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27/04/2022 | FRANCE | N°19/01937

France | France, Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 27 avril 2022, 19/01937


N° RG 19/01937 - N° Portalis DBV2-V-B7D-IFRI







COUR D'APPEL DE ROUEN



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 27 AVRIL 2022









DÉCISION DÉFÉRÉE :



11-17-1070

Tribunal d'instance du Havre du 21 mars 2019





APPELANTE :



Madame [T] [B] divorcée [L]

née le 6 mai 1957 à Gruchet le Valasse

7 sente du vert pré

Rue de Bostenney

27370 LA SAUSSAYE



représentée et assistée par Me Erick LECOEUR de la Selarl LECOEUR

& DUMONTIER-SERREAU, avocat au barreau de Rouen







INTIME :



Monsieur [M] [J]

né le 06 mars 1947 à Henin Lietard

8 rue de Beauchesne

76210 GRUCHET LE VALASSE



représenté et assisté par Me Christele DUBOC-THOMAS...

N° RG 19/01937 - N° Portalis DBV2-V-B7D-IFRI

COUR D'APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 27 AVRIL 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

11-17-1070

Tribunal d'instance du Havre du 21 mars 2019

APPELANTE :

Madame [T] [B] divorcée [L]

née le 6 mai 1957 à Gruchet le Valasse

7 sente du vert pré

Rue de Bostenney

27370 LA SAUSSAYE

représentée et assistée par Me Erick LECOEUR de la Selarl LECOEUR & DUMONTIER-SERREAU, avocat au barreau de Rouen

INTIME :

Monsieur [M] [J]

né le 06 mars 1947 à Henin Lietard

8 rue de Beauchesne

76210 GRUCHET LE VALASSE

représenté et assisté par Me Christele DUBOC-THOMAS de la Selarl PARTHEMIS ENTREPRISE, avocat au barreau du Havre

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS  :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 21 février 2022 sans opposition des avocats devant Mme Julie VERA, vice-présidente placée auprès de la première présidente de la cour d'appel de Rouen, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre,

M. Jean-François MELLET, conseiller,

Mme Julie VERA, vice-présidente placée,

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU PRONONCÉ :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre,

M. Jean-François MELLET, conseiller

Mme Magali DEGUETTE, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme [T] [Y],

DEBATS :

A l'audience publique du 21 février 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 27 avril 2022.

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 27 avril 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier.

*

* *

Suivant acte reçu le 19 septembre 1981, M. [C] [B] et Mme [X] [P], alors son épouse, ont fait donation à leur fille unique, Mme [T] [B], de la nue-propriété d'un immeuble d'habitation situé 8 rue du Beauchêne à Gruchet-le-Valasse.

Le divorce a été prononcé entre les époux le 30 août 1983, puis confirmé en appel le 21 janvier 1985.

Suivant acte en date du 31 juillet 1985, M. [C] [B] a cédé à son ex-épouse sa quote-part d'usufruit sur cet immeuble.

Par la suite, Mme [X] [P] s'est remariée avec M. [M] [J] le 18 août 1990, sous le régime de la communauté d'acquêts à défaut de contrat préalable.

Par acte en date du 5 mars 1991, elle a fait donation à M. [J] de la pleine propriété de la quotité disponible de droit commun fixée par l'article 913 du code civil.

Par acte sous seing privé en date du 17 mai 2003, Mme [T] [B] a déclaré léguer à M. [M] [J], son beau-père, la jouissance de la maison à titre de droit d'usage, d'habitation et viager.

Mme [X] [P] est décédée le 19 octobre 2013.

Mme [T] [B] ayant alors réuni la pleine propriété de la maison en raison du décès de sa mère, elle a fait délivrer à M. [J] un commandement de quitter les lieux par acte d'huissier en date du 15 octobre 2015.

A défaut de libération des lieux, Mme [B] a d'abord saisi le juge des référés du tribunal d'instance du Havre d'une procédure en expulsion d'un occupant sans droit ni titre. Par ordonnance du 2 septembre 2016, le juge des référés du tribunal d'instance se déclarait incompétent pour connaître de la demande de Mme [B] et l'invitait à mieux se pourvoir au fond.

Par acte d'huissier du 31 août 2017, elle a ainsi fait citer M. [J] devant le tribunal d'instance afin d'obtenir son expulsion sur le fondement des dispositions des articles 544 du code civil et R.221-5 du code de l'organisation judiciaire.

Par jugement contradictoire en date du 21 mars 2019, le tribunal d'instance du Havre a :

- rejeté l'exception d'incompétence d'attribution du tribunal d'instance soulevée par M. [M] [J] ;

- débouté Mme [T] [B] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné Mme [T] [B] aux dépens ;

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a considéré que les demandes principales relevaient de la compétence du tribunal d'instance conformément à l'article R 221-5 du code de l'organisation judiciaire qui lui confère compétence pour les actions tendant à l'expulsion des personnes occupant aux fins d'habitation des immeubles bâtis. Il a néanmoins rejeté la demande en expulsion au visa de l'article 1100 du code civil, relevant que par acte en date du 17 mai 2003, Mme [B] s'était engagée à lui en laisser la jouissance si sa mère venait à décéder avant elle.

Par déclaration reçue au greffe le 9 mai 2019, Mme [B] a interjeté appel de cette décision.

Par arrêt du 30 juin 2021, la cour d'appel de Rouen a ordonné la réouverture des débats et a invité les parties :

- à la charge de Mme [B] : produire l'acte de décès de sa mère Mme [X] [P], pour le 1er septembre 2021 ;

- conclure sur les dispositions de l'article 763 du code civil, en communiquant de nouvelles conclusions récapitulatives, Mme [B] pour le 15 octobre 2021, M. [J] pour le 15 décembre 2021 ;

- produire l'inventaire des biens mobiliers situés dans l'immeuble de Mme [B] permettant de déterminer les droits des parties et le projet d'état liquidatif de la succession de Mme [X] [P], pour le 15 octobre 2021 ;

- invité les parties à rechercher le bénéfice d'une médiation au cours du délai imparti ;

- renvoyé l'affaire à l'audience du lundi 21 février 2022 à 14 heures ;

- réservé les demandes des parties ;

- réservé les dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 26 janvier 2022, Mme [B] demande à la cour d'appel, au visa des articles 6, 895 et 1100 du code civil, de :

- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

à titre principal,

- déclarer M. [J] irrecevable à se prévaloir du testament de Mme [B] et écarter cette pièce des débats ;

à titre subsidiaire :

- dire et juger que Mme [B] n'était tenue à aucun engagement ou devoir de conscience envers M. [J] ;

en tout état de cause :

- dire et juger que M. [M] [J] est occupant sans droit ni titre de la maison d'habitation appartenant à Mme [B] et sise 8 rue de Beauchêne lieudit vallée de Gruchet à 76210 Gruchet-le-Valasse ;

- ordonner l'expulsion de M. [M] [J] et de tous occupants de son chef au plus tard dans un délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir et à défaut de ce faire, s'entendre autoriser Mme [B] à faire procéder à son expulsion y compris avec le concours de la force publique ;

- fixer l'indemnité d'occupation due par M. [J] à Mme [B] à la somme mensuelle de 690 euros à compter 9 octobre 2013 jusqu'à complète libération des lieux constatée par la remise des clés ;

- dire et juger que ladite somme ainsi liquidée produira intérêts au taux légal sur la même période ;

- condamner M. [M] [J] au paiement desdites sommes ;

- le débouter de toutes ses demandes y compris financières ;

- renvoyer les parties à se pourvoir devant notaire pour procéder aux opérations d'ouverture, comptes, liquidation et partage de l'indivision successorale de feue Mme [X] [P] divorcée [B] épouse en seconde noce [J] ;

- condamner M. [M] [J] à payer à Mme [B] une indemnité de

10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- le condamner enfin aux entiers dépens de première instance et d'appel, comprenant en outre le coût du commandement de quitter les lieux à lui délivré le 15 octobre 2015 et liquidé à la somme de 86,36 euros.

Elle soutient pour l'essentiel ce qui suit :

- le document signé constitue bien un testament et ne saurait produire effet avant son décès ;

- il ne démontre pas de façon certaine sa volonté de laisser la jouissance à son beau-père ;

- ce document a été établi sur demande de sa mère et dans son intérêt ;

- elle n'a jamais, implicitement ou explicitement, accepté de laisser son beau-père dans les lieux ;

- les éventuelles créances revendiquées par ce dernier concernent la succession de sa mère.

Par dernières conclusions notifiées le 15 février 2022, M. [M] [J] demande à la cour d'appel vu les dispositions de l'article 1100 du code civil, vu les dispositions de l'article 1303 du code civil, de :

à titre principal,

- confirmer le jugement entrepris et juger qu'il pourra se maintenir dans les lieux jusqu'à sa mort sans indemnité d'occupation, aux seules conditions et charges prévues par les dispositions de la promesse du 17 mai 2003 ;

à titre subsidiaire,

- lui accorder les plus larges délais (3 ans) pour quitter les lieux en application des dispositions de l'article L.412-4 du code des procédures civiles d'exécution ;

- juger que jusqu'à son départ, il continuera d'occuper aux charges et conditions de la promesse viagère et sans indemnité d'occupation à sa charge ;

- condamner Mme [B] au titre des impenses, à lui régler la somme de 80 897,76 euros et de 19 600 euros, soit 100 497,76 euros, avec intérêt au taux légal à compter de la décision à intervenir ;

en tout état de cause,

- la condamner en cause d'appel à lui verser la somme de 3 600 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers dépens.

Il soutient en substance que le document litigieux constitue un engagement unilatéral à son profit, et par ailleurs qu'il a assumé seul l'intégralité des charges, en ce compris la taxe foncière, et des dépenses d'amélioration et d'entretien de la maison.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la demande en expulsion

Les dispositions du jugement relatives à la compétence de la juridiction saisie en première instance ne sont pas contestées.

Il n'est pas davantage contesté que Mme [B] est propriétaire de la maison de Gruchet-le-Valasse depuis le décès de sa mère, et que son beau-père M. [J] s'y maintient.

Le tribunal a fait droit à l'argumentation développée par M. [J], qui soutenait que l'acte sous seing privé du 17 mai 2013 démontrerait l'existence d'un engagement unilatéral de Mme [T] [B] à lui laisser la jouissance de la maison après le décès de sa mère.

Cette interprétation dénature toutefois cette pièce qui constitue manifestement un testament.

En effet, Mme [T] [B] y indique sans ambiguïté qu'elle « déclare faire son testament ainsi qu'il suit :

- je révoque toutes dispositions testamentaires antérieures,

- pour le cas où je viendrais à décéder après ma mère, (...) je lègue à M. [I] [J] :

. la jouissance personnelle à titre de droit d'usage, d'habitation et viager de la maison située à Gruchet-le-Valasse 8 rue de Beauchène,

. la jouissance de tous les meubles et objets mobiliers se trouvant dans ladite maison ».

Il n'existe aucun doute, au vu des termes employés et de l'opération juridique décrite, quant au fait qu'il s'agissait bien de dispositions testamentaires par lesquelles Mme [B] entendait, à son décès, conférer à son beau-père un droit d'habitation sur la maison.

Le fait que la suite du document prévoie les charges afférentes aux droits légués n'est en rien incohérent avec cette qualification.

Il y enfin lieu de relever que ce testament olographe a bien été déposé en office notarial 6 jours après sa signature, ainsi qu'en atteste M. [H] et qu'il a ensuite été repris le 8 avril 2014.

Le tribunal, qui a écarté la qualification de testament sans motivation spécifique, n'était donc pas fondé à retenir, au vu de cet acte, l'existence d'un droit d'habitation exigible du vivant de Mme [B].

Il en résulte au contraire que celle-ci n'entendait conférer à son beau-père un tel droit qu'à cause de mort, et qu'ainsi, dans la présente situation, M. [J] est dépourvu de tout droit ou titre pour se maintenir dans les lieux.

Par ailleurs, l'existence d'une promesse d'exécution d'un devoir de conscience, ou d'une exécution volontaire d'un tel devoir, ne procède ni des autres pièces versées aux débats, ni des circonstances de la cause.

Il n'a ainsi jamais été évoqué, dans les échanges, un accord de Mme [B] pour consentir à l'intimé un droit d'occupation postérieurement au décès de sa mère.

Elle a clairement manifesté son refus de le voir rester dans son courrier du 9 novembre 2014, puis a fait délivrer un commandement de quitter les lieux le 15 octobre 2015, après une période d'incertitude et d'échanges entres les conseils des parties liée à la difficulté de déterminer la consistance des droits respectifs et au retard de M. [J] à exercer son option successorale.

La décision ne pourra donc qu'être infirmée et l'expulsion de M. [J] devra être ordonnée.

Sur les modalités de l'expulsion et l'indemnité d'occupation 

Mme [B] sollicite l'expulsion de son beau-père dans le délai de deux mois et la fixation de l'indemnité d'occupation mensuelle sur la base de 690 euros.

M. [J] conclut au rejet de la demande, et soutient à titre subsidiaire que l'indemnité ne pourrait commencer à courir que du jour où l'appelante en a formulé la demande au fond, soit à partir du 31 août 2017, et non pas à compter du décès de son épouse.

Il résulte des dispositions combinées des articles L.412-3 et L.412-4 du code des procédures civiles d'exécution que le juge qui ordonne l'expulsion d'un occupant sans droit ni titre peut accorder des délais chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales.

Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte notamment de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement.

En l'espèce, M. [J] se maintient depuis octobre 2013, soit 8 ans dans la maison familiale. Il est âgé de 75 ans et justifie souffrir d'un état dépressif, de pathologies respiratoires sévères, et récemment d'un cancer du côlon ainsi que d'un taux d'incapacité supérieur à 50 %.

Cette situation, ainsi que la complexité de la situation familiale, justifient, nonobstant l'ancienneté de l'occupation sans droit ni titre et la situation de sa belle-fille (souffrant dans une moindre mesure de problèmes de santé), l'octroi de délais de neuf mois afin de permettre à l'intéressé d'organiser son relogement, à compter du présent arrêt.

Concernant la détermination de l'indemnité d'occupation, les évaluations produites par les deux parties sont anciennes mais permettent raisonnablement de retenir une valeur du bien située à 165 000 euros. L'indemnité d'occupation sera fixée à hauteur de 165 000 euros x 4 % / 12 mois soit 550 euros arrondies à la somme de 600 euros pour tenir compte de l'actualisation de la valeur du bien au cours des années.

S'agissant des dispositions de l'article 763 du code civil accordant au conjoint survivant une année d'occupation gratuite du domicile, M. [J] n'entend pas s'en prévaloir, concluant qu'il n'est pas contesté qu'elles ne trouvent pas à s'appliquer dans sa situation particulière.

Dès lors, l'indemnité d'occupation sera due à compter du 9 octobre 2013, date du décès de Mme [X] [J] et jusqu'à complète libération des lieux ; la somme due à la date de la présente décision n'emportera intérêt au taux légal qu'à compter de la signification du présent arrêt.

Concernant les meubles, compte tenu de l'obligation pour l'occupant expulsé de quitter les lieux et de les libérer de tous occupants et de tous biens de son chef, obligation nécessaire à la mise en 'uvre de l'expulsion, la cour avait, dans son précédent arrêt, invité les parties à faire établir un inventaire puisque partie des biens peut être la propriété de la défunte.

Les parties n'ont pas estimé utile de réaliser ledit inventaire. Par lettre officielle de son conseil en date du 3 septembre 2021, Mme [B] a indiqué qu'elle n'émettait aucune revendication s'agissant des effets mobiliers garnissant la maison occupée par M. [J]. Ce point sera repris au dispositif du présent arrêt.

S'agissant des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession, près de 9 ans après le décès de leur mère et épouse, les parties n'ont pas davantage avancé dans un règlement amiable et l'établissement d'un projet d'état liquidatif consensuel, chacune se contentant d'imputer à son adversaire la responsabilité de cet échec, et sans que jamais aucune d'elle n'ait envisagé de provoquer un partage en justice.

Enfin, Mme [B] ne demande pas à la cour qu'elle ordonne l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage et qu'elle commette un notaire à ces fins, mais simplement que, sous réserve d'une éventuelle démarche de médiation, elle « renvoie les parties à se pourvoir devant notaire pour procéder aux opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de [X] [J] ». Cette faculté appartient aux parties en l'absence de débat judiciaire sur une prétention précise sur l'ouverture des opérations successorales.

Sur les demandes en paiement formées à titre subsidiaire par M. [J]

A titre subsidiaire et reconventionnel, sur le fondement de l'enrichissement sans cause, M. [J] sollicite la condamnation de Mme [B] à lui rembourser une somme totale de 100 497,76 euros, correspondant à hauteur de 80 897 euros aux impenses liées aux travaux d'agrandissement, d'embellissement et de gros entretien (extension du pavillon en 1991 pour 49 924,89 euros, gros entretien de 1996 à 2017 pour 30 972,87 euros), et correspondant pour 19 500 euros aux impôts fonciers payés depuis 1990 qu'il évalue à la somme moyenne de 650 euros par an alors que ceux-ci incombaient à Mme [B].

Mme [B] est seule et unique propriétaire de la maison de Gruchet Le Valasse sur laquelle M. [J] ne dispose d'aucun droit indivis. Elle ne soulève pas le caractère subsidiaire du fondement invoqué, mais soutient que M. [J] ne justifie pas avoir effectivement engagé les dépenses concernées. Elle explique en outre qu'elle n'a jamais autorisé les travaux concernés, alors que la charge des grosses réparations lui revenait aux termes de l'acte de donation du 19 septembre 1981. S'agissant de la taxe foncière, elle soutient qu'aux termes de la donation, elle n'est tenue qu'à compter de la cessation de l'usufruit, soit au jour du décès de sa mère.

M. [J] réplique que sa belle-fille n'a jamais contesté les permis de construire délivrés pour l'extension réalisée, que le montant des travaux a été valorisé par un architecte, et qu'il démontre avoir emprunté 100 000 francs afin de financer la construction du garage.

Sur le fondement qu'il invoque au soutien de ses demandes subsidiaires, il revient à M. [J] de démontrer un enrichissement injustifié de Mme [B] et un appauvrissement corrélatif de sa part. L'enrichissement peut constituer dans l'accroissement du patrimoine du défendeur ou dans le fait de lui avoir évité une dépense.

M. [J], sur lequel pèse la charge de cette preuve, ne démontre pas qu'il aurait financé, soit personnellement, soit par le biais de la communauté matrimoniale, les dépenses correspondant au document d'évaluation réalisé par l'architecte [U] versé.

La seule pièce financière qu'il verse consiste en un tableau d'amortissement daté du 29 avril 1991 pour un montant de 100 000 francs, mais quand bien même cette date est concomitante de la réalisation de certains travaux, il ne ressort pas de ce document que le prêt aurait servi à financer la construction du garage ainsi que le soutient M. [J].

M. [J] ne verse ni l'offre de prêt, ni aucun relevé de compte bancaire, si bien qu'il ne démontre pas l'origine des fonds qui ont servi à le rembourser.

Le montant de 100 000 francs ne correspond précisément à aucun des postes de l'item 'extension de pavillon' mentionné dans le relevé de l'architecte [U], il diffère du montant de la facture de construction du garage versée et il résulte d'ailleurs des déclarations de travaux en page 27 et 28 qu'il a été également crée une véranda à cette époque.

L'absence de preuve de l'origine des paiements, et de l'appauvrissement corrélatif de M. [J], fait également échec aux demandes qu'il forme au titre du surplus des travaux.

S'agissant de la demande en remboursement de la taxe foncière, l'appelant ne conteste pas que M. [J] en ait effectivement réglé le montant. Elle invoque à juste titre qu'elle n'était tenue de payer la taxe foncière qu'à compter de la cessation de l'usufruit, ainsi que le prévoit le paragraphe 'charges et conditions' stipulé en page 3 de l'acte de donation du 19 septembre 1981.

Le fondement invoqué, soit l'enrichissement sans cause, permet donc à M. [J] d'obtenir le remboursement du montant de la taxe foncière acquittée à compter de l'année 2014. Il verse les relevés d'imposition pour 2015, 2017, 2020 pour des montants de 780, 803 et 841 euros.

Au vu de la moyenne de 650 euros par an dont il demande l'application, et des pièces justificatives versées, il sera fait droit à hauteur de 4 775 euros pour la période concernée, soit du mois d'octobre 2013 au mois d'avril 2021, date des conclusions signifiées.

S'agissant de la taxe foncière antérieure au décès de Mme [P], l'appelante conteste la devoir. Les deux échéanciers de paiement versés établissent que les sommes de 666 et 661 euros ont été débitées sur le compte de M. [J]. Toutefois, à défaut de tout élément relatif aux droits respectifs des parties dans la succession, s'agissant d'une créance successorale, M. [J] n'établit pas son droit à en solliciter le remboursement par Mme [B] sur le fondement de l'enrichissement sans cause.

Il ne peut donc qu'être débouté de ses demandes.

Sur les demandes accessoires 

M. [J] succombe à l'instance et doit être condamné aux dépens.

Aucun élément d'équité ne commande l'allocation d'une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile ; le coût du commandement de quitter les lieux délivré n'étant pas en l'espèce un préalable obligatoire à l'introduction de l'instance correspond à des frais dès lors écarté.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

Infirme la décision entreprise en ce qu'elle a :

- débouté Mme [T] [B] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné Mme [T] [B] aux dépens ;

et statuant à nouveau, des chefs infirmés,

Constate que M. [M] [J] est occupant sans droit ni titre depuis le 19 octobre 2013 de la maison sise 8 rue de Beauchêne lieudit vallée de Gruchet 76210 Gruchet-le-Valasse ;

Ordonne son expulsion, le cas échéant avec le concours de la force publique, à l'expiration du délai de neuf mois à compter de la présente décision ;

Fixe l'indemnité d'occupation due par M. [M] [J] à Mme [T] [B] à la somme mensuelle de 600 euros à compter 9 octobre 2013 jusqu'à complète libération des lieux, avec intérêt au taux légal à compter du présent arrêt ;

Constate que Mme [T] [B] a indiqué qu'elle n'émettait aucune revendication s'agissant des effets mobiliers garnissant la maison occupée par M. [M] [J] ;

Condamne Mme [T] [B] à payer à M. [M] [J] la somme de 4 775 euros au titre de la taxe foncière par lui acquittée postérieurement au décès de Mme [X] [P]-[J],

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne M. [M] [J] aux dépens.

Le greffierLa présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : 1ère ch. civile
Numéro d'arrêt : 19/01937
Date de la décision : 27/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-27;19.01937 ?
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