R. G. : 08 / 00749
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU 16 DECEMBRE 2008
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE ROUEN du 22 Janvier 2008
APPELANT :
Monsieur Michel A... X...
...
71100 CHALON SUR SAONE
comparant en personne, assisté de Me Georges Y..., avocat au barreau de PARIS
INTIMEE :
SOCIÉTÉ NORMANDE DE PRESSE ET D'EDITION ET D'IMPRESSION
33 rue des Grosses Pierres
76250 DEVILLE LES ROUEN
représentée par Me Michel BERTIN, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 08 Octobre 2008 sans opposition des parties devant Monsieur MASSU, Conseiller, magistrat chargé d'instruire seul l'affaire,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame PAMS-TATU, Président
Madame RAYNAL-BOUCHÉ, Conseiller
Monsieur MASSU, Conseiller
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Monsieur CABRELLI, Greffier
DEBATS :
A l'audience publique du 08 Octobre 2008, où l'affaire a été mise en délibéré au 25 Novembre 2008, date à laquelle le délibéré a été prorogé au 16 Décembre 2008
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 16 Décembre 2008, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame PAMS-TATU, Président et par Madame BARRAU, Greffier présent à cette audience.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Michel A... X...a été engagé à compter du 18 mai 2004 en qualité de rédacteur en chef du journal PARIS-NORMANDIE par la SOCIÉTÉ NORMANDE DE PRESSE RÉPUBLICAINE, aux droits de laquelle se trouve la SOCIÉTÉ NORMANDE DE PRESSE, D'ÉDITION ET D'IMPRESSION, sa date d'ancienneté étant contractuellement fixée au 1er août 1994. Par lettre recommandée adressée à celle-ci le 14 mai 2007 avec avis de réception, dont copie est annexée au présent arrêt, il a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur auquel il a fait principalement grief de l'avoir remplacé dans ses fonctions sans qu'une nouvelle affectation lui soit proposée et de l'avoir ainsi licencié de fait sans motif réel et sérieux. La SOCIETE NORMANDE DE PRESSE, D'EDITION ET D'IMPRESSION lui a répondu par courrier du 29 mai 2007 qu'elle considérait cette décision unilatérale de rupture comme une démission, mais il avait saisi le 18 mai 2007 le conseil de prud'hommes de ROUEN aux fins d'obtenir :
• 24. 000 € au titre d'indemnité de préavis,
• 2. 400 € au titre des congés payés sur préavis,
• 168. 000 € d'indemnité de licenciement
• 192. 000 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
• 3. 000 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
• la remise d'un certificat de travail et d'une attestation ASSEDIC conforme,
• l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
Par jugement du 22 janvier 2008, le conseil de prud'hommes a adopté les dispositions suivantes :
- dit et juge que la prise d'acte de rupture du contrat de travail de M. A... X...produit l'effet d'une démission ;
- déboute M. A... X...de l'ensemble de ses demandes ;
- déboute la société NORMANDE DE PRESSE ET D'EDITION ET D'IMPRESSION de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
- condamne M. A... X...aux dépens de la présente instance.
Michel A... X...a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 7 février 2008 et, en faisant soutenir oralement par son avocat à l'audience du 8 octobre 2008 ses conclusions écrites transmises le 12 juin 2008, il a demandé à la cour de :
- déclarer recevable et bien fondé son appel ;
- y faisant droit ;
- réformer en toutes ses dispositions le jugement ;
- statuant à nouveau,
- constater que la démission ne se présume pas ;
- constater que la rupture des relations contractuelles entre les deux parties est imputable à l'employeur ;
- condamner la société NORMANDE DE PRESSE ET D'EDITION ET D'IMPRESSION à verser à M. A... X...les sommes suivantes :
• 24. 000 € à titre de préavis,
• 2. 400 € au titre des congés payés sur préavis,
• 168. 000 € à titre d'indemnité de licenciement et subsidiairement 105. 068 €,
• 192. 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
• 5. 000 € à M. A... X...en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- condamner la société NORMANDE DE PRESSE ET D'EDITION ET D'IMPRESSION aux dépens.
Michel A... X...a fait principalement valoir en cause d'appel :
- que tous les membres du comité directeur du journal PARIS-NORMANDIE ont été contraints de partir à l'arrivée du nouveau PDG (Michel Z...) en mars 2006 ou postérieurement, car celui-ci avait décidé de s'entourer de sa propre équipe ;
- que, dans son courrier recommandé du 14 mai 2007, il a relaté objectivement les circonstances de son éviction programmée, et que la chronologie des faits explique parfaitement qu'il a été contraint de prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur, n'ayant jamais voulu démissionner ;
- que tous les témoignages et pièces produites attestent qu'il a été victime des agissements de son employeur et que les communiqués de presse sont en contradiction avec les allégations de celui-ci, qui avait l'intention de le licencier et ne produit aucun document relatif à une proposition d'affectation à un nouveau poste ;
- qu'il n'a effectivement été engagé que le 21 juin 2007 en qualité de rédacteur en chef par la société Les Journaux de Saône-et-Loire, et que ce nouvel emploi est postérieur et étranger à sa prise d'acte de rupture, n'en ayant été que la conséquence et lui faisant subir une rétrogradation dans son parcours professionnel ;
- qu'il ne peut valablement lui être reproché de ne pas avoir saisi la commission paritaire amiable prévue à l'article 47 de convention collective des journalistes, ce recours n'étant pas une obligation mais une simple possibilité ouverte au salarié ;
- qu'il bénéficiait d'une ancienneté de 21 ans, ayant été engagé en août 1986 au sein du groupe HERSANT, ce qui justifie le montant des indemnités qu'il sollicite.
En faisant soutenir oralement à l'audience par son avocat ses conclusions écrites transmises le 21 août 2008, la SOCIETE NORMANDE DE PRESSE, D'EDITION ET D'IMPRESSION a demandé à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
- en tout état de cause,
- constater que les griefs invoqués par M. A... X...à l'encontre de la SOCIETE NORMANDE DE PRESSE, D'EDITION ET D'IMPRESSION ne sont nullement établis ;
- en conséquence,
- constater que la rupture du contrat de travail de M. A... lui est exclusivement imputable et doit produire les effets d'une démission ;
- débouter purement et simplement M. A... X...de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner M. A... X...à payer à la SOCIETE NORMANDE DE PRESSE, D'EDITION ET D'IMPRESSION la somme de 1. 500 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- le condamner enfin aux entiers dépens.
La SOCIETE NORMANDE DE PRESSE, D'EDITION ET D'IMPRESSION a repris devant la cour ses arguments présentés devant le conseil de prud'hommes et retenus par les premiers juges comme motifs de leur décision, et fait complémentairement observer :
- que Michel A... X..., qui a souhaité quitter la SOCIETE NORMANDE DE PRESSE, D'EDITION ET D'IMPRESSION en raison de divergences de vue avec le nouveau PDG Michel Z..., a été invité à prendre l'initiative de la rupture de son contrat de travail, ce qu'il a fait sans toutefois accepter encore aujourd'hui d'en supporter les conséquences ;
- que les pièces nouvelles versées aux débats par Michel A... X...devant la cour, dont les principales sont des attestations relatives à son éviction prétendument programmée, ne sont nullement probantes ;
- que subsidiairement, Michel A... X...ne serait en droit d'obtenir qu'une indemnité compensatrice de préavis correspondant à deux mois de salaire, et la seule date susceptible d'être retenue pour le calcul de son ancienneté serait le 1er août 1994, celle-ci étant ainsi reprise dans son engagement du 18 mai 2004 par la SOCIETE NORMANDE DE PRESSE, D'EDITION ET D'IMPRESSION.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Les indications figurant sur les agendas professionnels communiqués par Michel A... X...ne renseignent pas sur le contenu des entretiens qu'il a pu avoir avec l'employeur, notamment les 11 décembre 2006, 8 février, 2 mars et 7 mai 2007, et il ne résulte pas des autres pièces versées aux débats que la SOCIETE NORMANDE DE PRESSE, D'EDITION ET D'IMPRESSION lui aurait alors proposé un poste en Polynésie française ou une séparation « dans le cadre un licenciement à l'amiable », qu'elle lui aurait indiqué qu'il n'était plus nécessaire de se présenter sur son lieu de travail, qu'elle l'aurait contraint à prendre ses congés payés en attendant de recevoir une proposition de « licenciement amiable » puis à rester à son domicile, qu'elle lui aurait assuré qu'il serait fixé « courant semaine 18 », et qu'elle lui aurait demandé de démissionner dans le cadre d'une rupture amiable du contrat de travail.
L'analyse des attestations produites par Michel A... X...révèle seulement qu'une nouvelle équipe a été mise en place après l'arrivée du nouveau PDG Michel Z..., qui a annoncé en janvier 2007 que ce rédacteur en chef quitterait le journal fin mars 2007 et serait remplacé par Sophie B..., en évoquant des pistes de mutation dont une opportunité vers les DOM-TOM, que l'intéressé manquait d'activité professionnelle à partir du mois d'avril 2007 et se trouvait à son domicile en semaine, qu'il en était très affecté, qu'il avait demandé à plusieurs reprises un rendez-vous avec Michel Z...pour clarifier sa situation, et qu'un calcul de ses indemnités de licenciement avait été effectué par le service des ressources humaines.
Il a effectivement été transmis en copie à Michel A... X...le 19 février 2007 un couriel du directeur des ressources humaines portant sur le calcul de l'indemnité de licenciement à laquelle il pourrait prétendre.
Selon les communiqués de presse, Sophie B...avait repris le 1er mars 2007 les fonctions de Michel A... X...avec lequel elle devait travailler en tandem jusqu'à la sortie de la nouvelle formule du journal Paris-Normandie le 27 mars 2007, pour devenir ensuite seule rédactrice en chef, son prédécesseur devant être nommé à un nouveau poste au sein du groupe HERSANT MEDIA.
Ont été mentionnés comme rédacteurs en chef sur les éditions du journal précité Michel A... X...le 26 mars 2007, Sophie B...et Michel A... X...le 27 mars 2007, et Sophie B...le 28 mars 2007.
Si la SOCIETE NORMANDE DE PRESSE, D'EDITION ET D'IMPRESSION a donné instruction le 19 mars 2007 à la mutuelle d'entreprise de procéder à la radiation de Michel A... X...à compter du 1er avril 2007, cette mutuelle a informé l'intéressé par courrier du 10 mai 2007 que l'employeur avait annulé sa demande par mail du 21 mars 2007.
Il n'est pas avéré que la SOCIETE NORMANDE DE PRESSE, D'EDITION ET D'IMPRESSION, qui admet seulement qu'un « départ négocié » a été envisagé à l'initiative de Michel A... X...au cours du premier trimestre 2007 et que pour cette raison elle l'a remplacé dans ses fonctions de rédacteur en chef par Sophie B..., ait pris des engagements précis sur le délai et les conditions de réalisation d'une rupture de son contrat de travail, ou sur une nouvelle affectation. Rien ne confirme que des assurances concernant une transaction aient été données à l'intéressé dans le cadre des entretiens avec l'employeur, notamment par Olivier DE C..., directeur des ressources humaines du groupe HERSANT MEDIA.
Il n'apparaît pas que Michel A... X...ait adressé à son employeur la moindre protestation écrite sur sa situation consécutive à son remplacement par Sophie B...avant sa lettre recommandée du 14 mai 2007 lui notifiant la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail.
Les faits reprochés par Michel A... X...à son employeur qui auraient été de nature à justifier cette rupture n'étant pas établis, c'est avec raison que le conseil de prud'hommes a considéré que sa prise d'acte de la rupture produisait l'effet d'une démission. Le jugement déféré doit en conséquence être confirmé en toutes ses dispositions.
En dépit de l'issue de l'instance d'appel, il ne paraît pas inéquitable d'exclure l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au profit de la SOCIETE NORMANDE DE PRESSE, D'EDITION ET D'IMPRESSION.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu en la cause le 22 janvier 2008 par le conseil de prud'hommes de ROUEN,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne Michel A... X...aux dépens de l'instance d'appel.
Le greffierLe président