R.G. : 06/03804
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU 18 SEPTEMBRE 2007
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE DIEPPE du 06 Septembre 2006
APPELANTES :
SOCIÉTÉ ANM
Rue du Moulin Bleu
76270 NEUFCHATEL EN BRAY
représentée par Me Gwenahel THIREL, avocat au barreau de ROUEN
SOCIÉTÉ ANR
Le Moulin Bleu
RD n 1
76270 NEUFCHATEL EN BRAY
représentée par Me Gwenahel THIREL, avocat au barreau de ROUEN
INTIMES :
Me Emmanuel HESS - Administrateur judiciaire de la SOCIÉTÉ ANR
6, rue Dupleix
76600 LE HAVRE
non comparant, ni représenté
régulièrement convoqué par lettre recommandée avec avis de réception
Me Philippe LEBLAY - Représentant des créanciers de la SOCIÉTÉ ANR
46 rampe Beauvoisine
76000 ROUEN
non comparant, ni représenté
régulièrement convoqué par lettre recommandée avec avis de réception
C.G.E.A. - A.G.S
98, avenue de Bretagne
76108 ROUEN CEDEX 1
représenté par Me Benoît DAKIN, avocat au barreau de DIEPPE
Monsieur Stéphane Z...
Les Tabourettes
Lieudit Le Bosset
38780 ESTRABLIN
comparant en personne,
assisté de Me Marie-Pierre OGEL, avocat au barreau de DIEPPE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 13 Juin 2007 sans opposition des parties devant Madame RAYNAL-BOUCHÉ, Conseiller, magistrat chargé d'instruire seul l'affaire,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame PAMS-TATU, Président
Madame RAYNAL-BOUCHÉ, Conseiller
Monsieur MOUCHARD, Conseiller
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Monsieur CABRELLI, Greffier
DEBATS :
A l'audience publique du 13 Juin 2007, où l'affaire a été mise en délibéré au 18 Septembre 2007
ARRET :
REPUTE CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 18 Septembre 2007, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile,
signé par Madame PAMS-TATU, Président et par Monsieur CABRELLI, Greffier présent à cette audience.
EXPOSÉ SUCCINCT DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. Z... a été engagé par la société ANR, selon contrat à durée indéterminée, en qualité de responsable d'atelier, statut cadre, le 1er septembre 2002 ; le 23 mars 2004, la société était placée en redressement judiciaire, selon décision du Tribunal de Commerce de Neufchâtel-en-Bray.
Le 24 juin 2004, il était licencié pour motif économique, après autorisation du juge-commissaire.
Contestant le bien-fondé de son congédiement, il saisissait le conseil de prud'hommes de DIEPPE qui, selon jugement du 6 septembre 2006 :
- mettait hors de cause Me HESS et Me LEBLAY, ès qualités de la société ANR ;
- condamnait solidairement les sociétés ANR et ANM à régler à M. Z... les sommes de :
• 17.496 € à titre de dommages-intérêts,
• 616 € à titre de rappel de prime de Noël 2003 et de vacances 2004,
• 350 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- déboutait M. Z... du surplus de ses demandes ;
- déboutait les société ANR et ANM de leur demande reconventionnelle ;
- donnait acte au CGEA-AGS de leur intervention.
C'est dans ces conditions que les sociétés ANM et ANR interjetaient appel faisant valoir :
que le conseil de prud'hommes a retenu, à tort, que le licenciement repose sur une légèreté blâmable, au motif que les difficultés économiques de la société étaient connues au moment de la signature du contrat de travail de M. Z... ;
qu'il n'a pas examiné les six griefs qui fondent le licenciement ;
que la société ANR n'avait pas d'autre choix pour licencier le salarié, étant le seul cadre de production ;
que le reclassement était impossible au sein du groupe, et en particulier de la société ANM qui n'a toujours pas de cadres ;
que la prime de Noël a été supprimée.
En conclusion, il est demandé :
- la réformation du jugement ;
- le débouté de M. Z... de toutes ses demandes ;
- sa condamnation au paiement de la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
M. Z... expose que :
les sociétés ANR et ANM ont la qualité d'employeur conjoint car elles constituent une même entité économique, comme ayant la même direction, des activités complémentaires et la même convention collective ;
les difficultés économiques étaient connues au moment de l'embauche et le licenciement est intervenu vingt mois plus tard ;
des recherches de reclassement n'ont pas été tentées ;
la société ANR ne démontre pas avoir respecté des critères d'ordre de licenciement ;
les primes sont dues, à défaut pour l'employeur de les avoir régulièrement dénoncées.
En conclusion, il est sollicité :
- la confirmation de la décision du conseil de prud'hommes de DIEPPE ;
- la condamnation solidaire des sociétés ANR et ANM à lui régler une somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
- à titre subsidiaire, la condamnation des deux sociétés à lui payer la somme de 17.496 € pour non-respect des critères de choix.
L'AGS-CGEA de ROUEN a repris à son compte les arguments développés par Me HESS et Me LEBLAY, ès qualités, et a rappelé les limites de sa garantie.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'existence d'une entité économique et sociale entre les sociétés ANR et ANM n'est pas contestée.
I - Sur le licenciement
La lettre de licenciement en date du 24 juin 2994 est ainsi libellée :
"...Comme nous vous l'avons indiqué lors de cet entretien, votre contrat est rompu pour les motifs économiques suivants :
- Au cours de l'année 2003 (exercice clos 30.09.03) le chiffre d'affaires de la société a baissé de 3,5 % par rapport à 2002 qui lui-même était en retrait de 8,4 % par rapport à l'année précédente. Sur 2 années la baisse du chiffre d'affaires est de 11,6 %.
- Les résultats de l'entreprise sont également en net replis :
30.09.2001 + 44.557,00 €
30.09.2002 - 6.469,00 €
30.09.2003 - 177.707,00 €
- Ce résultat catastrophique de l'exercice 2003 en dehors de la nouvelle baisse du chiffre d'affaires résulte du dossier "outillage LEGRAND" qui a généré une perte de l'ordre de 150.000 €. Ce marché qui aurait dû apporter une contribution permettant à l'entreprise d'être proche de son niveau d'équilibre et permettre de pérenniser les emplois créés depuis les dernières années l'a au contraire extrêmement fragilisée et déstabilisée.
- Le chiffre d'affaires sur le quatrième trimestre 2003 a encore été en retrait par rapport à l'année précédente : 340.063,00 € pour 376.405,00 €.
- Des mesures ont été prises dès la fin de l'année 2003 pour tenter de redresser la situation :
- licenciement de 5 salariés.
- non remplacement d'un salarié à la suite d'une démission.
- La très forte baisse du chiffre d'affaires au cours du premier trimestre 2004, 317.221,00 € pour 456.915,00 € l'année précédente due au contexte économique général de notre secteur d'activité mais également à la perte d'activité générée pendant le déménagement de notre filiale ANM afin de réduire les coûts, et la charge des coûts de licenciement de fin 2003, ont eu pour conséquence que la société s'est trouvée dans l'impossibilité de faire face à ses échéances.
- Dans l'incapacité de faire face à son passif exigible M. B... a été contraint de faire une déclaration de cessation des paiements et une procédure de redressement judiciaire a été ouverte par le tribunal de commerce de Neufchâtel-en-Bray, en date du 23 mars 2004.
- Pour espérer proposer un plan de redressement assurant la pérennité de l'entreprise, il convient aujourd'hui d'adapter l'effectif aux nouvelles conditions d'exploitation.
- Cette adaptation de l'effectif doit intervenir tant sur les postes d'encadrement et de structure commerciale que sur les postes de techniciens.
Cette réorganisation entraîne la suppression de votre poste et votre licenciement, autorisé par ordonnance en date du 3 juin 2004, du juge-commissaire qu'a constaté le caractère urgent, indispensable et inévitable de cette mesure.
Par ailleurs, les mesures de reclassement mises en oeuvre tant en externe qu'en interne sont malheureusement restées vaines à ce jour...".
Cette lettre vise expressément l'ordonnance du juge-commissaire de telle sorte que la cause de la rupture a déjà fait l'objet d'un contrôle judiciaire ; il ne peut donc plus y avoir de discussion sur les difficultés économiques, ni la suppression d'emploi.
En ce qui concerne le reclassement, la société soutient qu'il n'était possible ni en son sein, ni au sein de la société ANM, également placée sous le régime de la procédure collective, par jugement du Tribunal de Commerce de Neufchâtel-en-Bray, en mars 2004.
Mais ces explications ne sont pas satisfaisantes car la société ne justifie d'aucune diligence en la matière, procédant par affirmations.
C'est pourquoi, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur l'ordre des licenciements, le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse ; la décision doit être confirmée, de ce chef, en ce qui concerne les conséquences financières.
II - Sur le rappel de salaire sur primes
Les premiers juges ont retenu, avec pertinence, que l'employeur ne justifiait pas d'une dénonciation régulière de ces primes.
Enfin, l'équité et les circonstances de la cause ne justifient pas qu'il soit fait application en appel de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en faveur de M. Z....
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en faveur de M. Z... en appel ;
Donne acte à l'AGS-CGEA de son intervention et de ses réserves ;
Condamne les sociétés ANR et ANM aux dépens.
Le greffier Le président