La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/04/2022 | FRANCE | N°21/01722

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre de la proximité, 28 avril 2022, 21/01722


N° RG 21/01722 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IYC3





COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE DE LA PROXIMITE



ARRET DU 28 AVRIL 2022





DÉCISION DÉFÉRÉE :



17/03271

Jugement du TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE ROUEN du 15 Mars 2021





APPELANTE :



S.C.I. LE DUO Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

398 ancienne route de Darnétal

Imm Le Duo

76230 BOIS-GUILLAUME - BIHOREL



représent

ée par Me Valérie GRAY de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de ROUEN, postulant

assistée de Me BIHR, de la SELARL DELSOL AVOCAT, avocat au barreau de LYON, plaidant





INTIMES :



M...

N° RG 21/01722 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IYC3

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE DE LA PROXIMITE

ARRET DU 28 AVRIL 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

17/03271

Jugement du TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE ROUEN du 15 Mars 2021

APPELANTE :

S.C.I. LE DUO Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

398 ancienne route de Darnétal

Imm Le Duo

76230 BOIS-GUILLAUME - BIHOREL

représentée par Me Valérie GRAY de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de ROUEN, postulant

assistée de Me BIHR, de la SELARL DELSOL AVOCAT, avocat au barreau de LYON, plaidant

INTIMES :

Monsieur [Z] [C]

né le 07 Mars 1946 à Bihorel

81 rue des Bullins

76130 Mont Saint Aignan

représenté par Me Céline BART de la SELARL EMMANUELLE BOURDON CELINE BART AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de ROUEN postulant

assisté par Me Agnès HAVELETTE, avocat au barreau de ROUEN, plaidant

S.C.M. La SOCIETE CIVILE DE MOYENS [D] [C] et [Z] [C] représentée par Maître [A] [T], ès-qualités de liquidateur judiciaire désigné à cet effet aux termes d'un jugement du Tribunal de Grande Instance de ROUEN du 5 décembre 2011

46 Rampe Beauvoisine

76000 ROUEN

INTIMÉS SUR APPEL INCIDENT PROVOQUÉ :

SAS CECC - CM AUDIT ET ASSOCIES (anciennement CM AUDIT)

SAS au capital de 87 472,00 € immatriculée au RCS du Havre sous le n° 481 515 278, ayant son siège social au Havre et ayant établissement 926 ancienne route de Darnetal Immeuble le Duo 76230 BOIS GUILLAUME

N'ayant pas constitué avocat bien qu'assigné par acte d'huissier de justice en date du 21/10/2021

Monsieur [Y] [S]

né le 13 janvier 1951 au HAVRE (76)

120 rue Jules Siegfried

76600 LE HAVRE

N'ayant pas constitué avocat bien qu'assigné par acte d'huissier de justice en date du 21/10/2021

SARL SECCAM au capital de 9000,00 € immatriculée au RCS de Rouen sous le n°421 893 991 dont le siège social est sis 926 Ancienne route de Darnétal Immeuble le Duo 76230 BOIS GUILLAUME

N'ayant pas constitué avocat bien qu'assigné par acte d'huissier de justice en date du 21/10/2021

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 24 Février 2022 sans opposition des avocats devant Madame GERMAIN, Conseillère, rapporteur.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame GOUARIN, Présidente

Madame TILLIEZ, Conseillère

Madame GERMAIN, Conseillère

GREFFIER lors des débats et de la mise à disposition :

Madame [N]

DEBATS :

A l'audience publique du 24 Février 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 28 Avril 2022

ARRET :

Défaut

Prononcé publiquement le 28 Avril 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame GOUARIN, Présidente et par Madame DUPONT, Greffière.

*

* *

Exposé des faits et de la procédure

Le 31 décembre 1991, a été constituée entre Messieurs [Z] et [D] [C], qui exerçaient respectivement les professions d'avocat et d'expert comptable, une SCI dénommée LE DUO, dont le capital social, composé de 3.840 parts, était réparti de la façon suivante : 870 parts pour M. [Z] [C] et 2.610 parts pour M. [D] [C].

La SCI LE DUO a acquis un terrain à Bois-Guillaume et fait construire un immeuble pour les besoins professionnels des deux associés, qui étaient également liés par une société civile de moyens, afin de gérer les biens nécessaires à leurs activités professionnelles respectives. C'est dans ce cadre que l'immeuble construit par la SCI a été mis à disposition des deux associés et de la société civile de moyens.

Le 1er octobre 2006, M. [D] [C] a cédé à la société SECCAM représentée par M. [Y] [S] sa clientèle d'expertise comptable et le 12 juillet 2007, il a cédé à la société HASTINGS, gérée par M. [S], ses 2.610 parts de la société LE DUO.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 27 septembre 2010, M. [Z] [C] a résilié la convention de mise à disposition conclue avec la SCM avec effet au 31 mars 2011.

Par jugement du 5 décembre 2011, le tribunal de grande instance de Rouen a prononcé la dissolution anticipée de la SCM [D] et [Z] [C] ; désigné Me [A] [T] en qualité de liquidateur pour la durée des opérations de liquidation et, avant dire droit sur les demandes financières et d'indemnisation de préjudices, ordonné une mesure d'expertise comptable et désigné pour y procéder M. [U] [G].

Par arrêt du 20 février 2014, la cour d'appel de Rouen a confirmé ledit jugement en toutes ses dispositions, à l'exception toutefois de celles relatives à la date de la dissolution de la SCM, qu'elle a fixée au 31 mars 2011.

Par arrêt du 23 juin 2015, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi interjeté par M. [S] à l'encontre de la décision rendue par la cour d'appel.

Par jugement du 13 juin 2016, le tribunal de grande instance de Rouen a donné acte à M. [Z] [C] de son accord pour céder à M. [S] ses 870 parts dans la société LE DUO, conformément à un acte passé le 13 juillet 2006, au prix de 216.847,94 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2011 ; condamné M. [S] à payer ladite somme à M. [Z] [C] ; dit que cette décision vaudrait transfert des titres de M. [Z] [C] à M. [S] avec effet au 30 juin 2011.

Par exploits d'huissier du 3 août 2017, la société LE DUO a fait assigner la SCM [D] et [Z] [C], représentée par Me [A] [T] ès qualités ainsi que M. [Z] [C] afin d'obtenir la résiliation du bail conclu le 9 septembre 2006 et la condamnation de M. [Z] [C] à lui régler des loyers impayés.

Par acte d'huissier du 11 septembre 2018, M. [Z] [C] a appelé en garantie la société SECCAM et la société CM AUDIT ET ASSOCIES en leur qualité d'occupants ou de locataires de l'immeuble appartenant à la société LE DUO ainsi que M. [S] afin d'obtenir réparation des fautes commises par ce-dernier, tant à titre personnel, qu'en sa qualité de gérant de la société.

Par ordonnance du 18 juin 2019, le juge de la mise en état a ordonné la jonction de ces deux instances.

Par jugement réputé contradictoire du 15 mars 2021, le tribunal judiciaire de Rouen a :

- déclaré irrecevable les demandes en paiement formées par la société LE DUO à l'encontre de M. [C] ;

- constaté que la dissolution, à la date du 31 mars 2011, de la SCM [D] et [Z] [C], avait entrainé la résiliation de plein droit du bail la liant à la société LE DUO ;

- constaté que la demande de la société LE DUO tendant au prononcé de la résiliation judiciaire de ce bail était sans objet ;

- débouté la société LE DUO, M. [S], la société SECCAM et la société CM AUDIT ET ASSOCIES de leur demande d'indemnité de procédure ;

- condamné la société LE DUO à payer à M. [C] la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision ;

- condamné la société LE DUO aux dépens.

Par déclaration reçue le 23 avril 2021, la société LE DUO a relevé appel de cette décision.

La SCI LE DUO a signifié sa déclaration d'appel à la SCM [D] [C] et [Z] [C] suivant acte du 17 juin 2021 remis à Me [T] ès qualités de liquidateur de ladite société.

Suivants actes du 21 octobre 2021, M. [Z] [C] a fait assigner en appel incident provoqué la société CM AUDIT ET ASSOCIES, la société SECCAM et M. [S], ces actes ayant été remis à personne à l'exception de l'acte remis à la société CM AUDIT ET ASSOCIES remis à l'étude.

Ces intimés n'ont pas constitués avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 février 2022.

Exposé des prétentions des parties

Par dernières conclusions reçues le 21 février 2022, outre les demandes de "dire et juger que " et "constater que" qui ne constituent pas des prétentions au sens des dispositions des articles 4 et 954 du code de procédure civile mais la simple reprise des moyens développés, la SCI DUO demande à la cour de :

- réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Rouen le 15 mars 2021 ;

- déclarer irrecevables les demandes relatives à la mainlevée des saisies conservatoires et à la condamnation de M. [S] à des dommages-intérêts,

Statuant à nouveau :

- constater l'insuffisance du patrimoine social de la SCM [D] et [Z] [C] pour désintéresser la société LE DUO ;

- juger recevable l'action entreprise contre M. [Z] [C] ;

- condamner M. [Z] [C] au paiement de la somme de 491.284,47 euros, à la société LE DUO, au titre des loyers impayés par la SCM [D] et [Z] [C] entre le 4ème trimestre 2010 et le 4ème trimestre 2018, somme à parfaire au jour du prononcé de l'arrêt ;

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de bail professionnel conclu le 9 septembre 2006 entre la société LE DUO et la SCM [D] et [Z] [C] à la date du jugement à intervenir ;

- condamner M. [Z] [C] au paiement de la somme de 152.446,25 euros à la société LE DUO au titre des intérêts légaux majorés (somme à parfaire au jour du prononcé de l'arrêt) ;

- condamner M. [Z] [C] au paiement de la somme de 49.128,45 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de contentieux (somme à parfaire au jour du prononcé de l'arrêt) ;

- juger les appels en garantie formés par M. [Z] [C] des sociétés SECCAM et CM AUDIT irrecevables et à tout le moins mal fondés ;

- condamner M. [Z] [C] au paiement de la somme de 25.000 euros à la société LE DUO, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [Z] [C] aux entiers dépens de première instance et d'appel que la SELARL GRAY SCOLAN, avocats associés, sera autorisée à recouvrer, pour ceux la concernant, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions reçues le 24 février 2022, M. [Z] [C] demande à la cour de :

- déclarer irrecevable l'ensemble des demandes et moyens formés par la société LE DUO pour le compte de M. [S], la société SECCAM, la société CECC-CM AUDIT et ASSOCIES, et les rejeter ;

- débouter la société LE DUO des fins de son appel ;

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire du 15 mars 2021 en toutes ses dispositions.

Y ajoutant :

- ordonner la mainlevée des mesures de saisie conservatoires mises en place par la société LE DUO sur les titres des sociétés HESTIA et HEPHAISTOS appartenant à M. [C], par deux exploits du 27 décembre 2017 de la SCP CARRUCCI GOLLIOT, aux frais de la société LE DUO.

Subsidiairement :

- déclarer irrecevables et mal fondées les demandes de la société LE DUO ;

- juger que le bail a été valablement résilié à effet du 31 mars 2011, et en tous cas, prononcer sa caducité à la même date ;

- plus subsidiairement, ordonner la résiliation du bail à effet du 21 janvier 2017, et rejeter l'ensemble des demandes postérieures à cette date ;

- débouter en conséquence la société LE DUO de l'intégralité de ses demandes ;

- ordonner la mainlevée des mesures de saisie conservatoires mises en place par la société LE DUO sur les titres des sociétés HESTIA et HEPHAISTOS appartenant à M. [C], par deux exploits du 27 décembre 2017 de la SCP CARRUCCI GOLLIOT, aux frais de la société LE DUO.

A titre très subsidiaire :

Sur le quantum des demandes,

- déclarer irrecevable comme étant prescrites, l'ensemble des demandes au titre des loyers antérieures au 21 janvier 2017, en l'absence d'acte interruptif de prescription à l'égard de la SCM Alain et Jacques Maletras.

- déclarer non écrite toute clause autorisant le bailleur à percevoir des pénalités, dommages et intérêts et autres ;

- débouter le bailleur de ses demandes au titre des intérêts majorés et indemnités et indemnités de procédure.

- réduire au strict minimum les demandes au titre des indemnités et majoration d'intérêts.

A titre reconventionnel, et subsidiaire :

- déclarer recevable et bien fondé l'appel en garantie par intervention forcée par M. [C] de M. [S] tant à titre personnel qu'en sa qualité de gérant de la société LE DUO afin d'avoir à répondre des fautes commises à l'égard de M. [C] directement à l'origine de la procédure mise en place par la société LE DUO ;

- déclarer recevable et bien fondé l'appel en garantie des occupants par appel incident provoqué par M. [C] des sociétés CM AUDIT et SECCAM motif pris de leur qualité d'occupant et /ou de locataire des locaux propriété de la société LE DUO ;

- décharger M. [C] de toute condamnation ;

- condamner in solidum la société LE DUO, M. [S], les sociétés SECCAM et CM AUDIT à garantir M. [C] de toute condamnation qui pourrait être prononcée par la cour à son encontre.

En tout état de cause, à titre reconventionnel :

- condamner in solidum M. [S] et la société LE DUO au paiement de la somme de 150.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- condamner in solidum les sociétés CM AUDIT, SECCAM et M. [S] et la société LE DUO au paiement de la somme de 40.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.

M. [Z] [C] a fait signifier ses conclusions à Me [T] ès qualités de liquidateur de la SCM [D] et [Z] [C] suivant acte du 21 octobre 2021.

Me [T] n'a pas constitué avocat.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il sera renvoyé aux dernières conclusions des parties pour l'exposé des moyens de celles-ci.

MOTIVATION

Sur la demande en paiement formée par la SCI LE DUO à l'encontre de M. [Z] [C]

La SCI LE DUO reproche au premier juge de l'avoir déclarée irrecevable à réclamer le paiement des dettes locatives de la SCM [D] et [Z] [C], au motif qu'elle n'avait pas exercé d'action à l'encontre de la SCM avant de poursuivre M. [Z] [C], alors selon elle, que les vaines poursuites n'impliquent pas obligatoirement de procédure judiciaire, une mise en demeure étant suffisante et peuvent donc être démontrées par tout moyen et notamment l'existence d'une procédure de dissolution et liquidation amiable de la personne morale.

Elle prétend que dans la mesure où la SCM ne dispose pas de capitaux lui permettant d'honorer la dette, le liquidateur ayant lui-même exigé des associés de la SCM qu'ils procèdent au paiement de la dette, il en résulte qu'il avait conscience que la SCM était incapable de procéder elle-même au paiement de cette dette, ceci étant une preuve de ce que le patrimoine était insuffisant pour désintéresser le créancier. Elle ajoute que le fait que la société SECCAM, associée de la SCM ait procédé au paiement immédiat de sa dette envers la SCI LE DUO, dès la mise en demeure, sans opposition de Me [T], établit également l'impossibilité pour la SCM d'honorer la dette.

En réplique M. [Z] [C] soutient que la demande formée à son encontre sans poursuite préalable vaine à l'encontre de la SCM est irrecevable.

Il rappelle que la dissolution de la SCM ne résulte pas d'une procédure collective mais du fait du comportement de M. [S], de sorte que la jurisprudence visée par la SCI LE DUO concernant des sociétés en redressement judiciaire, sont dénuées de portée.

Aux termes de l'article 1857 du code civil, à l'égard des tiers, les associés répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date de l'exigibilité ou au jour de cessation des paiements.

L'article 1858 du même code précise que les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu'après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale.

De ces dispositions il se déduit que l'inefficacité des poursuites contre la société doit être constatée préalablement à l'engagement de poursuites contre les associés.

Si la clôture de la liquidation peut dispenser le créancier d'établir que le patrimoine social est insuffisant pour le désintéresser et lui permet de demander directement le paiement de sa créance aux anciens associés, a contrario tant que cette clôture n'est pas intervenue, il appartient au créancier d'une société civile avant de poursuivre les associés, de poursuivre préalablement la société et de démontrer que cette poursuite préalable s'est avérée vaine.

En l'espèce, la société LE DUO n'a engagé aucune poursuite préalable à l'encontre de la SCM [D] et [Z] [C] qui se serait avérée vaine, une simple mise en demeure adressée au liquidateur d'une société dissoute non pas dans le cadre d'une procédure collective mais au titre du 5° de l'article 1844-7 du code civil, restée sans réponse étant insuffisante à caractériser des poursuites préalables vaines.

En outre si l'exercice des poursuites contre les associés n'est pas subordonné à la clôture de la procédure collective ouverte à l'égard de la société, dès lors que le créancier établit que le patrimoine social est insuffisant pour le désintéresser, cette hypothèse n'est transposable que pour le cas d'une procédure collective ouverte à l'encontre de la société, une telle procédure collective faisant présumer l'existence de difficultés économiques rencontrées par la société.

Tel n'est pas le cas de la SCM [D] et [Z] [C] laquelle n'a nullement fait l'objet d'une procédure collective mais bien d'une dissolution anticipée du fait du comportement de M. [S] ayant conduit à la paralysie de la société.

Si dans le cadre de cette dissolution une expertise comptable a été ordonnée, celle-ci n'avait pour objet que de faire les comptes de la société en l'absence d'approbation des exercices 2007, 2008, 2009 et 2010, sans qu'il soit fait état de difficultés économiques particulières. En outre l'expert indique qu'il ne peut établir de compte de résultat, puisque comptablement l'activité de la SCM s'est poursuivie au-delà de la date de dissolution.

L'expert précise que le compte de liquidation devra être établi par le Liquidateur, à qui il appartient de récupérer les sommes dues pour payer les créanciers et de régler le problème de la poursuite d'exploitation.

La société n'étant toujours pas liquidée, aucun compte de liquidation n'a donc été établi à ce jour.

N'ayant engagé aucune action en justice à l'encontre de la SCM [D] et [Z] [C], et dès lors que cette société n'est toujours pas liquidée, la SCI LE DUO ne peut se fonder sur l'expertise comptable ordonnée par le jugement du 5 décembre 2011 non significative de l'existence d'un passif en l'absence de compte de liquidation et sur une mise en demeure restée infructueuse pour invoquer de vaines poursuites, ces éléments étant insuffisants à caractériser des poursuites et à démontrer le caractère vain de celles-ci.

C'est donc par des motifs pertinents que le premier juge a déclaré que la SCI LE DUO était irrecevable en ses demandes en paiement à l'encontre de M. [C], faute d'avoir engagé une action en justice à l'encontre de la SCM, puis après avoir obtenu un titre exécutoire, démontré qu'elle avait vainement tenté de recouvrer sa créance par un acte d'exécution forcé sur le patrimoine de ladite société. Le jugement déféré doit en conséquence être confirmé sur ce point.

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de bail conclu entre la SCI LE DUO et la SCM Alain et Jacques Maletras

La SCI LE DUO reproche au premier juge d'avoir constaté que la dissolution à la date du 31 mars 2011 de la SCM [D] et [Z] [C] avait entraîné la résiliation de plein droit du bail la liant à la SCI LE DUO, alors selon elle que la personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation jusqu'à la publication de la clôture de celle-ci et qu'aux termes de l'article L237-5 du code de commerce, la dissolution de la société n'entraîne pas de plein droit la résiliation des baux immeubles utilisés pour son activité sociale, y compris des locaux d'habitation dépendant de ces immeubles.

Elle prétend que la personne morale reste titulaire du bail, en raison de sa survie pour les besoins de sa liquidation indépendamment d'un éventuel arrêt de l'activité et que le bail n'est résilié de plein droit que lorsqu'intervient la clôture des opérations de liquidation et leur publication.

En réplique M. [C] demande de confirmer le jugement ayant constaté que la dissolution de la société au 31 mars 2011, entraînait la résiliation de plein droit du bail, la SCM ayant pris fin à cette date, laquelle correspond à la date d'effet du congé qu'il a notifié à la SCM et à la SCI LE DUO.

Aux termes de l'acte sous seing privé passé entre la SCI LE DUO et la SCM [D] et [Z] [C] le 9 septembre 2006, la première a donné à bail à la seconde un ensemble immobilier situé à Bois-Guillaume exlusivement destiné à l'exercice des professions libérales d'expert-comptable, d'avocat et de commissaire aux comptes et les parties ayant entendu soumettre ce bail aux dispositions de l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986, lequel prévoit que le contrat de location d'un local affecté à un usage exclusivement professionnel est conclu pour une durée au moins égale à six ans. Il est établi par écrit.

Au terme fixé par le contrat et sous réserve des dispositions du troisième alinéa du présent article, le contrat est reconduit tacitement pour la même durée. Chaque partie peut notifier à l'autre son intention de ne pas renouveler le contrat à l'expiration de celui-ci en respectant un délai de préavis de six mois. Le locataire peut, à tout moment, notifier au bailleur son intention de quitter les locaux en respectant un délai de préavis de six mois.

Par ailleurs, il ressort des statuts de la SCM [D] et [Z] [C] que celle-ci a pour objet exclusif de faciliter les activités professionnelles des associés, sans pouvoir par elle-même, exercer leur profession, elle peut notamment acquérir, louer, vendre, échanger les installations et appareillages nécessaires, engager le personnel auxiliaire et plus généralement, procéder à toutes opérations financières, mobilières se rapportant à l'objet social et n'altérant pas son caractère civil.

Il résulte de l'article 1844-8 du code civil, que la dissolution d'une personne morale entraîne sa liquidation au sens du droit commun c'est-à-dire la réalisation de l'actif et l'extinction du passif de la personne morale dissoute, nécessitant ainsi le maintien de la personnalité juridique. La personnalité de la personne morale étant maintenue dans le but de permettre la réalisation de son patrimoine, elle est restreinte aux besoins de la liquidation.

Ainsi l'activité de la personne morale dissoute étant limitée par les besoins de la liquidation, la continuation de l'activité ne peut être qu'exceptionnelle, elle doit seulement permettre de terminer les affaires en cours. L'exploitation ne doit ni entraîner le fonctionnement normal et régulier de l'être moral, ni favoriser d'entreprise nouvelle. Ainsi, une société arrivée à son terme ne peut continuer à mener une existence normale.

En l'espèce la SCM [D] et [Z] [C] a pris fin par l'effet des décisions judiciaires ayant prononcé sa dissolution anticipée, et constatant qu'il n'existait plus de volonté des associés de collaborer à une oeuvre commune.

Pour fixer la date d'effet de la dissolution au 31 mars 2011, la cour dans son arrêt du 20 février 2014 après avoir rappelé que M. [C] avait résilié la convention de mise à disposition des locaux le 27 septembre 2010 pour le 31 mars 2011, a constaté que c'était à cette date que la dissolution devait prendre effet, ce qui correspondait à la date de départ effectif de M. [C].

Dès lors que la dissolution de la SCM est la conséquence de la mésentente entre les associés excluant tout affectio societatis, ainsi que l'indique la cour dans l'arrêt précité, l'objet même de la SCM qui était de faciliter les activités professionnelles de ses associés notamment en mettant à leur disposition des locaux professionnels via le bail passé avec la SCI LE DUO s'est trouvé dépourvu d'existence à compter de la dissolution.

Dès lors, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a constaté que la dissolution à la date du 31 mars 2011 de la SCM, avait entraîné la résiliation du bail la liant à la SCI LE DUO, étant précisé en outre qu'en l'espèce, la poursuite du bail n'est nullement justifiée pour les besoins de la liquidation de la société, du fait du départ de M. [C] qui n'exerce plus aucune activité dans les lieux depuis le 31 mars 2011.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a constaté la résiliation du bail au 31 mars 2011 et rejeté la demande tendant au prononcé de cette résiliation au jour du jugement.

Sur les demandes reconventionnelles de M. [C]

M. [C] sollicite la mainlevée des mesures de saisie conservatoires mises en place par la SCI LE DUO par exploits du 27 décembre 2017, sur les titres de sociétés Hestia et Hephaistos lui appartenant.

Il sollicite également la condamnation de M. [S] et de la SCI LE DUO in solidum en paiement d'une somme de 150 000 euros eu égard aux fautes commises par ces derniers, du fait de leur comportement qui perdure dans une action manifestement irrecevable et mal fondée basée sur un comportement frauduleux justifiant l'octroi de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral et d'anxiété.

La SCI LE DUO soutient que ces demandes sont irrecevables comme étant nouvelles en cause d'appel.

Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Quand bien même M. [S] n'a pas constitué avocat, il appartient à la cour de relever d'office l'existence d'éventuelles demandes nouvelles et de les déclarer irrecevables le cas échéant.

En l'espèce, force est de constater que M. [C] demande pour la première fois en appel, la mainlevée des mesures conservatoires diligentées, sans avoir préalablement saisi le juge de l'exécution d'une telle demande.

Cette demande qui ne constitue ni l'accessoire, ni la conséquence ou le complément nécessaire aux prétentions soumises au premier juge sera déclarée irrecevable.

Si en première instance M. [C] n'a formulé aucune demande indemnitaire à l'encontre de M. [S] et la SCI LE DUO au titre de son préjudice moral et d'anxiété fondée sur le comportement de ces derniers, cette demande qui s'analyse en une demande de dommages et intérêts pour procédure abusive constitue une demande reconventionnelle justifiée par l'insistance de la SCI LE DUO via son gérant M. [S], à poursuivre M. [C] dans le cadre d'une action manifestement irrecevable et dans le seul but de lui faire payer des loyers dus par les seules sociétés gérées par M. [S] occupant les immeubles mis à leur disposition.

Le caractère abusif de cette procédure a généré un préjudice d'anxiété certain à l'égard de M. [C] qui est âgé de 76 ans, a pris sa retraite depuis le 31 mars 2011 et s'est vu assigné en vue du paiement de loyers pour un montant particulièrement élevé concernant une période de plus de six ans après son départ à la retraite et son départ des lieux loués qu'il convient de réparer par l'octroi d'une indemnité de 5000 euros et au montant duquel la SCI Le Duo et M. [S] son gérant, seront condamnés in solidum.

Sur les frais et dépens

Les dispositions du jugement déféré à ce titre seront confirmées.

La charge des dépens d'appel sera supportée par la SCI LE DUO conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

En outre il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [C] les frais irrépétibles exposés à l'occasion de l'instance d'appel.

Aussi la SCI LE DUO sera-t-elle condamnée à lui verser la somme de 5000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut et mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement rendu le 15 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Rouen en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déclare irrecevable la demande de mainlevée des mesures de saisies conservatoires,

Déclare recevable la demande en dommages et intérêts de M. [C],

Condamne in solidum la SCI Le Duo et M. [S] à payer à M. [C] la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts,

Condamne la société LE DUO aux dépens d'appel,

Condamne la société LE DUO à payer à M. [Z] [C] la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la société LE DUO de sa demande d'indemnité procédurale.

La greffièreLa présidente

C. DupontE. Gouarin


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre de la proximité
Numéro d'arrêt : 21/01722
Date de la décision : 28/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-28;21.01722 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award