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28/04/2022 | FRANCE | N°21/01109

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre de la proximité, 28 avril 2022, 21/01109


N° RG 21/01109 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IW2M





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE DE LA PROXIMITE



ARRET DU 28 AVRIL 2022









DÉCISION DÉFÉRÉE :



11-20-0623

Jugement du TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'EVREUX du 22 Février 2021





APPELANTE :



S.A. CREATIS

61 Avenue Halley

Parc de la Haute Borne

59866 VILLENEUVE D'ASCQ



représentée et assistée par Me Marion QUEFFRINEC de la SCP PICARD LEBEL QUEFFRINEC BEAUHAIRE

MOREL, avocat au barreau de l'EURE





INTIMES :



Madame [L] [I]

née le 12 Mai 1985 à SIDI BEL ABES

1 rue Antoine de Saint Exupery

27400 LOUVIERS



représentée et assistée par Me Guillaume BESTAUX de...

N° RG 21/01109 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IW2M

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE DE LA PROXIMITE

ARRET DU 28 AVRIL 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

11-20-0623

Jugement du TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'EVREUX du 22 Février 2021

APPELANTE :

S.A. CREATIS

61 Avenue Halley

Parc de la Haute Borne

59866 VILLENEUVE D'ASCQ

représentée et assistée par Me Marion QUEFFRINEC de la SCP PICARD LEBEL QUEFFRINEC BEAUHAIRE MOREL, avocat au barreau de l'EURE

INTIMES :

Madame [L] [I]

née le 12 Mai 1985 à SIDI BEL ABES

1 rue Antoine de Saint Exupery

27400 LOUVIERS

représentée et assistée par Me Guillaume BESTAUX de la SELARL BESTAUX BONVOISIN MATRAY, avocat au barreau de ROUEN

Monsieur [O] [I]

né le 26 Juin 1978 à LOUVIERS (27400)

1 rue Antoine de Saint Exupéry

27400 LOUVIERS

représenté et assisté par Me Guillaume BESTAUX de la SELARL BESTAUX BONVOISIN MATRAY, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 28 Mars 2022 sans opposition des avocats devant Madame GOUARIN, Présidente, rapporteur.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame GOUARIN, Présidente

Madame TILLIEZ, Conseillère

Madame GERMAIN, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Madame [Y] et en présence de Madame FERRARI, greffier stagiaire

GREFFIER LORS DE LA MISE À DISPOSITION

Madame [Y]

DEBATS :

A l'audience publique du 28 Mars 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 28 Avril 2022

ARRET :

Contradictoire

Prononcé publiquement le 28 Avril 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame GOUARIN, Présidente et par Madame [Y], Greffière.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Suivant acte sous seing privé du 8 novembre 2016, la SA Creatis a consenti à M. [O] [I] et à Mme [L] [I] un contrat de regroupement de crédits d'un montant de 65 400 euros remboursable en 144 mensualités d'un montant de 612,12 euros au taux contractuel de 5,22% et au taux effectif global de 6,88%.

Par lettres recommandées du 28 octobre 2019, la SA Creatis a mis en demeure M. et Mme [I] de régulariser les échéances impayées d'un montant de 7 336,06 euros dans un délai de 30 jours sous peine de déchéance du terme du prêt.

Par lettres recommandées du 29 janvier 2020, la SA Creatis a prononcé la déchéance du terme du contrat de prêt et mis en demeure M. et Mme [I] de lui régler la somme de 65 127,29 euros.

Par acte d'huissier du 2 juin 2020, la SA Creatis a fait assigner M. et Mme [I] afin d'obtenir leur condamnation au paiement des sommes restant dues.

Par jugement contradictoire du 22 février 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d'Evreux a :

- déclaré la SA Creatis recevable à agir ;

- prononcé la déchéance du droit aux intérêts ;

- condamné solidairement M. et Mme [I] à payer à la SA Creatis la somme de 52 211,50 euros ;

- dit que cette condamnation ne sera pas assortie des intérêts au taux légal ;

- dit que les sommes versées à ce titre par M. et Mme [I] antérieurement à la décision et non incluses dans le décompte viendront se déduire des dernières mensualités ;

- accordé des délais de paiement de 24 mois à M. et Mme [I] moyennant le versement de la somme de 650 euros par mois avec règlement du solde à la dernière échéance et déchéance du bénéfice des délais en cas de défaut de paiement ;

- rejeté les demandes formées en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties de toute demande plus ample ou contraire ;

- condamné in solidum M. et Mme [I] aux dépens.

Par déclaration du 15 mars 2021, la SA Creatis a relevé appel de cette décision.

Par ordonnance d'incident du 18 octobre 2021, le président de la chambre statuant en qualité de conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable la demande formée par la SA Creatis devant le conseiller de la mise en état tendant à voir déclarer irrecevable la fin de non-recevoir élevée par M. et Mme [I], condamné la SA Creatis aux dépens de l'incident et débouté M. et Mme [I] de leur demande formée au titre des frais irrépétibles.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 mars 2022.

EXPOSE DES PRETENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions reçues le 24 août 2021, la SA Creatis demande à la cour de :

- déclarer irrecevable la nouvelle demande de M. et Mme [I] tendant à faire droit à la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir ;

En conséquence

- débouter M. et Mme [I] de leur demande tendant à réformer le jugement entrepris et débouter la société Creatis de ses demandes ;

- infirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau

- débouter M. et Mme [I] de leurs demandes ;

- les condamner solidairement au paiement de la somme de 60 982,53 euros avec intérêts au taux contractuel à compter du 29 janvier 2020 ;

- dire que l'indemnité de 8% sur le capital restant dû portera intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 28 octobre 2019 ;

- accorder à M. et Mme [I] des délais de paiement à hauteur de la somme de 650 euros par mois ;

- condamner solidairement M. et Mme [I] au paiement de la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

- les condamner aux dépens.

Par dernières conclusions reçues le 9 juillet 2021, M. et Mme [I] demandent à la cour de :

- faire droit à la fin de non-recevoir en raison du défaut de qualité à agir de la société Creatis ;

- réformer la décision entreprise en ce qu'elle les a condamnés à payer la somme de 52 211,50 euros ;

- débouter la SA Creatis de ses demandes ;

A défaut

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la SA Creatis ;

- juger que les époux [I] ne peuvent être tenus au paiement d'autre somme que le montant prêté soit 64 500 euros sous déduction de l'ensemble des sommes remboursées depuis l'origine du crédit évalué à la date du 6 mai 2020 à 15 479,71 euros sauf à parfaire du montant des sommes versées depuis cette date ;

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a dit que les sommes dues ne seront pas assorties des intérêts au taux légal ;

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la société Creatis de sa demande au titre de l'indemnité de résiliation de 8% ;

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté la demande de la société Creatis sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouter la société Creatis de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel ;

En tout état de cause

- réformer la décision en ce qu'elle les a déboutés de leur demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Creatis à leur verser la somme de 900 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

- réformer la décision entreprise en ce qu'elle a mis les dépens de première instance à leur charge ;

- laisser les dépens de première instance et d'appel à la charge de la société Creatis.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de reporter aux dernières conclusions des parties pour l'exposé des moyens développés par celles-ci.

MOTIVATION

Si la SA Creatis conclut à l'infirmation de l'ensemble des dispositions du jugement déféré, y compris de celles ayant déclaré son action recevable comme n'étant pas forclose, elle ne saisit cependant pas la cour d'une demande tendant à voir déclarer son action irrecevable.

Les intimés ne formant pas d'appel incident sur ce point, il convient de confirmer la décision rendue dans ses dispositions ayant déclaré l'action recevable comme n'étant pas forclose.

Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir

Bien que le dispositif des conclusions des intimés saisissent la cour d'une prétention tendant à 'faire droit à la fin de non-recevoir en raison du défaut de qualité pour agir de la société Creatis', la qualité à agir du prêteur n'est en réalité pas contestée, seul son intérêt à agir étant remis en cause.

M. et Mme [I] soutiennent que l'action en paiement de la société Creatis doit être déclarée irrecevable dès lors qu'un accord de règlement amiable a été mis en place postérieurement au prononcé de la déchéance du terme mais antérieurement à l'action engagée, qu'aucun avenant n'a été établi mais que ce prêt renégocié est assimilable à un nouveau prêt qui n'a pas été dénoncé puisque les échéances convenues ont été respectées.

La société Creatis conclut à l'irrecevabilité de la demande formée à ce titre en application des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile qui prohibe les prétentions nouvelles en appel. Elle estime que la mise en place d'un échéancier aux fins de règlement de la créance ne constitue pas un accord de réaménagement dans le cadre de l'exécution d'un contrat de crédit.

Aux termes de l'article 123 du code de procédure civile, les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.

Il n'est en l'espèce pas contesté que le défaut d'intérêt à agir constitue une fin de non-recevoir au sens de l'article 122 du code de procédure civile.

M. et Mme [I] sont en conséquence recevables à soulever pour la première fois devant la cour d'appel le défaut d'intérêt à agir du prêteur.

C'est cependant à juste titre que la société Creatis soutient que l'accord des parties sur un règlement échelonné de la somme restant due postérieurement à la déchéance du terme alors que le contrat de crédit est résilié ne saurait s'analyser en un avenant de réaménagement.

La fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir doit en conséquence être écartée et l'action de la société Creatis déclarée recevable.

Sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels

Le premier juge a prononcé la déchéance du droit aux intérêts contractuels du prêteur au visa des dispositions de l'article L. 312-21 du code de la consommation aux motifs que la société Creatis ne rapportait pas la preuve de la remise du formulaire de rétractation et que la seule signature de l'offre de crédit contenant une clause attestant de cette remise était insuffisante.

L'appelante reproche au premier juge d'avoir ainsi statué en faisant valoir qu'il ne résulte pas des textes que le bordereau de rétractation fait partie intégrante de l'offre de crédit mais seulement qu'il doit être joint à l'exemplaire remis à l'emprunteur, que M. et Mme [I] ont reconnu être en possession d'un exemplaire de l'offre doté d'un bordereau de rétractation et que le dossier de financement qui leur a été adressé comprend l'ensemble des pièces constitutives du contrat de crédit et notamment un bordereau de rétractation conforme aux dispositions de l'article L. 312-21.

Les intimés s'approprient les motifs retenus par le premier juge et soulignent en outre qu'il n'est pas démontré que le dossier de financement a été effectivement porté à leur connaissance.

En application des dispositions des articles L. 312-21 et L. 341-4 du code de la consommation dans leur version applicable en l'espèce, pour permettre à l'emprunteur d'exercer son droit de rétractation, un formulaire détachable est joint à son exemplaire du contrat de crédit et le prêteur qui accorde un crédit sans remettre à l'emprunteur un contrat comportant un tel formulaire est déchu du droit aux intérêts.

Il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à ses obligations précontractuelles.

La reconnaissance écrite par l'emprunteur, dans une clause type figurant dans le corps de l'offre préalable, de la remise d'un bordereau de rétractation détachable joint à cette offre ne permet pas de présumer de sa remise effective à l'emprunteur.

La signature par l'emprunteur de l'offre préalable comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétractation constitue en effet seulement un indice qu'il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.

En l'espèce, M. et Mme [I] ont apposé leur signature sous la mention suivante :

' Après avoir pris connaissance de la fiche d'information précontractuelle, des conditions particulières et générales du contrat de crédit, je (nous) reconnais(sons) rester en possession d'un exemplaire de ce contrat de crédit doté d'un formulaire détachable de rétractation'.

La SA Créatis verse aux débats une partie du dossier de financement comportant l'ensemble des pièces constituant le dossier de crédit et notamment un exemplaire de l'offre doté d'un bordereau de rétractation.

M. et Mme [I] font cependant valoir à juste titre qu'il ne résulte pas des pièces produites que ce document leur a été adressé, aucun justificatif d'envoi n'étant produit.

Nul ne pouvant se constituer de preuve à lui-même, le dossier de financement produit ne constitue pas un élément corroborant la preuve de la remise d'une offre régulière au regard des dispositions relatives au droit de rétractation de l'emprunteur.

C'est en conséquence à juste titre que le premier juge a prononcé la déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels du prêteur et condamné solidairement M. et Mme [I] au paiement de la somme de 52 211,50 euros correspondant au montant du capital emprunté déduction faite des versements effectués, le jugement déféré devant être confirmé sur ce point.

Les dispositions du jugement ayant écarté les intérêts au taux légal n'étant pas critiquées à titre subsidiaire seront confirmées.

Sur la demande de délais de paiement

Si la SA Creatis conclut à l'infirmation de toutes les dispositions du jugement incluant celles ayant accordé des délais de paiement aux débiteurs, le dispositif de ses conclusions saisit la cour d'une demande de délais de paiement dans les conditions prévues par le jugement entrepris.

M. et Mme [I] concluent à la confirmation des dispositions du jugement déféré à ce titre.

Il convient en conséquence de confirmer les dispositions du jugement ayant accordé des délais de paiement de 24 mois à M. et Mme [I].

Sur les frais et dépens

Les dispositions du jugement déféré à ce titre seront confirmées.

Les dépens d'appel seront supportés par la SA Creatis qui sera déboutée de sa demande formée au titre des frais irrépétibles et condamnée à verser à M. et Mme [I] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Déclare recevable la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir du prêteur ;

Déboute M. et Mme [I] de leur demande tendant à voir déclarer irrecevable l'action de la SA Creatis ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 22 février 2021 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d'Evreux ;

Y ajoutant

Condamne la SA Creatis aux dépens d'appel ;

Condamne la SA Creatis à verser à M. et Mme [I] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SA Creatis de sa demande formée au titre des frais irrépétibles.

La greffièreLa présidente

C. DupontE. Gouarin

*

* *


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre de la proximité
Numéro d'arrêt : 21/01109
Date de la décision : 28/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-28;21.01109 ?
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