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25/09/2008 | FRANCE | N°06/00533

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre civile 2, 25 septembre 2008, 06/00533


R.G : 06/00533

COUR D'APPEL DE ROUEN

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 25 SEPTEMBRE 2008

DÉCISION DÉFÉRÉE :

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE DIEPPE du 12 Janvier 2006

APPELANTES :

Compagnie ASSURANCES GÉNÉRALES DE FRANCE VIE "AGF VIE"

87 rue de Richelieu

75002 PARIS

Compagnie ASSURANCES GÉNÉRALES DE FRANCE I.A.R.T.

87 rue de Richelieu

75113 PARIS CEDEX 02

représentées par Me Marie-Christine COUPPEY, avoué à la Cour

assistées de Me Olivia X..., avocat au barreau de Paris

INTIMÉ :
r>Monsieur Mohammed Y...

...

76370 ST MARTIN EN CAMPAGNE

représenté par la SCP GREFF PEUGNIEZ, avoués à la Cour

assisté de Me Yves Z..., avocat au barreau ...

R.G : 06/00533

COUR D'APPEL DE ROUEN

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 25 SEPTEMBRE 2008

DÉCISION DÉFÉRÉE :

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE DIEPPE du 12 Janvier 2006

APPELANTES :

Compagnie ASSURANCES GÉNÉRALES DE FRANCE VIE "AGF VIE"

87 rue de Richelieu

75002 PARIS

Compagnie ASSURANCES GÉNÉRALES DE FRANCE I.A.R.T.

87 rue de Richelieu

75113 PARIS CEDEX 02

représentées par Me Marie-Christine COUPPEY, avoué à la Cour

assistées de Me Olivia X..., avocat au barreau de Paris

INTIMÉ :

Monsieur Mohammed Y...

...

76370 ST MARTIN EN CAMPAGNE

représenté par la SCP GREFF PEUGNIEZ, avoués à la Cour

assisté de Me Yves Z..., avocat au barreau de Dieppe

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 04 Juin 2008 sans opposition des avocats devant Madame BARTHOLIN, Présidente, rapporteur, en présence de Monsieur LOTTIN, Conseiller.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BARTHOLIN, Présidente

Monsieur LOTTIN, Conseiller

Madame VINOT, Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS :

Madame DURIEZ, Greffier

DÉBATS :

A l'audience publique du 04 Juin 2008, où la présidente a été entendue en son rapport oral et l'affaire mise en délibéré au 25 Septembre 2008

ARRÊT :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 25 Septembre 2008, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BARTHOLIN, Présidente et par Madame DURIEZ, Greffier.

*

* *

Exposé du litige

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, il est fait référence aux énonciations de l'arrêt avant dire-droit rendu le 22 mars 2007.

Pour la compréhension du litige dont la cour est saisie, il suffit de savoir que M. Mohamed Y..., qui avait contracté le 26 juin 1999 un emprunt immobilier auprès du Crédit du Nord et avait dans le même temps adhéré à un contrat d'assurance groupe souscrit par cette banque auprès des compagnies Agf Vie et Agf A... au titre des garanties décès, invalidité et incapacité temporaire, avait été placé en arrêt de travail à partir du 11 janvier 2000 puis déclaré inapte au travail.

Par jugement du tribunal de grande instance de Dieppe rendu le 13 mars 2003 et devenu définitif à la suite du désistement d'appel, les sociétés Agf Vie et Agf A... avaient été condamnées solidairement à rembourser les échéances de l'emprunt pour les périodes du 11 avril 2000 au 30 mai 2000 et du 3 octobre 2000 au 4 juillet 2001.

A compter du mois de juin 2003, les assureurs avaient refusé de régler les échéances du prêt au motif que M. Y... n'était plus en incapacité totale de travail et que le taux d'invalidité permanente partielle serait inférieur à 33 %, seuil fixé par le contrat.

M. Y..., qui exerçait l'activité de chauffeur d'autobus, a été licencié en juillet 2003.

Par jugement rendu le 12 janvier 2006, le tribunal de grande instance de Dieppe avait condamné la Sa Assurances Générales de France A... et la Sa Assurances Générales de France Vie à prendre en charge l'intégralité des remboursements du crédit consenti par le Crédit du Nord à M. Y... à compter du mois de juin 2003, outre des sommes à titre de dommages et intérêts et sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Sur l'appel interjeté par les assureurs, la cour, par l'arrêt avant dire droit évoqué ci-dessus, avait ordonné une expertise médicale afin de déterminer notamment si M. Y... était incapable de se livrer à la moindre activité susceptible de lui procurer salaire, gain ou profit, et quel était son taux d'incapacité au regard des dispositions contractuelles.

L'expert a déposé son rapport le 22 novembre 2007.

Prétentions et moyens des parties

Pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions signifiées le 14 mai 2008 par les sociétés Agf Vie et Agf A... et le 17 avril 2008 par M. Y....

Leurs moyens seront examinés dans les motifs de l'arrêt.

Les sociétés Agf Vie et Agf A... sollicitent l'infirmation du jugement et demandent à la cour à titre principal de juger qu'elle ne sont plus tenues à garantie au-delà du 5 juin 2003, date de consolidation de l'état de M. Y..., de débouter ce dernier de toutes ses demandes et de le condamner à restituer les sommes indûment perçues à hauteur de 28.521,43 € en règlement des prestations pour la période du 5 juin 2003 à mars 2008, sauf à parfaire, et de 5.000 € au titre des dommages et intérêts, le tout avec intérêts au taux légal à compter de leur perception par M. Y....

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour prendrait en considération le taux d'incapacité professionnel fixé à 100 % par l'expert judiciaire, par appréciation en fonction des métiers antérieurement exercés, les sociétés appelantes entendent voir juger que le taux d'invalidité de M. Y... selon les critères du contrat serait de 34,20 % au vu d'une incapacité fonctionnelle de 20 % et d'une incapacité professionnelle de 100 % et que la garantie ne saurait jouer qu'à hauteur de N x 3/2 soit 51,3 % du montant de la prestation totale.

Elles concluent enfin et en tout état de cause à la condamnation de M. Y... à leur payer une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M. Y..., qui sollicite à titre principal la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, demande à la cour à titre subsidiaire de retenir un taux d'incapacité fonctionnelle de 40 %, tel que fixé par le jugement du tribunal du contentieux de l'incapacité, et un taux d'incapacité professionnelle de 100 %, de telle sorte qu'au regard du tableau contractuel le degré N d'incapacité soit de 54,29 %, et de dire en conséquence que les Agf doivent assurer le montant de la prestation à hauteur de 81,43 % jusqu'à la fin du contrat.

Il conclut au débouté de toutes les demandes des Agf et à leur condamnation à lui payer une somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur ce, la Cour,

Sur les critiques du rapport d'expertise médicale

M. Y... critique le rapport expertise qu'il entend voir écarter en raison d'une part de l'utilisation de barèmes inadaptés et d'autre part des insuffisances de l'expert.

S'agissant des barèmes utilisés, il ne saurait être reproché à l'expert d'avoir exécuté sa mission telle que fixée par la cour en utilisant, conformément à celle-ci , les barèmes de droit commun utilisés en médecine légale, étant observé qu'il y aura lieu d'examiner plus loin la question de la détermination du barème applicable.

Si M. Y... soutient qu'il existe "pléthore de barèmes de droit commun", tel n'est pas le cas dès lors qu'il s'agit des barèmes utilisés en médecine légale.

L'expert n'a pas utilisé comme il lui est reproché deux barèmes différents: il a utilisé, comme il l'a mentionné, le barème d'évaluation médico-légale de la société de médecine et de criminologie de France, et l'autre "barème" auquel il est fait allusion dans l'expertise vise le tableau contractuel de double entrée qui définit un taux donné en fonction des deux taux d'incapacité fonctionnelle et professionnelle, c'est à dire l'application pure et simple d'une clause contractuelle.

D'autre part, il s'est interrogé sur la définition contractuelle de la notion d'incapacité professionnelle, qu'il ne lui appartenait pas de trancher, raison pour laquelle il a envisagé deux options pour éclairer la cour.

Par ailleurs l'erreur matérielle concernant la personne qui assistait M. Y... lors des opérations d'expertise est sans incidence sur le contenu de celle-ci.

Les autres reproches sont sans fondement : M. B... a notamment bien précisé que M. Y... avait déclaré avoir bénéficié d'une infiltration et son appréciation sur le comportement de l'intéressé lors des manoeuvres de rhabillage résulte de l'expérience acquise par cet expert.

Enfin, il n'a jamais été allégué que les autres problèmes de santé (insuffisance aortique, oesophagite, ulcération fonctionnelle) aient été susceptibles d'influer sur le taux d'incapacité.

Sur la remise en cause de la clause litigieuse du contrat d'assurance

M. Y..., pour voir écarter la clause contractuelle applicable, demande à la cour de la déclarer tantôt non écrite sur le fondement de l'article L 133-2 du code de la consommation tantôt nulle sur le fondement de l'article 1174 du code civil.

Il fait valoir que le contrat, qui subordonne la garantie à des seuils d'incapacité résultant d'un tableau à double entrée, l'une pour l'incapacité fonctionnelle et l'autre pour l'incapacité professionnelle, a omis de préciser à partir de quel barème ces deux types d'incapacité devaient être chiffrés de telle sorte que cette clause, en l'absence de rédaction claire et compréhensible, doit s'interpréter dans le sens le plus favorable au consommateur ou au non-professionnel.

Toutefois l'absence d'indication du barème d'évaluation des taux d'incapacité ne prive pas la clause dont il s'agit de sa clarté ni de son caractère compréhensible. En toute hypothèse la sanction n'est pas celle invoquée par la partie intimée, qui demande à ce qu'elle soit déclarée non écrite.

D'autre part la clause relative à la garantie pour invalidité absolue et définitive, qui subordonne cette garantie au classement parmi les invalides de troisième catégorie et au fait que l'assuré soit reconnu par les assureurs inapte à tout travail et définitivement incapable de se livrer à la moindre activité susceptible de lui procurer salaire gain ou profit, n'est pas potestative dès lors que la stipulation dépend de circonstances objectives susceptibles d'un contrôle judiciaire, d'autant qu'il est spécifié dans cette clause que l'état est certifié par le médecin de l'assuré et confirmé par une expertise médicale effectuée à la demande des assureurs.

En outre, la garantie sollicitée par M. Y... est celle relative à l'arrêt de travail, retenue par le tribunal, et non celle relative à l'invalidité absolue et définitive, puisque le remboursement du capital n'est pas sollicité, de telle sorte que le caractère potestatif de cette clause, s'il était avéré, serait sans conséquence sur le litige.

Sur la détermination du barème applicable

L'absence de stipulation d'un barème pour l'évaluation des incapacités fonctionnelle et professionnelle ne rend pas inapplicable le contrat.

La cour considère qu'en l'absence de cette stipulation il y a lieu d'utiliser les barèmes de droit commun utilisés en médecine légale, comme l'a fait l'expert désigné à sa demande.

Le tribunal ne pouvait, comme il l'a fait, fixer le taux d'invalidité sans appliquer les dispositions contractuelles figurant à ce tableau et fixant les droits de l'assuré, pour ensuite en déduire que l'assureur devait régler l'intégralité des remboursements du prêt au titre de la garantie "arrêt de travail".

L'expert a retenu une incapacité fonctionnelle de 20 %. Ce taux, qui est assez proche de celui retenu par le tribunal du contentieux de l'incapacité (25%), ne peut être comparé à celui de la Cotorep, qui tient compte également de l'incapacité professionnelle.

S'agissant du taux d'incapacité professionnelle, l'expert propose une option selon que cette incapacité est appréciée par rapport à la profession antérieure, en l'espèce de chauffeur de bus, auquel cas il l'évalue à 100%, ou par rapport à l'exercice de toute profession, auquel cas il l'évalue à 50 %.

La garantie "arrêt de travail" est définie par le contrat comme étant réalisée "lorsque par suite d'accident ou de maladie un assuré est dans l'obligation de cesser totalement toute activité professionnelle".

Cette disposition ne fait aucune référence à la profession antérieure mais spécifie au contraire qu'elle concerne toute activité professionnelle.

Il résulte des écritures même de M. Y... que le médecin du travail, qui l'a déclaré inapte à son ancien poste de travail, a retenu qu'il était apte aux travaux sans utilisation du membre supérieur droit.

C'est en conséquence le taux de 50 % d'incapacité professionnelle qu'il convient de retenir, lequel est d'ailleurs supérieur au taux global retenu par le tribunal du contentieux de l'incapacité (40 %).

L'application au tableau contractuel à double entrée des taux d'incapacités retenus fait apparaître un degré d'incapacité "contractuel" de 27,14 %, qui est inférieur au degré ouvrant droit aux prestations (33%).

Le jugement sera en conséquence infirmé et M. Y... sera débouté de l'ensemble de ses demandes.

Si M. Y... devra rembourser en conséquence les sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement, la seule production par les assureurs de copies de chèques sans quittances valables ne permet pas de déterminer le montant des sommes qui auraient trop perçues et il ne peut dès lors être fait droit à la demande de condamnation de la partie intimée au paiement d'une somme de 28.521,43 € ou de toute autre somme.

Les appelants seront déboutés de leurs demandes faites au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Dit que les sociétés Agf Vie et Agf A... ne sont pas tenues à garantie au delà du 5 juin 2003,

Déboute M. Mohamed Y... de toutes ses demandes,

Condamne M. Mohamed Y... à restituer les sommes éventuellement perçues au titre de l'exécution provisoire du jugement entrepris,

Constate que le montant des sommes éventuellement versées au titre de l'exécution provisoire du jugement entrepris n'est pas établi par les pièces produites aux débats,

Déboute les sociétés Agf Vie et Agf A... de leur demande faite au titre des frais irrépétibles,

Condamne M. Mohamed Y... à payer les dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais d'expertise, avec droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 06/00533
Date de la décision : 25/09/2008
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Dieppe, 12 janvier 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rouen;arret;2008-09-25;06.00533 ?
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