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11/12/2008 | FRANCE | N°07/2910

France | France, Cour d'appel de Rouen, Ct0606, 11 décembre 2008, 07/2910


R.G : 07/02910

COUR D'APPEL DE ROUEN

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 11 DÉCEMBRE 2008

DÉCISION DÉFÉRÉE :

TRIBUNAL DE COMMERCE DU HAVRE du 11 Mai 2007

APPELANTE :

Société AXA COLONIA VERSICHERUNG AG

Allée 10-20

Colognia

51067 COLOGNE (ALLEMAGNE)

représenté par la SCP LEJEUNE MARCHAND GRAY X..., avoués à la Cour

assisté de Me Franck Y..., avocat au barreau de Paris

INTIMÉES :

S.A. TRAMAR

...

76600 LE HAVRE

représentée par la SCP DUVAL BART, avoués à la Cour

assistée de Me Franck Z..., avocat au barreau de Rouen

S.A.S. GIRAUD OUEST

...

Péricentre 4/2ème tranche

14000 CAEN

représentée par Me COUPPEY, avoué à la Cour

assistée ...

R.G : 07/02910

COUR D'APPEL DE ROUEN

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 11 DÉCEMBRE 2008

DÉCISION DÉFÉRÉE :

TRIBUNAL DE COMMERCE DU HAVRE du 11 Mai 2007

APPELANTE :

Société AXA COLONIA VERSICHERUNG AG

Allée 10-20

Colognia

51067 COLOGNE (ALLEMAGNE)

représenté par la SCP LEJEUNE MARCHAND GRAY X..., avoués à la Cour

assisté de Me Franck Y..., avocat au barreau de Paris

INTIMÉES :

S.A. TRAMAR

...

76600 LE HAVRE

représentée par la SCP DUVAL BART, avoués à la Cour

assistée de Me Franck Z..., avocat au barreau de Rouen

S.A.S. GIRAUD OUEST

...

Péricentre 4/2ème tranche

14000 CAEN

représentée par Me COUPPEY, avoué à la Cour

assistée de Me Philippe A..., avocat au barreau de Paris

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 05 Novembre 2008 sans opposition des avocats devant Monsieur LOTTIN, Conseiller, rapporteur, en présence de Madame VINOT, Conseiller.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BARTHOLIN, Présidente

Monsieur LOTTIN, Conseiller

Madame VINOT, Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS :

Madame DURIEZ, Greffier

DÉBATS :

A l'audience publique du 05 Novembre 2008, où le président d'audience a été entendu en son rapport oral et l'affaire mise en délibéré au 11 Décembre 2008

ARRÊT :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 11 Décembre 2008, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BARTHOLIN, Présidente et par Madame DURIEZ, Greffier.

*

* *

EXPOSÉ DU LITIGE

Au mois de juillet 1999, la société MEGA LINK, ayant son siège à Hong Kong, a vendu à la société IVRESSE pour un prix de 1 069 216 francs un lot de pull-overs conditionnés dans 377 colis.

La société MOIROUD a été chargée d'organiser le transport de la cargaison de Hong Kong à Garonor, via le Havre, port de déchargement.

Pour le post acheminement terrestre de la marchandise du Havre à Garonor, la société MOIROUD a fait appel au transporteur, la société TRAMAR, laquelle a sous-traité la réalisation effective du transport à la société TRANSPORTS DUBUS.

Le chauffeur de la société DUBUS a pris en charge le conteneur sur sa remorque le 6 août 1999 à 20h30 au Havre pour le laisser devant les entrepôts fermés du destinataire le soir même vers 24 heures et est ensuite reparti en direction du Havre.

Le 10 août au matin a été constatée la disparition du conteneur.

Le vol a été déclaré à la gendarmerie.

Exposant avoir indemnisé la société IVRESSE en vertu d'une police ad valorem souscrite par le commissionnaire de transport MOIROUD et être subrogée dans les droits et actions de cette société, la société AXA COLONIA VERSICHERUNG AG a fait assigner les sociétés TRAMAR et DUBUS devant le tribunal de commerce du Havre aux fins d'obtenir paiement de la somme de 174 889,67 euros.

La société TRAMAR a appelé en garantie la société TRANSPORTS DUBUS laquelle a sollicité le sursis à statuer dans l'attente de la procédure pénale en cours devant le tribunal correctionnel de Bobigny par suite de la plainte pour vol.

Après un jugement de sursis à statuer en date du 17 mai 2002, l'affaire a été reprise devant le tribunal, la société GIRAUD OUEST, venant aux droits de la société DUBUS, soulevant la péremption de l'instance.

Par jugement du 11 mai 2007, le tribunal de commerce du Havre a :

- dit n'y avoir lieu à péremption d'instance

- reçu la société AXA en sa demande, la déclarant partiellement fondée

- condamné la société TRAMAR à payer à la société AXA la somme de 9 220,12 euros augmentée des intérêts au taux légal avec capitalisation au jour de l'assignation

- reçu la société TRAMAR dans son appel en garantie contre la société DUBUS et condamné la société GIRAUD OUEST, venant aux droits de la société DUBUS, à relever et garantir la société TRAMAR de la condamnation prononcée contre elle

- débouté les parties de leurs autres ou plus amples demandes

- condamné la société GIRAUD OUEST aux entiers dépens et à payer à chacune des sociétés AXA et TRAMAR la somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du NCPC.

La société AXA COLONIA a interjeté appel de ce jugement.

Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions signifiées le 31 octobre 2008 pour la société AXA COLONIA, le 24 octobre 2008 pour la société GIRAUD OUEST et le 10 septembre 2008 pour la société TRAMAR.

La société AXA conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a dit que l'instance n'était pas périmée, à la réformation du jugement dans ses autres dispositions, à la condamnation solidaire de TRAMAR et DUBUS à lui payer la somme de 174 889,67 euros majorée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 13 avril 2000, lesdits intérêts étant capitalisés et à leur payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du NCPC.

La société TRAMAR conclut que soit constatée l'extinction de l'instance par l'effet de la péremption, subsidiairement à l'irrecevabilité des demandes de la société AXA, subsidiairement encore qu'il soit jugé qu'elle n'a commis aucune faute en relation avec le vol litigieux et en conséquence au débouté des demandes dirigées contre elle pour faute personnelle, subsidiairement encore qu'il soit jugé que sa responsabilité personnelle ne saurait excéder en tout état de cause la somme de 7 622 euros, jugé que la société GIRAUD OUEST n'a commis aucune faute lourde et que la responsabilité de cette dernière ne peut excéder la somme de 13 171,60 euros correspondant à la limite légale de responsabilité, à la condamnation de la société GIRAUD OUEST à la relever et garantir de toutes condamnations qui seraient prononcées contre elle en principal, intérêts et frais, en tout état de cause à la condamnation de la société AXA et ou de la société GIRAUD OUEST à lui payer la somme complémentaire de 10 000 euros au titre de l'article 700 du NCPC.

La société GIRAUD OUEST conclut à l'infirmation du jugement, que soit constatée la péremption d'instance, subsidiairement à l'irrecevabilité pour défaut d'intérêt à agir et de qualité à agir de la société AXA, au débouté de toutes ses demandes, qu'il soit jugé que l'action en garantie de TRAMAR est dépourvue d'objet et à la condamnation de la société AXA à lui payer la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du NCPC, très subsidiairement qu'il soit jugé que l'indemnisation maximale susceptible d'être mise à sa charge serait de toutes façons limitée à la somme de 13 171,60 euros, au débouté des sociétés AXA et TRAMAR du surplus de leurs demandes.

SUR CE

Sur la péremption

Il résulte des pièces produites aux débats la chronologie suivante :

- la société AXA a assigné les sociétés TRAMAR et DUBUS devant le tribunal de commerce par assignations respectivement délivrées les 12 et 13 avril 2000

- par conclusions des 16 octobre et 3 décembre 2000, les sociétés DUBUS et TRAMAR ont sollicité qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale en cours à la suite de la plainte pour vol déposée par la société DUBUS, demandant le retrait du rôle

- par conclusions du 4 mai 2002, la société AXA a sollicité le sursis à statuer dans l'attente de l'issue de l'instruction en cours

- relevant que la société AXA sollicitait le sursis et que les sociétés TRAMAR et DUBUS s'en rapportaient, le tribunal de commerce du Havre a, par jugement du 17 mai 2002, sursis à statuer sur les demandes de la société AXA dirigées contre les sociétés TRAMAR et DUBUS dans l'attente de l'issue de l'instruction en cours devant le tribunal de grande instance de Bobigny sur plainte de la société DUBUS

- une ordonnance de renvoi de Monsieur B... devant le tribunal correctionnel pour les faits de vol au préjudice de la société DUBUS a été rendue le 16 septembre 2002

- par courrier en date du 4 août 2003, le conseil de la société DUBUS a, évoquant l'appel de l'affaire à une audience de mise en état du 26 septembre à venir, indiqué au tribunal qu'il n'entendait pas accepter de nouveaux reports de l'affaire et sollicitait une fixation de l'affaire à une prochaine audience de plaidoiries

- le 28 août 2003, le conseil de la société AXA a indiqué au tribunal que par ce courrier la société TRANSPORTS DUBUS ne semblait plus se prévaloir de l'existence de la procédure pénale ce qui justifierait de sa part une demande de dommages et intérêts pour sursis à statuer demandé de manière dilatoire

- par lettre du 20 janvier 2004, le conseil de la société DUBUS a indiqué à nouveau au tribunal qu'elle était en état et demandait une fixation de l'affaire devant un juge rapporteur aux fins de plaidoirie

- le 16 juin 2005, la société AXA a déposé des conclusions tendant à la condamnation des sociétés TRAMAR et DUBUS

- par conclusions du 14 avril 2006 la société GIRAUD venant aux droits de la société DUBUS a soulevé la péremption de l'instance.

Il résulte de cette chronologie que le cours du délai de péremption a été suspendu jusqu'au 16 septembre 2002, date de réalisation de l'événement ayant justifié le sursis à statuer, qu'à compter de cette date un nouveau délai de deux ans a commencé à courir lequel a été interrompu les 4 août 2003, 20 janvier 2004 et 16 juin 2005 par des diligences des parties de telle sorte qu'aucune péremption n'était acquise au jour où la société DUBUS s'en est prévalue.

En effet les diligences ci-dessus évoquées doivent être regardées comme interruptives de péremption dès lors qu'elles manifestaient la volonté incontestable de poursuivre la procédure et de faire progresser l'affaire dont le juge n'était pas dessaisi par l'effet du sursis à statuer.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à péremption d'instance.

Sur la qualité et l'intérêt à agir de la société AXA

Pour preuve de sa subrogation dans les droits de la société MOIRAUD en sa qualité d'assureur de cette dernière ayant indemnisé la société cliente IVRESSE, la société AXA produit aux débats :

- une quittance d'indemnité signée le 30 décembre 1999 aux termes de laquelle la société IVRESSE reconnaît avoir reçu la somme de 1 147 201 francs de AIM BELGIQUE "représentant légal en Belgique de AXA COLONIA VERSICHERUNG"

- le chèque de même montant adressé par AIM BELGIQUE à la société IVRESSE

- un extrait du moniteur belge ayant publié la procuration donnée par la société AXA COLONIA VERSICHERUNG à la société AIM BELGIQUE de notamment souscrire toutes polices d'assurances dans la branche marchandises transportées, poursuivre et recevoir le paiement de toute créance payable à la société

- les conditions particulières de la police d'assurance ad valorem souscrite par "la société ZIEGLER France ainsi que par les sociétés ci-après" parmi lesquelles la société MOIROUD, ces conditions précisant l'objet de l'assurance, à savoir la garantie de toutes facultés transportées et expédiées, ainsi que toutes les conditions d'assurance

- la facture établie par la société MOIROUD au nom de la société IVRESSE mentionnant au titre des frais divers une assurance ad valorem

- un extrait du moniteur belge établissant la fusion des sociétés AXA COLONIA VERSICHERUNG et NORDSTERN ALLGEMEINE VERSICHERUNG pour le compte desquelles a été souscrite par AIM BELGIQUE la police susvisée

Ces pièces établissent suffisamment la réalité d'un paiement effectué par le représentant légal de la société AXA COLONIA VERSICHERUNG en application d'un contrat d'assurance souscrit auprès de cette société par le commissionnaire de transport.

La société AXA COLONIA VERSICHERUNG sera donc jugée recevable à agir à hauteur de l'intégralité de sa réclamation et non à hauteur de 70 % comme l'a jugé le tribunal, la justification étant apportée de la fusion avec la société NORDSTERN ALLGEMEINE VERSICHERUNG.

Sur l'action dirigée par la société AXA contre la société TRAMAR

La société AXA soutient que la responsabilité de la société TRAMAR est engagée doublement, d'une part pour faute personnelle, d'autre part en tant que garante de ses substitués.

- Sur la faute personnelle de la société TRAMAR

La société AXA soutient que la société TRAMAR n'a pas, en sous-traitant la réalisation effective du transport à DUBUS, respecté les instructions de la société MOIROUD, ce qui a eu une grave incidence sur la réalisation du sinistre.

Il est constant que les instructions écrites adressées par la société MOIROUD à la société TRAMAR mentionnaient : "livrer directement (en nous avisant avant) à : Ivresse bâtiment 2 GARONOR 93 Aulnay sous Bois. A livrer le 9 août" tandis que le fax adressé par TRAMAR à DUBUS mentionnait quant à lui : "livraison le 9 août à 9h chez Ivresse".

Il ressort de ces documents que MOIROUD n'avait pas, contrairement à ce qui est soutenu par AXA, imposé de prévenir le destinataire avant la livraison, de telle sorte qu'en ne sollicitant pas de DUBUS qu'il accomplisse cette démarche, la société TRAMAR n'a pas commis de faute.

En revanche, cette dernière n'a pas exactement respecté les instructions données en demandant à DUBUS de livrer à 9h alors qu'elle avait reçu pour seule instruction de livrer dans la journée du 9 août sans prescription d'horaire précis.

Or, une telle instruction de livraison matinale imposait à DUBUS de prendre en charge la marchandise dès le vendredi, ce compte tenu de la distance de 200 km séparant le Havre de Garonor et de l'impossibilité de circuler pendant le week-end alors qu'une prise en charge dès le vendredi n'aurait pas été nécessaire pour une livraison dans la journée du lundi, la distance susvisée permettant d'accomplir dans la même journée les formalités de dédouanement au Havre (lesquelles au surplus pouvaient être accomplies dès le vendredi sans pour autant être suivies du transport) et de livraison à Garonor.

En sa qualité de transporteur, la société TRAMAR ne pouvait ignorer ni les distances ni les contraintes de circulation ni les difficultés que ses propres instructions allaient créer quant à la livraison.

Il est constant que le vol est survenu dans la nuit du vendredi au samedi devant l'entrepôt de la société IVRESSE où les marchandises étaient restées en attente de livraison, dans les conditions qui seront examinées précisément ci-après.

Il en résulte que la mauvaise transmission des instructions reçues présente un caractère fautif dans la mesure où elle a créé les circonstances facilitant le vol, contribuant ainsi à la réalisation du dommage.

- Sur la garantie due par la société TRAMAR du fait de fait de la société DUBUS

La société AXA soutient que la société DUBUS a commis une faute lourde qui interdit à la société TRAMAR de se prévaloir des limitations d'indemnité prévues par le contrat type.

Selon la société AXA, la faute lourde de la société DUBUS a consisté dans le fait de n'avoir pas livré la marchandise le 9 août mais de l'avoir laissée le 6 août devant les entrepôts fermés, abandonnée sans surveillance pendant trois jours et sans avoir reçu décharge alors qu'il s'agissait d'une marchandise convoitée par les voleurs et facilement écoulable.

Il est constant que le 6 août 1999, à son arrivée à la gare autoroutière de Garonor, la semi-remorque porte container, après avoir été dételée du tracteur, a été laissée en stationnement à quai devant les entrepôts de la société IVRESSE, le chauffeur quittant le site à 0h58 le 7 août au volant de son tracteur attelé à une autre semi-remorque vide qu'il était venu récupérer :

en possession d'une marchandise qu'il avait chargée et qu'il devait livrer entre les mains du destinataire aux heures d'ouverture de son entreprise, le chauffeur de la société DUBUS l'a laissée devant les entrepôts fermés de ce destinataire 57 heures plus tôt sans en aviser ni ce dernier ni son donneur d'ordre et sans même se préoccuper de son sort avant le 10 au matin, date à laquelle il est revenu dans l'intention de récupérer le conteneur qu'il pensait avoir été déchargé entre-temps.

Un rapport d'investigations établi par Monsieur C... à la demande de la société DUBUS fait état des éléments suivants recueillis auprès du responsable de la sécurité du site de GARONOR : en semaine les trois entrées du site sont libres d'accès de 6 heures du matin à 21 heures, du vendredi 21 heures au lundi 6 heures deux des trois entrées sont fermées, pour la troisième entrée les entrées sont libres tandis que les sorties sont surveillées, le chauffeur qui sort de GARONOR emprunte une voie fermée par une barrière, appuie sur un bouton afin d'en obtenir l'ouverture et est filmé par une caméra, le tout sous l'oeil d'un vigile se trouvant nuit et jour dans le poste de surveillance situé à proximité de la barrière, le site de GARONOR est un terrain de plusieurs hectares clôturé par des grillages et traversé par des routes largement éclairées.

Un procès-verbal de constat d'huissier établi le 16 mai 2000 à la requête de la société DUBUS confirme ces indications, sans être en contradiction avec les éléments de fait suivants contenus dans le rapport établi par Monsieur D... à la requête de la société MOIROUD et quant à eux confirmés par le procès-verbal de police : le titre de transport et les autres documents décrivant la nature de la cargaison ont été laissés sur la semi, l'ensemble semi-conteneur litigieux est sorti de GARONOR le 7 à 1h40 attelé à un tracteur dont la plaque d'immatriculation était dissimulée, le vol n'a été découvert que le 10 par le chauffeur DUBUS venu reprendre la remorque dont il pensait le contenu déchargé entre-temps.

Il résulte de ces éléments que, bien que clôturé et éclairé, le site, de très grande dimension, est totalement libre d'accès à toute heure du jour de la nuit 7 jours sur 7, que les sorties le week-end sont certes filmées et précédées de la levée d'une barrière mais sans que le moindre contrôle soit opéré notamment de l'identité du chauffeur ou de son droit d'enlever la marchandise, à telle enseigne qu'en l'espèce la remorque a pu être sortie attelée à un tracteur dont l'immatriculation était dissimulée sans que cela provoque la moindre difficulté, étant observé en outre qu'il ne ressort d'aucun élément que le site lui même fasse l'objet d'une surveillance quant aux mouvements s'y produisant.

La faute lourde consiste en une négligence d'une extrême gravité, confinant au dol et dénotant l'inaptitude du transporteur à l'accomplissement de sa mission.

En laissant une marchandise propre à susciter la convoitise et facile à écouler, dans une semi remorque prête à être enlevée, stationnée dans un site immense non surveillé dont les entrées sont libres et les sorties contrôlées de manière symbolique, ce 57 heures avant la livraison qui devait être opérée en journée entre les mains du destinataire et sans se préoccuper ni de la surveillance effective pendant tout ce délai ni même de la façon dont la marchandise serait effectivement remise entre les mains du destinataire le 9, la société DUBUS a purement et simplement abandonné la marchandise, commettant une faute lourde, laquelle exclut que la société TRAMAR puisse se prévaloir de la limitation légale de responsabilité.

Garante du fait de son substitué qui a commis une faute lourde, la société TRAMAR répond donc envers la société AXA de la totalité du préjudice subi sans pouvoir exciper de limitations contractuelles ou légales de responsabilité.

Sur l'action dirigée par la société AXA contre la société GIRAUD

La société AXA subrogée dans les droits de la société MOIROUD est fondée à agir contre ses substitués directs ou indirects.

Compte tenu de ce qui vient d'être exposé, elle est donc fondée à agir contre la société GIRAUD laquelle ne peut opposer la moindre limitation de responsabilité en l'état de la faute lourde commise.

Sur le montant du préjudice subi

A l'examen de la quittance subrogative, de la facture d'achat des marchandises, des conclusions du rapport D... qui relève qu'une partie des marchandises a été retrouvée et restituée (116 articles) et de l'absence d'explications de la société AXA sur le montant et le mode de calcul des frais qu'elle entend ajouter au prix des marchandises, il sera fait droit à la demande de cette dernière à hauteur de 161 377,64 euros.

Sur le recours en garantie de la société TRAMAR à l'encontre de la société GIRAUD

Garante du fait de son substitué, la société TRAMAR a également commis une faute personnelle ainsi qu'il a été exposé ci-dessus.

Les circonstances de commission de cette faute justifient de ne déclarer fondé son recours qu'à hauteur de moitié.

Il y a lieu d'allouer à la société AXA la somme complémentaire précisée au dispositif sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris sauf en celles de ses dispositions ayant dit n'y avoir lieu à péremption d'instance, dit que la société AXA justifiait de sa qualité et de son intérêt à agir et condamné la société GIRAUD OUEST à payer à la société AXA COLONIA VERSICHERUNG la somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

Condamne in solidum les sociétés TRAMAR et GIRAUD OUEST à payer à la société AXA COLONIA VERSICHERUNG la somme de 161 377,64 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 avril 2000 et celle de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile .

Ordonne la capitalisation des intérêts à compter de cette date du 13 avril 2000, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil.

Condamne la société GIRAUD OUEST à garantir la société TRAMAR à hauteur de moitié des condamnations prononcées contre elle.

Déboute les sociétés TRAMAR et GIRAUD OUEST de leurs demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne in solidum les sociétés TRAMAR et GIRAUD à payer les dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Ct0606
Numéro d'arrêt : 07/2910
Date de la décision : 11/12/2008

Références :

ARRET du 30 mars 2010, Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 30 mars 2010, 09-11.916, Inédit

Décision attaquée : Tribunal de commerce du Havre, 11 mai 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rouen;arret;2008-12-11;07.2910 ?
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