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31/01/2008 | FRANCE | N°06/3643

France | France, Cour d'appel de Rouen, Ct0044, 31 janvier 2008, 06/3643


R.G : 06/03643

COUR D'APPEL DE ROUEN

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 31 JANVIER 2008

DÉCISION DÉFÉRÉE :

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE DIEPPE du 29 Juin 2006

APPELANTS :

SOCIÉTÉ CORDONNIER

Autoroute A28

Sortie Le Four Rouge

76270 ESCLAVELLES

Me Daniel BLERY, agissant en sa qualité d'administrateur au redressement judiciaire puis de commissaire à l'exécution du plan de la SOCIÉTÉ CORDONNIER

... Ecole

76400 FECAMP

Maître Béatrice Y..., agissant en sa qualité de représentant des créancier

s au redressement judiciaire de la SOCIÉTÉ CORDONNIER

...

76000 ROUEN

représentés par la SCP VOINCHET-COLIN RADIGUET-THOMAS ENAULT, avoués à la Co...

R.G : 06/03643

COUR D'APPEL DE ROUEN

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 31 JANVIER 2008

DÉCISION DÉFÉRÉE :

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE DIEPPE du 29 Juin 2006

APPELANTS :

SOCIÉTÉ CORDONNIER

Autoroute A28

Sortie Le Four Rouge

76270 ESCLAVELLES

Me Daniel BLERY, agissant en sa qualité d'administrateur au redressement judiciaire puis de commissaire à l'exécution du plan de la SOCIÉTÉ CORDONNIER

... Ecole

76400 FECAMP

Maître Béatrice Y..., agissant en sa qualité de représentant des créanciers au redressement judiciaire de la SOCIÉTÉ CORDONNIER

...

76000 ROUEN

représentés par la SCP VOINCHET-COLIN RADIGUET-THOMAS ENAULT, avoués à la Cour

assistés de Me Marie-Paule Z..., avocat au barreau de Dieppe

INTIMÉS :

Monsieur Philippe A...

...

76370 DERCHIGNY GRAINCOURT

représenté par Me COUPPEY, avoué à la Cour

assisté de Me Jean-Jacques BRUMENT, avocat au barreau de Dieppe

SOCIÉTÉ GROUPAMA

... BP 685

27006 EVREUX CEDEX

représentée par la SCP LEJEUNE MARCHAND GRAY C..., avoués à la Cour

assistée de Me Eric D..., avocat au barreau de Rouen

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 12 Décembre 2007 sans opposition des avocats devant Monsieur LOTTIN, Conseiller, rapporteur, en présence de Madame VINOT, Conseiller.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BARTHOLIN, Présidente

Monsieur LOTTIN, Conseiller

Madame VINOT, Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS :

Madame DURIEZ, Greffier

DÉBATS :

A l'audience publique du 12 Décembre 2007, où le président d'audience a été entendu en son rapport oral et l'affaire mise en délibéré au 31 Janvier 2008

ARRÊT :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 31 Janvier 2008, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile,

signé par Madame BARTHOLIN, Présidente et par Madame DURIEZ, Greffier.

*

* *

Exposé du litige

M. Philippe A..., agriculteur, a confié à la Sarl Cordonnier la construction d'un bâtiment agricole selon devis signé par les parties du 5 juillet 1999, pour un coût total de 200.000 francs.

Se plaignant de l'inachèvement des travaux dans les délais prévus et de l'existence de désordres, M. A... a saisi son assureur de protection juridique qui a confié une expertise amiable à M. E..., puis a obtenu par ordonnance du juge des référés rendue le 12 mars 2003 la désignation de M. F... en qualité d'expert judiciaire.

M. F... a déposé son rapport le 28 décembre 2003.

Par acte en date du 23 juillet 2004, M. A... a assigné la société Cordonnier sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil aux fins de la voir condamner à lui payer les sommes suivantes :

- 23.841,27 € au titre du coût de reprise des travaux ;

- 1.374,62 € au titre des pertes de marchandises ;

- 3.000 € au titre du préjudice de jouissance et du retard d'exécution ;

- 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société Cordonnier ayant été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Neufchâtel en Bray rendu le 17 février 2005, M. A... a assigné en intervention par actes des 12 et 17 mai 2005 M. Daniel Bléry es-qualités d'administrateur judiciaire de la dite société et Madame Béatrice Y... es-qualités de représentant des créanciers de ladite société.

Il a également assigné en intervention par acte du 16 novembre 2005 la compagnie Groupama Assurances de Normandie en qualité d'assureur de la société Cordonnier.

Par jugement rendu le 29 juin 2006, le tribunal de grande instance de Dieppe a :

- fixé la créance de M. Philippe A... à l'encontre de la société Cordonnier à la somme de 27.188 € en réparation de son préjudice,

- fixé la créance de M. Philippe A... à l'encontre de la société Cordonnier à la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Ncpc,

- laissé les dépens à la charge de la société Cordonnier.

Pour statuer comme il l'a fait, le tribunal a constaté que la prescription de l'action fondée sur la garantie de parfait achèvement n'était pas acquise à la date de l'assignation pour avoir été interrompue à plusieurs reprises lorsque la société Cordonnier avait reconnu que les travaux n'étaient pas achevés.

Il a retenu les trois désordres relevés par l'expert et l'évaluation par ce dernier du coût des travaux de reprise.

La société Cordonnier ainsi que M. Daniel Bléry es-qualités d'administrateur judiciaire de ladite société et Madame Béatrice Y... es-qualités de représentant des créanciers de ladite société ont interjeté appel de cette décision.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 décembre 2007.

Prétentions et moyens des parties

Pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions signifiées le 5 décembre 2007 par la société Cordonnier ainsi que par M. Daniel Bléry es-qualités d'administrateur judiciaire de ladite société et Madame Béatrice Y... es-qualités de représentant des créanciers de ladite société, le 29 mai 2007 par M. A... et le 7 décembre 2007 par la Caisse de Réassurance Mutuelle Agricole de Centre Manche exerçant sous l'enseigne Groupama Centre Manche (ci-après dénommée société Groupama).

Leurs moyens seront examinés dans les motifs de l'arrêt.

La société Cordonnier ainsi que M. Daniel Bléry es-qualités d'administrateur judiciaire de ladite société et Madame Béatrice Y... es-qualités de représentant des créanciers de ladite société sollicitent la réformation du jugement.

Ils demandent à la cour de constater la destruction de l'immeuble postérieurement aux travaux pour une cause étrangère, en l'espèce un incendie survenu le 13 août 2006, et de juger que M. A... ne justifie plus d'un préjudice direct et certain en ce qui concerne les travaux de reprise de l'ouvrage. Ils entendent voir fixer la date de la réception tacite de l'ouvrage au 20 décembre 1999 et en conséquence voir déclarer prescrite l'action fondée sur la garantie de parfait achèvement, et demandent à la cour de constater que les désordres invoqués ne relèvent pas de la garantie décennale des constructeurs.

Les appelants concluent donc à titre principal au rejet de toutes les demandes de M. A... et à la condamnation de ce dernier à leur payer une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Ncpc.

En tout état de cause, ils sollicitent la condamnation de la compagnie Groupama à garantir la société Cordonnier de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.

M. A... demande à la cour de dire que la destruction du bâtiment est sans conséquence sur l'obligation de la société Cordonnier à réparer le préjudice causé par le non respect de ses obligations contractuelles et sollicite à titre principal la confirmation pure et simple de la décision entreprise.

A titre subsidiaire, il sollicite la condamnation de la société Cordonnier à réparer son préjudice sur le fondement de la garantie décennale à hauteur de la somme de 27.188 €.

A titre infiniment subsidiaire, il fonde la même demande sur la garantie de droit commun.

En tout état de cause, M. A... sollicite la condamnation de la société Cordonnier à lui payer la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Ncpc.

La compagnie Groupama demande à la cour à titre principal de déclarer les demandes en garantie faites par les appelants à son encontre irrecevables comme nouvelles en cause d'appel mais aussi prescrites en application des dispositions des articles L 114-1 du code des assurances et 112 du Ncpc.

Subsidiairement, elle fait valoir que le rapport d'expertise judiciaire lui est inopposable et demande à la cour de constater que les désordres invoqués ne relèvent pas de la garantie décennale, de rejeter toutes les demandes des appelants formées à son encontre, et de les condamner à lui payer une somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Ncpc.

Sur ce, la Cour,

Sur la garantie de parfait achèvement

Pour déclarer la société Cordonnier responsable des désordres sur le fondement de la garantie de parfait achèvement, le tribunal, après avoir admis que la réception tacite de l'ouvrage avait eu lieu le 20 décembre 1999, a jugé que la mise en demeure du 12 octobre 2000 adressée à l'entrepreneur et lui demandant d'achever les travaux et de résoudre le problème de la couleur de la toiture non conforme au devis, ainsi que la réalisation d'autres travaux en juin 2001 avaient interrompu la prescription.

M. A... ajoute que la reconnaissance de responsabilité par la société Cordonnier au cours des opérations d'expertise diligentées par M. E... a de nouveau interrompu le délai de prescription.

Toutefois, la réception tacite peut intervenir même lorsque les travaux n'ont pas totalement été achevés comme en l'espèce.

Il est constant que les désordres invoqués par M. A... concernent les travaux déjà réalisés lors de la réception, de telle sorte que le point de départ du délai de prescription doit être fixé au 20 décembre 1999, date à laquelle le maître de l'ouvrage a pris possession du bâtiment pour y entreposer des marchandises en payant l'ensemble des travaux déjà réalisés.

La lettre de mise en demeure du 12 octobre 2000, si elle a été faite à bon droit sur le fondement de la garantie de parfait achèvement qui en application de l'article 1792-6 du code civil concerne tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage lors de la réception ou dans l'année qui suit, n'a pas eu pour effet d'interrompre le délai de prescription de cette action.

La prescription a en conséquence été acquise le 20 décembre 2000.

L'assignation en référé expertise, interruptrice du délai de prescription, n'est intervenue que le 12 février 2003, alors que la prescription de l'action en garantie de parfait achèvement était déjà acquise.

De même, la reconnaissance émanant de la société Cordonnier au cours des opérations d'expertise amiable et invoquée par le jugement entrepris a été faite postérieurement au 20 décembre 2000 puisque M. E... n'a été saisi qu'en août 2001 et a d'ailleurs constaté dans son premier rapport en février 2002 que la garantie de parfait achèvement était terminée.

Il s'ensuit que M. A... est irrecevable à agir à l'encontre de la société Cordonnier sur le fondement de la garantie de parfait achèvement.

Sur la garantie décennale

M. A... invoque à titre subsidiaire la garantie décennale uniquement en ce qui concerne les désordres relatifs à la couleur des plaques ondulées constituant la toiture, en faisant valoir que l'administration a refusé de lui délivrer le certificat de conformité des travaux pour ce motif.

Toutefois la responsabilité de plein droit du constructeur envers le maître de l'ouvrage ne peut être retenue que si les désordres compromettent la solidité de l'ouvrage ou le rendent impropre à sa destination.

En l'espèce, la non conformité de la couleur des plaques de couverture, apparue quelques mois après la pose, qui n'a entraîné le refus de délivrance du certificat de non conformité qu'en raison de la tardiveté de la déclaration d'achèvement des travaux, ne compromet pas la solidité de l'ouvrage ni ne le rend impropre à sa destination.

M. A... ne pourra qu'être en conséquence débouté de ses demandes faites sur le fondement de la garantie décennale.

Sur la garantie de droit commun

S'agissant de dommages non apparents à la réception et qui ne rendent pas l'ouvrage impropre à sa destination, M. A... est fondé à invoquer la responsabilité de droit commun de la société Cordonnier pour avoir posé des plaques de couverture dont la couleur n'était pas conforme.

En effet, le devis stipulait que la couverture devait être réalisée en "couverture fibre ciment gris" mais il était mentionné l'existence d'une "plus value pour fibre ciment de couleur bleu ardoise couleur" avec "coloration garantie 10 ans".

Il résulte du rapport d'expertise judiciaire de M. F... que la couleur bleue, qui existait à l'origine, est devenue grise en l'espace de quelques mois.

La société Cordonnier est entièrement responsable de cette violation de ses obligations contractuelles qui ne relève pas des régimes de responsabilité légale du constructeur et ne saurait se retrancher derrière la faute de son fournisseur, qu'elle avait d'ailleurs appelé en garantie dans un premier temps.

Toutefois, en détruisant totalement le bâtiment litigieux alors que, ainsi qu'il résulte des pièces versées aux débats, ce sinistre était couvert par une assurance, l'incendie survenu en août 2006 a mis fin au préjudice causé par la non conformité au devis des pièces de couverture.

M. A... sera en conséquence débouté de l'ensemble de ses demandes de réparation de son préjudice.

Dès lors, la demande de garantie de la compagnie Groupama est sans objet.

Les parties seront déboutées de leurs demandes faites au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déboute M. Philippe A... de toutes ses demandes en réparation de son préjudice,

Constate que l'action en garantie de la société Cordonnier à l'égard de la société Caisse de Réassurance Mutuelle Agricole du Centre Manche est sans objet,

Déboute M. Philippe A..., la société Cordonnier, M. Daniel Bléry es-qualités d'administrateur judiciaire de la société Cordonnier, Madame Béatrice Y... es-qualités de représentant des créanciers de la société Cordonnier et la société Caisse de Réassurance Mutuelle Agricole du centre Manche de leurs demandes faites au titre des frais irrépétibles,

Condamne M. Philippe A... à payer les dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Ct0044
Numéro d'arrêt : 06/3643
Date de la décision : 31/01/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Dieppe, 29 juin 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rouen;arret;2008-01-31;06.3643 ?
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