N° RG 20/03006 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IR3V
COUR D'APPEL DE ROUEN
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 27 AVRIL 2022
DÉCISION DÉFÉRÉE :
11-19-183
Tribunal d'instance du Havre du 24 juillet 2020
APPELANTS :
Monsieur [S] [W]
né le 23 mars 1987 à Versailles
2 chemin du Triangle
76930 OCTEVILLE SUR MER
représenté et assisté par Me Ghislaine VIRELIZIER de la Selarl KREIZEL VIRELIZIER, avocat au barreau du Havre plaidant par Me Estelle LANGLOIS
Madame [T] [L] épouse [W]
née le 13 juin 1987 à Le Havre
2 chemin du Triangle
76930 OCTEVILLE SUR MER
représentée et assisté par Me Ghislaine VIRELIZIER de la Selarl KREIZEL VIRELIZIER, avocat au barreau du Havre plaidant par Me Estelle LANGLOIS
INTIMEE :
Sarl SALSO
RCS de Caen 431 610 757
10 rue Joseph Jacquard
14120 MONDEVILLE
représentée par Me Yannick ENAULT de la Selarl YANNICK ENAULT-CHRISTIAN HENRY, avocat au barreau de Rouen
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 21 février 2022 sans opposition des avocats devant Mme Julie VERA, vice-présidente placée auprès de la première présidente de la cour d'appel de Rouen, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée :
Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre,
M. Jean-François MELLET, conseiller,
Mme Julie VERA, vice-présidente placée,
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Catherine CHEVALIER,
DEBATS :
A l'audience publique du 21 février 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 27 avril 2022.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU PRONONCE :
Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre,
M. Jean-François MELLET, conseiller
Mme Magali DEGUETTE, conseillère
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 27 avril 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier.
*
* *
Suivant un bon de commande en date du 13 janvier 2018, M. [S] [W] et Mme [T] [L], son épouse ont commandé auprès de la Sarl Salso, exerçant sous l'enseigne Salon Center, un ensemble de canapés pour un montant total de 6 014 euros. Un acompte de 2 000 euros a été versé.
Le 24 mars suivant, les époux [W] ont finalement décidé de financer leur achat par le biais d'un emprunt contracté auprès de Sofinco. La société Salso a accepté de revoir les modalités de règlement du prix de vente. Les canapés ont été livrés le 13 avril 2018.
Peu après la livraison, les époux ont constaté que des vices affectaient les biens. Ils ont envoyé un courriel à la Sarl Salso détaillant les défauts constatés, puis le 16 avril 2018, faisant état de nouvelles difficultés.
Invoquant une absence de réaction de la société Salso, les époux [W] l'ont mise en demeure, le 19 avril 2019, sur le fondement de l'article L217-10 du code de la consommation, de les dédommager d'une partie du prix de vente à convenir entre les contractants ou de leur rembourser le bien en contrepartie de sa restitution.
Le 27 avril suivant, la Sarl Salso communiquait à son fournisseur son bon pour accord en vue du déclenchement d'un service après-vente et sollicitait l'envoi d'un bordereau de retour.
En l'absence de reprise effective des canapés, par mise en demeure du 23 mai 2018, les époux [W] signifiaient à la société leur intention d'obtenir la résolution du contrat et le remboursement de leur achat sous 48 heures.
Aucun remboursement n'étant intervenu, par courrier du 2 août 2018, une ultime mise en demeure était adressée à la Sarl Salso par l'assureur protection juridique des époux aux fins d'obtenir le remboursement du prix de vente.
Par acte du 28 janvier 2019, M. [S] [W] et Mme [T] [L], son épouse ont assigné la Sarl Salso devant le tribunal d'instance du Havre aux fins de voir prononcer la résolution du contrat de vente et la condamnation de la société défenderesse à leur rembourser le prix de vente, outre sa condamnation à leur payer la somme de 1 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice de jouissance. À titre subsidiaire, ils sollicitaient la réalisation d'une expertise.
Par jugement rendu le 24 juillet 2020, le tribunal judiciaire du Havre a :
- débouté les époux [W] de leurs demandes ;
- débouté la société Salso de sa demande au titre des frais irrépétibles ;
- condamné les époux [W] aux dépens, comprenant les débours tarifés et les émoluments des officiers publics afférents à l'instance et à la procédure d'exécution ;
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Par déclaration reçue au greffe le 21 septembre 2020, M. [S] [W] et Mme [T] [L], son épouse ont interjeté appel du jugement.
Par dernières conclusions communiquées et notifiées le 18 janvier 2021, ils demandent à la cour, sur le fondement des articles L217-10 du code de la consommation et 1231-1 du code civil, d'infirmer le jugement entrepris et de :
à titre principal,
- prononcer la résolution du contrat de vente du 18 janvier 2018 ;
- condamner la Sarl Salso à payer la somme de 6 014 euros augmentée des intérêts aux taux légal à compter de la mise en demeure du 23 mai 2018, outre la somme de 2 000 euros au titre de leur préjudice de jouissance ;
à titre subsidiaire,
- désigner un expert avec mission essentiellement d'examiner les canapés litigieux, d'examiner les désordres allégués, en particulier ceux mentionnés aux conclusions, rechercher si ces désordres proviennent soit d'une non-conformité aux documents contractuels ou aux règles de l'art, soit d'une exécution défectueuse, fournir tous éléments techniques et de fait, de nature à permettre à la juridiction de déterminer les responsabilités encourues et d'évaluer s'il y a lieu les préjudices subis, indiquer et évaluer les travaux éventuellement nécessaires à la réfection et chiffrer, le cas échéant, le coût des remises en état ;
en tout état de cause,
- condamner la Sarl Salso à verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant opposition ou appel et sans caution vu l'urgence.
Par dernières conclusions notifiées le 8 février 2022, la Sarl Salso demande à la cour de :
- confirmer le jugement critiqué en ce qu'il a débouté les époux [W] de leurs demandes ;
- condamner les époux [W] à lui verser la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les époux [W] aux entiers dépens.
Il est renvoyé aux écritures des parties pour plus ample exposé des faits, prétentions et moyens qui seront par ailleurs analysés ci-dessous.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 8 février 2022.
MOTIFS
Sur la demande de résolution de la vente
Se prévalant de l'existence de défauts qui ne seraient en aucun cas mineurs, qui seraient essentiellement d'ordre esthétique mais pas uniquement, et de l'impossibilité d'utiliser normalement les relax sous peine de générer des frottements, M. et Mme [W] sollicitent la résolution du contrat de vente sur le fondement de l'article L217-10 du code de la consommation.
Dans sa rédaction applicable au jour de la signature du contrat de vente, le code de la consommation prévoyait, en ses articles L217-4 et suivants, que le vendeur livre un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance.
Le bien est conforme au contrat, notamment, s'il est propre à l'usage habituellement attendu d'un bien semblable et, le cas échéant :
- s'il correspond à la description donnée par le vendeur et possède les qualités que celui-ci a présentées à l'acheteur sous forme d'échantillon ou de modèle ;
- s'il présente les qualités qu'un acheteur peut légitimement attendre eu égard aux déclarations publiques faites par le vendeur, par le producteur ou par son représentant, notamment dans la publicité ou l'étiquetage.
Les défauts de conformité qui apparaissent dans un délai de vingt-quatre mois à partir de la délivrance du bien sont présumés exister au moment de la délivrance, sauf preuve contraire.
L'article L217-9 dispose qu'en cas de défaut de conformité, l'acheteur choisit entre la réparation et le remplacement du bien.
Toutefois, le vendeur peut ne pas procéder selon le choix de l'acheteur si ce choix entraîne un coût manifestement disproportionné au regard de l'autre modalité, compte tenu de la valeur du bien ou de l'importance du défaut. Il est alors tenu de procéder, sauf impossibilité, selon la modalité non choisie par l'acheteur.
Enfin, l'article L217-10 du code de la consommation prévoit que si la réparation et le remplacement du bien sont impossibles, l'acheteur peut rendre le bien et se faire restituer le prix ou garder le bien et se faire rendre une partie du prix.
La même faculté lui est ouverte :
1° Si la solution demandée, proposée ou convenue en application de l'article L217-9 ne peut être mise en 'uvre dans le délai d'un mois suivant la réclamation de l'acheteur ;
2° Ou si cette solution ne peut l'être sans inconvénient majeur pour celui-ci compte tenu de la nature du bien et de l'usage qu'il recherche.
La résolution de la vente ne peut toutefois être prononcée si le défaut de conformité est mineur.
Suite à la livraison du 13 avril 2018, les acquéreurs ont signalé à leur vendeur une première série de défauts affectant les canapés dans un premier courriel puis le 16 avril 2018 qui consistaient en :
- un décalage entre deux parties des canapés,
- le cuir qui dépasse légèrement du pied d'un canapé,
- un pied non aligné laissant apparaître un espace entre le cuir et le pied,
- un pied de canapé rayé,
- un boîtier d'interrupteur abîmé,
- deux parties du canapé non alignées,
- un pied métallique tordu.
Des photographies attestent de l'existence de ces défauts qui n'est d'ailleurs pas contestée par l'intimée.
Le 19 avril 2018, les époux [W] mettaient la société Salso en demeure soit d'avoir à leur rembourser le prix de vente pour 6 014 euros, à charge pour eux de restituer le salon, soit de les dédommager d'une partie du prix s'ils conservaient le salon. Ils font valoir que la société aurait pris à leur égard des engagements pour procéder à l'enlèvement des canapés dans un délai de 15 jours à compter du 27 avril 2018 en vue de leur réparation par le fournisseur, mais aucune pièce n'en atteste formellement.
Quand bien même la Sarl Salso aurait tenté de trouver une issue amiable au litige, force est de constater que, pour diverses raisons (fermeture de la société pour travaux, procédure SAV à respecter, attente de l'émission d'un bon de retour par le fabricant) et qui sont indifférentes à la sanction prévue par l'article L217-10 du code de la consommation, le vendeur n'a pu procéder au remplacement ou à la réparation des canapés dans le délai d'un mois qui lui était imparti à compter de la mise en demeure.
Dans pareil cas, les acheteurs avaient alors la possibilité de rendre le bien et de se faire restituer le prix, ou de garder le bien et de se faire rendre une partie du prix.
Par mise en demeure du 23 mai 2018, compte tenu de l'absence d'avancée, les époux ont finalement signifié à la société leur intention d'obtenir le remboursement de leur achat sous 48 heures.
Aucun remboursement n'est intervenu.
Pour autant, le code de la consommation énonce que la résolution de la vente ne peut être prononcée si le défaut de conformité est seulement mineur.
En l'espèce, les défauts constatés constituent effectivement des non-conformités du bien. Néanmoins, les époux [W] reconnaissent dans leurs écritures qu'ils s'avèrent essentiellement d'ordre esthétique (pied tordu, défaut d'alignement des coussins et rembourrages, rayures d'un pied en métal et d'un interrupteur '). Mais ils soutiennent par ailleurs que les malfaçons entraîneraient des frottements, raison pour laquelle ils ne pourraient utiliser les relax du canapé sous peine d'aggraver ces frottements. Or aucun élément de la procédure ne vient confirmer ces allégations.
Ils relèvent ensuite que l'aspect esthétique des canapés n'a rien d'anecdotique, constituant un élément central de la décoration. Pour autant, les photographies produites ne révèlent pas, compte tenu de la taille de la pièce et du positionnement des meubles, des défauts majeurs qui s'imposeraient à la vue et compromettraient sévèrement l'harmonie du salon, ni même des biens acquis.
En définitive, il n'est nullement établi que les malfaçons seraient importantes au point qu'elles compromettraient l'intégrité et la solidité des meubles, le fonctionnement correct des relax, et qu'elles rendraient les canapés impropres à leur utilisation quotidienne ; ceux-ci sont restés en la possession des appelants depuis avril 2018, sans qu'aucun élément de preuve objectif et extrinsèque corroborant leurs affirmations ne soit communiqué.
Dès lors, il apparaît que les défauts dénoncés ne présentent pas un caractère de gravité suffisant pour justifier la résolution du contrat de vente.
Par ailleurs, les appelants n'ont pas entendu former, ni en première instance ni en appel, de demande subsidiaire qui aurait consisté à conserver le bien et à se faire restituer une partie du prix.
Dans ces conditions, le jugement devra être confirmé.
En cas de rejet de leur demande de résolution, les appelants sollicitent la réalisation d'une expertise afin de déterminer si les désordres précités proviennent soit d'une non-conformité aux documents contractuels ou aux règles de l'art, soit d'une exécution défectueuse, et afin de recenser et d'évaluer les travaux éventuellement nécessaires à la réfection, ainsi que le coût des remises en état.
Une telle mesure apparaît inopportune compte tenu, comme pertinemment relevé par le premier juge, de l'utilisation des canapés depuis plusieurs années par les époux [W], et dès lors de l'impossibilité de rétablir leur état tel qu'il apparaissait en 2018 et l'analyser objectivement.
Sur le préjudice de jouissance
M. et Mme [W] sollicitent la condamnation de la société intimée à leur verser la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour leur préjudice de jouissance.
Le jugement de première instance a débouté les époux de l'ensemble de leurs demandes mais sans répondre spécifiquement à cette prétention.
Il a été jugé précédemment que les défauts présentés par les canapés n'étaient pas de nature à justifier la résolution du contrat de vente, à en compromettre l'usage. Le trouble de jouissance n'est pas caractérisé et ne peut donc justifier l'octroi d'une indemnité.
Sur les dépens et frais irrépétibles
M. et Mme [W] succombent à l'instance et en supporteront les dépens.
L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la Sarl Salso.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et en dernier ressort,
Confirme le jugement critiqué en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute les parties de leurs demandes indemnitaires,
Condamne solidairement M. [S] [W] et Mme [T] [L], son épouse aux dépens.
Le greffier,La présidente de chambre,