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26/05/2008 | FRANCE | N°05/4517

France | France, Cour d'appel de Rouen, Ct0044, 26 mai 2008, 05/4517


R.G : 05/04517

COUR D'APPEL DE ROUEN

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 26 MAI 2008

DÉCISION DÉFÉRÉE :

TRIBUNAL DE COMMERCE DU HAVRE du 01 Octobre 2004

APPELANTE :

S.A. COMPAGNIE MARITIME MARFRET

13 quai de la Joliette

13002 MARSEILLE 02

représentée par la SCP LEJEUNE MARCHAND GRAY SCOLAN, avoués à la Cour

assistée de Me Stéphanie SCHWEITZER, avocat au barreau de Paris

INTIMÉE :

E.C.S. EUROPEAN CONTAINERS NV

Karveelstraat 3

Transportzone

8380 BRUGES (BELGIQUE)

représenté

e par Me COUPPEY, avoué à la Cour

assistée de Me Olivier JOUGLA, avocat au barreau du Havre

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré :

Madame BAR...

R.G : 05/04517

COUR D'APPEL DE ROUEN

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 26 MAI 2008

DÉCISION DÉFÉRÉE :

TRIBUNAL DE COMMERCE DU HAVRE du 01 Octobre 2004

APPELANTE :

S.A. COMPAGNIE MARITIME MARFRET

13 quai de la Joliette

13002 MARSEILLE 02

représentée par la SCP LEJEUNE MARCHAND GRAY SCOLAN, avoués à la Cour

assistée de Me Stéphanie SCHWEITZER, avocat au barreau de Paris

INTIMÉE :

E.C.S. EUROPEAN CONTAINERS NV

Karveelstraat 3

Transportzone

8380 BRUGES (BELGIQUE)

représentée par Me COUPPEY, avoué à la Cour

assistée de Me Olivier JOUGLA, avocat au barreau du Havre

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré :

Madame BARTHOLIN, Présidente

Monsieur LOTTIN, Conseiller

Madame VINOT, Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS :

Madame LECUYER, Greffier

DÉBATS :

A l'audience publique du 19 Mars 2008, où la présidente a été entendue en son rapport oral et l'affaire mise en délibéré au 22 Mai 2008, délibéré prorogé au 26 Mai 2008 du fait d'un mouvement de grève dans la fonction publique

ARRÊT :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 22 Mai 2008, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BARTHOLIN, Présidente et par Madame DURIEZ, Greffier.

*

* *

Exposé du litige

Suivant protocole d'accord signé le 22 septembre 1997, la société Challenge International et la société Compagnie Maritime Marfret (ci-après dénommée société Marfret) ont convenu de fixer les modalités d'exploitation et de partage des résultats de l'exploitation commune d'une ligne maritime Irlande -France intitulée "Eurobox Irlande" reliant Waterford et Le Havre dans les deux sens, ce pour une durée de deux ans à compter du 1er octobre 1997, renouvelable par tacite reconduction sauf dénonciation six mois avant l'échéance.

La société Marfret apportait son navire Stina et son expertise maritime tandis que la société Challenge International apportait son savoir faire logistique, assurant notamment la partie terrestre du transport.

Le protocole d'accord de 1997 a ensuite été complété :

- par un addendum no 1 daté du 5 mars 1999, qui constatait la substitution de la société Challenger International par la société de droit belge European Containers Nv (ECS) , repreneur du fonds de commerce Eurobox par acte du 1er mars 1998, et modifiait l'article 10 du protocole relatif aux dispositions financières,

- puis par un addendum n o2 daté du 9 août 1999 qui avait pour objet d'étendre l'accord à la mise en place et l'exploitation d'une nouvelle ligne Zeebruge-Waterford.

La société ECS a dénoncé, par lettre recommandée du 13 mars 2000 avec demande d'avis de réception, la cessation de l'accord à effet au 30 septembre 2000 et sollicité sa part sur les résultats et bénéfices.

Les parties ne sont pas parvenues à s'accorder sur la répartition des bénéfices.

Par acte en date du 21 novembre 2000, la société ECS a assigné la société Marfret aux fins de la voir condamner à lui payer la somme de 1.177.738 francs (179.545 €) après compensation des créances respectives des deux parties ainsi qu'une somme de 30.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par jugement rendu le 1er octobre 2004, le tribunal de commerce du Havre a :

- reçu la société E.C.S European Containers en ses demandes, et les a déclarées partiellement fondées,

- condamné la Compagnie Maritime Marfret à payer à la société E.C.S European Containers la somme de 179.514,93 € outre les intérêts calculés au taux légal à compter du 7 juillet 2000 et jusqu'à parfait paiement,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- débouté les parties de leurs autres ou plus amples demandes,

- condamné la Compagnie Maritime Marfret aux pleins et entiers dépens et à payer à la société E.C.S European Containers la somme de 2.000 euros par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Pour statuer comme il l'a fait, le tribunal a relevé que la clause du protocole initial relative à la répartition des dépenses, recettes et résultats à hauteur des parts d'exploitation respectives, soit 50/50, était claire et sans équivoque et qu'aucune modification de cette répartition n'était intervenue dans les dispositions contractuelles ultérieures.

S'agissant de la clause relative au taux de slot sur la ligne Zeebruge-Waterford, prévoyant que "les parties conviennent de renégocier ce taux aussi souvent que nécessaire, en vue de rester aussi proche que possible du compte prévisionnel de voyage", le tribunal a jugé que cela n'impliquait pas un réajustement systématique de ce taux alors que le protocole ne pouvait être exécuté qu'en tenant compte des contraintes du marché liées à la concurrence.

La société Marfret a interjeté appel de cette décision.

Par arrêt avant dire droit rendu le 4 mai 2006, la cour a ordonné la réouverture des débats et invité les parties à conclure pour préciser :

- si un accord est intervenu entre elles pour faire revivre la clause de répartition par moitié du solde figurant à l'article 10 du protocole initial ;

- sur quel fondement une telle répartition par moitié serait susceptible de s'expliquer concernant les résultats de la ligne nouvelle Zeebruge/Le Havre (en réalité Zeebruge/Waterford).

Seule la Compagnie Marfret a satisfait à cette demande en signifiant le 19 janvier 2007 de nouvelles conclusions.

Prétentions et moyens des parties

Pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions signifiées le 19 janvier 2007 par la société Marfret et le 18 octobre 2005 par la société ECS.

Leurs moyens seront examinés dans les motifs de l'arrêt.

La société Marfret sollicite l'infirmation du jugement et demande à la cour à titre principal, dans l'hypothèse où elle écarterait le partage par moitié des bénéfices, de juger que la société Marfret est en droit de solliciter le paiement de l'intégralité des bénéfices, de juger que les taux de fret doivent être en outre réajustés compte tenu de l'obligation de négociation prévue au contrat et de condamner la société ECS à payer à la société Marfret les sommes de :

- 179.514,93 € en remboursement des sommes payées en première instance,

- 27.010,96 € au titre des intérêts payés par Marfret sur les condamnations prononcées en première instance et plus généralement sur toutes sommes payées en exécution du jugement du tribunal de commerce du Havre,

- 748.788,41 € correspondant au solde du fret dû après réajustement,

- 388.356,25 € au titre de la facturation des vides.

La société Marfret demande à la cour à titre subsidiaire, dans l'hypothèse d'un partage par moitié, de dire que la société ECS ne peut prétendre qu'au paiement de la somme de 410.355,55 francs soit 62.558,30 € au titre du partage des bénéfices d'exploitation et de condamner la société ECS à lui rembourser la somme de 116.956,63 € (179.514,93 € - 62.558,30 €) et à lui payer la somme de 27.010,96 € au titre des intérêts payés par Marfret sur les condamnations prononcées en première instance et plus généralement sur toutes sommes payées en exécution du jugement du tribunal de commerce du Havre.

Elle sollicite en outre dans cette hypothèse la condamnation de la société ECS à lui payer, au titre de l'abus de droit commis en ne renouvelant pas le contrat qui les liait, une somme de 340.133,55 €.

Dans tous les cas, la société Marfret conclut à la condamnation de la société ECS à lui payer une somme de 4.582 € au titre des intérêts dus sur le fret et une indemnité de 15.000 € en application de l'article 700 du Ncpc.

La société ECS sollicite la confirmation en tous points du jugement entrepris. Elle demande à la cour de débouter la société Marfret de l'ensemble de ses prétentions et de la condamner à lui payer une somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Sur ce, la Cour,

Sur les modalités contractuelles de partage des résultats

Le tribunal a jugé que la disposition de l'article 10 du protocole initial prévoyant une mise en commun des recettes et des dépenses et le partage du solde par moitié était claire et non équivoque et qu'aucune modification de la répartition des bénéfices n'était intervenue même avec l'addendum no 1 du 5 mars 1999, de telle sorte qu'il n'y avait aucune raison de modifier la répartition initiale.

La société ECS sollicite la confirmation du jugement en faisant valoir que rien ne permet de retenir que la stipulation prévue au protocole d'accord de 1997 concernant une répartition par moitié entre les parties des résultats n'était pas applicable aux résultats de la ligne Zeebruge-Waterford et en reprochant à la société Marfret de n'avoir pas respecté ses obligations résultant de l'article 10 du protocole.

Toutefois il résulte des documents contractuels versés aux débats que l'addendum no1, en son article 2, "annule l'article 10 du protocole d'accord du 22 septembre 1997" intitulé "comptes de pool" qui prévoyait que le solde d'exploitation serait partagé par moitié entre les parties, article 10 "auquel il substitue un nouveau texte intitulé article 10: rémunération du navire".

Ce nouveau texte a fixé les tarifs de fret que la société Marfret devait facturer à compter du 1er mars 1999 et jusqu'au 30 avril 1999, selon accord des parties, aux conteneurs sur l'unique ligne exploitée en commun (Le Havre/Waterford).

Cette disposition était transitoire puisqu'il était convenu qu'un nouveau tarif de fret serait établi à compter du 1er mai 1999, "tenant compte de la répartition des bénéfices antérieurs à 50/50".

Il résulte toutefois des courriers échangés après la rupture des relations contractuelles que ce nouveau tarif n'a jamais été établi.

Pour la nouvelle ligne Zeebruge-Waterford, l'addendum no 2 précise que cette convention est conclue dans le cadre du protocole d'accord signé le 5 mars 1999, de telle sorte que les modalités de partage des résultats d'exploitation sont identiques, seuls les tarifs de fret étant différents.

Il sera en outre observé qu'en pratique la société Marfret a supporté le déficit de la ligne Zeebruge-Waterford dès lors que ses recettes au titre du taux de fret sont inférieures à ses dépenses au titre de la gestion du navire.

La volonté des parties telle qu'elle résulte de ces modifications prévues par les addenda no 1 et no 2 était de renoncer à la répartition 50/50 antérieure des dépenses et des recettes prévue dans l'accord initial et de rechercher un tarif de fret garantissant à la société Marfret un niveau suffisant de rémunération.

Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a condamné la société Marfret à payer à la société ECS une somme de 179.545 € au titre du partage par moitié du résultat d'exploitation des deux lignes.

Toutefois si la société Marfret affirme avoir réglé cette somme voire des intérêts dans le cadre de l'exécution provisoire, elle n'en rapporte pas la moindre preuve. En conséquence, il ne sera pas fait droit à sa demande de restitution tant du principal que des intérêts, étant observé que le présent arrêt vaut titre dont elle pourra se prévaloir pour obtenir si nécessaire cette restitution.

Sur les demandes de la société Marfret relatives au tarif du fret

Dans l'hypothèse de la non application de l'ancien article 10 qui constitue sa prétention à titre principal et qui est retenue par la cour, la société Marfret sollicite la condamnation de la société ECS à lui payer d'une part une somme de 748.788,41 € au titre du réajustement du prix de fret pour la ligne Zeebruge-Waterford, et d'autre part une somme de 388.356,25 € au titre de la facturation des conteneurs vides.

S'agissant du réajustement du prix du fret, l'addendum no2 relatif à cette ligne fixait le prix du "slot" à 3.750 francs pour les containers 45' et 2350 francs pour les containers 40', au vu d'une moyenne hebdomadaire définie dans une annexe de ce document contractuel par rapport au coût de fonctionnement du navire et à une marge prévisible.

L'addendum no 2 précisait que l'évolution de la moyenne hebdomadaire prévue dans l'annexe pourrait "entraîner une hausse ou une baisse du prix du slot en fonction des volumes réellement atteints" et que les parties convenaient de "renégocier ce taux aussi souvent que nécessaire en vue de rester aussi proche que possible du compte prévisionnel de voyage".

Toutefois, il est constant que les parties n'ont jamais renégocié ce tarif et la société ECS conteste la nécessité de la hausse revendiquée par la société Marfret en affirmant au contraire que la concurrence intensive sur ce marché excluait une telle mesure qui aurait entraîné une diminution du remplissage du navire et une aggravation des résultats déficitaires de la ligne.

La société Marfret, outre qu'elle ne produit aucun document de nature à justifier la modification de tarif, n'est pas fondée à appliquer un nouveau taux fixé unilatéralement par elle, ce que seules pouvaient faire les parties d'une commun accord.

Elle sera en conséquence déboutée de sa demande de ce chef.

S'agissant de la facturation des containers vides sollicitée exclusivement pour la ligne Le Havre-Waterford, il résulte de l'article 2 de l'addendum no 2 que le transport des containers vides devait être taxé sur la base de 1.850 francs quelle que soit la taille du conteneur.

La société Marfret est en conséquence bien fondée à en réclamer le paiement et le montant de 388.356,25 € sollicité à ce titre n'est pas contesté.

La société Marfret sera déboutée de sa demande de paiement d'intérêts sur le fret, d'un montant de 4.582 €, dès lors qu'elle ne précise ni sur quelle somme ils sont calculés ni à partir de quelle date ni à quel taux.

Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de dommages et intérêts faite par la société Marfret au titre de l'abus de droit dès lors que cette prétention n'est émise qu'à titre subsidiaire pour le cas où la cour aurait retenu un partage des résultats de l'exploitation commune par moitié.

La société ECS sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles et sera condamnée à payer à ce titre à la société Marfret une somme de 8.000 €.

PAR CES MOTIFS

Infirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Déboute la société ECS European Container Nv de sa demande de paiement d'une somme de 179.514,93 €,

Dit que le présent arrêt vaut titre pour la restitution des sommes éventuellement versées en principal et intérêts dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement entrepris,

Condamne la société ECS European Container Nv à payer à la société Compagnie Maritime Marfret une somme de 388.356,25 € au titre de la facturation des containers vides sur la ligne Le Havre-Waterford,

Déboute la société Compagnie Maritime Marfret de sa demande de réajustement des taux de fret,

Déboute la société ECS European Container Nv de sa demande faite au titre des frais irrépétibles,

Condamne la société ECS European Container Nv à payer à la société Compagnie Maritime Marfret une somme de 8.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société ECS European Container Nv à payer les dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Ct0044
Numéro d'arrêt : 05/4517
Date de la décision : 26/05/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce du Havre, 01 octobre 2004


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rouen;arret;2008-05-26;05.4517 ?
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