2017, la cour d'appel de Rouen, statuant sur l'appel formé contre cette ordonnance par la Selarl [U] Yang-Ting prise en la personne de Me [L] [U] ès qualités, a notamment :

- débouté celle-ci de sa demande d'expulsion de la Sarl Cintray Parc du lot n°101 en raison de 1'existence d'une contestation sérieuse quant à la qualification de ce lot,

- ordonné l'expulsion de la Sarl Cintray Parc des lots n°7, 23, 28, 33 et 82 avec obligation de remettre les clés sous astreinte, ces lots appartenant à la Sarl Le Jardin d'Osiris.

Suivant acte d'huissier de justice du 9 août 2017, le syndicat des copropriétaires de la résidence Cintray Parc et la Sarl Cintray Parc, estimant que le lot n°101 était une partie commune et que les lots n°7, 23, 28, 33 et 82 étaient la propriété indivise du syndicat des copropriétaires en vertu de la théorie de l'accession, ont fait assigner devant le tribunal de grande instance d'Evreux la Selarl [U] Yang-Ting prise en la personne de Me [L] [U] ès qualités.

Par jugement du 5 mai 2020, le tribunal judiciaire d'Evreux a :

- dit que l'accueil et les couloirs menant aux logements privatifs situés dans les ailes de la résidence, compris dans le lot n°101 comptant pour 1398/10000èmes de la propriété du sol de l'ensemble immobilier soumis au régime de la copropriété sis lieudit Le Baugoley à Cintray (27160), cadastré section C 376 pour une contenance totale de 2 ha 69 a 4 ca, en sont des parties communes,

- dit que le caractère privatif du reste des éléments formant le lot n°101 de l'immeuble demeure inchangé,

- dit que le présent jugement vaut modification de l'état descriptif de division et du règlement de copropriété établis par acte authentique reçu le 9 juin 2006 par Me [F] [V], notaire à Breteuil-sur-Iton (Eure),

- ordonné la publication du présent jugement au service chargé de la publicité foncière de la situation de l'immeuble, à la diligence et aux frais du syndicat de copropriétaires de la résidence Cintray Parc,

- débouté le syndicat des copropriétaires de la résidence Cintray Parc de sa demande en revendication de la propriété des lots n°7, 23, 28, 33 et 82 de l'immeuble,

- déclaré la société Le Jardin d'Osiris propriétaire des lots n°7, 23, 28, 33, 82 et 101 de l'immeuble,

- débouté le syndicat des copropriétaires de la résidence Cintray Parc et la société Cintray Parc de toutes leurs demandes indemnitaires,

- condamné la société Cintray Parc à régler à Me [L] [U], prise en sa qualité de mandataire liquidateur judiciaire de la société Le Jardin d'Osiris, une indemnité de 34 305,70 euros en réparation du préjudice de jouissance né de l'occupation illicite de ses lots n°7, 23, 28, 33 et 82 sur la période du 30 octobre 2014 au 26 décembre 2017,

- condamné la société Cintray Parc à régler à Me [L] [U], prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Le Jardin d'Osiris, une indemnité de 4 000 euros

sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Cintray Parc aux entiers dépens,

- dit que les dépens peuvent être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par le conseil de Me [L] [U], prise en sa qualité de mandataire liquidateur judiciaire de la société Le Jardin d'Osiris,

- assorti le présent jugement de l'exécution provisoire.

Par déclaration reçue au greffe le 8 juillet 2020, la Sarl Cintray Parc et le syndicat des copropriétaires de la résidence Cintray Parc ont formé un appel contre ledit jugement en toutes ses dispositions. Seul, le syndicat des copropriétaires de la résidence Cintray Parc a pris des écritures au soutien de l'appel.

EXPOSE DES MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 3 avril 2021, le syndicat des copropriétaires de la résidence Cintray Parc, représenté par son syndic coopératif M. [X] [I], demande de voir en vertu des articles 2 et 3 de la loi du 10 juillet 1965, 1371 ancien et 1303 nouveau du code civil, infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 5 mai 2020 par le tribunal judiciaire d'Evreux, et la cour statuant à nouveau, de :

à titre principal,

- juger que le lot n°101 situé dans le bâtiment B désigné comme suit est une partie commune de l'immeuble dénommé 'résidence Cintray Parc', sis 410 rue des Etangs anciennement lieu-dit 'Le Baugoley', (27160) Cintray : au rez-de-chaussée, partie administrative comprenant accueil, direction, secrétariat, deux salons, sanitaires, lingerie, restaurant, salle à manger du personnel, laverie, cuisine, et escalier privatif d'accès au premier étage partiel comprenant salon, vestiaire, salle de repos, sanitaires et une chambre, ainsi que les 1398/10000ème de la propriété au sol et des parties communes générales et les 10000/10000ème des parties communes particulières du bâtiment B. Ce lot dépend de l'immeuble cadastré sur la commune de Cintray dans l'Eure (27160) section C n°376, lieu-dit 'Le Baugoley', pour une contenance de 2ha 69a et 4ca - rue des Magasins n°1 et 3 et rue de Sarrebourg n°5, 24a 81ca,

- juger que les lots n°7, 23, 28, 33 et 82, situés dans le bâtiment A de l'immeuble dont la désignation suit sont sa propriété indivise au même titre que les autres parties communes de l'immeuble :

¿ lot n°7 : au rez-de-chaussée, un logement portant le numéro 7 comprenant un coin jour avec kitchenette, un coin nuit avec placards et une salle d'eau avec water-closet et la jouissance exclusive et privative d'un jardin, ainsi que les 94/10000ème de la propriété au sol et des parties communes générales et les 121/10000ème des parties communes particulières du bâtiment A,

¿ lot n°23 : au rez-de-chaussée, un logement portant le numéro 23 comprenant un coin jour avec kitchenette, un coin nuit avec placards et une salle d'eau avec water-closet et la jouissance exclusive et privative d'un jardin, ainsi que les 94/10000ème de la propriété au sol et des parties communes générales et les 121/10000ème des parties communes particulières du bâtiment A,

¿ lot n°28 : au rez-de-chaussée, un logement portant le numéro 28 comprenant un coin jour avec kitchenette, un coin nuit avec placards et une salle d'eau avec water-closet et la jouissance exclusive et privative d'un jardin, ainsi que les 94/10000ème de la propriété au sol et des parties communes générales et les 121/10000ème des parties communes particulières du bâtiment A,

¿ lot n°33 : au rez-de-chaussée, un logement portant le numéro 33 comprenant un coin jour avec kitchenette, un coin nuit avec placards et une salle d'eau avec water-closet et la jouissance exclusive et privative d'un jardin, ainsi que les 97/10000ème de la propriété au sol et des parties communes générales et les 123/10000ème des parties communes particulières du bâtiment A,

¿ lot n°82 : au rez-de-chaussée, un logement portant le numéro 82 comprenant un coin jour avec kitchenette, un coin nuit avec placards et une salle d'eau avec water-closet et la jouissance exclusive et privative d'un jardin, ainsi que les 91/10000ème de la propriété au sol et des parties communes générales et les 115/10000ème des parties communes particulières du bâtiment A.

Ces lots dépendent de l'immeuble cadastré sur la commune de Cintray dans l'Eure (27160) section C n°376, lieu-dit 'Le Baugoley', pour une contenance de 2ha 69a et 4ca - rue des Magasins n°1 et 3 et rue de Sarrebourg n°5, 24a 81ca. L'ensemble immobilier a pour origine l'acquisition du terrain le 5 mai 2006, dont expédition publiée au bureau des hypothèques d'Evreux, volume 2006 P numéro 3844, et attestation rectificative du 6 juillet 2006 publiée au bureau des hypothèques d'Evreux le 7 juillet 2006 volume 2006 P numéro 4572 et ayant fait l'objet d'un état descriptif de division et d'un règlement de copropriété établis le 9 juin 2006, publiés au bureau des hypothèques d'Evreux le 31 juillet 2006 volume 2006 P numéro 5165,

et, en conséquence,

- ordonner la publication du jugement à intervenir au bureau des hypothèques d'Evreux aux frais de Me [U] ès qualités à la requête de la partie la plus diligente, ainsi que son annexion au règlement de copropriété de l'immeuble,

- dire qu'il sera procédé à toutes les modifications rendues nécessaires par la requalification du lot n°101 en partie commune et des lots n°7, 23, 28, 33, 82 en parties indivises au même titre que les parties communes, aux frais de Me [U] ès qualités,

- dire qu'il procèdera aux modifications du règlement de copropriété et de l'état descriptif de division de la résidence rendues nécessaires par le présent jugement, aux frais de Me [U] ès qualités,

- débouter Me [U] ès qualités de ses demandes tendant à voir qualifier de privatifs les lots n°101, 7, 23, 28, 33 et 82,

à titre subsidiaire, si la cour jugeait que le lot n°101 et/ou les lots n°7, 23, 28, 33 et 82 sont privatifs et appartiennent à la Sarl Le Jardin d'Osiris représentée par Me [U] ès qualités,

- condamner Me [U], ès qualités, à lui payer les sommes de :

. 528 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de dépréciation de leurs biens,

. 19 548 euros HT à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de perte de loyer,

. 60 000 euros de dommages et intérêts en réparation des préjudices personnels subis pour chacun des lots,

en tout état de cause,

- débouter Me [U] ès qualités de toutes ses demandes,

- condamner cette dernière ès qualités à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en plus des dépens dont distraction faite en vertu de l'article 699 du code précité à Me Xavier Viard, avocat au barreau de Rouen.

Par dernières conclusions notifiées le 7 janvier 2021, la Selarl [U] Yang-Ting prise en la personne de Me [L] [U], ès qualités de liquidateur judiciaire de la Sarl Le Jardin d'Osiris, sollicite de voir :

- confirmer le jugement rendu le 5 mai 2020 par le tribunal de commerce d'Evreux en ce qu'il a :

. débouté le syndicat des copropriétaires de la résidence Cintray Parc de sa demande de revendication de la propriété des lots n°7, 23, 28, 33 et 82 de l'immeuble,

. déclaré la société Le Jardin d'Osiris propriétaire des lots n°7, 23, 28, 33, 82 et 101 de l'immeuble,

. débouté le syndicat des copropriétaires de la résidence Cintray Parc et la société Cintray Parc de toutes leurs demandes indemnitaires,

. condamné la société Cintray Parc à régler à Me [L] [U], prise en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Le Jardin d'Osiris, une indemnité de 34 305,70 euros en réparation du préjudice de jouissance né de l'occupation illicite de ses lots n°7, 23, 28, 33 et 82 sur la période du 30 octobre 2014 au 26 décembre 2017,

. assorti le présent jugement de l'exécution provisoire,

- réformer le jugement rendu le 5 mai 2020 par le tribunal de commerce d'Evreux en ce qu'il a :

. dit que l'accueil et les couloirs menant aux logements privatifs situés dans les ailes de la résidence, compris dans le lot n°101 comptant pour 1398/10 000èmes de la propriété du sol de l'ensemble immobilier soumis au régime de la copropriété sis lieudit Le Baugoley à Cintray (Eure), cadastré section C 376 pour une contenance totale de 2ha 69a 4ca, en sont des parties communes,

. dit que le caractère privatif du reste des éléments formant le lot n°101 de l'immeuble demeure inchangé,

. dit que le présent jugement vaut modification de l'état descriptif de division et du règlement de copropriété établis par acte authentique reçu le 9 juin 2006 par Me [F] [V], notaire à Breteuil-sur-Iton (Eure),

. ordonné la publication du présent jugement au service chargé de la publicité foncière de la situation de l'immeuble, à la diligence et aux frais du syndicat des copropriétaires de la résidence Cintray Parc,

en conséquence,

- dire que l'accueil et les couloirs menant aux logements privatifs situés dans les ailes de la résidence, compris dans le lot n°101 comptant pour 1398/10000èmes de la propriété du sol de l'ensemble immobilier soumis au régime de la copropriété sis lieudit Le Baugoley à Cintray (Eure), cadastré section C 376 pour une contenance totale de 2ha 69a 4ca, et le reste des éléments formant le lot n°101 sont la propriété de la Sarl Le Jardin d'Osiris,

- constater que lesdits accueil et couloirs font l'objet d'engagement d'affectation particulière par leur propriétaire tel que stipulé dans le règlement de copropriété,

- condamné le syndicat des copropriétaires de la résidence Cintray Parc représenté par son syndic à lui payer la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés par la Selarl Gray Scolan, avocats associés, conformément à l'article 699 du code précité.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 2 février 2022.

MOTIFS

Sur les demandes relatives au lot n°101

Le syndicat des copropriétaires revendique la qualité de partie commune de ce lot et sa propriété indivise. Il souligne qu'en contradiction avec la définition des parties communes donnée par le règlement de copropriété, l'état descriptif de division, qui n'est qu'un simple document technique établi pour les besoins de la publicité foncière et n'a aucune valeur contractuelle, à l'instar du relevé de propriété et de la fiche propriétaire versés aux débats, a constitué le lot n°101 en partie privative, et ce, alors que celui-ci est affecté à l'exercice des services communs au sein de la résidence de services nécessaires à l'usage de tous les copropriétaires et que son accueil et ses couloirs desservent tous les lots privatifs, ce qui correspond à la définition de partie commune donnée par l'article 3 de la loi du 10 juillet 1965.

Au contraire, la Selarl [U] Yang-Ting, ès qualités, avance que le lot n°101, partie privative, appartient à la Sarl Le Jardin d'Osiris comme cela ressort clairement de l'état descriptif de division, du relevé de propriété émis par le centre des impôts fonciers d'Evreux et de la fiche propriétaire établie par le service de la publicité foncière d'Evreux, que, si dans une résidence de services, il ne fait aucun doute que le lot de services doit être mis à la disposition de la société d'exploitation et in fine des résidents conformément à la destination de l'immeuble, sa propriété reste acquise au promoteur.

L'acte notarié portant désignation et division de l'ensemble immobilier (première partie) et règlement de copropriété (deuxième partie), dressé le 9 juin 2006 conformément aux dispositions de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965, du décret n°67-223 du 17 mars 1967, et des textes subséquents, 'a pour but : 1° D'établir la désignation et l'état descriptif de division de l'immeuble ; 2° De déterminer les parties communes affectées à l'usage de plusieurs ou de tous les copropriétaires, et les parties privatives affectées à l'usage exclusif de chaque copropriétaire ou affectées à la fourniture des services particuliers ; 3° De fixer, en conséquence, les droits et obligations des copropriétaires tant sur les installations qui seront leur propriété exclusive que sur les parties qui seront communes' (page 3).

Contrairement à ce qu'indique le syndicat des copropriétaires, l'état descriptif de division n'a pas une moindre valeur juridique par rapport au règlement de copropriété, ceux-ci constituant les deux parties d'un même acte authentique.

L'état descriptif de division définit les parties communes et les parties privatives. Les premières sont 'celles qui ne sont pas affectées à l'usage exclusif d'un copropriétaire déterminé. Elles sont réparties différemment entre les copropriétaires selon qu'elles font l'objet d'un usage commun à l'ensemble des copropriétaires ou qu'elles sont affectées à l'usage de certains d'entre eux seulement, d'après la situation des lots en cause ou l'utilité de divers éléments d'équipements et services collectifs.' (page 42).'Les parties privatives sont celles qui sont réservées à l'usage exclusif de chaque copropriétaire, c'est-à-dire les locaux compris dans son lot avec tous leurs accessoires, étant rappelé que le lot 101 formant le bâtiment B, affecté à la fourniture des services, est une parties privative relevant de cette définition ; il fait simplement l'objet d'engagement d'affectation particulière par leur propriétaire, ainsi qu'il est dit à l'article 2-2 ci-dessous.' (page 44).

Cet article 2-2, contenu dans les développements sur l'usage des parties privatives, stipule que : 'Le lot 101 formant le bâtiment B ainsi que les lots de parking 201, 202 et 203, sont affectés à la fourniture des services ci-dessus définis à l'article 1b.'.

Cet article 1b prévoit que 'Les copropriétaires de la Résidence, sous réserve de ce qui sera dit en fin d'article, bénéficient de prestations fournies de manière interne ou externe par la société dénommée OSIRISERVICES, [...] qui a été retenue comme organisme gestionnaire pour une période minimum qui s'achèvera le 31 décembre 2017.

Ces prestations sont :

- l'accueil

- la surveillance

- l'entretien et le ménage des parties communes

- le ménage des parties privatives

- la blanchisserie

- et la restauration.

[...] Tout copropriétaire, locataire ou occupant d'un appartement de la Résidence sera tenu de souscrire avec le gestionnaire des services ci-dessus soit lors de son acquisition, à titre onéreux ou gratuit soit lors de la prise de possession des lieux, un contrat de prestations de services définissant les conditions de leur fourniture et leur coût à la charge du bénéficiaire.'.

Contrairement à ce qu'indique le syndicat des copropriétaires, ces dispositions, issues tant de l'état descriptif de division que du règlement de copropriété, sont claires et ne se contredisent pas. L'article 3 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965, qui définit les parties communes 'dans le silence ou la contradiction des titres' n'est pas applicable. Le lot de service n°101 est précisément défini comme une partie privative, et non pas comme une partie commune. Il 'fait simplement l'objet d'engagement d'affectation particulière par leur propriétaire' eu égard à la destination particulière de l'immeuble constitué en résidence services pour les seniors. Aucune disposition légale relative à la résidence de services n'impose l'affectation des lots de services aux parties communes.

La qualification de partie privative du lot n°101 a été retranscrite sur la fiche propriétaire dressée le 30 mars 2017 par le service de la publicité foncière d'Evreux et sur le relevé de propriété établi par le centre des impôts fonciers d'Evreux le 6 avril 2017, versés aux débats par l'intimée.

Le syndicat des copropriétaires indique à titre surabondant que le vote de l'assemblée générale extraordinaire des copropriétaires du 12 décembre 2015, qui tend notamment à la mise en oeuvre d'une procédure judiciaire pour faire requalifier le lot n°101 en partie commune, n'a pas été contesté par la Selarl [U] Yang-Ting, ès qualités, de sorte qu'il est définitif. Il ajoute que la référence faite par l'intimée à la loi du 24 mars 2014 sur les résidences de tourisme est inopérante, dès lors que la résidence en cause est une résidence seniors ou de services.

Cependant, la résolution votée et adoptée le 12 décembre 2015, qui s'intitule 'MANDAT POUR AGIR EN REQUALIFICATION DU LOT 101', n'est pas une décision de requalification du lot n°101 en partie commune, mais vise uniquement à mandater le syndic pour engager une procédure judiciaire à cette fin. Dès lors, le vote de cette résolution ne vient pas modifier la qualité de lot privatif du lot n°101 que l'assemblée générale, si elle l'estime erronée, a implicitement reconnue par le fait même qu'elle a mis à l'ordre du jour cette résolution pour obtenir la requalification de ce lot.

En conséquence, le lot n°101 est une partie privative qui fait l'objet d'engagement d'une affectation particulière par son propriétaire. Le jugement du tribunal ayant dit que l'accueil et les couloirs menant aux logements privatifs situés dans les ailes de la résidence, compris dans ce lot, sont des parties communes et que le caractère privatif du reste des éléments formant ce lot demeure inchangé, sera infirmé. Il en sera de même de ses dispositions subséquentes relatives à sa valeur modificative et à sa publication, lesquelles, étant devenues inutiles, seront rejetées. Par contre, ce jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré la Sarl Le Jardin d'Osiris propriétaire du lot n°101.

Sur les demandes relatives aux lots n°7, 23, 28, 33 et 82

Le syndicat des copropriétaires explique qu'à défaut d'avoir été cédés en vertu d'un titre notarié, ces lots privatifs sont, en application de la théorie de l'accession telle que visée par les articles 552, 553, 554 et 1601-3 du code civil, sa propriété indivise au même titre que les parties communes. Il ajoute que l'intimée ne prouve pas son droit de propriété sur ces lots au moyen d'un titre de propriété individualisé pour chacun ou par le bénéfice incontesté des règles de la prescription acquisitive.

La Selarl [U] Yang-Ting, ès qualités, indique que ces cinq lots privatifs sont la propriété de la Sarl Le Jardin d'Osiris, comme jugé par la cour d'appel de Rouen dans son arrêt du 25 octobre 2017 et confirmé par le relevé de propriété et la fiche propriétaire précités, ainsi que par le courrier du 21 septembre 2015 de la Sarl Cintray Parc à Me [U].

Le syndicat des copropriétaires reconnaît que, dans le cadre de son opération de construction et de promotion immobilière, la Sarl Le Jardin d'Osiris n'a pas vendu ces cinq lots. Mais, il part du principe que les autres copropriétaires ayant acquis la propriété de leurs lots et du sol, celle-ci fait présumer leur propriété également sur les cinq lots non acquis par un contrat de vente en l'état futur d'achèvement et qui ne sont pas occupés, ni exploités, par la Sarl Le Jardin d'Osiris, ce qui exclut leur qualité de parties privatives.

Un tel postulat remet en cause le caractère perpétuel du droit de propriété. Comme la cour d'appel l'a motivé dans son arrêt du 25 octobre 2017, le raisonnement du syndicat des copropriétaires permettrait à l'acquéreur d'un seul lot de devenir propriétaire de l'ensemble immobilier en toutes ses parties qu'elles soient communes comme privatives.

L'état descriptif de division précise, à la page 6, que l'ensemble immobilier, objet du règlement de copropriété, appartient à la Sarl Le Jardin d'Osiris qui l'a acquis de la commune de Cintray le 5 mai 2006. Selon le relevé de propriété précité, elle était propriétaire des lots n°7, 23, 28, 33 et 82 le 6 avril 2017 et ne les avait pas vendus, ce que confirme également la fiche propriétaire établie le 30 mars 2017.

De plus, l'application des articles 552, 553 et 554 du code civil n'est envisageable que si les propriétaires du sol et du dessus sont différents, ce qui n'est pas le cas puisque la Sarl Le Jardin d'Osiris était propriétaire à la fois du terrain sur lequel a été édifié l'ensemble immobilier en cause et de celui-ci.

Quant à l'article 1601-3 du même code qui régit la vente en l'état futur d'achèvement, il ne prévoit le transfert par le vendeur de la propriété de ses droits sur le sol et les constructions existantes à l'acquéreur que pour les biens cédés et les parties communes, et non pas de celle des lots privatifs que le promoteur n'a pas encore vendu, qui restent nécessairement sa propriété.

Dès lors, la décision du premier juge ayant déclaré la Sarl Le Jardin d'Osiris propriétaire des lots n°7, 23, 28, 33 et 82 et débouté le syndicat des copropriétaires de sa demande en revendication de ceux-ci sera confirmée.

Sur les demandes indemnitaires du syndicat des copropriétaires

Il réclame la réparation :

- du préjudice de dépréciation de leurs biens subi par les copropriétaires qui n'y auront plus accès, qu'il chiffre à 88 000 euros TTC par lot, outre 2172 euros HT de loyer annuel par lot sur neuf ans, durée de leurs baux commerciaux,

- du préjudice de perte de loyer subi par les copropriétaires, dont le statut de loueur meublé professionnel ou non professionnel qui leur permettait de bénéficier d'avantages fiscaux, dont la récupération de la Tva sur le prix d'achat du bien, sera remis en cause et donnera lieu à des demandes de remboursement de l'administration fiscale,

- des préjudices personnels subis par chacun des copropriétaires qui ont investi des sommes conséquentes et ont dû réaliser à leurs frais des travaux nécessaires à la préservation de l'état de la résidence à fonds perdus, lesquels constituent un enrichissement sans cause pour la Sarl Le Jardin d'Osiris au sens de l'article 1303 du code civil.

L'intimée fait valoir que, s'agissant des deux premières réclamations, les lots n°7, 23, 28, 33, 82 et 101 sont sa propriété de sorte que celles-ci sont inopérantes. Concernant la dernière demande indemnitaire, elle précise que, comme en première instance, l'appelant ne justifie pas, par la production d'appels de fonds destinés à la Sarl Le Jardin d'Osiris et revenus impayés, qu'elle aurait été défaillante dans le règlement de sa quote-part des travaux votés en assemblée générale le 12 décembre 2015.

D'une part, ces préjudices sont invoqués dans l'intérêt personnel des copropriétaires par le syndicat des copropriétaires, et non pas en vue de la sauvegarde des droits afférents à l'immeuble qu'il est seul habilité à défendre.

D'autre part, ces dommages allégués ne sont pas suffisamment étayés.

La décision du premier juge ayant rejeté l'ensemble de ces réclamations sera confirmée.

Sur les demandes accessoires

Partie perdante, le syndicat des copropriétaires sera condamné aux dépens de première instance et d'appel, avec bénéfice de distraction au profit des avocats qui en ont fait la demande.

Le jugement sera confirmé en ses dispositions sur l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance. L'équité commande de condamner également le syndicat des copropriétaires à payer à l'intimée la somme de 5 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés pour cette procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

la cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu publiquement par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort :

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :

- dit que l'accueil et les couloirs menant aux logements privatifs situés dans les ailes de la résidence, compris dans le lot n°101 comptant pour 1398/10 000èmes de la propriété du sol de l'ensemble immobilier soumis au régime de la copropriété sis lieudit Le Baugoley à Cintray (Eure), cadastré section C 376 pour une contenance totale de 2 ha 69 a 4 ca, en sont des parties communes,

- dit que le caractère privatif du reste des éléments formant le lot n°101 de l'immeuble demeure inchangé,

- dit que le présent jugement vaut modification de l'état descriptif de division et du règlement de copropriété établis par acte authentique reçu le 9 juin 2006 par Me [F] [V], notaire à Breteuil-sur-Iton (Eure),

- ordonné la publication du présent jugement au service chargé de la publicité foncière de la situation de l'immeuble, à la diligence et aux frais du syndicat de copropriétaires de la résidence Cintray Parc,

Statuant à nouveau du chef de ces dispositions infirmées et y ajoutant,

Décide que le lot n°101 situé au rez-de-chaussée du bâtiment B et représentant les 1398/10000èmes de la propriété du sol et des parties communes générales et les 10000/10000èmes des parties communes particulières du bâtiment B de l'ensemble immobilier dénommé résidence Cintray Parc, situé 410 rue des Etangs, (27160) Cintray, et cadastré section C n°376 Le Baugoley pour une contenance totale de 2ha 69a 4ca, est une partie privative qui fait l'objet d'engagement d'affectation particulière par son propriétaire tel que stipulé dans le règlement de copropriété,

Déboute le syndicat des copropriétaires de la résidence Cintray Parc, représenté par son syndic coopératif M. [X] [I], du surplus de ses demandes,

Condamne le syndicat des copropriétaires de la résidence Cintray Parc, représenté par son syndic coopératif M. [X] [I], à payer à la Selarl [U] Yang-Ting prise en la personne de Me [L] [U], ès qualités de liquidateur judiciaire de la Sarl Le Jardin d'Osiris, la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

Condamne le syndicat des copropriétaires de la résidence Cintray Parc aux dépens de première instance et d'appel, avec bénéfice de distraction au profit de la Selarl Gray Scolan et de Me Xavier Viard, avocats, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier,La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : 1ère ch. civile
Numéro d'arrêt : 20/02147
Date de la décision : 11/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-11;20.02147 ?
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