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03/04/2008 | FRANCE | N°05/3322

France | France, Cour d'appel de Rouen, Ct0200, 03 avril 2008, 05/3322


R.G : 05/03322

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE DE LA FAMILLE

ARRET DU 03 AVRIL 2008

DÉCISION DÉFÉRÉE :

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AMIENS du 05 Mai 1998

APPELANTE :

Madame Josiane X... divorcée Y...

...

80000 AMIENS

représentée par la SCP HAMEL FAGOO DUROY, avoués à la Cour

assistée de Me de BAILLIENCOURT pour la SCP POUILLOT DORE, avocats au barreau d'AMIENS

INTIME :

Monsieur Alain Y...

...

Résidence Bousquet

34290 VALROS

représenté par Me COUPPEY, avoué à la C

our

assisté de Me Jean-Claude A..., avocat au barreau d'AMIENS

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré :

Monsieur BRUNHES, Président

Monsieur P...

R.G : 05/03322

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE DE LA FAMILLE

ARRET DU 03 AVRIL 2008

DÉCISION DÉFÉRÉE :

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AMIENS du 05 Mai 1998

APPELANTE :

Madame Josiane X... divorcée Y...

...

80000 AMIENS

représentée par la SCP HAMEL FAGOO DUROY, avoués à la Cour

assistée de Me de BAILLIENCOURT pour la SCP POUILLOT DORE, avocats au barreau d'AMIENS

INTIME :

Monsieur Alain Y...

...

Résidence Bousquet

34290 VALROS

représenté par Me COUPPEY, avoué à la Cour

assisté de Me Jean-Claude A..., avocat au barreau d'AMIENS

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré :

Monsieur BRUNHES, Président

Monsieur PERIGNON, Conseiller

Monsieur BLOCH, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme BARRÉ, Greffier

DEBATS :

En chambre du conseil, le 25 Février 2008, où l'affaire a été mise en délibéré au 03 Avril 2008

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 03 Avril 2008, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Monsieur BRUNHES, Président et par Mme BARRÉ, Greffier présent à cette audience.

*

* *

Alain Y... et Josiane X... se sont mariés le 3 février 1968. Leur fille Barbara est née le 30 août 1971.

Sur la procédure engagée par l'épouse, l'ordonnance de non conciliation a été rendue le 28 novembre 1995. Celle-ci a ensuite assigné le 9 février 1996.

Par jugement réputé contradictoire (le mari était défaillant) du 5 mai 1998, le juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance d'Amiens a rejeté sa demande en divorce.

Sur l'appel de Josiane X... et par arrêt de défaut rendu le 28 novembre 2001, la Cour d'Appel d'Amiens a, notamment,

· prononcé le divorce aux torts du mari,

· dit que Josiane X... se verra attribuer à titre de prestation compensatoire la pleine propriété des 7 maisons sises ... dépendant de la communauté des époux,

· condamné Alain Y... à payer à son épouse une somme de 40.000 F à titre de dommages-intérêts.

Sur opposition faite par Alain Y... et par arrêt du 28 mai 2003, la Cour d'Appel d'Amiens a juge cette opposition mal fondée et dit qu'il n'y avait pas lieu à rétracter l'arrêt précédent.

Sur pourvoi formé par le même et par arrêt du 28 juin 2005, la 1ère Chambre civile de la Cour de Cassation a cassé et annulé, mais uniquement en ses dispositions relatives à la fixation de la prestation compensatoire, l'arrêt rendu le 28 mai 2003 par la Cour d'Appel d'Amiens. Elle a renvoyé devant la Cour d'appel de Rouen.

Par déclaration du 12 août 2005, Josiane X... a saisi la Cour de renvoi.

En raison de difficultés afférentes à des communications de pièces, les parties ont conclu tardivement. La date d'audience initialement fixée a dû être reportée.

Après les premières conclusions du 28 août 2007 de Josiane X..., un calendrier de procédure a été donné aux parties dans le cadre de la mise en état par ordonnance du 30 août suivant.

Alain Y... a conclu le 26 octobre 2007 respectant ainsi le délai fixé, mais Josiane X... n'a conclu en réponse que le 31 janvier 2008, soit la veille de la date initialement fixée pour la clôture de la procédure.

Sur la demande d'Alain Y..., la date de clôture a alors été reportée au 15 puis au 22 février 2008, celui-ci concluant et communiquant huit nouvelles pièces le 20 février.

A l'audience du 25 février 2008 et par des conclusions de procédure, Josiane X... a sollicité le rejet des débats des dernières conclusions et pièces d'Alain Y... du 20 février 2008. Mais celles-ci apportent quelques précisions supplémentaires et ne contiennent pas de moyens nouveaux, et de plus c'est Josiane X... qui, en ne respectant pas le délai qui lui avait été prescrit, a obligé Alain Y... à déposer ces conclusions plus tard que prévu.

Les conclusions et pièces déposées et communiquées par ce dernier le 20 février 2008 seront en conséquence déclarées recevables.

Par ses dernières conclusions du 31 janvier 2008, Josiane X... a demandé

· la condamnation d'Alain Y... à lui payer une prestation compensatoire d'un montant de 475.639 EUR et, pour ce paiement, l'attribution en sa faveur en pleine propriété des 7 maisons situées ... précisant alors leurs références cadastrales,

· la condamnation du même à lui verser la somme de 4.500 EUR en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Selon ses dernières conclusions du 20 février 2008, Alain Y... a sollicité que la Cour

· lui donne acte de ce qu'il propose de fixer à 125.000 EUR le montant de la prestation compensatoire de Josiane X... et la déboute de sa demande tendant à voir fixer ce montant à 475.640 EUR,

· lui donne acte de ce qu'il propose de lui attribuer à titre de prestation compensatoire la pleine propriété de deux maisons situées Chaussée Jules Ferry correspondant à l'abandon de sa part de communauté sur chacun de ces immeubles pour un montant total de 125.000 EUR,

· déboute Josiane X... de ses demandes,

· à titre subsidiaire, si la Cour s'estime insuffisamment informée, ordonne une mesure d'instruction pour voir fixer la valeur des immeubles,

· condamne Josiane X... à lui payer la somme de 4.500 EUR pour frais hors dépens.

SUR CE LA COUR

Vu l'arrêt de cassation, les conclusions et pièces des parties

Le débat porte en la cause sur la fixation de la prestation compensatoire en faveur de Josiane X... dont Alain Y... admet le principe

En vertu des articles 270 à 272 du Code Civil, dans leur rédaction antérieure à la loi du 26 mai 2004 qui sont applicables à la cause puisque l'assignation est antérieure au 1er janvier 2005 :

· l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation compensatoire si la rupture du mariage a créé une disparité dans les conditions de vie respectives des époux, qui doit être fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ;

· en ce qui concerne ces besoins et ressources doivent être alors notamment pris en considération : l'âge et l'état de santé des époux, le temps déjà consacré ou à consacrer à l'éducation des enfants, la durée du mariage, leurs qualifications et situations professionnelles au regard du marché du travail, leurs droits existants et prévisibles, leur situation respective en matière de pension de retraite, leur patrimoine tant en capital qu'en revenu après la liquidation du régime matrimonial.

Selon l'article 275 (en son ancienne rédaction comme ci-dessus) du Code Civil la prestation compensatoire peut prendre la forme, notamment, du versement d'une somme d'argent, de l'abandon de biens en nature, meubles ou immeubles, en propriété, en usufruit, pour l'usage ou l'habitation, le jugement opérant cession forcée au profit du créancier.

En vertu de l'article 271 du Code Civil, la prestation compensatoire est fixée au vu de la situation des époux au moment du divorce. En la cause le pourvoi en cassation relevé par Alain Y... ayant visé également le divorce, il convient de retenir que la rupture du lien matrimonial est devenue définitive à la date de l'arrêt de cassation, juin 2005, l'arrêt frappé de pourvoi n'ayant pas été cassé du chef du divorce.

Alain Y... est né en 1945 et Josiane X... en 1949.

Il a déjà été indiqué que le mariage est en date du 3 février 1968 et qu'une fille Barbara est née de l'union en août 1971. Il est signalé que la séparation des époux date de 1993.

Nous notons que la procédure a été fortement prolongée par la défaillance d'Alain Y... qui ne s'est pas manifesté et ou n'était pas représenté, ni à l'occasion de l'ordonnance de non conciliation du 28 novembre 1995, ni pour le jugement du 5 mai 1998, non plus que pour le premier arrêt du 28 novembre 2001.

Alain Y... a travaillé dans le domaine de l'immobilier et de la construction et il était en dernier lieu directeur technique selon ce qu'il précise. Au vu de ses avis d'imposition qu'il a communiqués en toute fin de procédure, son salaire moyen mensuel imposable a été de 3.811 EUR en 2002, 3.907 EUR en 2003, 4.123 EUR en 2004, 4.506 EUR en 2005. Il est en retraite depuis 2006 et perçoit trois prestations à ce titre (régime général et deux caisses complémentaires) l'ensemble pour 2.723 EUR par mois fin 2006 selon les justifications qu'il apporte (chiffre net et non pas en montant imposable). Selon son avis d'imposition, il a bénéficié en 2006 de ressources (salaires et assimilés + retraites) moyennes mensuelles imposables pour 3.094 EUR.

Il vit depuis plusieurs années avec Madame Gilbert et signale que celle-ci perçoit en 2006 des allocations des Assedic pour 997 EUR par mois. Il précise encore qu'ils ont un enfant à charge. Nous observons, au vu des avis d'imposition 2002 à 2006, que cet enfant est très irrégulièrement à sa charge sur le plan fiscal.

La situation d'Alain Y... ne s'est pas limitée à son travail salarié. Josiane X... a en effet indiqué dés l'origine de la procédure en appel l'existence de SCI dans lesquelles le mari était associé. Celui-ci admet dans ses conclusions qu'il « avait orienté les choix du ménage vers des investissements immobiliers permettant d'assurer aux époux une relative sécurité financière ».

Josiane X... cite six noms de SCI. Alain Y... donne diverses explications à ce sujet, affirme qu'il a fourni l'intégralité des pièces comptables, que la discussion sur ce point de l'épouse n'a pas d'intérêt puisque les bénéfices des SCI viennent enrichir le patrimoine de la communauté qui sera partagé avec elle.

Sans entrer dans trop de détails, il y a cependant lieu de remarquer au vu des pièces les points suivants :

· Alain Y... a été associé à hauteur de 50 % dans ces SCI avec la même personne M. C... pour co associé (ou une société dans laquelle ce dernier était lui-même associé) ;

· la SCI Briand Aristide (qui a succédé le 18 mai 1994 à la SCI Aristide Briand) a acquis un terrain, y a réalisé un immeuble et l'a revendu en 1996, chaque associé recevant 50.170 EUR avant impôt ; Alain Y... a précisé que cette société est « soldée » depuis 1996 ;

· la SCI Lafleur a été constituée pour le même objet en avril 1993, a cessé d'exister en juillet 2006 selon l'attestation du 12 mars 2006 (!)de son gérant, avec un bénéfice global de 76.238 EUR avant impôt pour chaque associé ;

· la SCI Immobilière de Picardie constituée en 1993 pour le même objet et aussi pour la rénovation de quatre maisons à Amiens, a au cours de son activité procuré sur certains périodes des loyers aux associés, a permis à chacun des deux associés de percevoir à la suite de ventes, 101.250 EUR le 17 juillet 2002, 50.892 EUR le 29 juillet 2006 ; cette Société demeure propriétaire de trois maisons dont la valeur « devrait se situer aux environs de 125.000 EUR » pour chacune selon le mari ;

· la SCI Les Archers a été créée en juillet 1993 avec les deux époux associés ; elle n'a pas eu d'activité selon Alain Y... ;

· la SCI Les Jardins de l'Université, créée en septembre 2001, a été « soldée » en 1993 avant son départ selon ce que signale Alain Y... ; de son coté Josiane PAJOT communique un courrier de la banque du 21 mars 1994 adressé aux époux en qualité de cautions « pour l'opération 20 logements et 2 parkings » de cette Société ;

· le nom de la SCI Minerve est seulement cité par Josiane X... sans qu'aucun document ne soit fourni ni aucun renseignement signalé par Alain Y... ;

· en septembre 1994 une SARL dénommée Pierre Finance Invest a également été créée dont les porteurs de parts étaient Alain Y..., son amie Madame Gilbert, et M. C... ; cette SARL est d'ailleurs devenue associée dans plusieurs SCI.

A propos de ces opérations et de ces SCI, il doit être observé qu'Alain Y... a été bien réticent pour fournir des renseignements sur ce plan, qu'il est évident qu'il s'agit d'une organisation destinée à réaliser des bénéfices et que, grâce à ces sociétés, diverses opérations immobilières ont été réalisées au fil des années, que les quelques montants cités précédemment pour les ventes réalisées sont importants, qu'Alain Y... n'en a pas informé son épouse, qu'il n'est pas indiqué l'utilisation qu'il a pu faire des sommes perçues.

La communauté est propriétaire du groupe de sept maisons situées Chaussée Jules Ferry à Amiens, dont Josiane X... demande l'attribution en sa faveur au titre de sa prestation compensatoire.

Celle-ci a repris dans ses conclusions la valeur chiffrée par notaire selon courrier du 15 mai 2001, soit 475.639 EUR.

Cette valeur a inévitablement évolué depuis cette date comme le fait remarquer le mari et ce dernier, mais sans aucune justification particulière, cite le chiffre de 980.000 EUR dans sa déclaration sur l'honneur datée du 31 janvier 2008.

Josiane X... n'a pas exercé de manière continue des activités professionnelles pendant le temps de l'union. Elle explique qu'elle a été en longue maladie depuis 2002, qu'elle reçoit depuis octobre 2005 une pension d'invalidité de la CPAM. En 2006 au titre de cette pension et d'un versement complémentaire d'une caisse de prévoyance, elle a perçu 518 EUR de ressources imposables selon son avis d'imposition. Elle prendra sa retraite à partir d'août 2009 et recevra 539 EUR brut par mois selon le document de la CRAM. S'y ajoutera un versement modeste du régime des commerçants car elle n'a cotisé à ce titre que 14 trimestres.

Depuis l'ordonnance de non conciliation elle perçoit les loyers des maisons de la Chaussée Jules Ferry déjà citées. A ce titre ses revenus fonciers fiscalement déclarés ont été de 21.161 EUR en 2004, 22.795 EUR en 2005, 28.347 EUR en 2006. Elle signale qu'elle peut vivre actuellement grâce à ces ressources, mais qu'elle doit assumer l'ensemble des charges fiscales et d'entretien de ces maisons.

En ce qui concerne l'état de santé des époux, il a été précisé que Josiane X... perçoit présentement une pension d'invalidité. Alain Y... produit une attestation de la CPAM selon laquelle il est atteint d'une affection prise en charge à 100 %.

L'épouse fait observer qu'elle a élevé pendant plusieurs années, depuis 1985 jusqu'à la séparation du couple en 1993, l'enfant Guillaume né d'une relation extra conjugale du mari. Celui-ci le nie, mais ce point est confirmé par la mère de cet enfant et par de nombreux membres de la famille de l'épouse.

Il a été signalé que la valeur citée par l'épouse pour les maisons de la Chaussée Jules Ferry à Amiens date de plusieurs années et qu'elle n'est pas actualisée. D'autre part celle-ci n'indique pas précisément laquelle de ces maisons elle occupe dans ce groupe d'immeubles. Dans ces conditions il n'est pas approprié de lui attribuer en propriété telle ou telle maison au titre de prestation compensatoire et il convient par contre de prévoir en sa faveur de ce chef un capital.

Au de l'ensemble des renseignements sur les époux et leurs activités et ressources, et des chiffres énumérés, il y a lieu de fixer la prestation compensatoire en faveur de Josiane X... à un capital de 350.000 EUR.

Alain Y... est débiteur de la prestation compensatoire et sera donc condamné aux entiers dépens.

Il est d'autre part équitable, compte tenu des circonstances de cette cause, qu'il verse une somme de 2.000 EUR à Josiane X... pour ses frais hors dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant sur renvoi après cassation et dans les limites de cette cassation, après débat en chambre du conseil, publiquement et contradictoirement

Déclare recevables dans les débats les conclusions et pièces déposées et communiquées le 20 février 2008 par Alain Y...

Dit qu'à titre de prestation compensatoire, Alain Y... est condamné à verser à Josiane X... un capital de 350.000 EUR

Rejette les autres demandes des parties

Condamne Alain Y... aux entiers dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile

Condamne le même à payer à Josiane X... la somme de 2.000 EUR en vertu de l'article 700 du même Code.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Ct0200
Numéro d'arrêt : 05/3322
Date de la décision : 03/04/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance d'Amiens, 05 mai 1998


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rouen;arret;2008-04-03;05.3322 ?
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