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28/04/2022 | FRANCE | N°19/01158

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 28 avril 2022, 19/01158


N° RG 19/01158 - N° Portalis DBV2-V-B7D-IEBJ





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE



ARRET DU 28 AVRIL 2022





DÉCISION DÉFÉRÉE :



Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE ROUEN du 18 Février 2019



APPELANTS :



S.A.S. OFFICE DEPOT FRANCE

126 avenue du Poteau

60300 SENLIS



représentée par Me Céline DUSSART, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Aurélien ORSINI, avocat au barreau de PARIS





Me Eric [T] (SELARL BCM) - Administrateur judiciaire de la S.A.S. OFFICE DEPOT FRANCE

7, rue de Caumartin

75009 PARIS



représenté par Me Céline DUSSART, avocat au barreau de ROUEN substit...

N° RG 19/01158 - N° Portalis DBV2-V-B7D-IEBJ

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 28 AVRIL 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE ROUEN du 18 Février 2019

APPELANTS :

S.A.S. OFFICE DEPOT FRANCE

126 avenue du Poteau

60300 SENLIS

représentée par Me Céline DUSSART, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Aurélien ORSINI, avocat au barreau de PARIS

Me Eric [T] (SELARL BCM) - Administrateur judiciaire de la S.A.S. OFFICE DEPOT FRANCE

7, rue de Caumartin

75009 PARIS

représenté par Me Céline DUSSART, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Aurélien ORSINI, avocat au barreau de PARIS

Me [B] [I] (SCP ANGEL-[I]) - Mandataire judiciaire de la S.A.S. OFFICE DEPOT FRANCE

24 rue Notre Dame de Bon secours - BP 30798

60207 COMPIEGNE CEDEX

représenté par Me Céline DUSSART, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Aurélien ORSINI, avocat au barreau de PARIS

Me Nicolas [N] (SELAS MJS PARTNERS) - Mandataire judiciaire de la S.A.S. OFFICE DEPOT FRANCE

65 boulevard de la République

59100 ROUBAIX

représenté par Me Céline DUSSART, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Aurélien ORSINI, avocat au barreau de PARIS

Me Nicolas [M] (SELARL AJC) - Administrateur judiciaire de la S.A.S. OFFICE DEPOT FRANCE

4 avenue de Flandre

59700 MARCQ EN BAROEUL

représenté par Me Céline DUSSART, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Aurélien ORSINI, avocat au barreau de PARIS

INTIMES :

Monsieur [F] [U]

4 Rue Carlos Marchant

76380 CANTELEU

présent

représenté par Me Sandrine ULRICH, avocat au barreau de ROUEN

ASSIGNÉ EN INTERVENTION FORCÉE :

C.G.E.A. ROUEN DELEGATION REGIONALE UNEDIC AGS CENTRE OUEST

73 rue Martainville - CS11716

76108 ROUEN CEDEX 1

régulièrement assigné le 06/04/2021

n'ayant pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 09 Mars 2022 sans opposition des parties devant Madame BACHELET, Conseillère, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère

Madame BERGERE, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DUBUC, Greffière

DEBATS :

A l'audience publique du 09 Mars 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 28 Avril 2022

ARRET :

REPUTE CONTRADICTOIRE

Prononcé le 28 Avril 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [F] [U] a été engagé en qualité d'attaché commercial par contrat de travail à durée indéterminée du 20 juillet 2009 par la société Europa, laquelle a fait l'objet le 1er janvier 2014 d'une fusion-absorption par la société Office dépôt qui a conduit au transfert du contrat de travail de M. [U], licencié pour motif économique le 13 octobre 2017.

Par requête du 24 novembre 2017, M. [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Rouen en contestation du licenciement, ainsi qu'en paiement de rappels de salaire et indemnités.

Par jugement du 18 février 2019, le conseil de prud'hommes a dit le licenciement économique de M. [U] sans cause réelle et sérieuse, a condamné la société Office dépôt à lui verser 30 000 euros à titre de dommages et intérêts, 3 062 euros à titre d'indemnité pour impossibilité d'obtenir la prime d'objectif, outre 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, a débouté les parties du surplus de leurs demandes et condamné la société Office dépôt aux entiers dépens.

La société Office dépôt France a interjeté appel de cette décision le 14 mars 2019.

Par jugement du 5 février 2021, le tribunal de commerce de Lille a placé la société Office dépôt France en redressement judiciaire et désigné les SELARL BCM et AJC, représentées respectivement par MM. [C] [T] et [H] [M] en qualité de co-administrateurs judiciaires, puis, par jugement du 28 septembre 2021, il l'a placée en liquidation judiciaire en désignant la SELAS MJS Partners et la SCP Angel-[I] représentées respectivement par MM. [H] [N] et [B] [I] en qualité de liquidateurs judiciaires.

Par acte du 6 avril 2021, M. [U] a assigné en intervention forcée le CGEA-AGS de Rouen, lequel n'a pas constitué avocat.

Par conclusions remises le 14 février 2022, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, la société Office dépôt France, ainsi que MM. [T], [M], [N] et [I], ès qualités, demandent à la cour de :

- prononcer la mise hors de cause des administrateurs judiciaires suite à la conversion de la procédure de redressement en liquidation judiciaire,

-dire que M. [U] est irrecevable à contester la catégorie professionnelle à laquelle il appartenait et que son licenciement pour motif économique est fondé sur une cause réelle et sérieuse, infirmer ainsi le jugement rendu,

-dire que M. [U] a été rempli de l'intégralité de ses droits au titre de sa rémunération variable pour l'année 2017, infirmer ainsi le jugement rendu,

-dire que M. [U] a toujours perçu une rémunération conforme à sa classification et sa situation professionnelle et qu'il est infondé à soulever l'existence d'une inégalité de traitement, confirmer ainsi le jugement rendu,

- en conséquence, à titre principal, débouter M. [U] de l'ensemble de ses demandes et, à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour entrerait en voie de condamnation à leur encontre, déclarer l'arrêt opposable à l'AGS-CGEA de Rouen,

- ordonner que M. [U] rembourse la somme de 2 586,21 euros nets versée au titre de l'exécution provisoire de droit du jugement du 18 février 2019,

- rejeter les demandes de M. [U] au titre de l'article 700 du code de procédure civile, infirmer le jugement rendu en ce qu'il a mis à la charge de la société la somme de 1 000 euros à ce titre, condamner M. [U] à verser à la société la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamner M. [U] aux entiers dépens.

Par conclusions remises le 14 février 2022, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, M. [U] demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu en ce qu'il a dit que le licenciement intervenu pour motif économique était sans cause réelle et sérieuse et fixer au passif de la société Office dépôt les sommes suivantes :

dommages et intérêts : 30 000 euros,

prime d'objectif : 8 064 euros,

discrimination salariale : 25 300 euros,

- en tout état de cause, débouter la société Office dépôt de l'intégralité de ses demandes et la condamner à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens qui comprendront les éventuels frais et honoraires d'exécution du jugement,

- déclarer le jugement opposable au CGEA, représentant de l'AGS.

L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 24 février 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la mise hors de cause des administrateurs judiciaires

Dès lors que la liquidation judiciaire de la société Office dépôt a été prononcée le 28 septembre 2021 et qu'il a alors été mis fin à la mission des administrateurs sauf pour les actes de cession au besoin, il convient de mettre hors de cause les deux administrateurs judiciaires désignés dans le cadre du redressement judiciaire, à savoir la SELARL AJC, en la personne de M. [M], et la SELARL BCM, en la personne de M. [T].

Sur le caractère réel et sérieux du licenciement

M. [U] explique que malgré la fusion-absorption intervenue en 2014 entre la société Europa et la société Office dépôt, cette dernière n'a jamais traité les salariés de la société Europa de manière égale et, qu'en 2016, leur vantant les mérites d'un nouveau travail, à savoir expert IT, elle leur a demandé de migrer tous leurs clients à des chargés de clientèle 'Office dépôt', ce projet ayant été finalisé en mai 2017, vidant ainsi de leur substance les postes qu'ils occupaient.

Il précise qu'en janvier 2017, la société Office dépôt leur a alors indiqué qu'ils étaient devenus experts IT, qu'elle leur a demandé de signer un avenant en ce sens en avril 2017, ce qu'il a, pour sa part refusé, et ce, pour leur annoncer leur licenciement dès le 19 mai 2017 en leur précisant qu'aucun critère d'ordre n'avait à être appliqué dès lors que tous les experts IT étaient licenciés et qu'ils constituaient une catégorie professionnelle.

Outre qu'il s'étonne qu'une catégorie professionnelle qui ne concernait que les salariés 'Europa' ait été créée en mars 2017 pour être ensuite licenciée, il relève qu'il n'a, pour sa part, jamais accepté l'avenant proposé en avril 2017 et qu'il était donc attaché commercial au moment du licenciement, et non expert IT, peu important en conséquence l'application ou la non application des critères d'ordre.

La société Office dépôt et les organes de la procédure collective font valoir que l'ensemble des postes de la catégorie professionnelle ayant été supprimé, il n'y avait pas lieu d'appliquer les critères d'ordre de licenciement, cette contestation étant en tout état de cause irrecevable dans la mesure où un accord collectif majoritaire a été signé entre la société et les organisations syndicales fixant les catégories professionnelles et que la DIRECCTE, dans le cadre de son pouvoir de contrôle, a validé l'accord majoritaire par décision du 11 août 2017, sans avoir fait l'objet d'aucune contestation dans le délai de deux mois.

Par ailleurs, relevant que la fonction expert IT était déjà évoquée depuis janvier 2016 et que l'avenant proposé n'avait pour seul objet que de formaliser le statut cadre et d'introduire une clause de non-concurrence, une clause de mobilité et un forfait jour, ils contestent qu'il puisse leur être opposé l'absence d'accord de M. [U] à cet avenant dès lors que ses missions n'étaient pas modifiées, la seule différence entre l'attaché commercial et l'expert IT étant qu'il ne réalisait plus la démarche commerciale seul mais aux côtés d'un chargé de clientèle, sans avoir à manager une équipe puisqu'il ne devait intervenir qu'en support et non en supervision.

Ainsi, ils considèrent que l'avenant avait uniquement pour but d'identifier clairement les spécificités des fonctions exercées par les attachés commerciaux 'Europa' pour éviter toute confusion avec les chargés de clientèle 'Office dépôt', sachant qu'au regard de la gamme de produits qu'ils vendaient, à savoir du matériel informatique, ils avaient une expertise technique que n'avaient pas les chargés de clientèle 'Office dépôt'.

Il résulte de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa version applicable au litige, que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

En l'espèce, par décision du 11 août 2017, la DIRECCTE a validé l'accord collectif majoritaire portant sur le projet de licenciement économique collectif donnant lieu à la mise en oeuvre du plan de sauvegarde de l'emploi de l'unité économique et sociale Office dépôt et M. [U] a été licencié pour motif économique par courrier du 13 octobre 2017 aux termes duquel étaient développées les difficultés économiques rencontrées, et s'agissant plus particulièrement de son poste, il était indiqué :

'(...) Parmi les mesures arrêtées dans le cadre de cette réorganisation, il est prévu au regard de la situation financière de l'entreprise, de concentrer ses moyens qui sont limités sur des produits à plus forte marge ce qui n'est pas le cas des consommables informatiques et business machines. Il a donc été décidé d'arrêter cette activité de support à la vente sur cette typologie de produits. Cela implique la suppression de tous les postes rattachés à l'équipe d'Expert IT à laquelle vous appartenez. Votre poste d'Expert IT est de ce fait supprimé.

Nous avons entrepris des démarches aux fins de vous reclasser, tenant compte du fait que vous n'étiez pas mobile à l'international et que vous aviez refusé que vous soient proposés à titre de reclassement des postes de catégorie inférieure. Malgré les propositions de reclassement adressées, vous n'avez pas souhaité y faire suite.

Nous nous voyons donc contraints de devoir vous notifier votre licenciement en raison de la suppression de votre poste pour les raisons économiques rappelées ci-dessus. (...)'

A titre liminaire, il doit être relevé que, si dans le cadre de son dispositif, la société Office dépôt et les organes de la procédure demandent à ce qu'il soit jugé que M. [U] soit déclaré irrecevable à contester la catégorie professionnelle à laquelle il appartenait, les moyens développés à l'appui de cette prétention concernent uniquement l'irrecevabilité de la contestation des critères d'ordre.

En tout état de cause, il résulte de l'article L. 1235-7-1 du code du travail que le juge judiciaire demeure compétent pour statuer sur les litiges relatifs à l'application des mesures comprises dans un plan de sauvegarde de l'emploi même s'il ne peut, dans cet office, méconnaître l'autorité de la chose décidée par l'autorité administrative ayant validé l'accord collectif ou homologué le document élaboré par l'employeur par lequel a été fixé le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, ni l'autorité de la chose jugée par le juge administratif.

Ainsi, les salariés ne peuvent-ils, sous le couvert de demandes tendant à obtenir des dommages-intérêts pour violation des critères d'ordre des licenciements, contester la conformité aux dispositions législatives des critères d'ordre des licenciements et de leurs règles de pondération, tels que fixés dans le plan de sauvegarde de l'emploi, dont le contrôle relève de la seule compétence de la juridiction administrative.

Néanmoins, M. [U] n'invoque pas le non-respect des critères d'ordre, ni d'ailleurs ne remet en cause à proprement parler la catégorie professionnelle retenue dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi puisqu'au-delà de dénoncer la mauvaise foi ayant présidé à sa création, il revendique uniquement ne pas en relever pour ne pas avoir signé l'avenant d'avril 2017.

Aussi, la demande de M. [U] ne tend pas à remettre en cause le plan de sauvegarde de l'emploi tel que validé par la DIRECCTE mais uniquement son application, aussi, est-il recevable à contester la catégorie professionnelle à laquelle il appartenait.

Alors que M. [U] avait été engagé le 20 juillet 2009 par la société Europa en qualité d'attaché commercial niveau 5 coefficient 260 avec pour mission générale d'une part, de développer la clientèle existante, en fonction des objectifs fixés par l'entreprise, en négociant les contrats et en favorisant les prises de commandes et d'autre part, de prospecter son secteur de façon à accroître le portefeuille de clientèle, il lui a été transmis le 30 mars 2017 un avenant à son contrat de travail, avec effet rétroactif au 1er janvier 2017, aux termes duquel il était prévu qu'il occuperait la fonction d'expert IT, statut cadre, coefficient 300, avec mise en oeuvre d'un forfait jours en contrepartie d'une rémunération de 2 300 euros mensuels, outre son éligibité au plan de commissionnement.

Il était précisé les missions attachées à cette nouvelle fonction, à savoir :

- accompagner les équipes commerciales qui lui sont confiées pour contribuer à développer la famille de produits IT (business machines et consommables informatiques) auprès des clients et prospects dans le respect des objectifs qui lui sont fixés,

- intervenir aux côtés des équipes commerciales en tant qu'expert, de la qualification des affaires/opportunités jusqu'à leur conclusion,

- analyser les besoins des prospects et clients pour définir la solution la mieux adaptée (faisabilité, rentabilité) en utilisant son expertise, établir des propositions en lien avec les commerciaux et gérer les phases de négociation jusqu'à leur aboutissement,

- proposer des plans d'actions aux équipes suivies afin de développer les familles IT au sein des portefeuilles clients,

- mettre à disposition son expertise technique sur la famille IT afin de renforcer les compétences techniques des commerciaux,

-coordonner l'implémentation des solutions proposées avec les experts techniques.

Bien que M. [U] n'ait pas signé l'avenant, ni donné son accord aux modifications qu'il comportait, il a été avisé le 7 avril 2017 que son intitulé de fonction, qui apparaîtrait sur sa prochaine fiche de paie, serait désormais 'expert IT', conformément aux missions confiées depuis le 1er janvier 2017, tout en lui précisant qu'en l'absence de tout retour sur la proposition de passage au statut cadre, il lui était laissé le soin de revenir vers eux s'il changeait d'avis afin de pouvoir procéder aux modifications en paye.

Contrairement à ce que soutient la société Office dépôt et les organes de la procédure, il apparaît que les nouvelles missions listées en 2017 et attachées à la fonction d'expert IT n'étaient pas de même nature que celles apparaissant dans le contrat de travail de 2009 , et ce, tant au regard de l'expertise qui était désormais demandée à M. [U], au coeur de ses nouvelles missions, mais plus encore au regard de la fonction d'animateur d'une équipe, totalement absente antérieurement, se traduisant ainsi par l'accompagnement et la proposition de plans d'action aux équipes commerciales qui lui seraient confiées, l'intervention à leur côté en tant qu'expert ou encore le renforcement de leurs compétences techniques.

Ainsi, la nature même des fonctions d'attaché commercial telle qu'elle résultait du contrat de 2009, à savoir la prospection directe de clients afin de développer un portefeuille clients est absente de ces nouvelles missions.

A cet égard, si la société Office dépôt et les organes de la procédure invoquent le compte-rendu d'établissement de juin 2016 pour faire valoir que la fonction d'expert IT n'a pas été créée pour les besoins du plan de sauvegarde de l'emploi puisqu'évoqué dès 2016, il en ressort surtout que les missions mêmes d'attaché commercial telles que définies dans le contrat de M. [U], à savoir la prospection et le développement d'un portefeuille clients, étaient vidées de leur substance dès lors qu'il était demandé par la direction à ce que les clients Europa passent chez OBDS.

Ainsi, alors que Mme [J] demandait les raisons ne permettant pas d'obtenir le statut expert, se demandant si cela était lié au fait que tous les clients ne soient pas encore transférés chez ODBS, M. [K] lui répondait que l'objectif pour les vendeurs 'Europa' n'était pas d'être experts, mais d'aller voir les clients pour arrêter la décroissance et ne pas récupérer une coquille vide, lui précisant que ce serait au fur et à mesure du transfert des clients qu'il verrait comment avancer, la priorité étant de sécuriser la base clients, sachant que le transfert a été finalisé le 10 mai 2017.

Au vu de ces éléments qui permettent de retenir que sous la qualification d'expert IT étaient attribuées à M. [U] des fonctions de nature différente de celles précédemment exercées, la société Office dépôt ne pouvait lui attribuer la qualification d'expert IT sans son accord préalable et, à défaut de l'avoir recueilli, M. [U] avait encore au moment du licenciement le statut d'attaché commercial, distinct de celui d'expert IT, et il ne relevait pas en conséquence de la catégorie professionnelle expert IT, peu important qu'il ait éventuellement exercé ces missions dès janvier 2017 ou qu'il ait mentionné cette qualité sur son profil Linkedin.

Aussi, au-delà du caractère particulièrement déloyal du procédé mis en oeuvre par la société Office dépôt qui, faisant miroiter aux salariés de l'ancienne société Europa une promotion au statut cadre avec l'octroi de missions valorisantes, leur a fait signer l'avenant précité au mois d'avril 2017, une fois le transfert de leur portefeuille client quasiment finalisé, alors qu'elle ne pouvait ignorer qu'elle prévoyait le licenciement de tous les salariés engagés sous la catégorie professionnelle 'expert IT' comme en témoignent les mails échangés à ce sujet dès juin 2017 qui évoquent que cette décision a été portée à la connaissance des experts IT le 19 mai 2017, en tout état de cause, le licenciement de M. [U], qui n'avait pas signé cet avenant est sans cause réelle et sérieuse dès lors qu'il résulte de la lettre de licenciement qui lui a été adressée que ce n'est pas son poste qui a été supprimé puisqu'il était attaché commercial.

Conformément à l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version issue de l'ordonnance du 22 septembre 2017, il convient au regard de l'ancienneté de M. [U], de son salaire, augmenté des primes variables, et de l'absence de tout justificatif sur sa situation professionnelle postérieurement au licenciement, de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Office dépôt la somme de 16 000 euros, réparant ainsi plus justement le préjudice.

Sur la demande de rappel de salaire au titre de la prime d'objectifs

Relevant que ses objectifs ont été modifiés en mai 2017, l'empêchant ainsi de réaliser les primes d'objectifs, M. [U] sollicite le paiement de la somme de 8 064 euros correspondant à la différence de salaires entre 2017 et 2016.

La société Office dépôt, sans méconnaître qu'elle a transmis tardivement les objectifs à réaliser, fait valoir qu'elle en a déjà tenu compte en procédant au règlement du maximum de la rémunération variable à laquelle M. [U] pouvait prétendre et ce, en se basant sur une moyenne des primes perçues en 2016, aussi, alors que M. [U] ne justifie aucunement de ses calculs, elle demande à ce qu'il soit débouté de l'intégralité de cette demande.

Néanmoins, en versant 119 euros, 440 euros et 396 euros en avril 2017, puis 1 393 euros en juillet 2017, soit un total de 2 348 euros, il ne peut en aucun cas être considéré que la société Office dépôt aurait procédé au règlement du maximum de la rémunération variable à laquelle M. [U] pouvait prétendre dès lors qu'il avait perçu sur l'année 2016, soit de février 2016 à janvier 2017 inclus, compte tenu du versement de la rémunération variable sur le mois N+1, la somme de 13 504 euros.

En effet, ne serait-ce que sur la période comprise entre janvier et mai 2017, soit sur cinq mois, M. [U] aurait pu prétendre à 5 626,67 euros.

Bien plus, si l'employeur peut modifier les objectifs qu'il a définis unilatéralement dans le cadre de son pouvoir de direction, c'est à la condition qu'ils soient réalisables et portés à la connaissance du salarié en début d'exercice.

Aussi, en transmettant au mois de mai 2017 cette nouvelle rémunération variable, au surplus applicable aux expert IT, alors que M. [U] n'a pas signé l'avenant modifiant ses missions, l'employeur ne peut s'en prévaloir pour l'année 2017.

Par ailleurs, si M. [U] a été licencié le 13 octobre 2017, la dispense par l'employeur de l'exécution du travail pendant la durée du préavis ne doit entraîner, jusqu'à l'expiration de ce délai, aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait reçus s'il avait accompli son travail, aussi, il convient de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Office Dépôt, dans les limites de la demande, la somme de 8 064 euros à titre de rappel de prime d'objectifs pour l'année 2017.

Sur la demande de rappel de salaire au titre de la discrimination salariale

M. [U] note qu'il a été embauché au niveau 5 coefficient 260, alors que l'emploi d'attaché commercial relevait du coefficient 300, et surtout, qu'au moment de la modification de la classification conventionnelle opérée par avenant du 1er mars 2017, il ne pouvait lui être appliqué un coefficient 220.

Par ailleurs, il relève que la force de vente venue d'Europa n'est pas passée cadre contrairement aux salariés d'Office dépôt, ce qui, au-delà de l'inégalité de statut a conduit à une inégalité de traitement et il soutient qu'il ne percevait pas le même salaire que ses collègues pour un même travail, et cite pour exemple Mme [V] et M. [S] qui percevaient une rémunération de 2 290 euros bruts alors qu'ils n'avaient qu'un an d'ancienneté, mais aussi Mme [D], ancienne collègue Europa, embauchée par Office dépôt au salaire de 2 500 euros bruts.

La société Office dépôt explique qu'une nouvelle classification conventionnelle est entrée en vigueur le 20 juillet 2017 et que M. [U] ayant le statut employé coefficient 220, elle lui a octroyé le coefficient le plus élevé de la catégorie employé, sans pouvoir le faire bénéficier du coefficient 260 qui correspond à un statut agent de maîtrise.

En ce qui concerne l'inégalité de traitement, la société Office dépôt constate que M. [U] opère des comparaisons qui ne peuvent être valablement faites dès lors qu'il s'agit de salariés qui n'ont pas été transférés de plein droit dans le cadre de la fusion avec la société Europa, sachant, en tout état de cause, que dès 2015, elle a procédé à une augmentation significative du salaire de M. [U], sans que ces mêmes augmentations ne soient appliquées aux anciens salariés de la société Office dépôt. Elle relève en outre que les comparaisons sont infondées eu égard aux différences de fonctions, qualités professionnelles et expériences des collaborateurs.

A titre liminaire, il doit être relevé que si M. [U] invoque une classification erronée depuis que celle-ci a été modifiée par avenant du 1er mars 2017, étendu par arrêté du 20 juillet 2017, il se contente d'indiquer qu'au regard du coefficient antérieur qui lui était attribué, à savoir 260, il ne pouvait lui être attribué un coefficient 220, d'autant que le précédent coefficient était lui-même erroné et aurait dû être le coefficient 300, sans cependant préciser quel coefficient devrait lui être désormais attribué.

A supposer qu'il estime devoir bénéficier du coefficient 260 niveau B2, en tout état de cause il ne sollicite pas cette classification au terme de son dispositif et n'en tire pas davantage de conséquence juridique sur le plan salarial, aucun non-respect des minima conventionnels n'étant invoqué, ni d'ailleurs constitué, aussi, et alors que la cour n'est saisie que des prétentions énoncées au dispositif, il n'y a pas lieu d'examiner cette demande, au demeurant particulièrement floue.

Il doit encore être relevé que si M. [U] sollicite des dommages et intérêts pour discrimination salariale, il invoque en réalité une inégalité de traitement et il convient, conformément à l'article 12 du code de procédure civile, de trancher le litige conformément à cette règle de droit.

Enfin, il doit être noté que le calcul de M. [U] au titre de cette inégalité de traitement est incompréhensible, ainsi, il explique qu'il 'aurait dû être réglé au minimum 2 300 euros par mois, ce qui fait 550 euros x 12 x 3 + 10 = 25 300 euros bruts de janvier 2014 à octobre 2017.', sachant que la période indiquée ne correspond pas à douze mois sur trois ans, que rien ne permet de comprendre le montant de 550 euros réclamé alors qu'en 2016, le salaire fixe de M. [U] était de 1 999,80 euros et en 2017 de 2 019,80 euros et qu'enfin, à supposer que le '+10" correspondent aux 10 % de congés payés, le calcul proposé ne permet pas de parvenir à la somme réclamée.

Sur ce seul fondement, M. [U] devrait être débouté de sa demande à défaut de mettre la partie adverse et la cour en mesure de statuer utilement sur sa demande.

En tout état de cause, si la différence de traitement entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale doit être justifiée par l'employeur par des raisons objectives et matériellement vérifiables dont il appartient au juge de contrôler concrètement la réalité et la pertinence, il appartient cependant à celui qui invoque une atteinte au principe d'égalité de traitement de démontrer qu'il exerce au même niveau des fonctions identiques ou similaires aux salariés auxquels il se compare.

Selon l'article L 3221-3 du code du travail, constitue une rémunération au sens du présent chapitre, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum et tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au salarié en raison de l'emploi de ce dernier.

A l'appui de sa demande, M. [U] invoque le procès-verbal du comité d'établissement du 29 septembre 2016 aux termes duquel il est indiqué par la direction que le statut cadre ne pourra pas impacter la rémunération des vendeurs qui passent expert IT, précisant qu'il y aura une revalorisation des salaires qui seraient inférieurs aux salariés d'Office dépôt BS et, pour exemple, indique que le plus bas salaire d'Office dépôt BS étant de 24 000 euros sur l'année à l'embauche sur le fixe, si un vendeur Europa devient expert IT, il ne pourra pas avoir moins que ces 24 000 euros.

Au-delà de ce seul document, il n'est pas produit le moindre élément par M. [U] relatif aux salariés auxquels il se compare, et notamment aucun élément relatif à leur salaire, lesquels ne ressortent que des pièces produites par la société Office dépôt, à savoir un bulletin de salaire pour Mme [V] et M. [S] qui mentionnent une qualité de chargée de clientèle réseau, statut cadre C1 coefficient 300, et leur date d'entrée dans l'entreprise, sans cependant aucune mention de leur rémunération.

De même, si le contrat de travail de Mme [D] est en partie produit aux débats par la société Office dépôt, seules les mentions relatives à sa qualification et ses missions sont reproduites, là encore sans mention de sa rémunération.

Aussi, et alors que le seul élément produit par M. [U] relatif à une différence de rémunération ressort du procès-verbal précité du 29 septembre 2016, il ne peut qu'être relevé qu'il ressort de ses propres bulletins de salaire qu'il produit qu'il percevait cette rémunération fixe annuelle de 24 000 euros en 2016, mais surtout que sa rémunération était également constituée d'une part variable pour un montant lui permettant d'atteindre une rémunération mensuelle très sensiblement supérieure à 2 300 euros bruts.

Ainsi, M. [U] ne présente pas d'éléments laissant supposer l'existence d'une inégalité de traitement et il convient de le débouter de sa demande.

Sur la garantie de l'UNEDIC délégation AGS CGEA de Rouen

Compte tenu de la nature des sommes allouées, l'AGS CGEA doit sa garantie dans les termes des articles L. 3253-8 et suivants du code du travail.

Sur les dépens et frais irrépétibles

En qualité de partie succombante, il y a lieu de condamner la société Office dépôt aux entiers dépens, y compris ceux de première instance, de la débouter de sa demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner à payer à M. [U] la somme de 2 000 euros sur ce même fondement, en plus de la somme allouée en première instance.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant par arrêt réputé contractoire,

Confirme le jugement sauf sur le montant accordé à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et prime sur objectifs ;

L'infirme de ces chefs et statuant à nouveau de ces chefs,

Fixe au passif de la SAS Office dépôt les créances de M. [F] [U] aux sommes suivantes:

dommages et intérêts pour licenciement sans

cause réelle et sérieuse : 16 000 euros

rappel de prime d'objectifs 2017 : 8 064 euros

Y ajoutant,

Déclare l'UNEDIC délégation AGS-CGEA de Rouen tenue à garantie pour ces sommes dans les termes des articles L. 3253-8 et suivants du code du travail, en l'absence de fonds disponibles ;

Condamne la SAS Office dépôt à payer à M. [F] [U] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SAS Office dépôt de sa demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS Office dépôt aux entiers dépens.

La greffièreLa présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/01158
Date de la décision : 28/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-28;19.01158 ?
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