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22/01/2008 | FRANCE | N°07/1755

France | France, Cour d'appel de Rouen, Ct0481, 22 janvier 2008, 07/1755


R.G. : 07/01755

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE DES APPELS PRIORITAIRES

Section SÉCURITÉ SOCIALE

ARRÊT DU 22 JANVIER 2008

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE DE ROUEN du 20 Mars 2007

APPELANT :

Monsieur Rodolphe X...

...

66200 THEZA

représenté par Me Juliette AURIAU, avocat au barreau de ROUEN substituant Me Patrick Y..., avocat au barreau de ROUEN

Bénéficie d'une décision d'aide juridictionnelle totale en date du 03/12/2007par décision du Bureau d'Aide juridict

ionnelle de ROUEN

INTIMEES :

SOCIÉTÉ AEROPORT ROUEN HANDLING

Rue Maryse Bastié

76520 BOOS

représentée par Me Joël CISTERNE, avoca...

R.G. : 07/01755

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE DES APPELS PRIORITAIRES

Section SÉCURITÉ SOCIALE

ARRÊT DU 22 JANVIER 2008

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE DE ROUEN du 20 Mars 2007

APPELANT :

Monsieur Rodolphe X...

...

66200 THEZA

représenté par Me Juliette AURIAU, avocat au barreau de ROUEN substituant Me Patrick Y..., avocat au barreau de ROUEN

Bénéficie d'une décision d'aide juridictionnelle totale en date du 03/12/2007par décision du Bureau d'Aide juridictionnelle de ROUEN

INTIMEES :

SOCIÉTÉ AEROPORT ROUEN HANDLING

Rue Maryse Bastié

76520 BOOS

représentée par Me Joël CISTERNE, avocat au barreau de ROUEN

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES PYRÉNÉES ORIENTALES (C.P.A.M.)

Rue des Remparts Saint-Mathieu - B.P. 943

66020 PERPIGNAN CEDEX

Représenté par M. BARTLET, muni d'un pouvoir

D.R.A.S.S.

Immeuble le Mail - ...

76017 ROUEN CEDEX

Non comparante ni représentée bien que régulièrement avisée par lettre recommandée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 20 Novembre 2007 sans opposition des parties devant Madame PLANCHON, Président, magistrat chargé d'instruire l'affaire,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame PLANCHON, Président

Madame PRUDHOMME, Conseiller

Madame AUBLIN-MICHEL, Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS :

Mme Z..., adjoint administratif principal faisant fonction de greffier, dûment assermentée à cet effet

DÉBATS :

A l'audience publique du 20 Novembre 2007, où l'affaire a été mise en délibéré au 08 Janvier 2008 date à laquelle le délibéré a été prorogé à ce jour

ARRÊT :

RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 22 Janvier 2008, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile,

signé par Madame PLANCHON, Président et par Mme NOEL-DAZY, Greffier présent à cette audience.

Faits et procédure :

M. Rodolphe X..., salarié de l'EURL ROUEN HANDLING en qualité de pompier et d'agent de trafic employé au service assistance commerciale et technique, a été victime le 29 janvier 2001 d'un accident du travail alors que perché sur la nacelle de la dégivreuse, il effectuait une intervention de dégivrage sur un avion.

Atteint à la suite de cet accident de travail de lombalgies avec irradiation, épaule gauche surbaissée et inclinaison du rachis cervical, il sera licencié pour inaptitude au mois de juin 2002 et pris en charge depuis par la COTOREP qui lui a reconnu le statut de travailleur handicapé avec une invalidité de 45 %.

M. X... a sollicité la mise en oeuvre de la procédure de conciliation prévue par l'article L. 452-1 du Code de la Sécurité Sociale pour mettre en cause la faute inexcusable de l'employeur.

Cette procédure a débouché sur un procès-verbal de non-conciliation du 9 décembre 2003.

Saisi par M. X..., le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de ROUEN a, par jugement du 20 mars 2007 :

- déclaré recevable mais mal fondée la demande de M. Rodolphe X... tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur,

- rejeté toutes les demandes de M. Rodolphe X... présentées en conséquence de l'accident du travail dont il a été victime le 29 janvier 2001.

M. Rodolphe X... a par déclaration enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 2 mai 2007, relevé appel de ce jugement par l'intermédiaire de son Conseil.

Aux termes de ses conclusions déposées le 16 novembre 2007 et oralement développées à l'audience du 20 novembre suivant par son Conseil, M. X... demande à la Cour de le recevoir en son appel, l'y déclarer bien fondé et statuant à nouveau :

- débouter l'EURL ROUEN HANDLING de l'ensemble de ses fins, moyens et conclusions et notamment concernant son argumentation tirée de la prétendue irrecevabilité de la procédure aujourd'hui menée par M. X... devant la Cour,

- reconnaître l'existence de la faute inexcusable de l'EURL ROUEN HANDLING,

- fixer au maximum la majoration de la rente,

- désigner un expert avec mission de déterminer les préjudices subis par M. X... en suite de cet accident du travail,

- condamner l'EURL ROUEN HANDLING à payer à M. X... une somme de 7.800 € à titre de provision à valoir sur son préjudice définitif,

- ordonner l'exécution provisoire de l'arrêt à intervenir,

- dire que cette décision sera opposable à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Pyrénées orientales régulièrement appelée en la cause,

- condamner l'EURL ROUEN HANDLING à payer à M. X... la somme de 1.500 € par application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Au soutien de son appel, M.DIAS expose que le 29 janvier 2001, perché dans la nacelle de la dégivreuse et compte tenu d'un mauvais équilibre de celle-ci, il fera une chute de deux mètres 50 sur le dos alors qu'il effectuait une intervention de dégivrage sur un avion.

Selon lui, c'est à tort que le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale a retenu l'irrecevabilité de son action au motif que par jugement du 16 janvier 2006 revêtu de l'autorité de la chose jugée, le tribunal correctionnel de ROUEN avait relaxé le gérant de l'EURL ROUEN HANDLING du chef de délit de fourniture à des salariés d'un équipement de travail non conforme et d'embauche de travailleurs sans organiser une formation pratique et appropriée en matière de sécurité, et constaté la prescription de la contravention de blessures involontaires, rejetant sa demande de requalification des faits poursuivis en atteinte involontaire à l'intégrité de la personne. Le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale a retenu que l'autorité de la chose jugée au pénal ne pouvait conduire qu'au rejet de l'action de M. X....

M. X... reproche aussi au jugement déféré d'avoir retenu qu'il ne pouvait se prévaloir de la dualité des fautes civiles et pénales dès lors qu'une telle dualité n'était reconnue qu'en cas de fautes pénales non intentionnelles au sens de l'article L. 121-3 du code pénal et que les infractions poursuivies constituaient des infractions intentionnelles.

Contestant la qualification donnée par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'infractions de nature intentionnelle des fautes reprochées à l'employeur devant le tribunal correctionnel, M. X... fait valoir que l'article R. 625-2 du code de la sécurité sociale visé par les poursuites pénales concerne l'infraction d'atteinte involontaire à l'intégrité physique de la personne, et qu'il s'agit d'une infraction non intentionnelle. M. X... souligne par ailleurs que le tribunal correctionnel a constaté la prescription de la contravention de blessures involontaires reprochées à l'employeur mais n'a pas prononcé de relaxe de ce chef. En conséquence, M. X... conclut au rejet des moyens d'irrecevabilité de sa demande développés par la Société Aéroport ROUEN Handling.

Quant à la faute inexcusable qu'il reproche à l'employeur, M. X... souligne :

- l'absence de conformité et de certification de la dégivreuse relevée par l'APAVE dans son rapport consécutif à la vérification effectuée le 3 juin 1996. Selon le rapport de cet organisme, le défaut de stabilité de la dégivreuse était déjà relevé et les préconisations pour remédier à cette instabilité n'avaient pas été suivies d'effet pas plus qu'elles ne le seront par la suite et malgré le caractère constant de cette instabilité. Au surplus, dans les temps qui ont suivi cet accident, l'employeur a fait l'acquisition d'une nouvelle machine à dégivrer.

- l'absence de formation à l'utilisation de cette dégivreuse et qui ne peut avoir été dispensée par la séquence de formation aux opérations de dégivrage, étant précisé que cette formation sera dispensée quatre jours après l'accident.

M. X... conclut que la faute inexcusable de l'employeur est bien caractérisée dès lors qu'il connaissait le danger de la machine depuis au moins 1996 et qu'il est resté inactif malgré l'obligation de résultat pesant sur lui en matière de sécurité.

M. X... demande à la Cour de tirer les conséquences de cette faute inexcusable, de fixer au maximum la majoration de la rente et d'ordonner une expertise pour déterminer son préjudice consécutif à cet accident. Il sollicite en outre une provision dès lors qu'il se trouve en arrêt maladie de façon quasi constante pendant deux ans, que l'ensemble des traitements reste impuissant sur ses lombalgies et qu'il présente un état dépressif rédactionnel.

Par conclusions en réponse du 20 novembre 2007 développées oralement à l'audience par son Conseil, l'EURL ROUEN HANDLING poursuit la confirmation du jugement déféré, le rejet des demandes de M. Rodolphe X... et sa condamnation en tous les dépens.

L'EURL ROUEN HANDLING relate les circonstances de l'accident comme suit :

M. A... qui conduisait le véhicule de traction de la dégivreuse sur la plate-forme de laquelle M. X... travaillait pour dégivrer l'avion, a entrepris une manoeuvre pour placer la dégivreuse au milieu de l'aile de l'avion. C'est au cours de cette manoeuvre que le chariot a basculé, provoquant la chute de M. X... d'une hauteur de 2,35 mètres. L'EURL ROUEN HANDLING explique le basculement du chariot du fait que sa flèche de raccordement au véhicule de traction a heurté sa roue arrière.

L'EURL ROUEN HANDLING fait valoir que c'est à bon droit que le jugement déféré a déclaré la demande en reconnaissance de faute inexcusable de l'employeur irrecevable dès lors que le tribunal correctionnel a, par jugement irrévocable, prononcé sa relaxe du chef des délits de fourniture à des salariés d'un équipement de travail sans avoir vérifié sa conformité, en l'espèce une dégivreuse autonome et d'embauche de travailleurs en n'organisant aucune formation pratique et appropriée en matière de sécurité, infractions correspondant aux fautes visées par M. X... à l'appui de sa demande. L'EURL ROUEN HANDLING invoque à son profit l'identité des fautes civiles et pénales dès lors que la dualité invoquée par M. X... ne concerne que les infractions non intentionnelles au sens de l'article L. 121-3 du code pénal et que les infractions poursuivies constituaient des infractions intentionnelles. Loin de soutenir que la contravention de blessures involontaires serait une infraction intentionnelle, l'EURL ROUEN HANDLING fait valoir que les délits retenus par le tribunal correctionnel constituaient l'un des deux éléments constitutifs de la contravention prescrite.

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Pyrénées Orientales, aux termes de ses écritures déposées le 2 novembre 2007 et reprises oralement à l'audience, demande à la Cour de recevoir M.DIAS en son appel, et de :

- dire si l'accident est dû à une faute inexcusable de l'employeur,

- le condamner le cas échéant aux indemnités prévues aux articles L.452-1 à 452-3 du Code de la Sécurité Sociale,

- fixer le montant de ces indemnités,

- dire que ces indemnités seront remboursées par l'employeur à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie qui en aura fait l'avance.

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie s'en remet à la Cour sur la qualification de la faute inexcusable de l'employeur et rappelle qu'elle sera amenée le cas échéant à verser le montant des indemnités allouées par la Cour d'Appel si la faute inexcusable est reconnue et qu'il conviendra en ce cas de condamner l'employeur à lui rembourser les indemnités complémentaires réglées à la victime en vertu de l'article L.452-3 du Code de la Sécurité Sociale.

La DRASS, régulièrement avisée, n'a pas comparu.

SUR CE :

Sur la recevabilité de la demande de M. X... en reconnaissance de la faute inexcusable :

Attendu qu'aux termes de l'article 4-1 du Code de Procédure Pénale, l'absence de faute pénale non intentionnelle au sens de l'article 121-3 du Code Pénal ne fait pas obstacle à l'exercice d'une action devant les juridictions civiles afin d'obtenir la réparation d'un dommage sur le fondement de l'article 1383 du code civil si l'existence de la faute civile prévue par cet article est établie ou en application de l'article L. 452-1 du code de la Sécurité Sociale si l'existence de la faute inexcusable prévue par cet article est établie ;

Attendu qu'il convient de rappeler que par jugement du 19 janvier 2006, le tribunal correctionnel de ROUEN a :

- relaxé M. B..., gérant de l'EURL ROUEN HANDLING des fins des poursuites engagées à son encontre pour :

* fourniture, entre le 1er octobre 1999 et le 29 janvier 2001, des salariés un équipement de travail sans avoir vérifié sa conformité, en l'espèce une dégivreuse autonome type BPMC 20, infraction prévue par les articles L. 233-5-1, R.233-1-1, R. 233-1-2, R. 233-11, R. 233-11-2, R. 233-11-12, R. 233-90 du code du travail et réprimé par l'article L. 263-2 et L. 263-6 al1 du code du travail,

* dans les mêmes circonstances de temps et de lieu embauché des travailleurs en organisant aucune formation pratique et appropriée en matière de sécurité, infraction prévue par les articles L. 263-2 al.1, L. 231-3-1 al.1, al.5 du code du travail et réprimée par les articles L. 263-2 et L. 263-6 al.1 du code du travail,

- constaté la prescription de la contravention, reprochée à M.HERAIL, l'EURL ROUEN HANDLING et à l'Aéroport ROUEN VALLÉE DE SEINE de blessures involontaires par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements, en l'espèce en ne vérifiant pas la conformité de l'équipement de travail fourni aux salariés et en n'organisant aucune formation pratique et appropriée en matière de sécurité au profit de ces derniers, causé à M. X... une atteinte à l'intégrité de sa personne, suivie d'une incapacité totale de travail personnel n'excédant pas trois mois, en l'espèce 75 jours, infraction prévue par l'article R. 625-2 du code pénal et réprimée par les articles L. 263-2-1 du code du travail et R. 625-2 et R. 625-4 du code pénal ;

Attendu que le jugement rendu par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale et présentement déféré relève que le tribunal correctionnel a relaxé les personnes poursuivies du chef des délits et a constaté la prescription de la contravention de blessures involontaires dont les éléments matériels constitutifs correspondaient aux délits ayant fait l'objet de relaxes ;

Qu'il a constaté, pour retenir l'autorité de chose jugée et l'irrecevabilité de la demande de M. X..., que les éléments constitutifs de la contravention de blessures involontaires poursuivie correspondaient aux infractions d'absence de vérification de la conformité de l'équipement du travail fourni aux salariés et d'absence de formation pratique et appropriée en matière de sécurité, infractions dont M. B... a été relaxé ;

Attendu qu'il n'y a autorité de la chose jugée qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement et a été tranché dans son dispositif ;

Qu'en l'espèce, l'autorité de chose jugée du jugement du tribunal correctionnel ne s'attache qu'à l'égard de M.HERY, poursuivi certes à raison de sa fonction de gérant de l'EURL ROUEN HANDLING mais à titre personnel et non pas en sa qualité de représentant de cette dernière société ; que le tribunal correctionnel n'était saisi à l'encontre de l'EURL ROUEN HANDLING que d'une contravention de blessures involontaires dont il a constaté la prescription ; qu'il en résulte que le tribunal correctionnel n'a rendu à l'égard de l'EURL ROUEN HANDLING aucune décision revêtue de l'autorité jugée en dehors du constat de la prescription de la contravention ; que cette dernière contravention eût-elle été non prescrite et retenue que l'article 4-2 du Code de Procédure Pénale dissociant la faute pénale non intentionnelle de la faute civile, notamment pour ce qui a trait à la reconnaissance éventuelle de la faute inexcusable de l'employeur, elle n'était pas susceptible de faire obstacle à la recevabilité de la demande de M. X... fondée sur l'article L. 452-1 du code de la Sécurité Sociale ;

Attendu en conséquence que le jugement sera infirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de M. X... fondée sur l'article précité ;

Sur le fond de la demande de M. X... :

Attendu que l'employeur étant tenu d'une obligation de résultat de sécurité, la faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale est caractérisée lorsqu'il est établi que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié et qu'il n'avait pas pris les mesures nécessaires pour l'en protéger ;

Attendu qu'il résulte du dossier que la dégivreuse a été acquise en 1995 par la Société Régional Airlines dont le fonds et l'activité ont été reprises en 1997 par l'EURL ROUEN HANDLING ;

Que le jour de l'accident, le 29 janvier 2001, M. X... a entrepris, avec M. A... Bruno, autre salarié de l'EURL ROUEN HANDLING, de procéder au dégivrage d'un avion dont le décollage était imminent à l'aide de la dégivreuse mise à leur disposition ;

Que cette dégivreuse était composée d'une échelle fixée sur une plate-forme avec châssis mobile et tractée ;

Qu'il ressort du rapport dressé par l'APAVE et la gendarmerie que le dégivrage du bout de l'aile droite de l'avion venait d'être terminé et que M.THIREL conduisant le véhicule tracteur avait entrepris une manœuvre pour se rendre vers le milieu de l'aile ; que c'est alors que la passerelle a basculé, entraînant M. X... au sol qui a reçu l'ensemble sur son corps ;

Attendu que l'APAVE, sollicitée en 1996 par l'Entreprise Régional Airlines en vue de la vérification de la conformité de cette dégivreuse, avait établi un rapport le 19 juin 1996 duquel il ressortait que cet engin n'était pas conforme au regard des prescriptions relatives à la stabilité, jugée insuffisante ; que l'APAVE avait également constaté que la déclaration CE de conformité n'avait pas été présentée ; que cet organisme dans son rapport, avait préconisé des mesures à prendre pour remédier à la non-conformité des éléments en cause et notamment, celle d'installer un système permettant de verrouiller l'articulation du châssis sur l'essieu avant pour assurer une plus grande stabilité lors des interventions sur la plate-forme et de réclamer au fabricant une déclaration de conformité CE ;

Attendu que l'APAVE dans son rapport du 5 septembre 2002 adressé au Procureur de la République de ROUEN, relève que lors de l'accident, la dégivreuse est tombée au démarrage, que la possibilité de positionner l'essieu avant de la dégivreuse en dehors de l'axe défini par le véhicule de traction lui donne une instabilité insuffisante et que ce défaut est la cause première de l'accident ;

Attendu que l'APAVE relève que les entreprises utilisatrices de cette dégivreuse avaient été informées de la non-conformité du matériel par son rapport de 1996 mais qu'elles n'avaient pris aucune mesure pour les mettre en conformité aux normes réglementaires ;

Que l'APAVE relève enfin que l'employeur n'a pas été en mesure de présenter les attestations de formation à la sécurité, dont chaque salarié doit bénéficier, aux risques propres à leurs postes de travail ;

Que selon l'APAVE, les prescriptions des articles L.233-5, L.233-5-1, R.233-53 et L.231-3-1 et R.231-36 du Code du Travail ont été méconnues par l'employeur ;

Attendu que s'il ressort du rapport d'enquête de gendarmerie que l'EURL ROUEN HANDLING n'aurait pas eu connaissance du rapport de l'APAVE de 1996, cette circonstance ne peut décharger l'employeur de sa responsabilité quant aux mesures qui s'imposaient pour remplir son obligation de sécurité de résultat à l'égard de son salarié, à savoir en l'espèce mettre à sa disposition un matériel répondant aux critères de stabilité et de conformité aux normes réglementaires et lui fournir une formation appropriée pour l'utilisation de ce matériel, notamment au plan des mesures de sécurité ;

Que l'instabilité de cette dégivreuse était notoire parmi les salariés ; que le conducteur du véhicule tractant la dégivreuse n'avait pas suivi de formation à l'utilisation et à la conduite de cet ensemble alors que la nacelle a été déséquilibrée lors d'une manœuvre effectuée par le tracteur ;

Que l'employeur qui se devait de connaître les risques auxquels il exposait son salarié et prendre les mesures propres à y remédier, a commis une faute inexcusable en s'en abstenant ;

Attendu que M. X... qui, à la suite de cet accident du travail, a été gravement blessé, est en conséquence fondé à se prévaloir à l'encontre de l'EURL ROUEN HANDLING des dispositions de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, l'accident étant dû à la faute inexcusable de son employeur ;

Sur les conséquences et la demande de provision et d'expertise médicale :

Attendent que conformément à l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale, il convient de dire que M. X... a droit à la majoration de la rente et des indemnités qui lui sont dues ;

Qu'en application de l'article L. 452-3, M. X... a le droit de demander à son employeur la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales qu'il endure, le préjudice esthétique et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle ;

Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats que M.DIAS reste atteint à la suite de cet accident de séquelles importantes ; qu'il convient de faire droit à sa demande d'expertise médicale qui sera ordonnée conformément à l'article L. 141-1 du code de la sécurité sociale ;

Attendu que M. X... a été licencié pour inaptitude au mois de juin 2002 par son employeur ; que selon le certificat du Dr C... en date du 27 octobre 2003, M. X... souffre de lombalgies persistantes rebelles aux antalgiques et à différentes thérapeutiques, d'une perte de poids importante et d'un syndrome dépressif réactionnel ; que de nombreuses autres pièces médicales confirment cette situation ; que M. X... éprouve les plus grandes difficultés pour retrouver un emploi en raison de son état de santé ;

Attendu qu'il convient en conséquence de condamner l'EURL ROUEN HANDLING à lui verser une indemnité provisionnelle de 5.000 euros à valoir sur son préjudice définitif ;

Sur la demande de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Pyrénées orientales :

Attendu que l'EURL ROUEN HANDLING sera condamnée à rembourser à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie le montant des indemnités complémentaires qu'elle sera amenée à verser à M. X... en application de l'article L. 452-1 à L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;

Sur les frais :

Attendu qu'aux termes de l'article R.144-10 du Code de la Sécurité Sociale, la procédure est de principe gratuite et sans frais ; que toutefois, l'appelant qui succombe est condamné au paiement d'un droit qui ne peut excéder le 10e du montant mensuel du plafond prévu à l'article L. 241-3 mais peut-être dispensé du paiement de ce droit par une mention expresse figurant dans la décision ;

Qu'il convient de condamner l'EURL ROUEN HANDLING au paiement de ce droit évalué à la somme de 200 euros ;

Attendu que l'EURL ROUEN HANDLING sera en outre condamnée à verser à M. X... la somme de 1.200 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire :

Déclare M. X... recevable et fondé en son appel.

Infirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris et statuant à nouveau :

Déclare M. X... recevable en sa demande fondée sur l'article L. 452-1 du Code de la Sécurité Sociale.

Dit que l'accident du travail dont M. Rodolphe X... a été victime le 29 janvier 2001 est dû à la faute inexcusable de son employeur, l'EURL ROUEN HANDLING.

En conséquence, ordonne la majoration de la rente et des indemnités allouées à M. X....

Ordonne une expertise médicale dans les conditions des articles L. 141-1 R. 141-1 et suivants du code de la sécurité sociale et désigne pour y procéder le Dr D... Pierre-Marie, Service de Médecine Légale, CHU Rangueil - TSA 50032 - 31059 TOULOUSE CEDEX 9, inscrit sur la liste des experts dressée en matière de sécurité sociale par la Cour d'Appel de TOULOUSE, avec mission, conformément aux textes précités, de :

- voir et visiter M. Rodolphe X..., demeurant 8, rue des Glaïeuls-66200 THEZA. Se faire communiquer son dossier médical.

- décrire les suites de l'accident du travail dont il a été victime le 29 janvier 2001 sur l'aéroport de ROUEN alors qu'il effectuait un travail pour le compte de son employeur, l'EURL ROUEN HANDLING.

- Donner son avis sur la durée de l'incapacité de travail totale, sur la date de consolidation.

- Donner son avis sur le taux d'incapacité permanente partielle résultant de cet accident du travail.

- Donner son avis sur l'importance des souffrances endurées, le préjudice esthétique et le préjudice d'agrément et le préjudice professionnel.

Dit que l'expert désigné devra déposer son rapport dans les deux mois de la notification par le secrétariat greffe de la Cour de sa mission.

Dit que l'affaire après dépôt du rapport d'expertise, sera débattue à l'audience du 4 JUIN 2008 à 09 heures 30 de la Cour d'Appel de ROUEN.

Condamne l'EURL ROUEN HANDLING à verser à M. X... la somme de 5.000 euros à titre d'indemnité provisionnelle à valoir sur son préjudice définitif.

Condamne l'EURL ROUEN HANDLING à rembourser à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Pyrénées Orientales les indemnités qu'elle sera amenée à verser à M. X... en application de l'article L. 452-2 et 3 du code de la Sécurité Sociale.

Condamne l'EURL ROUEN HANDLING à verser à M. X... la somme de 1.200 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile .

Fixe à la somme de 200 euros le montant du droit fixe prévu à l'article R. 144-10 du code de la Sécurité Sociale.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Ct0481
Numéro d'arrêt : 07/1755
Date de la décision : 22/01/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Rouen, 20 mars 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rouen;arret;2008-01-22;07.1755 ?
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