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11/10/2007 | FRANCE | N°03/2293

France | France, Cour d'appel de Rouen, Ct0189, 11 octobre 2007, 03/2293


R.G : 03/02293

COUR D'APPEL DE ROUEN

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 11 OCTOBRE 2007

DÉCISION DÉFÉRÉE :

TRIBUNAL DE COMMERCE DE ROUEN du 09 Mai 2003

APPELANT :

Monsieur Antoine X...

18 Square du Clos des Poiriers

76240 BONSECOURS

représenté par la SCP COLIN VOINCHET RADIGUET ENAULT, avoués à la Cour

assisté de Me Michel DUBOS, avocat au barreau de Rouen

INTIMÉE :

S.A. SOFOC

7 impasse des Arts

18200 ORVAL

représentée par la SCP HAMEL FAGOO DUROY, avoués à la Cour

assi

stée de Me Marie-Paule CHAMBOULIVE, avocat au barreau de Bourges

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau Code d...

R.G : 03/02293

COUR D'APPEL DE ROUEN

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 11 OCTOBRE 2007

DÉCISION DÉFÉRÉE :

TRIBUNAL DE COMMERCE DE ROUEN du 09 Mai 2003

APPELANT :

Monsieur Antoine X...

18 Square du Clos des Poiriers

76240 BONSECOURS

représenté par la SCP COLIN VOINCHET RADIGUET ENAULT, avoués à la Cour

assisté de Me Michel DUBOS, avocat au barreau de Rouen

INTIMÉE :

S.A. SOFOC

7 impasse des Arts

18200 ORVAL

représentée par la SCP HAMEL FAGOO DUROY, avoués à la Cour

assistée de Me Marie-Paule CHAMBOULIVE, avocat au barreau de Bourges

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 06 Septembre 2007 sans opposition des avocats devant Madame BARTHOLIN, Présidente, rapporteur, en présence de Monsieur LOTTIN, Conseiller.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BARTHOLIN, Présidente

Monsieur LOTTIN, Conseiller

Madame VINOT, Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS :

Madame DURIEZ, Greffier

DÉBATS :

A l'audience publique du 06 Septembre 2007, où la présidente a été entendue en son rapport oral et l'affaire mise en délibéré au 11 Octobre 2007

ARRÊT :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 11 Octobre 2007, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile,

signé par Madame BARTHOLIN, Présidente et par Madame DURIEZ, Greffier.

*

* *

Exposé du litige

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, il est fait référence aux énonciations des arrêts précédemment rendus les 28 octobre 2004 et 17 novembre 2005 par cette cour.

Pour la compréhension du litige dont la cour est saisie, il suffit de savoir que M. X..., ancien agent commercial de la société Sofoc, avait assigné cette dernière en paiement de rappel de commissions, d'indemnités compensatrice et de préavis.

Ayant été débouté par le tribunal de commerce de Rouen de sa demande de rappel de commissions et s'étant vu allouer une indemnité compensatrice de rupture de 37.495 €, M. X... avait interjeté appel de cette décision.

Dans son arrêt rendu le 28 octobre 2004, la cour avait :

- confirmé le jugement entrepris en celles de ses dispositions qui avaient débouté M. X... de sa demande de rappel de provisions au titre du non-respect du taux de commissions pour les affaires non occultées, en ce qu'il avait retenu le principe de la condamnation de la société Sofoc au paiement d'une indemnité compensatrice en l'absence de faute grave de l'agent commercial, et en ce qu'il avait débouté les parties de leurs demandes faites sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- le réformant pour le surplus,

- avant-dire droit sur l'existence de commissions occultées et sur la fixation de l'indemnité compensatrice de rupture, enjoint à la société Sofoc, sous astreinte de 100 € par jour à compter du 90ème jour suivant la signification du présent arrêt, de produire un relevé des commandes, bons et factures relatifs aux livraisons effectuées aux 52 magasins Bricomarché situés dans le département de l'Eure et Loir et de la Seine Maritime, certifié par le commissaire aux comptes de la société Sofoc,

- débouté M. X... de sa demande d'indemnité provisionnelle, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, et réservé les dépens.

Dans son second arrêt du 17 novembre 2005, la cour, toujours avant dire droit, avait enjoint à la société DCEM, anciennement ITM MGI, de produire les bons de commande, bons de livraison et factures adressés par la société Sofoc à la société ITM MGI et se rapportant à la centrale d'achat d'Auneau (Eure et Loir) pour la période du 1er janvier 1995 au 24 juin 2002, en précisant le secteur géographique concerné par cette centrale d'achat, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 90ème jour suivant la signification du présent arrêt, et avait sursis à statuer sur les demandes au fond.

Enfin la cour, dans une ordonnance rendue le 16 novembre 2006 suite à une requête gracieuse de la société ITM EM faite sur le fondement de l'article 141 du Nouveau Code de Procédure Civile, a rétracté son arrêt du 17 novembre 2005 en ce qu'il avait enjoint à la société DCEM devenue ITM EM de produire les bons de commande sur l'ensemble de la période 1995-2002, de produire tous documents se rapportant à l'année 1995 et à la période du 1er juillet 2000 au 24 juin 2002, et de produire les bons de livraison relatifs à l'année 1998.

Les factures produites par la société ITM EM ont été communiquées aux débats et l'ordonnance de clôture est intervenue le 6 septembre 2007.

Prétentions et moyens des parties

Pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions signifiées le 25 juillet 2007 par M. X... et le 12 juillet 2007 par la société Sofoc.

M. X... sollicite la condamnation de la société Sofoc à lui régler une somme de 131.677,53 € TTC avec intérêts de droit à dater des "présentes conclusions" à titre de rappel de commissions sur chiffre d'affaires Bricomarché occulté du 5 janvier 1996 au 23 mars 2000, une somme de 79.037,89 € à titre d'indemnité compensatrice avec les intérêts de droit à compter de l'assignation du 15 octobre 2002 et le bénéfice de l'article 1154 du Code civil à dater des conclusions du 16 septembre 2004, et une indemnité de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La société Sofoc demande à la cour de débouter M. X... de toutes ses demandes et de le condamner au paiement d'une somme de 5.000 € par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Sur ce, la Cour,

Sur le principe du droit à commission de M. X... sur les achats effectués par la société DCEM puis par la société ITM EM

Sur le fondement de l'article L 134-6 du Code de commerce qui a transposé en droit interne la directive de la CEE du 18 décembre 1986, M. X..., qui fait valoir que son mandant la société Sofoc a vendu directement à la centrale d'Auneau située dans son secteur des marchandises entre 1996 et 2000 sur lesquelles, en application de son contrat d'agent commercial, son mandant aurait dû lui verser des commissions qui ont été occultées, souligne que le droit à commission n'est pas subordonné à l'intervention de l'agent dans la négociation commerciale.

Pour s'opposer à ces prétentions, la société Sofoc indique que la demande équivaut à solliciter des commissions sur le chiffre d'affaires qu'elle réalise avec l'ensemble des magasins Bricomarché sur l'ensemble du territoire national.

Affirmant que la plate-forme d'Auneau n'est qu'un entrepôt logistique destiné à alimenter en marchandises les différents magasins, elle fait valoir que les factures litigieuses sont libellées non à l'ordre de la société DCEM ou ITM mais au nom de la société Bricomarchandises France, dont le siège serait situé à Paris.

Rappelant que le critère principal retenu par la cour de justice des communautés européennes pour définir le client "appartenant au secteur"de l'agent, notion dégagée par la directive 86/653 de la CEE du 18 décembre 1986 et reprise par l'article L 134-6 du code de commerce, est celui de ses activités commerciales effectives, elle soutient que les autres critères retenus par cette juridiction en cas de lieux multiples d'activité lorsqu'il s'agit d'une personne morale permettent également d'exclure en l'espèce le droit à commission de M. X....

La société Sofoc fait également valoir que la cour de cassation, saisie d'un litige concernant des ventes effectuées par un tiers (au contrat d'agent commercial) à des clients appartenant au secteur de l'agent, a par arrêt du 19 décembre 2006 sursis à statuer et posé une question préjudicielle à la cour de justice des communautés européennes aux fins d'interprétation de la directive susvisée.

En conclusion, la partie intimée affirme que son agent ne peut prétendre se faire commissionner sur des ventes qu'il n'a pas traitées concernant des marchandises destinées à des magasins situés hors de son secteur, sans qu'il y ait eu de négociations dans ce secteur, et alors que les commandes des 400 points de vente Bricomarché ne sont pas le fruit de ses efforts.

Toutefois l'agent commercial, lorsqu'il est chargé d'un secteur géographique, a droit à la commission afférente aux opérations conclues avec des clients appartenant à ce secteur, même si elles l'ont été sans son intervention.

Lorsque le client est une personne morale, c'est le lieu de ses activités commerciales effectives, lequel ne correspond pas nécessairement à celui de son siège social, qui doit être retenu pour déterminer si elle appartient ou non au secteur dévolu à l'agent.

En l'espèce, les ventes sur lesquelles M. X... sollicite des commissions ne sont pas celles conclues entre un tiers au contrat d'agent commercial, la centrale d'achats Bricomarché ( DCEM devenue ITM EM), et les centaines de magasins Bricomarché situés sur le territoire national, mais sont celles conclues entre son mandant la société Sofoc et la dite centrale d'achats. La question préjudicielle posée par la chambre commerciale de la cour de cassation à la cour de justice des communautés européennes est en conséquence sans incidence sur la solution du présent litige.

Pour le même motif, il importe peu que par la suite la centrale d'achats ait revendu les marchandises à des magasins Bricomarché dont la plupart sont situés en dehors du secteur attribué à M. X..., ces opérations étant étrangères au présent litige.

La société DCEM devenue ensuite ITM EM a reconnu avoir commandées les marchandises correspondant aux factures qu'elle produit pour la période 1996-2000 puisqu'elle a indiqué au cours d'un incident de procédure ne pas être restée en possession des bons de commande.

La société Sofoc ne conteste d'ailleurs pas avoir négocié avec la société DCEM-ITM EM et le fait que les factures ont été établies à l'ordre de Bricomarchandises France "pour des raisons administratives" est indifférent dès lors qu'il n'est pas justifié que cette appellation corresponde davantage à la dénomination exacte de la société DCEM-ITM EM plutôt qu'à son nom commercial.

S'agissant du lieu des activités de ce client, force est de constater, même si son siège social est situé à Paris, qu'il n'est pas fait état d'autres activités commerciales que celles de l'établissement d'Auneau, dont il n'est pas contesté qu'il est situé dans le secteur de M. X..., et qui a commandé les marchandises, lesquelles ont été également livrées à Auneau. Son activité commerciale ne saurait en effet être localisée dans des magasins de vente au détail qu'elle n'exploite pas.

Si M. X... avait lui-même négocié ces ventes, il y a lieu de considérer que cette négociation aurait été effectuée également à Auneau.

Ainsi tous les critères dégagés par la cour de justice des communautés européennes dans son arrêt rendu le 12 décembre 1996 pour définir la notion de client appartenant au secteur de l'agent conduisent à faire droit au principe du commissionnement de M. X... sur les ventes de la société Sofoc à la société DCEM devenue ITM EM.

Sur le montant des demandes faites au titre des commissions occultées et de l'indemnité de rupture

A titre subsidiaire, la société Sofoc soutient que M. X... ne peut solliciter l'application du taux contractuel de 8 % sur des ventes auquel il est totalement étranger, alors que ce taux est réservé par l'article 6 du contrat aux seules affaires traitées par l'agent dans son secteur, et qu'à défaut de précisions dans le contrat, il appartient au juge de fixer un taux de commission au regard de l'équité comme l'a fait la jurisprudence en réduisant le taux de commissionnement lorsque le référencement a pour conséquence la substitution d'une livraison entrepôt à la vente directe en magasin.

La partie intimée souligne à cet égard que le taux de commissions de ses agents pour ce type d'opérations varie de 0 à 3,5 %.

Toutefois la seule décision jurisprudentielle produite n'a pas consacré l'application d'un taux différent de celui mentionné au contrat mais a retenu comme fautif, dans le cadre de la rupture des relations contractuelles, le refus de l'agent de convenir d'un taux inférieur pour les ventes correspondant à un référencement.

En l'espèce, la société Sofoc n'a jamais sollicité M. X... aux fins de voir réduire son taux de commission sur des ventes qui n'ont d'ailleurs pas été portées à sa connaissance.

Il résulte de l'article 1134 du Code civil que le contrat fait la loi des parties.

La convention d'agent commercial du 2 janvier 1989 stipule un taux de commission de 8 % sur les résultas permanents et de 5 % sur les produits promotion, sans qu'il soit prévu un taux différent pour les ventes effectuées dans le cadre d'un référencement.

Les clauses existant à ce titre dans les contrats conclus avec d'autres agents que M. X... ne peuvent être invoquées à l'encontre de ce dernier.

Les commissions au titre des opérations occultées seront en conséquence calculées sur l'ensemble des factures communiquées aux débats au titre de la période 1996-2000, soit un montant total de 9.027.465,94 francs HT qui n'est pas contesté par la société Sofoc, et sur la base d'un taux de 8 %.

La société Sofoc sera en conséquence condamnée à payer à M. X... au titre des commissions occultées une somme de 722.197,27 franc HT soit 863.747,94 francs TTC ou 131.677,52 €, avec intérêts au taux légal à compter des conclusions signifiées le 25 juillet 2007.

L'indemnité compensatrice prévue par l'article L134-12 du code de commerce a pour objet de réparer le préjudice causé à l'agent par la cessation de ses relations avec le commettant.

En l'espèce, le contrat d'agent commercial de M. X... a duré plus de treize ans, mais les commissions sur les ventes effectuées au centre d'Auneau avaient cessé depuis 2000, date à laquelle le groupe Bricomarché avait modifié son mode de distribution.

En outre les chiffres avancés par l'appelant dans le tableau figurant en page 13 de ses conclusions correspondent aux commissions TTC alors que le calcul doit être effectué sur le montant des commissions hors taxes.

En considération des usages, de la durée des relations contractuelles et des commissions perçues sur les années 2001 et 2002, la cour confirmera l'évaluation faite par le tribunal de l'indemnité compensatrice de préavis.

Cette condamnation sera assortie en outre des intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 15 octobre 2002 avec le bénéfice de la capitalisation de ces intérêts à compter du 16 septembre 2004 dans les conditions prévues par l'article 1154 du Code civil.

Les parties seront déboutées de leurs demandes faites sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS

Vu nos précédentes décisions rendues le 28 octobre 2004, le 17 novembre 2005 et le 16 novembre 2006,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Sofoc à payer à M. Antoine X... la somme de 37.695 € à titre d'indemnité compensatrice de rupture avec intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2002,

Le réformant et y ajoutant,

Condamne la société Sofoc à payer à M. Antoine X... à titre de rappel sur le chiffre d'affaires occulté une somme de 131.677,53 € avec intérêts au taux légal à compter du 25 juillet 2007,

Condamne la société Sofoc à payer, à compter du 16 septembre 2004 et dans les conditions prévues par l'article 1154 du Code civil, les intérêts au taux légal sur les intérêts dus sur la somme de 37.695 € allouée à titre d'indemnité compensatrice,

Déboute tant M. Antoine X... que la société Sofoc de leurs demandes faites sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Condamne la société Sofoc à payer les dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Ct0189
Numéro d'arrêt : 03/2293
Date de la décision : 11/10/2007

Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Rouen, 09 mai 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rouen;arret;2007-10-11;03.2293 ?
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