N° RG 19/03687 - N° Portalis DBV2-V-B7D-IJE7
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 28 AVRIL 2022
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE ROUEN du 05 Septembre 2019
APPELANT :
Monsieur [U] [W]
30 Rue du 74ème Régiment d'Infanterie
76000 ROUEN
représenté par Me Philippe DUBOS de la SCP DUBOS, avocat au barreau de ROUEN
INTIMEES :
SA RUBIS TERMINAL
33 Avenue de Wagram
75017 PARIS
représentée par Me Emmanuelle DUGUE-CHAUVIN de la SCP INTER-BARREAUX EMO AVOCATS, avocat au barreau de ROUEN
S.N.C. CAMO 39
60 Boulevard de Lorraine
57500 ST AVOLD
représentée par Me Marie-Perrine PHILIPPE, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 09 Mars 2022 sans opposition des parties devant Madame BERGERE, Conseillère, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente
Madame BACHELET, Conseillère
Madame BERGERE, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme DUBUC, Greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 09 Mars 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 28 Avril 2022
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 28 Avril 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [U] [W] a été mis à disposition de la SA Rubis Terminal, entreprise exerçant une activité d'entreposage et de stockage non frigorifique, sur deux périodes distinctes : du 30 janvier 2006 au 14 janvier 2009 en exécution de contrats de missions conclus avec la société Supplay et du 23 août 2012 au 28 février 2018 en exécution de contrats de missions conclus avec la société CAMO 39.
Par requête du 30 janvier 2019, M. [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Rouen en requalification des 675 missions d'intérim exécutées au profit de la société Rubis Terminal en un contrat de travail à durée indéterminée, ainsi qu'en paiement d'indemnités.
Par jugement du 5 septembre 2019, le conseil de prud'hommes a rejeté les demandes de requalification formulées par M. [W] à l'encontre des sociétés Rubis Terminal et CAMO 39, en conséquence, débouté M. [W] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions et condamné M. [U] [W] à payer à la société Rubis Terminal et à la société CAMO 39 la somme de 50 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
M. [U] [W] a interjeté appel de cette décision le 16 septembre 2019.
Par conclusions remises le 12 décembre 2019, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, M. [W] demande à la cour de le recevoir en son appel et le dire bien fondé, réformer le jugement dont appel, dire que la société CAMO 39 a manqué à son obligation quant à la qualification des salariés remplacés par l'intérimaire, dire que la société Rubis Terminal a pourvu par de l'intérim à des emplois permanents, constater en tout état l'absence de justification des accroissements temporaires invoqués, en conséquence requalifier les missions d'intérim accomplies du 23 août 2012 au 28 février 2018 en un unique contrat de travail à durée indéterminée tant à l'encontre de la société CAMO 39 qu'à l'encontre de la société Rubis Terminal, fixer la moyenne mensuelle de rémunération du salarié à 1 640,39 euros, condamner la société Rubis Terminal à lui verser la somme de 3 280,78 euros au titre de l'indemnité de requalification, condamner solidairement les sociétés CAMO 39 et Rubis Terminal à lui verser les sommes suivantes :
indemnité de préavis : 3 280,78 euros,
congés payés sur préavis : 328,08 euros,
indemnité légale de licenciement : 2 665,58 euros,
dommages et intérêts pour absence de motifs réels et sérieux de la rupture : 11 482,24 euros,
dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de formation : 1 000 euros,
indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile : 2 500 euros,
ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions remises le 10 mars 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, la société CAMO 39 demande à la cour, à titre principal, de confirmer le jugement rendu, en conséquence, constater que l'action en requalification des contrats de mission à son encontre est prescrite pour la période antérieure au 30 janvier 2017, dire qu'elle a parfaitement respecté les obligations légales relatives aux mentions obligatoires du contrat de mission, dire que la fausseté des cas de recours au contrat de mission ou le recours à l'intérim pour pourvoir durablement un poste permanent au sein de la société Rubis Terminal n'est pas de sa responsabilité, en conséquence, dire qu'elle n'a commis aucun manquement à ses obligations, débouter M. [W] de sa demande de requalification de ses contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée et de ses demandes subséquentes, le condamner à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance,
à titre subsidiaire, en cas de réformation du jugement et de requalification des contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée, débouter M. [W] de sa demande d'indemnité de requalification, fixer l'ancienneté de M. [W] à compter du 30 janvier 2017 (soit un an et 3 mois) ou à titre infiniment subsidiaire à compter du 23 août 2012 (soit 5 ans et 6 mois), fixer le salaire moyen de référence à la somme de 1 640,39 euros, fixer l'indemnité légale de licenciement à la somme de 512,62 euros (pour une ancienneté de 1 an et 3 mois) ou à titre infiniment subsidiaire à la somme de 2 323,90 euros (pour une ancienneté de 5 ans et 6 mois), fixer l'indemnité de préavis à la somme de 1 640,39 euros et les congés payés y afférents à la somme 164,39 euros (pour une ancienneté de 1 an et 3 mois) ou le fixer à titre subsidiaire à la somme de 3 280,78 euros et les congés payés y afférents à la somme de 328,07 euros (pour une ancienneté de 5 ans et 6 mois), ramener à un plus juste montant l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse sollicitée par M. [W] et de la fixer conformément au barème de l'article soit la somme de 1 640,39 euros (un mois de salaire) ou à titre subsidiaire à la somme de 4 921,17 euros (3 mois de salaire), débouter M. [W] de sa demande d'indemnité violation de l'obligation de formation.
Par conclusions remises le 9 mars 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, la société Rubis Terminal demande à la cour de confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions, condamner M. [W] à lui verser la somme de 50 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 24 février 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la prescription
Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel la prescription.
Selon l'article L. 1471-1 du code du travail dans sa version issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 modifiée par la loi n°2018-217 du 29 mars 2018 applicable au présent litige eu égard à la date d'introduction de l'instance, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit. Toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.
L'action en requalification d'une mission de travail temporaire ou de missions de travail temporaires successives en un contrat à durée indéterminée s'analyse en une action portant sur l'exécution du contrat de travail et non sur une action portant sur la rupture du contrat de travail. Elle est donc soumise, en application de l'article L. 1471-1 susvisé, à un délai de prescription de deux ans.
Le litige portant sur des contrats exécutés à partir du 23 août 2012, il convient de préciser qu'en application des dispositions transitoires de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, le délai de prescription biennale introduit par cette réforme au lieu et place du délai quinquennal de la loi du 17 juin 2008 réformant la prescription, s'applique aux prescriptions en cours à la date du 17 juin 2013, date de promulgation de la loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
En outre, le point de départ de ce délai diffère selon le fondement de l'action, le critère étant le moment où le salarié a connaissance du fait qui lui permet d'exercer l'action en requalification du contrat à durée déterminée, et donc du moment où il a été en mesure de constater l'irrégularité du contrat. Ainsi :
- Si est invoquée l'absence d'une mention au contrat, le point de départ de l'action est la date de conclusion du contrat de travail temporaire,
- Si l'action est fondée sur la réalité du motif du recours au contrat de travail temporaire indiqué sur le contrat, le point de départ du délai de prescription est le terme du contrat ou, en cas de succession de contrats de travail temporaire, le terme du dernier contrat.
En l'espèce, il convient de distinguer entre l'action dirigée contre la société Rubis Terminal fondée sur la critique de la réalité du motif du recours et l'action dirigée contre la société CAMO39 fondée sur la critique de l'absence de la mention précisant la qualification du salarié remplacé.
S'agissant de l'action dirigée contre la société Rubis Terminal, en présence d'une succession de contrats de travail temporaire, le point de départ du délai est le terme du dernier contrat, soit en l'espèce, le 28 février 2018. M. [W] ayant engagé son action le 30 janvier 2019, soit avant le terme du délai de prescription, son action est recevable.
S'agissant de l'action dirigée contre la société CAMO 39, la prescription doit s'apprécier contrat par contrat, puisque la date de conclusion de chaque contrat critiqué par M. [W] fait partir un délai de prescription autonome. Pour les contrats conclus avant l'entrée en vigueur de la loi du 14 juin 2013, le délai de prescription est arrivé à terme le 17 juin 2018, cinq ans après la publication de la loi. M. [W] ayant introduit son action le 30 janvier 2019, il est prescrit. Pour les contrats conclus après l'entrée en vigueur de la loi du 14 juin 2013, M. [W] ayant engagé son action le 30 janvier 2019, tous les contrats conclus avant le 30 janvier 2017 sont atteints par la prescription de son action en requalification.
En conséquence, il convient de compléter le jugement entrepris, et de dire que l'action de M. [W] n'est pas prescrite à l'encontre de la société Rubis Terminal et que l'action de M. [W] est prescrite à l'encontre de la société CAMO 39 pour tous les contrats conclus avant le 30 janvier 2017.
Sur l'action en requalification à l'encontre de la société CAMO 39
Les dispositions de l'article L. 1251-40 du code du travail, dans leur version applicable au litige, qui sanctionnent l'inobservation par l'entreprise utilisatrice des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35 du même code, n'excluent pas la possibilité pour le salarié d'agir contre l'entreprise de travail temporaire lorsque les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d'oeuvre est interdite n'ont pas été respectées.
En l'espèce, il convient de rappeler qu'il résulte des motifs adoptés ci-dessus que les critiques émises par M. [W] sur l'irrégularité des contrats et plus précisément sur l'absence de mention de la qualification du salarié remplacé, qu'il distingue de sa fonction et de sa classification, ne peuvent être examinées que sur les contrats conclus postérieurement au 30 janvier 2017 pour lesquels son action n'est pas prescrite. Cela concerne 54 missions.
L'examen de ces missions toutes rédigées sur le même modèle montre que sont présentes sur les contrats les mentions suivantes : l'identité du salarié remplacé et sa qualification 'opérateur d'exploitation non cadre'. En outre, il est indiqué, s'agissant de la qualification de M. [W] qu'il occupera un poste 'd'opérateur exploitation' suivi de la précision 'RG Pcs 676a'. Contrairement à ce que soutient le salarié, cette précision est totalement indifférente puisqu'il ne s'agit pas d'une indication en lien avec la classification du poste occupé par le salarié, mais d'une référence à la nomenclature des professions édictées par l'Insee qui n'a aucune conséquence sur le plan de la rémunération et de la définition concrète des fonctions exercées par un salarié, cette mention ayant uniquement une vocation statistique.
Les mentions figurant dans les contrats de mission litigieux répondant aux exigences légales relatives à l'indication dans le contrat de mission de la qualification du salarié remplacé, il n'y a pas lieu de requalifier le contrat en contrat à durée indéterminée à l'égard de la société CAMO 39.
Sur l'action en requalification à l'encontre de la société Rubis Terminal
Aux termes de l'article L. 1251-5 du code du travail, le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.
Selon l'article L. 1251-6 du même code, sous réserve des dispositions de l'article L. 1251-7, il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dénommée 'mission' et seulement dans des cas limitativement énumérés, dont l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise ou le remplacement d'un salarié absent.
Il incombe à l'entreprise utilisatrice de rapporter la preuve du motif invoqué, celui-ci s'appréciant au jour de la conclusion du contrat de mission.
En l'espèce, M. [W] soutient qu'il revient à la société Rubis Terminal de rapporter la preuve de la réalité des motifs de remplacement de salariés et d'accroissement temporaire d'activité visés pour justifier le recours aux contrats de travail temporaire et qu'en tout état de cause, le recours permanent à ses services sur une période aussi longue établit clairement que ce dernier effectuait des tâches relevant de l'activité normale et permanente de la société utilisatrice.
Alors que les premiers contrats de mission temporaire conclus pour les journées des 23, 24 et 31 août 2012 étaient motivés par un accroissement temporaire d'activité lié à 'la surveillance de transfert de bac au dépôt centre', la société Rubis Terminal ne produit aucune pièce pour établir la réalité de cet accroissement temporaire d'activité, étant précisé que contrairement à ce qu'elle soutient, son activité de stockage de carburants, produits chimiques et autres ne permet pas, en soi et en l'absence de tout élément objectif tel la justification des commandes des clients, de considérer que ses besoins en personnel sont aléatoires et qu'ils ne peuvent être gérés par l'emploi de salariés permanents. La régularité de ces trois premiers contrats n'est ainsi pas établie.
Surabondamment et en tout état de cause, l'examen de l'ensemble des missions journalières confiées à M. [W] montre qu'entre le mois d'août 2012 et le mois de février 2018, M. [W] a été engagé de manière très régulière plusieurs jours par semaine pour travailler pour le compte de la société Rubis Terminal, toujours et uniquement en qualité d'opérateur d'exploitation. La permanence et la régularité de l'emploi ainsi occupé par M. [W] tend à démontrer que ce poste était lié à l'activité normale et permanente de la société Rubis Terminal, ce qu'au demeurant, elle a elle-même implicitement reconnu en 2017, puisqu'elle produit des pièces établissant qu'elle a proposé, en avril 2017, à M. [W] un contrat à durée indéterminée pour occuper un poste d'opérateur d'exploitation, qui finalement ne lui a pas été attribué.
Au vu de ces éléments, la requalification étant encourue dès le premier contrat irrégulier, il convient d'infirmer le jugement entrepris et de requalifier de la relation contractuelle des parties pour l'entière période allant du 23 août 2012 au 28 février 2018.
Sur les conséquences de la requalification
En l'espèce, la requalification étant effective à compter du 23 août 2012, M. [W] peut se prévaloir d'une ancienneté de 5 ans et 6 mois, la relation contractuelle ayant pris fin le 28 février 2018. En outre, les parties s'accordent pour fixer le salaire moyen de M. [W] à la somme de 1 640,39 euros.
- Sur l'indemnité de requalification
Conformément à l'article L. 1251-41 du code du travail, il convient d'allouer à M. [W] la somme de 1 640, 39 euros bruts correspondant à un mois de salaire au titre de l'indemnité de requalification.
- Sur les dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de formation
La société Rubis Terminal justifie que pendant la relation contractuelle, M. [W] a suivi les formations suivantes: du 27 au 30 mai 2013 'formation conducteur d'engin moteur ferroviaire (moyen et gros embranché P3", du 13 au 14 avril 2015 'formation initiale à la conduite d'engin ferroviaire' et le 26 mai 2017 'formation initial des personnes qui effectuent sur le courrier le matériel des transporteurs aériens, les approvisionnements de bord et les fournitures d'aéroport, des contrôles de sûretés autres que l'inspection/le filtrage'.
M. [W] ne soutient pas avoir sollicité d'autres formations auprès de l'entreprise utilisatrice qui lui aurait été refusée.
Au vu de ces éléments, il convient de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a débouté M. [W] de sa demande à ce titre.
- Sur l'indemnité compensatrice de préavis
Aux termes de l'article L.1234-1 du code du travail, le salarié qui justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans a droit à un préavis de deux mois. La convention collective applicable ne comporte pas de dispositions plus favorables en la matière.
Par conséquent, il convient d'allouer à M. [W] la somme de 3 280, 78 euros bruts, outre 328, 08 euros bruts au titre des congés payés y afférents.
- Sur l'indemnité légale de licenciement
En application des dispositions des articles L.1234-9 et R.1234-1 à R.1234-4 du code du travail dans leur rédaction applicable au présent litige, le salarié licencié qui compte au moins une année d'ancienneté au service du même employeur a droit à une indemnité de licenciement dont le montant ne peut être inférieur à un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans et à un tiers de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de dix ans.
En l'espèce, compte tenu de l'ancienneté de M. [W], il convient de lui allouer à ce titre une somme de 2 323,89 euros.
- Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
La relation de travail ayant été requalifiée en contrat à durée indéterminée, la rupture est intervenue sans mise en oeuvre d'une procédure de licenciement et sans justification d'un motif, de sorte qu'elle est sans cause réelle et sérieuse.
Aussi, conformément à l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version postérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 qui prévoit le versement d'une indemnité représentant entre trois et six mois de salaire en considération de l'ancienneté acquise par M. [W] et compte tenu de son âge (43 ans au moment de la rupture), du montant de son salaire, de ce qu'il ne justifie pas de sa situation financière et professionnelle après la rupture du contrat de travail, il y a lieu de lui accorder une indemnité d'un montant de 6 500 euros.
Les conditions de l'article L.1235-4 du code du travail étant réunies, il convient d'ordonner le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés des indemnités chômage versées au salarié licencié dans la limite de six mois d'indemnités de chômage, du jour de la rupture au jour de la présente décision.
Sur les dépens et frais irrépétibles
En qualité de partie principalement succombante, la société Rubis Terminal est condamnée aux entiers dépens y compris de première instance et déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
La nature du litige commande de condamner la société Rubis Terminal à payer à M. [W] une somme de 2 500 euros au titre de ses frais irrépétibles. En revanche, il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de la société CAMO 39 les frais générés par l'instance et non compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant contradictoirement,
Complète le jugement entrepris ayant omis de statuer dans son dispositif sur la recevabilité de l'action de M. [U] [W] en ce sens :
Déclare recevable l'action en requalification des contrats de travail temporaire exécutés du 23 août 2012 au 28 février 2018 engagée par M. [W] à l'encontre de la société Rubis Terminal;
Déclare irrecevable comme étant prescrite, l'action en requalification des contrats de travail temporaire exécutés du 23 août 2012 au 30 janvier 2017 engagée par M. [W] l'action de M. à l'encontre de la société CAMO 39 ;
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [W] de sa demande indemnitaire pour manquement à l'obligation de formation ;
L'infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute M. [U] [W] de toutes ses demandes présentées contre la société CAMO 39 ;
Ordonne la requalification des contrats de travail temporaire exécutés du 23 août 2012 au 28 février 2018 par M. [W] au profit de la société Rubis Terminal en un contrat de travail à durée indéterminée ;
Condamne la société Rubis Terminal à payer à M. [W] les sommes suivantes :
1 640,39 euros au titre de l'indemnité de requalification,
3 280,78 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
328,08 euros au titre des congés payés y afférents,
2 323,89 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
6 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Ordonne à la société Rubis Terminal de rembourser à Pôle emploi les indemnités chômage versées à M. [U] [W] du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois ;
Déboute la société Rubis Terminal de sa demande respective au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la société CAMO 39 de sa demande respective au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Rubis Terminal à payer à M. [U] [W] la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Rubis Terminal aux dépens de la présente instance.
La greffièreLa présidente