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17/09/2008 | FRANCE | N°07/00649

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre civile 1, 17 septembre 2008, 07/00649


R.G : 07/00649

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE 1 CABINET 1

ARRÊT DU 17 SEPTEMBRE 2008

DÉCISION DÉFÉRÉE :

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DU HAVRE du 1er février 2007

APPELANTE :

GAN ASSURANCES IARD

8/10, rue d'Astorg

75583 PARIS CEDEX 08

représentée par la SCP HAMEL FAGOO DUROY, avoués à la Cour

assistée de Me Micheline HUMMEL-DESANGLOIS, avocat au Barreau de ROUEN

INTIMÉES :

SCI LA BRIQUETIERE

120, rue Jules Siefried

76600 LE HAVRE

représentée par la SCP LEJEUNE MARCHAND GRA

Y SCOLAN, avoués à la Cour

assistée de Me Bruno SAGON, avocat au Barreau du HAVRE

SOCIÉTÉ LEA DIFFUSION

Avenue du Docteur Dentu

Magasin JUMBO

61120 VIMO...

R.G : 07/00649

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE 1 CABINET 1

ARRÊT DU 17 SEPTEMBRE 2008

DÉCISION DÉFÉRÉE :

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DU HAVRE du 1er février 2007

APPELANTE :

GAN ASSURANCES IARD

8/10, rue d'Astorg

75583 PARIS CEDEX 08

représentée par la SCP HAMEL FAGOO DUROY, avoués à la Cour

assistée de Me Micheline HUMMEL-DESANGLOIS, avocat au Barreau de ROUEN

INTIMÉES :

SCI LA BRIQUETIERE

120, rue Jules Siefried

76600 LE HAVRE

représentée par la SCP LEJEUNE MARCHAND GRAY SCOLAN, avoués à la Cour

assistée de Me Bruno SAGON, avocat au Barreau du HAVRE

SOCIÉTÉ LEA DIFFUSION

Avenue du Docteur Dentu

Magasin JUMBO

61120 VIMOUTIERS

représentée par la SCP HAMEL FAGOO DUROY, avoués à la Cour

assistée de Me Micheline HUMMEL-DESANGLOIS, avocat au Barreau de ROUEN

Maître Béatrice B..., prise en sa qualité de mandataire liquidateur de la liquidation judiciaire de la SARL 3L C DISTRIBUTION

...

76000 ROUEN

représentée par la SCP DUVAL BART, avoués à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 11 juin 2008 sans opposition des avocats devant Monsieur BOUCHÉ, Président, en présence de Monsieur GALLAIS, Conseiller, rapporteur, et de Madame GASTINEAU, Auditrice de Justice

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur BOUCHÉ, Président

Madame LE CARPENTIER, Conseiller

Monsieur GALLAIS, Conseiller

Madame GASTINEAU, Auditrice de Justice, avec voix consultative

GREFFIER LORS DES DÉBATS :

Jean Dufot

DÉBATS :

A l'audience publique du 11 juin 2008, où l'affaire a été mise en délibéré au 17 septembre 2008

ARRÊT :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 17 septembre 2008, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LE CARPENTIER, Président suppléant, Monsieur BOUCHÉ, Président, étant empêché, et par Jean Dufot, greffier présent à cette audience.

*

* *

La SCI La Briquetière, propriétaire de locaux commerciaux d'une superficie de 1327 m² situés au Havre, rue des Briquetiers, les a donnés à bail, par acte du 8 octobre 1998, à la Société 3 LC Distribution.

Par acte notarié du 7 octobre 2002, la Société 3 LC Distribution a cédé son fonds de commerce, y compris le bail, à la Société Léa Diffusion, laquelle est assurée auprès du GAN ; le contrat rappelle qu'aux termes du bail initial, la Société 3 LC Distribution reste solidairement tenue du paiement du loyer et de l'exécution des clauses du bail.

Dans la soirée du 30 décembre 2002, l'immeuble a été entièrement détruit par un incendie.

Une expertise a été ordonnée en référé le 4 février 2003 à la demande du GAN.

A la suite du dépôt du rapport de M. Jacques C... auquel a été adjoint M. Serge D..., la SCI La Briquetière a assigné devant le Tribunal de grande instance du Havre la Société Léa Diffusion, la Société 3 LC Distribution et le GAN aux fins d'obtenir, sur le fondement des articles 1733, 1134 et 1147 du Code civil, leur condamnation solidaire à l'indemniser de son préjudice.

Par jugement du 1er février 2007, le Tribunal a considéré que si l'incendie a une origine criminelle il n'a pas constitué pour l'assurée du GAN un fait imprévisible et irrésistible l'exonérant de sa responsabilité car il a été favorisé par la négligence de la locataire consistant à ne pas s'assurer de la fermeture de toutes les portes pour prévenir un risque d'effraction qu'elle ignorait d'autant moins que le gérant de la société avait récemment fait l'objet de menaces ; il a estimé qu'une expertise était nécessaire pour évaluer le préjudice mais qu'une provision correspondant au devis estimatif des travaux fournis par l'expert du GAN devait être allouée.

Le Tribunal a en conséquence, par jugement assorti de l'exécution provisoire, condamné solidairement la Société 3 LC Distribution, la Société Léa Diffusion et le GAN à payer à la SCI La Briquetière la somme de 860.000 € à titre de provision à valoir sur son préjudice et confié une expertise à M. Philippe E... portant sur le coût des travaux de reconstruction de l'immeuble, les dépens étant réservés.

Le GAN ASSURANCES IARD (le GAN) a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions du 29 mai 2008 prises en nom et au nom de la SARL LEA DIFFUSION, il est sollicité la réformation du jugement, le rejet de l'ensemble des prétentions de la SCI La Briquetière ainsi que la condamnation de celle-ci au paiement d'une indemnité de 5.000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Subsidiairement, il est demandé que la SCI soit déboutée des demandes formées au titre de son appel incident.

Le GAN et son assurée soutiennent pour l'essentiel que le Tribunal a procédé à une analyse erronée du rapport et des éléments de l'enquête desquels il résulte qu'en réalité toutes les portes étaient fermées et qu'ainsi la force majeure visée par l'article 1733 alinéa 2 du Code civil est constituée.

Subsidiairement, ils soulignent l'absence de pièces probantes fournies par la SCI à l'appui de son appel incident ainsi que sa carence durant les opérations de l'expertise ordonnée par le Tribunal.

Par écritures du 30 mai 2008, la SCI LA BRIQUETIERE conclut à la confirmation du jugement excepté en ce qui concerne le montant de la provision.

Elle considère que, comme l'a jugé le Tribunal, l'incendie qui a pris naissance à l'intérieur des locaux, a été favorisé par la négligence de la locataire qui ne peut s'exonérer de sa responsabilité mais qu'elle est elle-même bien fondée à solliciter, au titre de ses préjudices matériel et financier, une provision de 4.410.005,49 € avec intérêts au taux légal à compter de son assignation et capitalisation de ceux-ci, outre une somme de 250.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile et une autre de 100.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, la Société Léa Diffusion et le GAN devant être condamnés solidairement à les lui verser ; quant à la Société 3 LC Distribution, en liquidation judiciaire, la SCI indique avoir saisi le juge commissaire d'une requête en relevé de forclusion et demande donc qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la décision.

Maître Béatrice B..., agissant en qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de la SARL 3 LC Distribution prononcée le 4 mai 2007, relevant, par conclusions du 28 février 2008, l'absence de déclaration de créance de la SCI La Briquetière demande à la Cour de constater l'extinction de la créance et sollicite la condamnation de toute partie succombante à lui verser, ès qualités, une indemnité de 5.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 juin 2008.

Par conclusions d'incident du 11 juin 2008, le GAN et la société LEA DIFFUSION demandent à la Cour de déclarer irrecevables les conclusions de la SCI LA BRIQUETIERE du 30 mai 2008 ainsi que les pièces communiquées à cette date.

Par écritures d'incident déposées à l'audience du 11 juin 2008, la SCI LA BRIQUETIERE conclut à titre principal, en application des articles 763 et 784 dernier alinéa du Code de procédure civile, à l'irrecevabilité de cette demande en ce qu'elle aurait dû être présentée au Conseiller de la mise en état et non à la Cour et, subsidiairement, à son rejet.

SUR CE,

Sur la procédure

La question soumise à la Cour n'est pas celle d'une révocation de l'ordonnance de clôture mais d'une recevabilité de pièces et conclusions communiquées ou signifiées quelques jours avant celle-ci ; par ailleurs, les écritures n'ont été déposées à cette fin que le 11 juin 2008, soit le jour même de l'audience, de sorte que la SCI LA BRIQUETIERE n'a pu présenter des observations en défense que par des écritures qui ont été déposées lors de l'audience elle-même. Il s'ensuit que seule la Cour peut trancher cette difficulté et que, dès lors, la demande d'irrecevabilité présentée par le GAN et la société LEA DIFFUSION doit être déclarée recevable.

S'agissant du bien fondé de cette prétention, il convient de relever que le GAN et la société LEA DIFFUSION ont successivement conclu sur le fond le 15 juin 2007, le 14 mai 2008 et le 29 mai 2008 tandis que la SCI LA BRIQUETIERE a fait de même le 5 mars 2008, le 15 mai 2008 et le 30 mai 2008 ; s'il est vrai que cette dernière a tardé à conclure en dépit d'une injonction de le faire avant le 22 février 2008, et qu'elle n'a ainsi pour la première fois le 5 mars 2008 formé un appel incident tendant à l'augmentation à la somme de 4.410.005,49 € de la provision devant lui revenir, il est tout aussi vrai que l'appelante n'a, de ce fait, été amenée à conclure à titre subsidiaire sur ce point pour la première fois que dans ses écritures du 14 mai 2008 en critiquant le montant réclamé et en invoquant la limitation de garantie telle qu'elle résulterait de la police.

Les conclusions concomitantes de la SCI LA BRIQUETIERE du 15 mai 2008 ne pouvaient utilement répondre sur ces points et seules celles du 30 mai 2008 lui ont permis de le faire ; ces conclusions du 30 mai 2008 ne comportent aucune prétention nouvelle ni moyen nouveau, ne sont que la réplique à l'argumentation développée par l'assureur au sujet d'une part de la limitation contractuelle alléguée, d'autre part du rapport de l'expert F... ; et les nouvelles pièces communiquées le 30 mai 2008 n'ont pas placé le GAN dans une situation l'empêchant de répliquer puisqu'en dehors de celles concernant le bail, sa cession en 2002 et la procédure de relevé de forclusion, déjà évoqués dans les écritures de la SCI du 5 mars 2008 et auxquels elles n'apportent pas d'éléments nouveaux, elles portent sur le contrat d'assurance unissant la société LEA DIFFUSION au GAN, nécessairement connu de l'assureur et de l'assuré : ceux-ci qui n'ont d'ailleurs pas sollicité, comme ils auraient pu éventuellement le faire, la révocation de l'ordonnance de clôture du 6 juin 2008, sont, dans ces conditions, mal fondés à invoquer l'irrecevabilité des conclusions et pièces du 30 mai 2008 ; ils seront donc déboutés de leur incident de procédure.

Sur le fond

Les parties s'accordent pour dire que l'incendie qui a entièrement détruit les locaux donnés en location par la SCI LA BRIQUETIERE à la société LEA DIFFUSION a une origine criminelle ; cette analyse, déjà préconisée par M. F... dans son rapport rédigé le 9 janvier 2003 dans le cadre de l'enquête de police qui a été diligentée, est reprise et approfondie par M. D... dans son rapport du 2 octobre 2004 et rien ne vient contredire ses conclusions sur le caractère volontaire du sinistre.

Selon les éléments recueillis par ce technicien, adjoint à M. C..., le feu qui a été allumé à l'aide de poupées embrochées sur un crochet métallique et arrosées de liquides inflammables, a débuté derrière la sortie de secours située à côté de la discothèque jouxtant l'immeuble loué et s'est propagé à l'intérieur de l'établissement dans lequel avait été répandu, selon un cheminement nord sud, un hydrocarbure.

Un tel incendie d'origine criminelle est susceptible de constituer la force majeure exonératoire de responsabilité du locataire en vertu de l'article 1733 du Code Civil, pour autant qu'aucune faute ne puisse lui être reprochée.

A cet égard, il ne peut être retenu une absence de précaution qui aurait permis à l'auteur des faits de s'introduire dans les lieux par effraction ; en effet, aussi bien les pompiers que les policiers à leur arrivée sur place n'ont constaté d'effraction sur aucune des deux façades de l'immeuble : c'est ce qu'ont déclaré lors de l'enquête tant M. LE GALL qui dirigeait l'équipe de sapeurs-pompiers de la caserne Dumé d'Aplemont intervenue rue des Briquetiers que M. G... qui commandait l'équipe de la caserne Vétillard intervenue rue des Magasins Généraux ; ces déclarations ont été confirmées par M. H..., policier qui dirigeait l'équipage arrivé le premier sur les lieux. Si l'expert D... fait état, quant à lui, d'une porte sectionnée au niveau des joints, il ressort des déclarations qui lui ont été faites par le responsable des sapeurs-pompiers qu'il a interrogé que ceux-ci l'ont fait eux-mêmes à l'aide d'engins de désincarcération. Il n'y a donc pas eu d'effraction par l'incendiaire ni, par là-même, de faute qui aurait permis ou facilité celle-ci.

Il n'en reste pas moins qu'un individu (voire plusieurs) a pu allumer le feu à l'intérieur du bâtiment après la fermeture des locaux ; M. D... indique que, selon lui, l'incendiaire a ensuite pu prendre la fuite par une sortie de secours sur laquelle les barres anti-effraction n'étaient pas posées. L'expert a en effet relevé que si ces barres avaient été mises en place, on aurait constaté - ce qui n'était pas le cas - une différence de teinte produite par les fumées sur les portes ou, au moins, sur les ergots de verrouillage ; cette constatation technique ne peut toutefois conduire qu'à affirmer que, durant l'incendie, les barres anti-effraction n'étaient pas posées sur la porte de secours en cause ; il ne peut pas en être déduit pour autant avec certitude que, lors de la fermeture du magasin, ces barres n'auraient pas été mises en place, ce qui, assurément, constituerait une faute de la part du locataire ; mais, la Cour ne peut écarter l'hypothèse selon laquelle ce serait l'incendiaire lui-même qui, pour s'enfuir, aurait ôté les barres de leur emplacement ; compte tenu de cette incertitude, une négligence de la société LEA DIFFUSION, ne peut être retenue à ce titre.

En revanche, la carence de celle-ci se trouve mise en évidence par l'absence de précautions particulières prises par elle alors qu'elle se savait menacée ; il ressort en effet de l'enquête de police et spécialement des déclarations du gérant de la société que trois plaintes avaient été successivement déposées par lui ou l'une des salariées entre la fin novembre 2002 et le 21 décembre 2002 pour vols, violences, menaces et bris de vitre sur véhicule et que, le lendemain de la dernière plainte, avait été apposée sur un panneau publicitaire du magasin "une affiche figurant une silhouette tremblant sous une pluie de gouttes de sang" (déclaration de M. Christophe I..., gérant de la société, du 31 décembre 2002 accompagnée de photocopies de photographies démontrant la réalité du fait).

Or, face à de telles menaces très récentes, la société LEA DIFFUSION n'a pris aucune disposition particulière de surveillance au point qu'au minimum un individu a pu rester dans les locaux après leur fermeture pour préparer puis allumer l'incendie : non seulement n'existait aucun mécanisme d'alarme dont on peut admettre que la mise en place pouvait être difficile dans un délai aussi rapproché, l'incendie ayant eu lieu le 30 décembre suivant, mais elle n'avait manifestement non plus organisé - ce qu'elle n'allègue d'ailleurs pas - une surveillance humaine au moyen, par exemple, de rondes de nature à déceler toute présence suspecte.

Cette carence de la part d'une société locataire qui se savait menacée empêche de considérer que l'incendie a constitué pour elle un fait imprévisible et irrésistible et, pour ces motifs, elle ne peut, pas plus que son assureur, se prévaloir d'un cas de force majeure l'exonérant de la présomption de responsabilité pesant sur elle : le jugement se trouve ainsi, de ce chef, confirmé, par substitution au moins partielle de motifs, sur le principe de la responsabilité.

S'agissant du montant de la provision accordé par les premiers juges et dont la SCI, dans le cadre d'un appel incident, sollicite une substantielle augmentation, il doit être relevé qu'il s'agit, par nature, d'une indemnisation provisoire dans l'attente des résultats d'une expertise confiée à M. E... ; cette mesure, assortie de l'exécution provisoire, est destinée à connaître tous les éléments permettant de déterminer le coût des travaux de reconstruction, en ce compris ceux qui s'attacheraient, si leur exécution est imposée par la réglementation, à la réalisation d'un parking.

L'expert dont ni la désignation ni la mission ne sont contestées, n'a pas encore, faute de remise dans les délais qu'il avait fixés des documents attendus de la bailleresse, déposé son rapport ni même donné aux parties un avis ; dans ces conditions, la Cour s'en tiendra, comme l'a fait le tribunal pour déterminer le montant de la provision devant être allouée, au descriptif estimatif établi le 12 juin 2006 par le propre expert du GAN qui s'élève à 854.165 €, mais ne limitera pas pour autant la provision à 860.000 € ; il convient en effet de tenir compte de ce que ce dernier a expressément indiqué ne pas prendre en considération les loyers impayés depuis le 1er janvier 2003 : c'est pourquoi, sur la base d'un loyer annuel s'élevant au 7 octobre 2002 à un montant hors taxe de 60.120,82 €, il sera alloué complémentairement de ce chef une somme provisionnelle de 300.000 €, sans qu'il soit nécessaire, à ce stade de la procédure, d'entrer dans la discussion existant entre les parties sur la limitation contractuelle de la garantie due au titre des dommages immatériels puisque cette somme est, en tout état de cause, inférieure à la limitation alléguée par le GAN (915 x 620,60) et dont la Cour a bien noté qu'elle est contestée par la SCI LA BRIQUETIERE ; les seuls éléments fournis ne permettent pas d'accorder en outre une somme provisionnelle quelconque au titre du coût du prêt relais.

Dans ces conditions, la décision sera réformée en ce que la provision globale accordée à la SCI bailleresse sera portée à 1.160.000 € ; la société LEA DIFFUSION et le GAN seront condamnés in solidum à son paiement ; les intérêts au taux légal seront dus sur l'ensemble de cette somme à compter du jugement entrepris et seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code Civil à compter de la demande qui en a été présentée le 5 mars 2008.

En revanche, aucune résistance abusive n'est caractérisée de la part du GAN ou de son assurée de sorte que la demande de dommages-intérêts présentée à ce titre par la SCI LA BRIQUETIERE ne peut prospérer.

Quant à la SARL 3LC DISTRIBUTION, cédante du droit au bail et qui, solidairement tenue avec la cessionnaire "de la totale exécution des clauses du bail", a été condamnée avec la société LEA DIFFUSION et son assureur au paiement de la provision, elle a, par décision du 4 mai 2007 publiée au BODACC le 27 juin 2007, soit postérieurement au jugement entrepris, été placée en liquidation judiciaire. Il est constant que la SCI LA BRIQUETIERE n'a pas déclaré sa créance dans les délais et qu'elle a déposé le 6 mai 2008 une requête en relevé de forclusion.

La créance de la SCI LA BRIQUETIERE se trouve donc éteinte en application de l'article L.622-26 du Code de Commerce, comme le fait valoir Me B..., ès qualités, hormis le cas dans lequel il serait fait droit à la requête par le juge commissaire.

C'est ce qui sera constaté par le présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire de surseoir à statuer de ce chef, dans la mesure où la présente affaire va se trouver à nouveau examinée par le Tribunal de Grande Instance du Havre après le dépôt du rapport de M. E... et où cette juridiction pourra donc tirer toute conséquence de la décision du juge commissaire à intervenir.

Le GAN et son assurée, succombant dans leur recours, devront supporter les dépens d'appel et, en équité, indemniser la SCI LA BRIQUETIERE et Me B..., ès qualités, pour les frais irrépétibles qu'ils ont dû exposer devant la Cour.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Déclare le GAN et la société LEA DIFFUSION recevables mais non fondés en leur incident de procédure ;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l'exception de celles concernant le montant de la provision allouée à la SCI LA BRIQUETIERE et la condamnation prononcée à l'encontre de la SARL 3LC DISTRIBUTION ;

Le réformant sur ces deux points ;

Fixe à la somme de 1.160.000 € le montant de la provision au paiement de laquelle sont condamnés in solidum envers la SCI LA BRIQUETIERE le GAN et la société LEA DIFFUSION ;

Dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter du 1er février 2007 et que ces intérêts seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code Civil à compter du 5 mars 2008 ;

Vu la liquidation judiciaire de la SARL 3LC DISTRIBUTION ;

Constate l'extinction de la créance de la SCI LA BRIQUETIERE hormis le cas dans lequel sera prononcé à son profit un relevé de forclusion ;

Dit, sur ce point, qu'il appartiendra au Tribunal de Grande Instance du Havre de tirer toutes conséquences de la décision à venir du juge commissaire ;

Condamne le GAN et la société LEA DIFFUSION à verser sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel, à la SCI LA BRIQUETIERE la somme de 3.500 € et à Me Béatrice B..., prise en sa qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de la SARL 3LC DISTRIBUTION, celle de 2.000 € ;

Déboute la SCI LA BRIQUETIERE de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

Condamne le GAN et la société LEA DIFFUSION aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP LEJEUNE-MARCHAND-GRAY-SCOLAN et de la SCP DUVAL-BART, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Le greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 07/00649
Date de la décision : 17/09/2008
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance du Havre, 01 février 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rouen;arret;2008-09-17;07.00649 ?
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