N° RG 19/02844 - N° Portalis DBV2-V-B7D-IHNL
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 28 AVRIL 2022
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE ROUEN du 24 Juin 2019
APPELANTE :
Madame [B] [M]
638, Côte de la Justice
76690 FONTAINE LE BOURG
représentée par Me Thierry LEVESQUES, avocat au barreau de ROUEN
INTIMEE :
S.A. HLM LOGISEINE
1 Place des Coquets BP 168
76130 MONT SAINT AIGNAN CEDEX
représentée par Me Eric DI COSTANZO de la SELARL ACT'AVOCATS, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Julie LEMAIRE ETIENNE, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 03 Mars 2022 sans opposition des parties devant Madame POUGET, Conseillère, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur POUPET, Président
Madame ROGER-MINNE, Conseillère
Madame POUGET, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme WERNER, Greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 03 Mars 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 28 Avril 2022
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 28 Avril 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame ROGER-MINNE, Conseillère, en remplacement du Président empêché et par Mme WERNER, Greffière.
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le 1er juin 1996, Mme [B] [M] (la salariée) a été engagée en qualité de correspondante par la société HLM Logiseine (la société).
Le 1er avril 2010, elle est devenue membre suppléante de la délégation unique du personnel de l'entreprise.
Mme [M] a été en arrêt de travail pour maladie professionnelle du 1er mars 2012 au 2 septembre 2013.
Le 19 septembre 2013, à l'issue de la seconde visite médicale, le médecin du travail a rendu un avis "d'inaptitude au poste mais mutation proposée" en indiquant que la salariée ne pouvait plus "réaliser des tâches ménagères mais était apte à la poursuite de tâches administratives".
Le 6 décembre 2013, l'employeur a sollicité de l'inspection du travail l'autorisation de la licencier, laquelle lui a été refusée par décision du 6 février 2014, confirmée par le ministre du travail.
Par jugement du 23 juin 2016, le tribunal administratif de Rouen a finalement annulé les décisions administrative et ministérielle de refus d'autorisation de licencier.
Le 18 juillet 2016, l'employeur a réitéré sa demande d'autorisation de licencier, laquelle lui a été accordée par décision du 26 août 2016.
Le 8 septembre 2016, il a notifié à Mme [M] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Elle a alors saisi le conseil de prud'hommes de Rouen lequel, par jugement du 24 juin 2019, l'a déboutée de ses demandes et condamnée aux dépens.
Le 16 juillet 2019, elle a interjeté appel de cette décision et par conclusions remises le 11 octobre 2019, a demandé à la cour de :
-réformer le jugement,
-condamner la société à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution défaillante, fautive et discriminatoire du contrat de travail, outre celle de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions remises le 9 décembre 2019, la société demande à la cour de confirmer le jugement, de débouter la salariée de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il est renvoyé aux écritures des parties pour le détail de leur argumentation.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Aux termes de ses conclusions, la salariée reproche à son employeur une exécution fautive, défaillante et discriminatoire du contrat de travail en ce qu'il l'a laissée sans travail, sans affectation et sans proposition de formation, pour la période du 19 septembre 2013, date de la constatation de son inaptitude à son poste, au 8 septembre 2016, date de son licenciement. Ainsi, Mme [M] souligne que la société ne lui a pas proposé un travail conforme à "l'aptitude partielle" relevée par le médecin du travail, alors que son expérience la rendait accessible à toutes les tâches administratives et que l'employeur a procédé à de nouvelles embauches sur cette période. Si elle reconnaît que son salaire a été maintenu durant ces trois années, elle fait valoir que l'absence de fourniture d'un travail a porté atteinte, notamment, à sa situation morale et constitue un manquement de l'employeur, ajoutant que cette situation anormale est discriminante en ce qu'elle est en lien avec son engagement syndical.
Il s'infère de ces développements que la salariée, sous couvert du moyen tiré de l'exécution fautive du contrat de travail, conteste en réalité le respect par l'employeur de son obligation de reclassement, laquelle prend en effet naissance à compter de l'avis d'inaptitude, qui n'a d'ailleurs fait l'objet d'aucune contestation, et s'éteint avec le licenciement de la salariée. En effet, tous les manquements reprochés par cette dernière à la société intimée concernent la période de recherche de reclassement et, partant, la mise en 'uvre de ladite obligation telle qu'elle est définie par l'article L. 1226-10 du code du travail, dans sa version applicable au litige.
Or, il est constant qu'en l'état d'une autorisation administrative définitive accordée à l'employeur de licencier pour inaptitude un salarié protégé, le principe de la séparation des pouvoirs s'oppose à ce que le juge judiciaire apprécie le caractère réel et sérieux du motif du licenciement au regard du respect par l'employeur de son obligation de reclassement.
Au surplus, si la salariée allègue également une exécution discriminante du contrat de travail à raison de ses activités syndicales durant cette même période, elle ne développe pas ce moyen et ne présente pas le moindre élément de fait, comme le prévoit l'article L. 1134-1 du même code, laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, au sens du droit communautaire, dans le cadre de la recherche de reclassement. Au demeurant, il convient de relever que l'autorisation initiale de licenciement a été refusée par l'autorité administrative pour recherches de reclassement insuffisantes, sans toutefois établir un lien entre ce manquement et le mandat représentatif de la salariée.
Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont débouté la salariée de sa demande de dommages et intérêts formée à ce titre, la décision déférée étant confirmée par substitution de motifs.
Enfin, en qualité de partie succombante, Mme [M] est condamnée aux dépens d'appel et déboutée de sa demande formée au titre des frais irrépétibles.
Pour les mêmes raisons, elle est condamnée à payer à la société intimée la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme le jugement déféré par substitution de motifs ;
Condamne Mme [B] [M] à payer à la société HLM Logiseine la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
La condamne aux dépens d'appel.
La greffièreLa conseillère